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Mise au point
Les fractures, luxations et entorses digitales chez l’enfant Finger bone and joint trauma of the hand in children F. Fitoussi Service de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’enfant, université Paris 6, hôpital Trousseau, 26, rue du Dr-Netter, 75012 Paris, France Reçu le 1er août 2012 ; reçu sous la forme révisée le 24 février 2013 ; accepté le 13 mars 2013 Disponible sur Internet le 8 avril 2013
Résumé Les traumatismes des doigts de l’enfant sont une cause fréquente de consultation aux urgences traumatologiques pédiatriques. Les fractures sont les lésions les plus fréquentes avec deux localisations préférentielles : 1) extraphysaire de la phalange distale, par mécanisme d’écrasement par une porte, les jeunes enfants étant le plus souvent touchés ; le pronostic est lié aux lésions des parties molles souvent associées ; 2) physaires de la phalange proximale, surtout chez les préadolescents au cours d’activités sportives ; l’index et l’auriculaire sont plus fréquemment atteints. Les luxations et entorses sont plus rares chez l’enfant. L’articulation interphalangienne proximale est plus souvent le siège d’une lésion de la plaque palmaire au cours d’un mécanisme d’hyperextension. Le traitement des fractures de la main de l’enfant sera le plus souvent orthopédique et l’évolution favorable. Le clinicien devra néanmoins dépister les traumatismes nécessitant une prise en charge chirurgicale, un défaut de reconnaissance de ces lésions en urgence pouvant mener à des séquelles définitives. Ces lésions sont essentiellement les fractures articulaires, les fractures déplacées des cols des phalanges, et les troubles de rotation. Certains cals vicieux peuvent se corriger sous l’effet de la croissance, sous réserve que celle-ci ait un potentiel suffisant, que le cal vicieux soit extra-articulaire et n’implique pas de trouble de rotation. Les pseudarthroses et les raideurs digitales sont exceptionnelles et sont l’apanage des traumatismes sévères pluritissulaires. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Fracture ; Luxation ; Entorse ; Traumatismes de la main ; Enfant
Abstract The hand is the most commonly injured location of a child. Fractures of the digits are the most frequent lesions with two specific locations: 1) in the young child, the fracture is usually a crush injury, such as occurs when a hand gets caught in a door, with lesion of the distal phalanx; soft tissue associated injuries are the main problem in this location; 2) in the older child, the fracture is usually secondary to recreational sports, with lesion on the proximal phalanx of the second and fifth digits. Dislocations or sprains are less common. Most interphalangeal joint injuries occur at the proximal interphalangeal joint and are secondary to hyperextension with as results a volar plate injury. Most fingers injuries in children are treated non operatively with a favorable outcome. The treating physician should however identify those clinical situations that require surgery, as complications are most commonly due to a failure to identify and treat an injury requiring an operation acutely. These injuries include intra-articular fractures, displaced phalangeal neck fractures, and malrotated fractures. Malrotation or intra-articular malunion have no remodeling capacity. Non-union and stiff digits are uncommon but a significant trauma or a high-energy mechanism with severe soft tissues injuries appears to be a factor of risk. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Fracture; Dislocation; Sprain; Hand injuries; Children
1. Introduction Les fractures de la main de l’enfant sont fréquentes et arrivent en deuxième position après les fractures du poignet.
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L’incidence annuelle est de 26,4 pour 10 000 enfants, avec un pic de fréquence aux alentours de 13 ans en raison des activités sportives ou ludiques. Leur prise en charge est le plus souvent orthopédique et ambulatoire, et l’évolution en est globalement favorable, grâce notamment à la capacité de voir se corriger certains cals vicieux sous l’effet de la croissance. Certaines fractures nécessitent néanmoins une attention particulière en
1297-3203/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.03.001
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raison de risques de séquelles ou de trouble de croissance [1]. En plus des fractures des phalanges, cet article traitera des luxations et entorses digitales. 2. Fractures des phalanges 2.1. Fractures des phalanges proximale (P1) et moyenne (P2) 2.1.1. Fractures – décollements épiphysaires des bases des phalanges Les fractures de la physe sont en majorité de fracture de type II de Salter et Harris et sont les plus fréquentes. Les doigts souvent atteints sont les deuxième et cinquième au cours d’un mécanisme d’écartement. Il s’agit en réalité de fractures dites juxtaépiphysaires, puisqu’il existe une petite « chips » osseuse (Fig. 1) sur le versant métaphysaire [2,3]. Ces lésions sont souvent instables et nécessitent un contrôle radiographique dans la semaine suivant le traumatisme, un déplacement secondaire étant plus difficile à réduire orthopédiquement après le dixième jour. Lorsque la fracture n’est pas déplacée, le traitement fait appel à une immobilisation pour une durée d’un mois avec une radiographie de contrôle au septième jour. L’immobilisation peut comprendre une attelle métal-mousse en syndactylie avec les doigts voisins. Lorsque la fracture est déplacée, la croissance potentielle résiduelle permet de tolérer certains déplacements. Les déplacements tolérés avant dix à 12 ans sont [4,5] : dans le plan sagittal : 20 à 308 ; dans le plan frontal : 10 à 158. Lorsqu’il existe une indication de réduction, les fractures de type I et II de Salter et Harris sont facilement réduites, parfois avec l’aide d’un stylo mis dans l’espace commissural, articulations métacarpophalangiennes (MCP) en flexion pour mettre en tension les ligaments collatéraux [6]. Cette réduction
Fig. 1. Fracture juxtaépiphysaire de la base de la phalange proximale.
Fig. 2. Fractures ouvertes de type juxtaépiphysaire de la base des phalanges proximale et moyenne du deuxième rayon avant (A) et après ostéosynthèse (B).
peut être réalisée aux urgences sous antalgiques et sédation consciente par MEOPA. Dans certains cas, le recours à l’anesthésie générale peut être nécessaire. En cas d’instabilité, d’irréductibilité, de trouble de rotation persistant ou d’ouverture cutanée, le traitement est chirurgical et fait habituellement appel à brochage, percutané ou par un abord dorsal (Fig. 2). Une incarcération du périoste, de la dossière de l’extenseur ou de l’appareil fléchisseur peut expliquer une irréductibilité. Une forme particulière réalise une véritable « énucléation » de l’épiphyse proximale qui ne tient que par ses attaches ligamentaires : lors de l’abord du foyer, il convient de respecter la vascularisation qui est apportée par les ligaments collatéraux. 2.1.2. Fractures articulaires des bases des phalanges Les fractures articulaires peuvent réaliser un type III de Salter et Harris (Fig. 3A). Le mécanisme est une avulsion par le ligament collatéral au cours d’un mouvement forcé. Ces fractures touchent le plus souvent l’articulation MCP au niveau de la base de la phalange proximale. Les ligaments collatéraux des articulations interphalangiennes proximales (IPP) ont une insertion plus distale sur la
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Fig. 3. Fracture de type Salter III de la base du troisième rayon avant (A) et après ostéosynthèse (B).
Fig. 4. Fracture de type Salter IV de la base de la phalange moyenne avant (A) et après ostéosynthèse (B).
métaphyse et sur la plaque palmaire de la phalange moyenne, rendant plus difficile la possibilité d’un arrachement physaire à ce niveau. Les rares lésions réalisées à ce niveau seront alors de type IV de Salter et Harris (Fig. 4A). Lorsqu’elles sont déplacées, leur réduction doit être la plus anatomique possible. En effet, outre la marche d’escalier articulaire qui possède un potentiel arthrosique, il existe un risque d’épiphysiodèse en cas de réduction imparfaite. Le traitement est donc chirurgical par abord dorsal du foyer de fracture, réduction et stabilisation par ostéosynthèse (broche ou vis selon la taille du fragment) (Fig. 3B et 4B). Une forme rare réalise une séparation-enfoncement de la base de la phalange moyenne. Il s’agit le plus souvent d’adolescents et le traitement rejoint les techniques décrites chez l’adulte, notamment par mobilisation en distraction [7].
de la fracture, et de la traction en flexion des intrinsèques sur le fragment proximal. Les troubles de rotation sont fréquents (Fig. 5). Les fractures diaphysaires fermées déplacées sont traitées le plus souvent par réduction orthopédique au bloc opératoire sous anesthésie. La distance par rapport au cartilage de croissance proximal étant plus importante que pour les fractures des bases, le remodelage sous l’effet de la croissance sera plus faible. En cas d’instabilité, d’irréductibilité ou d’ouverture cutanée, le traitement est chirurgical et fait habituellement appel à un brochage en croix, en évitant si possible de traverser les zones de croissance. Certaines fractures par mécanisme d’écrasement sont comminutives et comportent plusieurs traits longitudinaux. Il faut éviter, si possible, d’aborder chirurgicalement ces lésions complexes et assurer une ostéosynthèse d’alignement sans chercher à obtenir une réduction anatomique.
2.1.3. Fractures diaphysaires Comme chez l’adulte, le déplacement de la phalange proximale se fait le plus souvent en extension en raison de l’insertion de la bandelette médiane, de la course des bandelettes latérales, situées dorsalement par rapport à l’axe
2.1.4. Fractures des cols des phalanges Apanage du jeune enfant, le mécanisme est un cisaillement entre deux objets lourds, le plus souvent une porte. Les lésions des parties molles peuvent être sévères, aboutissant parfois à
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Fig. 6. Fracture du col de la phalange moyenne avec bascule à 90 degrés.
degré de remodelage, surtout au niveau de l’articulation interphalangienne distale (IPD) [9,10]. Il faudra être moins tolérant sur les fractures du col de la phalange proximale, un cal vicieux en extension pouvant limiter l’amplitude de flexion de l’IPP par effet de blocage palmaire lié au comblement de la fossette sous-capitale. Lorsque la fracture est très déplacée, elle devra être réduite au bloc opératoire sous anesthésie générale, en évitant d’aborder le foyer de fracture. En effet, la vascularisation de la tête de la phalange étant précaire (arcade anastomotique venant du col, apport le long des ligaments collatéraux), il faudra éviter d’aggraver l’état vasculaire par un abord chirurgical du foyer. La réduction est réalisée par traction dans l’axe, puis en flexion de l’IPP. En cas de difficulté, on peut s’aider d’une broche percutanée dorsale mise en intrafocal et faisant un effet de levier [11,12], ou par une broche temporaire mise transversalement dans la phalange moyenne, afin d’assurer une meilleure force de traction. Le plus souvent instables, ces fractures seront fixées par de petites broches ou aiguilles percutanées en croix mises de distal à proximal et conservées un mois (Fig. 7). Les séquelles des fractures des cols de phalanges sont difficiles à traiter [13] et sont de deux types :
Fig. 5. A, B. Fracture diaphysaire de la phalange proximale de face (A) et de profil (B) avec trouble de rotation.
une dévascularisation de mauvais pronostic [8]. Chez l’enfant plus grand, le mécanisme est une hyperextension et touche préférentiellement la phalange proximale. Dans les deux cas, le déplacement se fait le plus souvent en extension ; il va d’une simple bascule à un désengrènement complet avec rotation de 908 (Fig. 6). La radiographie peut sous-estimer la taille du fragment distal, celui-ci étant essentiellement cartilagineux chez le jeune enfant. Loin du cartilage de croissance, le remodelage sera faible. En cas de bascule modérée, le traitement pourra être orthopédique, le jeune âge de l’enfant autorisant un certain
elles se traduisent le plus souvent par un cal vicieux en extension ou en déviation frontale (Fig. 8). Un remodelage est possible chez les jeunes enfants, surtout au niveau de l’IPD et en l’absence de troubles de rotation [10]. Un cal vicieux récent pourra être traité par ostéoclasie percutanée à l’aide d’une broche [14]. Un défaut de flexion persistant de l’IPP par cal vicieux en bascule dorsale de la tête de la phalange proximale pourra faire discuter un remodelage chirurgical de la fossette sous-capitale par voie palmaire [15]. Un cal vicieux avec déviation frontale pourra faire discuter une ostéotomie sous-capitale de correction. Il faudra souvent attendre une ou deux années, selon la tolérance de l’enfant et de la famille, avant de proposer une reprise chirurgicale [9] ; l’autre séquelle des fractures des cols des phalanges est représentée par les nécroses de la tête [16], source de raideur
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Fig. 7. Brochage en croix d’une fracture du col de la phalange moyenne.
articulaire et de déviation (Fig. 9). Ces nécroses sont observées surtout en cas de fracture ouverte ou d’abord extensif du foyer de fracture. En cas de désaxation progressive, il faudra proposer, à distance du traumatisme, une ostéotomie de correction passant par le col de la phalange, voire une arthrodèse si l’articulation n’est plus fonctionnelle. 2.1.5. Fractures articulaires des têtes des phalanges Elles peuvent être uni- ou bicondyliennes. Il faut se méfier de l’absence de déplacement visible sur la radiographie de face, alors que la radiographie de profil montre une image en double contour des condyles. En cas de doute, il faut demander des incidences de trois-quarts [17]. Certaines fractures strictement non déplacées peuvent être traitées orthopédiquement. Il faut vérifier l’absence de déplacement secondaire par une radiographie de contrôle hors attelle à une semaine. Lorsqu’elles sont déplacées, ces fractures vont nécessiter un traitement chirurgical, un cal vicieux articulaire étant générateur d’arthrose et de désaxation. Un abord dorsal est habituellement pratiqué avec, au niveau de l’IPP, un passage entre bandelettes centrale et latérale de l’appareil extenseur. La réduction doit être la plus anatomique possible, aucun remodelage d’un cal vicieux articulaire ne pouvant être espéré sous l’effet de la croissance. Au cours de l’abord chirurgical, il faut veiller à préserver la vascularisation des fragments en respectant les ligaments collatéraux et la capsule articulaire palmaire. La fixation peut être assurée par des broches, ou une micro-vis chez le grand enfant. En cas de cal vicieux, notamment lors d’une fracture unicondylienne, une ostéotomie extra-articulaire de correction pourra être réalisée au niveau du col de la phalange. Il faudra en effet éviter une ostéotomie intra-articulaire, source d’enraidissement supplémentaire. En cas d’enraidissement définitif par fracture articulaire de l’IPP, on pourra discuter un transfert articulaire vascularisé d’orteil [18].
Fig. 8. Cal vicieux d’une fracture du col de la phalange proximale avec déviation frontale clinique (A) et aspect radiologique (B, C).
2.2. Fractures des phalanges distales (P3) 2.2.1. Fractures extra-articulaires Parmi les fractures extra-articulaires de la phalange distale, on distingue les fractures épargnant le cartilage de croissance
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Fig. 9. Nécrose partielle de la tête de la phalange proximale du pouce avec déviation frontale, séquelle d’une fracture du col.
des fractures physaires, généralement des types I de Salter et Harris. Le mécanisme est habituellement un écrasement, plus rarement une hyperflexion ou une hyperextension. Les lésions des parties molles sont fréquentes du fait du mécanisme, avec au maximum une amputation distale. Les fractures épargnant le cartilage de croissance peuvent être transverses, longitudinales ou comminutives. Le fragment distal est souvent minime (fracture de la « houppe ») mais, même en cas de fragment plus volumineux, aucune ostéosynthèse n’est habituellement nécessaire, les pseudarthroses étant exceptionnelles chez l’enfant dans cette localisation. Les décollements épiphysaires sont le plus souvent déplacés en flexion du fait de l’insertion du fléchisseur profond en aval du cartilage de croissance alors que l’extenseur s’insère sur l’épiphyse (Fig. 10). L’aspect clinique peut évoquer un mallet finger [19]. La lésion de Seymour réalise dans ce cadre une incarcération de la matrice unguéale dans le foyer fracturaire [20]. Elle peut se traduire cliniquement par une simple désinsertion de la base de l’ongle avec hématome sous-unguéal.
Fig. 10. Déplacement en flexion d’une fracture décollement épiphysaire de la base de la phalange distale.
Fig. 11. Avulsion du tendon extenseur réalisant un type III de Salter et Harris (A). Ostéosynthèse par une broche axiale et une broche fixant le fragment (B).
Il faudra alors, au bloc opératoire, retirer la tablette de l’ongle et désincarcérer la matrice du foyer de fracture pour assurer sa suture. L’absence de reconnaissance de cette lésion aboutit le plus souvent à une ostéite et une dystrophie unguéale majeure. En l’absence de déplacement ou d’ouverture, ces fractures nécessitent une simple attelle segmentaire pour deux ou trois semaines. En cas d’ouverture, elles doivent être fixées par une broche axiale en raison de l’instabilité patente ou potentielle créée par la traction du fléchisseur profond. 2.2.2. Fractures articulaires Les équivalents de mallet finger sont des types III de Salter et Harris et correspondent à une avulsion par le tendon extenseur (Fig. 11A), celui-ci s’insérant sur l’épiphyse en amont du cartilage de croissance. Cette lésion est plus fréquente chez le préadolescent. Le tendon fléchisseur profond s’insère sur la région métaphysodiaphysaire palmaire de la phalange distale. Il peut plus rarement être responsable d’un équivalent de jersey finger. Le traitement des équivalents de mallet finger peu ou pas déplacés fait appel à une orthèse d’extension de l’IPD pour six
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semaines. En cas de déplacement, le traitement est chirurgical et, par un abord dorsal, nécessite une réduction et une fixation par une broche ou une micro-vis fixant le fragment et souvent une broche axiale d’arthrorise (Fig. 11B).
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3. Luxations
sédation consciente et antalgique. Une simple immobilisation segmentaire de trois semaines est suffisante. L’irréductibilité est exceptionnelle chez l’enfant, mais peut nécessiter un abord dorsal pour lever une interposition. Une broche axiale d’arthrorise IPD est alors mise en place pour trois ou quatre semaines.
3.1. Luxations interphalangiennes proximales
4. Entorses
Elles sont rares, l’énergie du traumatisme aboutissant le plus souvent chez l’enfant à un décollement du cartilage de croissance ou à une fracture épiphysaire.
Les entorses des doigts sont peu fréquentes chez l’enfant, l’énergie du traumatisme aboutissant le plus souvent à un décollement du cartilage de croissance. Une avulsion de l’insertion osseuse d’une structure capsuloligamentaire peut néanmoins être observée sur deux localisations préférentielles : la plaque palmaire de l’IPP des doigts longs et le ligament collatéral ulnaire de la MCP du pouce.
3.1.1. Luxations dorsales Les luxations dorsales sont les plus fréquentes et de diagnostic souvent évident. Elles s’accompagnent d’une rupture de la plaque palmaire et parfois d’une lésion d’un ligament collatéral en cas de déplacement latéral associé. La réduction est habituellement réalisée aux urgences sous sédation consciente par traction, extension et translation. Ces luxations sont habituellement stables après réduction. La vérification radiologique de la réduction après immobilisation est néanmoins indispensable. L’immobilisation IPP en extension peut faire appel à une attelle métal-mousse et doit être courte (deux semaines). Il est exceptionnel de voir persister une subluxation dorsale lors de la mise en extension de l’IPP. Il est alors important de trouver la position de stabilité en flexion, en général aux alentours de 30 degrés. L’immobilisation fait alors appel à une attelle dorsale, MCP en flexion et IPP à 40 degrés de flexion. La réduction doit alors être appréciée sur la radiographie de profil dans l’attelle. Une mise en extension progressive de 10 degrés par semaine est alors réalisée, en vérifiant à chaque consultation par une radiographie que la réduction est conservée. En dehors d’une luxation irréductible ou instable, il n’y a pas chez l’enfant d’indication à une réparation chirurgicale d’un ligament collatéral. Les luxations à composante latérale peuvent s’accompagner d’une avulsion du ligament collatéral ou de son point d’insertion osseux. Dans ces cas exceptionnels, un abord latéral du côté de la lésion ligamentaire donne un meilleur accès pour le traitement. 3.1.2. Luxations palmaires Les luxations palmaires sont rares chez l’adulte et exceptionnelles chez l’enfant. Il existe le plus souvent une lésion de la bandelette centrale de l’extenseur. Après réduction, l’immobilisation doit être de quatre semaines, IPP en extension, afin d’assurer la cicatrisation de la bandelette centrale. En cas d’instabilité, une broche oblique d’arthrorise, IPP en extension, doit être mise en place. En cas d’irréductibilité, un abord dorsal doit permettre de lever une interposition avec réparation de la bandelette centrale. 3.2. Luxations interphalangiennes distales Elles peuvent être dorsales, latérales ou palmaires. La réduction est réalisée habituellement aux urgences sous
4.1. Entorses interphalangiennes proximales Les arrachements de la plaque palmaire de l’IPP représentent les lésions les plus fréquentes (29 %) [21], surtout chez l’enfant pratiquant des activités sportives, le mécanisme étant une hyperextension de l’IPP. La radiographie objective un petit fragment osseux palmaire mieux visible sur le profil avec une articulation congruente. Le traitement consiste en une simple syndactylie pour 15 jours et une dispense sportive pour un mois. Il faudra éviter une immobilisation longue, notamment en flexion de l’IPP, sous peine de voir s’installer une raideur en flexion de traitement difficile [22]. 4.2. Entorses des métacarpophalangiennes Lorsque les plaques de croissance sont ouvertes, l’entorse grave avec rupture d’un ligament collatéral est rare. Le traumatisme provoque le plus souvent une lésion de type III de Salter et Harris. 4.2.1. Entorses des doigts longs Elles peuvent réaliser une avulsion de l’insertion du ligament collatéral de la tête du métacarpien ou de la base de la phalange proximale. Lorsque la fracture est déplacée, le traitement fait appel à une réduction chirurgicale avec brochage (Fig. 12). 4.2.2. Entorses du ligament collatéral ulnaire du pouce [23] Le traumatisme en abduction forcée peut être responsable d’une fracture métaphysaire de la base de la phalange proximale ou d’un décollement de type I, II ou III de Salter et Harris. En cas d’avulsion par le ligament collatéral ulnaire, un fragment osseux est parfois visible sur les radiographies (Fig. 13). En cas de doute, notamment chez les adolescents proches de la fin de croissance, un cliché en stress peut être réalisé. Une immobilisation par gantelet pendant quatre semaines est prescrite dans les entorses sans laxité ou en cas de fractureavulsion non déplacée. Les fractures déplacées ou les entorses graves nécessitent une intervention chirurgicale selon les
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Fig. 12. Avulsion de l’insertion du ligament collatéral de la tête du métacarpien.
mêmes modalités que chez l’adulte. Un fragment osseux peut passer au-dessus de la dossière de l’adducteur, rendant sa consolidation improbable. 5. Complications et séquelles Les cals vicieux peuvent être : extra-articulaires : leur traitement dépend du plan du cal vicieux, de son siège et du potentiel de croissance résiduel. Il faudra généralement attendre un ou deux ans de croissance avant de proposer un geste de correction, afin de vérifier que la croissance potentielle ne va pas corriger la déviation ; articulaires : ils sont difficiles à traiter et nécessitent parfois une simple correction extra-articulaire de réalignement. Les pseudarthroses sont rares en dehors d’un problème vasculaire associé.
Les raideurs digitales sont observées dans les traumatismes complexes. Une orthèse d’extension ou de flexion, statique ou dynamique selon l’âge, peut être indiquée après consolidation. Une ténoarthrolyse ne sera discutée qu’après une période de six à 12 mois après le traumatisme. Un transfert articulaire vascularisé d’orteil comportant les zones de croissance pourra être discuté en cas de destruction articulaire [18]. Les troubles de croissance des métacarpiens ou des phalanges se traduisent par une désaxation progressive du doigt en cas d’épiphysiodèse périphérique ou par un raccourcissement en cas d’épiphysiodèse centrale ou totale. Leur traitement fait appel à une ostéotomie de correction en cas de déviation, souvent en fin de croissance, ou plus tôt en cas de gêne, notamment à l’écriture, mais devra dans ce cas être répétée. Les interventions à type de désépiphysiodèse proposées sur les os longs ne sont pas indiquées sur les phalanges. Un allongement progressif d’un métacarpien ou d’une phalange proximale à l’aide d’un distracteur et d’une broche axiale peut être indiqué dans certains cas. Une épiphysiodèse de la phalange distale, plus fréquente chez le jeune enfant en raison du mécanisme d’écrasement, entraîne un raccourcissement de la phalange distale. Celui-ci reste néanmoins modéré, la croissance en volume de l’épiphyse étant habituellement conservée. 6. Conclusion Les fractures des doigts de l’enfant sont parmi les plus fréquentes des fractures pédiatriques. Leur traitement sera le plus souvent orthopédique et l’évolution favorable, avec une capacité à corriger certains cals vicieux sous l’effet de la croissance. Le clinicien devra néanmoins dépister les traumatismes dont l’absence de prise en charge chirurgicale adéquate peut mener à des séquelles de traitement difficile. Les traumatismes touchant la physe nécessitent une surveillance prolongée à la recherche d’un trouble de croissance d’apparition secondaire. Les parents devront être prévenus de cette éventualité lors de la prise en charge initiale. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références
Fig. 13. Avulsion de l’insertion osseuse du ligament collatéral ulnaire de la métacarpophalangienne (MCP) du pouce.
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