Les lésions articulaires de la main du rugbyman

Les lésions articulaires de la main du rugbyman

Journal de Traumatologie du Sport 24 (2007) 172–175 Mise au point Les lésions articulaires de la main du rugbyman Hand joint injury of the rugby pla...

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Journal de Traumatologie du Sport 24 (2007) 172–175

Mise au point

Les lésions articulaires de la main du rugbyman Hand joint injury of the rugby player P. Roure*, D. Fontès Pôle main et sport, espace médical Vauban, 2A, avenue de Ségur, 75007 Paris, France Disponible sur internet le 31 août 2007

Résumé La main du joueur de rugby est particulièrement exposée dans l’ensemble des phases de jeu, aussi bien lors des contacts, dans les chutes, dans les phases de préhension ou de passes du ballon. Les articulations sont alors très fréquemment lésées et l’apparente banalité de ces lésions ne doit pas faire oublier la gravité potentielle de certaines d’entre elles, pouvant engendrer un handicap compromettant la poursuite de la discipline. Le rugby engendre en effet des traumatismes à très haute énergie pouvant entraîner des lésions graves, comme la luxation palmaire métacarpophalangienne du pouce ou interphalangienne des doigts longs, souvent mal connues car bien moins fréquentes dans la pratique d’autres disciplines sportives. Une bonne connaissance de ces différentes lésions est donc essentielle afin de pouvoir les reconnaître et les traiter précocement, gage d’une bonne récupération compte tenu des résultats souvent décevants des interventions secondaires. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract All the phases of the game can lay the hand of the rugby player to injurys. Joints are in particular often wounded and the triteness of this traumatism must not hide its potential gravity, which can lead to handicap compromising sports future. Rugby expose to high level energy crash leading to serious injuries as palmar thumb metacarpo phalangeal joint or long fingers proximal interphalangeal joint dislocation, usually unknown because uncommon compare with other sport activities. Considering relative bad results of secondary surgery, knowledge of theses particular trauma is mandatory to allow early adapted treatment and optimal functional recovery. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Main ; Rugby Keywords: Hand; Rugby

1. Introduction La main du joueur de rugby est particulièrement exposée aux traumatismes, aussi bien lors des phases de contact, dans les chutes, dans les phases de préhension ou de lancer du ballon. Les articulations peuvent alors être lésées et l’apparente banalité de ces lésions ne doit pas faire oublier la gravité potentielle de certaines d’entre elles, pouvant engendrer un handicap compromettant la carrière sportive du joueur. * Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Roure).

Une bonne connaissance de ces différentes lésions est donc essentielle afin de pouvoir les reconnaître précocement et mettre en œuvre une prise en charge spécialisée. 2. Prise en charge sur le terrain Tout commence par une inspection attentive, aussi précoce que possible, avant que le gonflement ne masque les reliefs et ne rende difficile l’examen. Une plaie en regard de l’articulation doit être recherchée ainsi que d’éventuels troubles vasculaires distaux. En cas d’entorse, la stabilité de l’articulation doit être évaluée afin d’en apprécier la gravité et d’orienter un éventuel traitement chirurgical.

0762-915X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jts.2007.06.005

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Une luxation sera réduite à chaud sur le terrain après en avoir analysé la direction car les manœuvres de réduction et le traitement en dépendent. Si elle s’avère difficile ou hyperalgique, elle sera alors effectuée dans un centre spécialisé sous anesthésie locorégionale. Un bilan radiographique est de toute façon systématique. 3. Selon l’articulation lésée 3.1. Colonne du pouce La colonne du pouce est particulièrement exposée lors des contacts et des prises de balle. Les lésions peuvent toucher de façon isolée ou associée les articulations trapézométacarpienne, métacarpophalangienne ou, moins fréquemment, interphalangienne. 3.1.1. Articulation trapézométacarpienne Cette articulation présente un large secteur de mobilité et donc une stabilité ligamentaire particulièrement vulnérable. Les entorses ou luxations sont souvent sous-estimées. Elles se réduisent facilement, ce qui n’est pas le gage d’une évolution favorable (Fig. 1).

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Les entorses simples seront traitées fonctionnellement par strapping ou par immobilisation de trois semaines par attelle commissurale prenant le poignet et la colonne du pouce en position de stabilité (en opposition). En revanche, les entorses graves, de même que les luxations (par lésion des ligaments ulnaires et/ou dorsoradiaux) nécessiteront une stabilisation chirurgicale par réinsertion ligamentaire ou ligamentoplastie si le traitement a été retardé [1]. L’arthroscopie permet également désormais d’apporter un complément diagnostique, voire thérapeutique selon l’étendue des lésions [2]. 3.1.2. Articulation métacarpophalangienne 3.1.2.1. Entorses. Les lésions touchent essentiellement le ligament collatéral ulnaire plus que le ligament collatéral radial, malgré la violence des traumatismes rencontrés [3]. Le diagnostic est essentiellement clinique et consiste en la recherche d’une instabilité par rapport au côté sain afin d’estimer le degré de gravité de l’entorse (Fig. 2). La palpation recherche l’interposition du ligament lésé au-dessus de l’adducteur (lésion de Stener qu’une IRM peut éventuellement confirmer) ce qui en explique l’impossible cicatrisation spontanée. Après bilan radiographique éliminant une fracture associée, le traitement est classiquement fonctionnel en cas d’entorse bénigne après une période d’immobilisation et chirurgical avec suture ou réinsertion ligamentaire appuyée sur ancre intraosseuse en cas d’entorse grave du plan ligamentaire aussi bien médial que latéral. 3.1.2.2. Luxations. Plus rares, ces lésions restent méconnues et se rencontrent particulièrement au rugby comme dans d’autres sports engendrant des traumatismes à haute énergie. L’inspection mettra en évidence la déformation du pouce et permettra de différencier les différentes formes possibles de luxation.

Fig. 1. Subluxation dorsoradiale trapézométacarpienne.

Fig. 2. Testing d’une entorse grave du ligament collateral médial de l’articulation métacarpophalangienne du pouce (hypervalgus-extension et flexion).

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Le plus souvent postérieure (luxation de Farabeuf), il faut se méfier d’une incarcération due à des manœuvres de réduction inadaptées et éviter la traction axiale du métacarpien mais plutôt exercer une légère hyperextension majorant la déformation et repousser délicatement sa base [4,5]. Une radiographie de contrôle en hyperextension vérifie la stabilité et le niveau lésionnel parfois justifiable d’un geste opératoire. Plus rarement, la luxation est palmaire, survenant après traumatisme direct dorsal de la première phalange sur une articulation métacarpophalangienne fléchie. Il existe alors une rupture des structures dorsales, capsule et dossière de l’appareil extenseur. Après réduction par manœuvres classiques, le traitement est systématiquement chirurgical comme celui des luxations interphalangiennes proximales à déplacement palmaire [4,5].

tuelle d’immobilisation inadéquate (type « grenouille » qu’il faut absolument oublier). L’examen initial s’efforcera d’éliminer une boutonnière par désinsertion du tendon extenseur médian. Une IRM peut parfois s’avérer utile en cas de diagnostic clinique incertain. 3.3.2. Luxations 3.3.2.1. Luxation postérieure. La luxation postérieure (Fig. 3) ou postérolatérale est fréquente et banale, la réduction est souvent aisée, ramenant la situation à celle d’une entorse dont il convient de tester la stabilité. Le traitement est le plus souvent fonctionnel d’emblée par une syndactylisation et une prise en charge par le kinésithérapeute.

3.2. Articulations métacarpophalangiennes des doigts longs 3.2.1. Entorses Elles surviennent après un traumatisme en adduction ou abduction sur un rayon isolé et sont le plus souvent bénignes lorsqu’elles touchent les doigts centraux, ne nécessitant alors qu’un traitement fonctionnel avec syndactylie (du côté de la lésion ligamentaire). Elles peuvent être graves au niveau du ligament latéral radial du deuxième rayon et ulnaire du cinquième rayon par traumatisme direct sur le bord de la main. En cas d’instabilité, le traitement est alors chirurgical avec suture ou réinsertion du plan ligamentaire [5,6]. 3.2.2. Luxations Rares, elles nécessitent des traumatismes à haute énergie et se rencontrent donc proportionnellement plus volontiers au rugby. Essentiellement dorsales par un mécanisme d’hyperextension violente, elles touchent en priorité les deuxième et cinquième rayons. Le risque est l’incarcération de la plaque palmaire avec irréductibilité de la luxation. La réduction, au mieux sous anesthésie locale, reproduira la manœuvre de Farabeuf afin d’éviter une incarcération nécessitant alors une intervention chirurgicale. Les luxations palmaires sont encore plus rares et de traitement chirurgical par libération et réparation des structures capsulaires et tendineuses associées [4,5].

3.3.2.2. Luxation palmaire. Plus rare dans la population générale, elle est fréquemment rencontrée au rugby. Son pronostic est fonctionnellement sévère en cas de prise en charge inadaptée (Fig. 4).

Fig. 3. Luxation dorsale interphalangienne proximale.

3.3. Articulations interphalangiennes proximales des doigts longs 3.3.1. Entorses Très fréquentes, elles sont source, mêmes bénignes, de séquelles avec une articulation restant souvent augmentée de volume, longtemps douloureuse et pouvant s’enraidir en flessum. Les ligaments latéraux et la plaque palmaire peuvent être lésés. En l’absence d’instabilité et après avoir réalisé une radiographie de face et de profil, le traitement est fonctionnel d’emblée ou après une courte immobilisation en extension, le but étant d’éviter un enraidissement en flessum, séquelle habi-

Fig. 4. Luxation palmaire interphalangienne proximale.

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4. Conclusion Les articulations des doigts longs tout comme celles du pouce sont fréquemment traumatisées chez le rugbyman. Leur fréquence ne doit cependant pas les banaliser car une simple entorse mal gérée suffit à entraîner un enraidissement séquellaire alors qu’un traitement chirurgical initial aurait été opportun. Certaines lésions rares se rencontrent plus fréquemment chez le rugbyman, comme la luxation palmaire métacarpophalangienne du pouce ou interphalangienne des doigts longs et ne doivent pas être méconnues. Un diagnostic et un traitement adaptés précoces seront les seuls gages d’une bonne récupération, compte tenu des résultats souvent décevants des interventions secondaires. Fig. 5. Aspect opératoire de l’arrachement de la bandelette médiane du tendon extenseur au cours d’une luxation palmaire interphalangienne proximale.

Elle entraîne systématiquement une rupture de la bandelette médiane de l’appareil extenseur, la tête de la phalange passant entre les bandelettes latérales comme dans une boutonnière. Sa réductibilité n’est pas toujours aisée [4–6]. Le traitement est toujours chirurgical avec réinsertion de la bandelette médiane de l’appareil extenseur et réparation des lésions capsuloligamentaires, puis immobilisation par attelle segmentaire, souvent protégée par une broche d’arthrorise temporaire pour une durée de trois semaines au minimum (Fig. 5). 3.4. Articulations interphalangiennes distales des doigts longs Celles-ci peuvent être le siège d’entorse ou de luxation le plus souvent dorsale, de traitement orthopédique par courte immobilisation segmentaire. En cas de luxation palmaire, plus rare, il faudra veiller à l’absence de flessum par rupture distale du tendon extenseur, ce qui nécessitera une immobilisation plus longue d’au moins six semaines par attelle de Stack ou une réinsertion chirurgicale suivie également d’une immobilisation.

Références [1] Fontes D, Rua R, Jehanno P, Lortat-Jacob A, Benoit J. Les entorses graves de l’articulation trapézométacarpienne : une affection fréquente en traumatologie sportive. J Traumatol Sport 1990;7:61–9. [2] Roure P, Fontes D. Apport de l’arthroscopie au niveau de l’articulation trapézométacarpienne. J Traumatol Sport 2005;22:243–5. [3] Moutet F, Guinard D, Massart P, Lebrun C, Thomas D. Entorses de la métacarpophalangienne du pouce en pratique sportive. In: Allieu Y, editor. La main du sportif. Paris: Expansion Scintifique Française; 1995. p. 27– 34. [4] Dap F, Chardel P. Entorses et luxtations des doigts. Luxations et fractures luxations des articulations carpo-métacarpiennes des doigts longs. In: Merle M, Dautel G, editors. La main traumatique, l’urgence. Paris: Masson; 1997. p. 35–65. [5] Glickel S, Barron O, Eaton R. Dislocations and ligament injuries in the digits. In: Green D, Hotchkiss R, Pederson W, editors. Green’s operative hand surgery, 4th ed. Philadelphia: Churchill Livingstone; 1999. p. 772– 808 (Vol 1). [6] Moutet F, Guinard D, De Soras X, Gérard P, Thomas D. Fractures et lésions articulaires des doigts dans les sports de ballon. In: Allieu Y, editor. La main du sportif, monographies du GEM. Paris: Expansion Scientifique Française; 1995. p. 20–6.