Les lèvres dépassées. Techniques de reconstruction et indications

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Annales de Chirurgie Plastique Esthétique 47 (2002) 503–519

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Les lèvres dépassées. Techniques de reconstruction et indications Tissue defects beyond the labial boundaries. Reconstructive procedures and indications J. Lebeau *, H. Sadek Service de chirurgie plastique reconstructrice et maxillo faciale, Centre hospitalier universitaire de Grenoble BP 217, 38043, Grenoble, France

Résumé Les pertes de substance qui dépassent les limites labiales posent deux problèmes spécifiques liés à l’architecture des zones amputées : lorsque le dépassement est centrifuge, périphérique, la perte de substance est essentiellement tégumentaire. Les techniques de reconstruction doivent apporter des tissus adaptés aux spécificités morphologiques et dynamiques de la zone para-labiale incriminée d’une part, et en les disposant selon la relation spatiale de cette zone avec les lèvres d’autre part. Lorsque le dépassement est postérieur, il est impératif de reconstituer l’architecture dento-alvéolaire et les bases osseuses sous-jacentes en préalable à toute reconstruction tégumentaire. La démarche stratégique adoptée pour deux traumatismes balistiques illustre ce concept. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Labial tissue defects that extend beyond the anatomic boundary of the labial region confront us with two distinct reconstructive problems. When the extension is centrifugal towards the periphery, the tissue loss is essentially tegumentary. The reconstructive aim in this case is not only to restore tissues of the perilabial areas with the best possible morphologic and functional harmony but also to place the reconstructed lip harmoniously and in good relation to these structures In the case of posterior extension of tissue losses towards the jaws, it is mandatory to reconstruct the underlying bony and eventually alveolo-dental architecture prior to the lip reconstruction. The reconstruction strategy is emphasised by two cases of complex ballistic injury © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Traumatismes balistiques; Lèvres dépassées; Pertes de substance Keywords: Extended labial defects; Lip reconstruction

1. Introduction Le dépassement d’une perte de substance au-delà des limites labiales induit une réflexion et une stratégie de reconstruction très spécifiques, liés à la topographie, à l’orientation et au volume du territoire para-labial amputé.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Lebeau). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 2 9 4 - 1 2 6 0 ( 0 2 ) 0 0 1 3 7 - 1

Les étiologies sont variées mais essentiellement représentées par : • les traumatismes (et plus fréquemment les traumatismes balistiques) [1], • les exérèses tumorales. Le dépassement peut intéresser 4 régions : • supérieure : la pyramide nasale, • inférieure : le menton, • latérale : les joues, • postérieure : les arcades dentaires et leurs supports osseux maxillaire et mandibulaire.

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Fig. 2. La rupture de pente labio-mentonnière.

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• la laxité du plan muqueux jugal et le respect de la profondeur des vestibules assurent aux lèvres leur liberté de mouvement ; • des rennes musculaires radiaires symétriquement répartis et dynamiquement efficaces permettent la subtilité des mouvements labiaux ; • l’intégrité spatiale du menton positionne la lèvre inférieure ; • la base de la pyramide nasale ou « nez labial » forme une unicité territoriale avec la lèvre supérieure [2].

Fig. 1. Orientation des dépassements d’une perte de substance labiale. A : les 4 régions intéressées par les dépassements « centrifuges» ; B : les dépassements postérieurs vers les structures osseuses et dentaires.

2. Les types de dépassement L’intégrité statique et dynamique de cet environnement et donc sa réparation sont indispensables si l’on veut obtenir une fonction labiale harmonieuse et efficace. Chaque territoire y apporte sa contribution : • l’architecture osseuse et les arcades alvéolo-dentaires donnent la position du rideau bi-labial ;

Deux grandes orientations du type de dépassement se rencontrent le plus souvent, invitant à une réflexion stratégique spécifique : • centrifuge, posant un problème essentiellement tégumentaire (Fig. 1A);

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B Fig. 3. Le lambeau de Lallemand (1824). A : le dessin du lambeau ; B : le lambeau en place.

• postérieur, imposant une réflexion architecturale préalable à toute reconstruction des parties molles (Fig. 1B). La réparation statique repose sur la reconstruction osseuse et l’apport tégumentaire. La réparation dynamique suppose une réanimation des parties molles réhabilitées. B

3. Dépassement centrifuge, périphérique Les bases osseuses sont intactes, le problème à résoudre est lié aux pertes de substance des parties molles et à la perturbation de la dynamique musculaire.

Fig. 4. Le lambeau bilobé cervical. A : le dessin du lambeau ; B : le lambeau en place.

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D Fig. 5. Réparation d’une perte de substance labio-mentonnière par un lambeau bilobé cervical. A : carcinome baso-cellulaire étendu de la lèvre inférieure au menton ; B : la perte de substance après exérèse carcinologique ; C : dessin des lambeaux ; D : les lambeaux en place.

3.1. En bas

3.3. La reconstruction du menton

Lorsque la perte de substance s’étend vers le menton, il faut être attentif à la relation lèvre-menton.

Elle fait appel, lorsque l’état des téguments le permet, aux tissus de la réserve sous-mentale : Le dessin d’un lambeau d’échange, dérivé de celui de Lallemand [3] (Fig. 3), d’avancée ou de rotation, comme ceux issus des procédés de Chopart [4] et de Delpech [5], doit, contrairement à ce que proposent ces auteurs, être réservé à la reconstruction du seul menton. Il peut être judicieux de répartir tout le tégument cervical antérieur dans la vaste rotation d’un lambeau bilobé (Fig. 4). Un exemple illustre cette technique (Fig. 5). • Le lambeau pédiculé sur l’axe submental [6] apporte une solution élégante permettant un modelage de toute l’unité anatomique du menton en respectant l’angulation cervico-mentonnière. • Lorsque la perte de substance s’étend latéralement, chez l’homme âgé surtout, le double lambeau de scalp à pédicule unique ou « rabbit flap » de Wilson [7] permet de reconstituer les plans muqueux et cutané

3.2. Principes Les deux reconstructions doivent faire appel à deux procédés différents pour : • marquer la frontière avec rupture de pente labiomentonnière dans le plan sagittal (Fig. 2) ; • permettre une mobilité et une souplesse labiale au-dessus d’un tégument mentonnier stable et immobile. C’est pourquoi, lors des amputations pluritissulaires de la lèvre inférieure, il est morphologiquement et fonctionnellement plus judicieux de reconstruire chaque structure selon un procédé différent.

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C Fig. 6. Tumeur labiale inférieure : exérèse de pleine épaisseur s’étendant vers le menton et la joue. A : prélèvement du double lambeau de scalp à pédicule unique temporal superficiel ; B : la perte de substance muqueuse est comblée par le lambeau frontal glabre ; C : la perte de substance cutanée est comblée par le lambeau de cuir chevelu ; D : le lambeau frontal après sevrage ; E : les deux lambeaux : glabre en bouche, « chevelu» en dehors.

avec une grande fiabilité, le second temps de sevrage pouvant s’exécuter sous anesthésie locale (Fig. 6). 3.4. Latéralement : dépassement vers les joues Deux problèmes sont à résoudre : • la couverture tégumentaire qui doit tenir compte de l’unité esthétique jugale ;

• la restitution de l’harmonie commissurale statique voire dynamique si la perte de substance a détruit la musculature radiaire. Le tégument est reconstitué par rotation jugale si la surface restante le permet (Fig. 7). Une greffe mince d’attente peut éventuellement être suivie d’une expansion tissulaire.

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D Fig. 7. Perte de substance labio-jugale après exérèse d’un carcinome baso-cellulaire. A : la perte de substance ; B : répartition du tégument jugal ; C : résultat de face ; D : résultat de profil.

Les pertes de substance de pleine épaisseur sont comblées par des lambeaux régionaux ou à distance, pédiculés ou libres (Fig. 8). Chez l’homme, le double lambeau de scalp peut apporter une solution élégante, éventuellement associé à une technique de lambeau loco-régional (Fig. 9). Les grandes pertes de substance doivent être recouvertes par des lambeaux musculo-cutanés, libres ou pédiculés. S’ils remplissent parfaitement leur rôle de couverture et de comblement, ils laissent des séquelles non négligeables de dyschromie et d’absence de poils chez l’homme (Fig. 10). L’équipe de Fu-Chan Wei de Taiwan, propose, pour les pertes de substance de pleine épaisseur, l’utilisation de

lambeaux libres chimériques prélevés sur le système circonflexe latéral de la cuisse [8]. Cette technique présente l’avantage d’avoir à disposition trois lambeaux indépendants sur un même pédicule pour reconstituer le plan muqueux, la sangle musculaire et le plan cutané (Fig. 11). En plus de la perte de substance, le problème labial peut être aggravé par la rupture des sangles musculaires radiaires formant les rennes centrifuges du sphincter labial. La dynamique latérale commissurale ne peut être restituée que par transposition musculaire, soit des muscles masticateurs (temporal), soit par lambeaux musculaires libres réinnervés (Fig. 12).

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3.5. En haut : dépassement vers la base du nez La reconstruction des structures doit faire appel à des procédés de réparation distincts. Si une rhinopoïèse est indiquée, elle doit succéder à la reconstruction labiale : c’est la dernière étape de la recons truction. Elle doit donc être inscrite dans la stratégie des étapes opératoires pour préserver le capital cutané (front) nécessaire à sa réalisation.

4. Dépassement en profondeur A

La perte de substance ampute le plan muqueux puis le plan alvéolo-dentaire, voire les bases maxillaires et/ou mandibulaires sus- et sous- jacentes. 4.1. Principes • D’abord reconstruire les bases osseuses et dès que possible une barrière alvéolo-dentaire ; • Assurer une profondeur vestibulaire garant d’une mobilité latérale et d’une continence salivaire.

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4.2. Les procédés de reconstruction osseuse Les lambeaux libres osseux avec muscle, fascia ou peau selon la nature des tissus à reconstruire [9], les lambeaux transporteurs d’os (galéa, muscle temporal), les greffes traditionnelles [10] et plus récemment la distraction osseuse [11-12], nous offrent un faisceau de techniques dans lequel nous pouvons puiser. L’approfondissement vestibulaire ne doit pas être négligé. Que ce soit par lambeaux muqueux de rotation ou par greffe muqueuse ou cutanée, il importe de rétablir la hauteur du versant muqueux labial. Pour reconstituer le sphincter labial, il faut privilégier le résidu labial quitte à avoir une microstomie à corriger secondairement. 4.3. Indications Le plan de traitement, fonction de l’étiologie, peut être illustré par deux situations différentes.

C Fig. 8. Perte de substance labio-jugale comblée par un lambeau sousmental. A : la perte de substance et le lambeau prélevé ; B : lambeau en place avant commissuroplastie ; C : résultat après commissuroplastie.

4.3.1. Traumatismes balistiques La prise en charge est toujours de longue haleine et la chronologie des temps opératoires doit faire l’objet d’une réflexion stratégique adaptée. Quels que soient les territoires faciaux incriminés , la méthodologie chirurgicale doit obéir à quelques règles élémentaires [1,13-16].

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Fig. 9. Exérèse d’un mélanome jugal emportant toute la lèvre supérieure, la gencive en regard et la joue dans son un tiers inférieur. A : la perte de substance ; B : le prélèvement du double lambeau ; C : le lambeau avant sevrage ; D : le lambeau après sevrage ; E : restitutions des unités esthétiques par rotation d’un lambeau sous mental (vue de profil).

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4.3.1.1. En urgence • Faire : „ Assurer la survie immédiate du blessé sur le plan hémodynamique et respiratoire (remplissage, hémostase, intubation, trachéotomie), „ Parage économe, „ Ostéosynthèse de fragments osseux viables pouvant avoir une couverture tégumentaire, „ Maintien de moignons osseux mandibulaires en leur position anatomique. Les fixateurs externes restent encore, souvent, la solution la plus adaptée. • Ne pas faire : „ Essayer de combler le défect osseux par rapprochement, la constriction cicatricielle résultante sera très difficile a corriger ;

Fig. 9 (suite). F: restitution des unités esthétiques par rotation d’un lambeau sous-mental (vue de face) ; G : résultat final de face ; H : résultat final de profil.

„ Tenter des procédés de reconstruction en urgence par plasties ou lambeaux, la sécurité vasculaire très douteuse à ce stade risque de compromettre le capital tissulaire de reconstruction. 4.3.1.2. Stratégie de reconstruction. Il faut débuter la reconstruction par la réfection des bases osseuses qui donneront appui aux parties molles. • La reconstruction mandibulaire s’effectue à l’aide : de lambeaux libres ostéo-cutanés [9-17] ; de greffes osseuses vascularisées par lambeaux musculo-cutanés pour les pertes de substance de faible calibre [10] ; ou plus récemment par distraction osseuse qui a le mérite de reconstruire dans le même temps l’os alvéolaire et la gencive attachée [11-12].

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B Fig. 11. Triple lambeau chimérique selon Huang. A : le prélèvement sur les vaisseaux circonflexes latéraux ; B : mise en place des lambeaux.

B Fig. 10. Traumatisme par « disqueuse ». A : la perte de substance intéresse toute la joue, l’hémi-nez, la moitié de la lèvre supérieure et le quart latéral de la lèvre inférieure ; B : joue et lèvres sont réparées par un lambeau musculo cutané de grand dorsal. Le nez est reconstitué par un lambeau paramédian frontal armé.

• Pour le maxillaire „ Greffes osseuses (côte, calvaria) et lambeaux de couverture (galéa, temporal, lambeaux antebrachiaux) „ ou lambeaux porteurs d’os (galéa, temporal) se partagent les indications.

Deux exemples illustrent cette stratégie : Dans le premier cas (Fig.13), l’amputation d’origine balistique laisse comme séquelle une perte de substance de l’hémi-lèvre supérieure gauche, du pré-maxillaire et d’une grande partie du palais osseux gauche ainsi que de l’aile narinaire homolatérale. Le premier temps de reconstruction amène un lambeau de galéa transporteur de voûte qui va refaire l’architecture osseuse. Sur cette base, les parties molles se bâtissent harmonieusement et une réhabilitation prothétique dentaire permet, non seulement de soutenir le rideau labial mais également, de parfaire la réhabilitation fonctionnelle et morphologique.

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F Fig. 12. Reconstruction jugale et réinervation de la commissure labiale après perte de substance par accident de VTT. A : la perte de substance avec délabrement du nerf facial ; B : voie d’abord du prélèvement de muscle court extenseur des orteils ; C : le muscle, ses vaisseaux et son nerf moteur ; D : le muscle est suturé de part et d’autre de la commissure labiale aux fibres du muscle orbiculaire. Le nerf fibulaire est suturé sur le rameau cervical du nerf facial ; E : J+ 4 mois, malgré l’œdème encore important, début de mobilisation commisurale, vue de face ; F : J+ 4 mois, malgré l’œdème encore important, début de mobilisation commisurale, vue de trois quart.

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Fig. 13. Séquelle de traumatisme balistique (séquences expliquées dans le texte). A : les pertes de substances tégumentaires ; B : la perte de substance maxillaire ; C : le lambeau de galéa « transporteur » de voûte parfaitement vascularisée ; D : TDM montrant la réparation palatine par le fragment de voûte vascularisée ; E : l’architecture palatine reconstituée protégée par le lambeau de galéa épidermisé.

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Fig. 13 (suite). F : réparation labiale par lambeau jugal ; G : résultat fonctionnel satisfaisant ; H : arche maxillaire et vestibule réhabilités, résultat final de face ; I : la reconstruction de l’aile narinaire est effectuée par lambeau frontal ; J : réhabilitation prothétique dentaire.

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Fig. 14. Traumatisme balistique cervico-facial. A : les lésions initiales ; B : reconstruction mandibulaire et tégumentaire par lambeau libre-ostéomusculo-cutané de crête iliaque ; C : reconstruction maxillaire et gingivovestibulaire par lambeau libre ante-bracchial sur greffes costales ; D : TDM de profil après reconstruction de l’architecture osseuse.

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Fig. 14 (suite). E : TDM de face après reconstruction de l’architecture osseuse ; F : reconstruction labiale inférieure par lambeaux loco régionaux ; G : reconstruction labiale supérieure par avancée du tégument jugal ; H : désépidermisation de la palette cutanée du menton pour en redessiner le galbe.

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Dans le deuxième exemple (Fig.14) les pertes de substance centro-faciales associent à une perte du globe oculaire gauche et de l’aile narinaire, une amputation du prémaxillaire, de la moitié de la lèvre supérieure, de toute la lèvre inférieure, du menton et de la symphyse mandibulaire. Lors de la reconstruction, la stratégie opératoire a consisté, d’abord, à reconstituer l’architecture osseuse, en amenant un lambeau ostéo-cutanéo-musculaire libre de crête iliaque pour restituer une continuité mandibulaire, protégée par les composantes cutanées et musculaires. Un lambeau libre antebrachial a permis de revasculariser des greffes costales mises en place pour refaire le pré-maxillaire. Sur ces bases, les lèvres ont été remodelées à partir du tégument jugal et l’aile narinaire grâce à un lambeau frontal. 4.3.2. Exerese de tumeurs malignes

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4.3.2.1. Les éléments de réflexion. Il faut toujours privilégier la fiabilité. Les éléments spécifiques à prendre en compte associent : • le pronostic carcinologique ; • les traitements complémentaires dont a bénéficié le patient et tout particulièrement la radiothérapie. Opérer sur un terrain irradié impose des règles de sécurité vasculaire strictes ; • l’indication du recours à une radiothérapie postopératoire qui doit se faire dans un délai inférieur à un mois post-chirurgical, ce qui modifie obligatoirement le calendrier et les techniques employées. Cette reconstruction de l’os et de sa couverture faite selon les moyens dont nous disposons aujourd’hui [9,17-19] rétablira la dimension transversale et antéro-postérieure de l’étage inférieur mais, malheureusement ne peut pas rétablir l’os alvéolaire ni un vestibule labial profond et libre. Néanmoins, deux techniques modernes offrent des perspectives intéressantes dans ce domaine : • la distraction osseuse qui peut reconstituer toute une mandibule à partir des ramus, avec l’incomparable avantage d’assurer dans le même temps une distraction de la gencive [11-12] ; • les implants ostéo-intégrés, dentaires bien sûr, mais aussi piliers de soutien d’épithèses lorsque l’âge ou l’état du patient ne permettent pas une reconstruction par tissus autologues.

Références J Fig. 14 (suite). I: lambeau frontal pour la reconstruction de l’aile du nez ; J : aspect morphologique à la suite de ces séquences opératoires.

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