dossier La douleur et ses médicaments à l’officine
Les médicaments de la douleur : les antalgiques de palier I Les antalgiques de palier I permettent une maîtrise satisfaisante de la douleur lorsque celle-ci est qualifiée de légère à modérée. Ils sont également utilisés pour lutter contre les états fébriles. À l’officine, le pharmacien dispense très régulièrement ce type d’antalgiques.
Hadrien VUILLET-A-CILES Jacques BUXERAUD Yves NOUAILLE
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Pain medication: step I analgesics. Step l analgesics offer satisfactory relief for pain when it is qualified as mild to moderate. They are also used to reduce fever. The community pharmacist very regularly dispenses this type of analgesic. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
L
es antalgiques de palier I sont des antalgiques nonopioïdes, très utilisés, représentés par le paracétamol, l’aspirine et certains anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) non salicylés. Utilisés correctement, ils sont relativement bien tolérés. Ils n’induisent globalement pas de tolérance, ni de dépendance physique ou psychique et possèdent tous un effet plafond. Dans les douleurs aiguës d’intensité légère à modérée, leur efficacité antalgique est à peu près identique. Pour autant, leurs effets indésirables potentiels prouvent bel et bien que ce ne sont pas des médications sans risques. Leur dispensation doit obligatoirement s’accompagner de conseils et de recommandations [1,2].
Le paracétamol Le paracétamol est le traitement fondamental des douleurs légères à modérées mais aussi des états fébriles [3,4]. Il est considéré aujourd’hui comme l’antalgique de référence, à utiliser en première intention chez l’adulte et l’enfant, en raison de son rapport bénéfice/ risque favorable. Il a le grand mérite d’avoir relativement peu de défauts (contre-indications et effets indésirables minimes aux doses thérapeutiques) et d’innombrables indications potentielles (tableau 1). Il possède un mécanisme d’action à la fois périphérique et central. Il est souvent associé aux antalgiques de palier II : l’association
de paracétamol et de phosphate de codéine possède alors une activité antalgique supérieure à celle de ses composants pris isolément, avec un effet plus prolongé dans le temps. Le paracétamol ne doit pas être conseillé pour les douleurs d’origine inflammatoire, celui-ci semblant dénué d’effets anti-inflammatoires, contrairement à l’aspirine et aux AINS. Aux doses thérapeutiques, il bénéficie d’une excellente tolérance, en particulier digestive. Seuls de rares troubles cutanés allergiques et d’exceptionnels incidents de thrombopénie peuvent survenir. En revanche,
Paracétamol : que doit-on dire au patient lors de sa dispensation ? F Respectez strictement la posologie, soit 1 g par prise 3 fois par jour (au maximum 4 fois), en respectant bien un intervalle de 4 heures minimum entre deux prises successives. En cas de dépassement de cette posologie, vous vous exposez à un risque de toxicité hépatique grave. F Concernant l’automédication, soyez vigilant. Beaucoup de médicaments renferment du paracétamol. Lisez bien la composition des produits que vous prenez pour ne pas risquer un cumul de doses.
Mots clés • Antalgique de palier I • Anti-inflammatoire non stéroïdien • Aspirine • Douleur • Médicament non-opioïde • Paracétamol
Keywords • Aspirin • Non-opioid drug • Nonsteroidal anti-inflammatory drug • Pain • Paracetamol • Step I analgesic
Tableau 1. Posologies du paracétamol. Chez l’adulte
3 g/jour, à répartir en 4 ou 6 prises, avec un intervalle de 4 heures entre les prises. Il n’est généralement pas nécessaire de dépasser 3 g/jour. Toutefois, en cas de douleurs plus intenses, la posologie maximale peut être augmentée jusqu’à 4 g/jour.
Chez l’enfant
60 mg/kg/24 h, à répartir en 4 à 6 prises, soit 15 mg/kg toutes les 6 heures ou 10 mg/kg toutes les 4 heures. En pratique, les posologies sont plus élevées et varient de 10 à 15 mg/kg toutes les 4 heures par voie orale, notamment dans les douleurs postopératoires. La dose totale ne devant pas être dépassée est de 80 mg/kg/jour chez l’enfant de moins de 37 kg et de 3 g/jour chez le grand enfant de plus de 37 kg.
Actualités pharmaceutiques • n° 527 • juin 2013 •
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Auteur correspondant Jacques BUXERAUD
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Les antalgiques actuels ont été classés par l’Organisation mondiale de la santé en trois paliers, selon leur efficacité et leur nature F Les antalgiques de palier I, autrefois appelés antalgiques périphériques, regroupent des médicaments non-opioïdes, tels que le paracétamol, l’acide acétylsalicylique et les antiinflammatoires non stéroïdiens non salicylés tels que l’ibuprofène à dose antalgique. Ils sont généralement destinés à traiter des douleurs d’intensité légère à modérée. F Les antalgiques de palier II, sont des opioïdes faibles comme la codéine et le tramadol, adaptés aux douleurs d’intensité modérée. Ils sont commercialisés pour la grande majorité en association avec un antalgique périphérique. F Les antalgiques de palier III, sont des opioïdes forts, tels que la morphine destinés au traitement des douleurs sévères, intenses et/ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible.
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le paracétamol est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique. F Deux principales contre-indications sont mentionnées par le Vidal dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) des spécialités renfermant du paracétamol : l’hypersensibilité au paracétamol et l’insuffisance hépatocellulaire (encadré 1). Bien évidemment, comparé aux AINS et aux autres antalgiques, ce peu de contreindications contribue à sa notoriété. F Les effets indésirables induits par le paracétamol sont peu nombreux. Il est mentionné de rares cas de réactions d’hypersensibilité à type de choc anaphylactique (œdème
Le paracétamol peut être utilisé pendant l’allaitement.
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de Quincke, érythème, urticaire) et de très exceptionnels cas de thrombopénie, leucopénie et neutropénie. F Le paracétamol expose peu les patients au risque d’interactions médicamenteuses. Une seule interaction est mentionnée dans le RCP de type “association nécessitant des précautions d’emploi” avec les anticoagulants oraux. Il existe, en effet, un risque d’augmentation de l’effet de l’anticoagulant oral et du risque hémorragique en cas de prise de paracétamol aux doses maximales (4 g/jour) pendant au moins 4 jours. L’International normalized ratio (INR) sera donc contrôlé régulièrement, une adaptation éventuelle de la posologie de l’anticoagulant oral étant réalisée pendant le traitement par le paracétamol et après son arrêt. F Le paracétamol peut être utilisé au cours de la grossesse et de l’allaitement aux doses recommandées sur de courtes périodes. Le paracétamol peut aussi être administré en perfusion veineuse (Perfalgan®). La rapidité d’action antalgique de cette forme permet de traiter des douleurs aiguës, notamment postopératoires.
L’acide acétylsalicylique ou aspirine L’acide acétylsalicylique, par ailleurs antipyrétique et anti-inflammatoire, s’adresse aux douleurs légères à modérées [5,6]. Il est assez souvent utilisé en rhumatologie pour traiter des douleurs à composante inflammatoire, comme celles des rhumatismes (tableau 2). Par ailleurs, son usage à très faible dose en fait un excellent moyen de prévention des maladies cardiovasculaires. Cette pluridisciplinarité laisse à penser que l’aspirine constitue aujourd’hui une thérapie phare chez le sujet âgé ayant des problèmes ou des séquelles cardiovasculaires de type thrombotique. F Les contre-indications de l’aspirine sont nombreuses : l’hypersensibilité à l’acide acétylsalicylique ou à l’un des excipients, les antécédents d’asthme provoqué par l’administration de salicylés ou de substances d’activité proche, notamment les AINS, le dernier trimestre de la grossesse et la période d’allaitement, l’ulcère gastroduodénal en évolution, toute maladie hémorragique constitutionnelle ou acquise, le risque hémorragique, l’insuffisance hépatique sévère, l’insuffisance rénale sévère, l’insuffisance cardiaque sévère non contrôlée, la prise de méthotrexate à des doses supérieures à 15 mg/semaine et d’anticoagulants oraux lorsque l’aspirine est utilisée à fortes doses, notamment dans le traitement des affections rhumatismales. F Les effets indésirables de l’aspirine sont nombreux, proches de ceux des autres AINS non salicylés : • des effets gastro-intestinaux tels que douleurs abdominales, hémorragies digestives patentes (hématémèse, mélæna...) ou occultes d’autant plus fréquentes que la posologie est plus élevée et pouvant
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Encadré 1. Paracétamol : une toxicité hépatique à doses fortes est toujours possible L’intoxication par le paracétamol est surtout à craindre chez le sujet âgé et chez le jeune enfant (surdosage thérapeutique ou intoxication accidentelle fréquente) chez qui elle peut être mortelle.
À quelle dose apparaît l’hépatotoxicité du paracétamol ? Un surdosage, à partir de 10 g de paracétamol en une seule prise chez l’adulte et 150 mg/kg de poids corporel en une seule prise chez l’enfant (selon la susceptibilité des patients), provoque une cytolyse hépatique. Toutefois, le paracétamol peut entraîner des lésions hépatiques même à doses thérapeutiques, s’il est administré sur de longues périodes, surtout chez des patients aux fonctions hépatiques préalablement altérées ou chez les sujets âgés. Le paracétamol est présent dans de très nombreux médicaments, associé à divers autres principes actifs. Le risque de surdosage involontaire est donc important chez un sujet prenant plusieurs médicaments à base de paracétamol. Il convient de bien regarder la composition des médicaments pour détecter un éventuel cumul de doses de paracétamol.
Pourquoi le paracétamol est-il toxique ? Le paracétamol est métabolisé essentiellement au niveau du foie. Les deux voies métaboliques majeures sont la glycuroconjugaison et la sulfoconjugaison. Cette dernière voie est rapidement saturable aux posologies supérieures aux doses thérapeutiques. Une voie mineure, catalysée par le cytochrome P450, est la formation d’un intermédiaire réactif (le N-acétyl benzoquinone imine) qui, dans les conditions normales d’utilisation, est rapidement détoxifié par le glutathion réduit et éliminé dans les urines après conjugaison à la cystéine et à l’acide mercaptopurique. En revanche, lors d’intoxications massives, la quantité de ce métabolite toxique est augmentée. Cela entraîne une nécrose
être responsables d’une anémie ferriprive, ulcères gastriques et perforations ; • des effets sur le système nerveux central, typiquement signe d’un surdosage (céphalées, vertiges, sensation de baisse de l’acuité auditive, bourdonnements d’oreille) ; • des effets hématologiques (syndromes hémorragiques avec augmentation du temps de saignement) persistant 4 à 8 jours après l’arrêt du traitement et pouvant créer un risque hémorragique en cas d’intervention chirurgicale ; • des réactions d’hypersensibilité à type d’urticaire, réactions anaphylactiques, asthme et œdème de Quincke. F Certaines associations médicamenteuses sont contre-indiquées lors de l’utilisation d’aspirine : • les anticoagulants oraux, pour l’aspirine à dose forte (> 3 g/jour), se retrouvent en surdosage classiquement par déplacement de ses liaisons aux protéines plasmatiques ;
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hépatique consécutive à la liaison covalente du métabolite toxique aux macromolécules hépatocellulaires.
Quels sont les principaux symptômes du surdosage ? Nausées, vomissements, anorexie, pâleur et douleurs abdominales apparaissent généralement dans les 24 heures. Rapidement une cytolyse hépatique s’installe, susceptible d’aboutir à une nécrose complète et irréversible, se traduisant par une insuffisance hépatocellulaire, une acidose métabolique et une encéphalopathie pouvant aller jusqu’au coma et à la mort. Simultanément, on observe une augmentation des transaminases hépatiques, de la lactico-déshydrogénase, de la bilirubine et une diminution du taux de prothrombine apparaissant seulement 12 à 48 heures après l’ingestion.
Existe-t-il des facteurs de risques favorisant la toxicité du paracétamol ? Certains facteurs de risques tels que l’insuffisance hépatique préexistante et l’alcoolisme chronique peuvent occasionner une hépatite en cas de prise de paracétamol, même aux doses thérapeutiques. Les sujets âgés sont également plus vulnérables, ainsi que les sujets dénutris, les femmes enceintes, les sujets prenant par ailleurs des médicaments inducteurs enzymatiques…
Que faire en cas de surdosage ? Une conduite d’urgence s’impose avec transfert immédiat en milieu hospitalier. Le traitement doit être réalisé le plus rapidement possible et comprend classiquement l’administration du célèbre antidote du paracétamol, la N-acétylcystéine par voie intraveineuse ou orale, si possible avant la dixième heure. Bien évidemment, un traitement symptomatique doit être aussi rapidement mis en route.
• le méthotrexate (> 15 mg/semaine) voit sa toxicité hématologique augmentée. Notons aussi qu’il est déconseillé d’associer l’aspirine avec les anticoagulants oraux (même à dose faible d’aspirine), les autres AINS, les héparines et les uricosuriques.
Les AINS non salicylés La liste des spécialités contenant des AINS à visée antalgique est longue. Utilisés en première intention à fortes doses pour leur action anti-inflammatoire, ceux-ci peuvent s’avérer efficaces à doses plus faibles dans les syndromes douloureux légers à modérés [7-11]. C’est ainsi qu’à doses antalgiques, les AINS peuvent être utilisés dans les affections de type : douleurs dentaires, céphalées, migraines, traumatologie bénigne, douleur en ORL ou en stomatologie. Leur association à des antalgiques puissants peut même être bénéfique en cancérologie.
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Tableau 2. Posologies de l’aspirine. Chez l’adulte et l’enfant dont le poids est supérieur à 50 kg (environ 15 ans)
Douleurs et fièvre : • 1 g à renouveler en cas de besoin au bout de 4 heures, sans dépasser 3 g par jour (2 g chez le sujet âgé) ; • les prises systématiques dans le respect de cette posologie permettent d’éviter les oscillations de douleur ou de fièvre ; • le patient doit être informé de ne pas utiliser l’acide acétylsalicylique plus de 3 jours en cas de fièvre et de plus 5 jours en cas de douleurs sans l’avis d’un médecin. L’aspirine peut être utilisée comme anti-inflammatoire dans les rhumatismes inflammatoires à raison de 3 à 6 g maximum par jour, à répartir en 3 ou 4 prises, espacées de 4 heures minimum.
Chez l’enfant
Il est impératif de respecter les posologies définies en fonction du poids de l’enfant et de choisir une présentation adaptée. La dose quotidienne recommandée est d’environ : • 60 mg/kg/jour, à répartir en 4 ou 6 prises ; • soit environ 15 mg/kg toutes les 6 heures ou 10 mg/kg toutes les 4 heures. Il existe quelques formes réservées au nourrisson, comme Aspégic® Nourrissons 100 mg. Cette présentation est réservée à l’enfant de 6 à 22 kg (environ 3 mois à 7 ans).
Faut-il craindre le syndrome de Reye ?
À noter
Le syndrome de Reye [12], très rare mais présentant un risque vital, a été observé chez des enfants présentant des signes d’infections virales (en particulier varicelle et épisodes d’allure grippale) et recevant de l’acide acétylsalicylique. Il se manifeste en plusieurs stades, qui vont du vomissement et de la somnolence à la paralysie, voire à la mort [2]. En conséquence, l’acide acétylsalicylique ne doit être administré chez ces enfants que sur avis médical lorsque les autres mesures ont échoué. En cas d’apparition de vomissements persistants, de troubles de la conscience ou d’un comportement anormal, le traitement par l’acide acétylsalicylique doit être interrompu.
Certains anti-inflammatoires présentent des propriétés antalgiques sans effet anti-inflammatoire majeur à faibles posologies : • l’ibuprofène (Advil®, Nurofen®…) pour des posologies inférieures à 1 200 mg/jour ; • le kétoprofène (Profénid®…) pour des posologies inférieures à 300 mg/jour ; • le naproxène (Apranax®, Naprosyne®) pour des posologies inférieures à 680 mg/jour ; • le diclofénac (Voltarène®…) à la posologie unitaire de 12,5 mg ; • l’acide méfénamique (Ponstyl®) à moins de 1 500 mg/jour.
La posologie est adaptable selon : • l’âge du patient car il faut tenir compte des capacités d’élimination plus basses aux âges extrêmes de la vie et particulièrement chez le sujet âgé ; • certaines caractéristiques physiologiques (les femmes enceintes et les allergiques devront être au centre des attentions) ; • l’intensité et la répétabilité de la douleur. F Les AINS ont de multiples contre-indications qu’il convient de connaître et de respecter scrupuleusement : l’hypersensibilité, l’allergie aux AINS, l’ulcère gastroduodénal en évolution, l’insuffisance hépatocellulaire sévère, l’insuffisance rénale sévère, l’insuffisance cardiaque, les antécédents récents de rectite et de rectorragies (formes rectales), la déshydratation ou les états nutritionnels médiocres, les enfants de moins de 15 ans, la femme enceinte (à partir du 6e mois) et l’allaitement [6].
car le patient ne consultera pas son médecin ou ne les signalera pas à son pharmacien. En effet, la plupart des troubles sont plutôt légers et transitoires. Des incidents mineurs, que de simples mesures symptomatiques permettent habituellement de prévenir ou de faire régresser, peuvent être observés. De ce fait, les patients ne font pas systématiquement le rapprochement entre les symptômes ressentis et le médicament pris – a fortiori lorsque le traitement est de courte durée – lorsqu’il s’agit de polymédication ou d’automédication. En effet, cette dernière représente une problématique majeure en santé publique, à laquelle le pharmacien se trouve souvent confronté. F Les effets gastro-intestinaux sont bien connus du grand public mais souvent sous-estimés : épigastralgies, dyspepsie, nausées, vomissements, douleurs abdominales et troubles du transit. Des effets beaucoup plus graves peuvent survenir, fort heureusement plus rarement : ulcères et hémorragies digestives. Retenons principalement que les AINS peuvent aggraver ou révéler une maladie ulcéreuse gastroduodénale dans certains cas.
Références [1] Queneau P, Nouaille Y, Schmidt J. Antalgiques. Introduction aux traitements des douleurs. In: Bouvenot G, Caulin C (dir). Guide du bon usage du médicament. Paris: Flammarion MédecineSciences; 2003:475-503. [2] Queneau P, Nouaille Y, Schmidt J. Thérapeutiques antalgiques médicamenteuses. Module 11. 1re partie. In: Bouvenot G, Caulin C, Montagne O (dir). APNET. L’essentiel en thérapeutique générale. Med-line Edition publ; 2003:473-506. [3] Agence nationale de sécurité du médicament. Fiche d’aide à la dispensation du paracétamol. Juin 2008. www.ansm.sante.fr [4] Agence nationale de sécurité du médicament. Fiche d’aide à l’automédication : le paracétamol en bref. Information patient (01/07/2008). www.ansm.sante.fr
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Effets indésirables L’incidence des effets indésirables des AINS est élevée, leur pharmacovigilance le montre clairement. Un certain nombre de leurs effets indésirables passeront inaperçus
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F Des effets rénaux peuvent survenir. Les AINS potentialisent, notamment chez les sujets à risques (personnes âgées), la survenue d’une insuffisance rénale fonctionnelle d’origine hémodynamique. Le risque d’insuffisance rénale fonctionnelle aiguë est accru : • d’une part, chez les sujets cirrhotiques et/ou néphrotiques chroniques ; • d’autre part, chez des sujets victimes d’une déshydratation, d’une rétention hydrosodée (hypertension artérielle, œdème des membres inférieurs), d’une insuffisance cardiaque, traités par diurétiques ou par inhibiteurs de l’enzyme de conversion et de plus de 75 ans. Dans ces différents cas, il est préférable d’éviter l’administration d’AINS à demi-vie longue et surtout de contrôler l’état de la fonction rénale. Mais la néphrotoxicité des AINS peut aussi être à l’origine d’atteintes rénales organiques susceptibles de conduire à une insuffisance rénale irréversible (à l’inverse de l’insuffisance rénale uniquement fonctionnelle). F Des effets pulmonaires sont à craindre (crise d’asthme, bronchospasme, détresse respiratoire aiguë, œdème pulmonaire) surtout chez les patients présentant un risque allergique. F Des effets cardiovasculaires sont bien connus avec aggravation d’une hypertension traitée et réduction de l’effet des médicaments antihypertenseurs [7]. Chez les sujets dont la fonction cardiaque est compromise, une rétention hydrosodée et des œdèmes périphériques légers peuvent survenir : une restriction sodée est alors impérative. F Des effets cutanés à type d’urticaire, d’éruption prurigineuse, maculeuse, papuleuse, érythémateuse ou morbilliforme sont possibles. Les AINS peuvent induire ces diverses réactions cutanées au début du traitement. Cependant, des réactions plus sévères mais rares peuvent survenir. Le syndrome de Lyell, le syndrome de Stevens-Johnson, l’érythème noueux, l’érythème polymorphe et une vascularite menacent le pronostic vital. Ils ne sont qu’épisodiques et rares, mais ont déjà été décrits. Sous traitement chronique par AINS, des réactions cutanées phototoxiques peuvent aussi survenir. Enfin, certains cas d’œdème de Quincke et de choc anaphylactique ont été rapportés avec des traitements par AINS. F Des effets hématologiques ont été décrits : anémie, leucopénie, agranulocytose, thrombopénie et pancytopénie. Au cours de traitements prolongés, des effets plus graves peuvent se produire comme une aplasie médullaire. F Des effets hépatiques sont susceptibles de survenir : les AINS peuvent être responsables d’hépatites plus ou moins graves, donc d’ictères. Ils peuvent
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À savoir pour la pratique officinale : aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens La vente libre de l’aspirine et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) doit attirer l’attention du pharmacien sur leur usage au cours la grossesse et de l’allaitement. Grossesse
F Au-delà de 24 semaines d’aménorrhée (5 mois révolus), tous les inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines peuvent exposer le fœtus à : • une toxicité cardiopulmonaire (fermeture prématurée du canal artériel et hypertension artérielle pulmonaire) ; • un dysfonctionnement rénal pouvant évoluer vers une insuffisance rénale associée à un oligohydramnios. F En fin de grossesse, la mère et le nouveau-né peuvent présenter : • un allongement du temps de saignement du fait d’une action antiagrégante pouvant survenir même après administration de très faibles doses de médicament ; • une inhibition des contractions utérines entraînant un retard de terme ou un accouchement prolongé. En conséquence, en dehors d’utilisations cardiologiques ou obstétricales extrêmement limitées et qui justifient un avis médical et une surveillance spécialisée, l’acide acétylsalicylique et les AINS sont formellement contre-indiqués au-delà de 24 semaines d’aménorrhée (5 mois révolus). Allaitement
L’acide acétylsalicylique passant dans le lait maternel, ce médicament est déconseillé pendant l’allaitement.
entraîner des modifications – transitoires et réversibles – des paramètres hépatiques (augmentation des transaminases, de la bilirubine). Si des anomalies de la fonction hépatique persistent ou s’aggravent ou s’il survient des signes cliniques d’insuffisance hépatique, l’administration de l’AINS doit être arrêtée.
Interactions médicamenteuses Les interactions médicamenteuses des AINS avec d’autres médicaments sont importantes à connaître à l’officine. L’administration simultanée des AINS avec certains autres médicaments nécessite une surveillance rigoureuse de l’état clinique et biologique du malade. F Certaines associations sont déconseillées : avec les autres AINS, l’acide acétylsalicylique à des doses anti-inflammatoires (1 g/jour prise et/ou 3 g/jour) ou à des doses antalgiques ou antipyrétiques (500 mg/jour prise et/ou 3 g), les anticoagulants oraux, les héparines non fractionnées (HNF), les héparines de bas poids moléculaires (HBPM) et apparentés (à doses curatives et/ ou chez le sujet âgé), le lithium, le méthotrexate utilisé à des doses supérieures à 20 mg/semaine et le pemetrexed (patients ayant une fonction rénale faible à modérée). F Certaines associations nécessitent des précautions d’emploi : avec la ciclosporine et le tacrolimus, les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II ou sartans), le méthotrexate utilisé à
Références [5] Agence nationale de sécurité du médicament. Fiche d’aide à la dispensation de l’aspirine (01/07/2008). www.ansm.sante.fr [6] Agence nationale de sécurité du médicament. Fiche d’aide à l’automédication : l’aspirine en bref. Information patient (01/07/2008). www.ansm.sante.fr [7] Agence nationale de sécurité du médicament. AINS et risque cardiovasculaire. www.ansm.sante.fr/ S-informer/PresseCommuniques-Pointspresse/AINS-et-risquecardiovasculaire/(language)/ fre-FR [8] Agence nationale de sécurité du médicament. www.ansm.sante.fr/ S-informer/PresseCommuniques-Points-presse/ Rappel-pas-d-AINS-des-le6eme-mois-de-grossesse/ (language)/fre-FR
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La floctafénine
Références
[10] Agence nationale de sécurité du médicament. Traitement par antiinflammatoire non-stéroïdiens (AINS) pendant la grossesse. Questions – Réponses (15/01/2004). www.ansm.sante.fr [11] Agence nationale de sécurité du médicament. Rappel des règles de bon usage des AINS (24/10/2006). www.ansm.sante.fr [12] Agence nationale de sécurité du médicament. Syndrome de Reye et aspirine. www.ansm.sante.fr/ S-informer/PresseCommuniques-Points-presse/ Syndrome-de-Reyeet-Aspirine/(language)/ fre-FR
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[9] Agence nationale de sécurité du médicament. Règles de bon usage des AINS (12/03/2010). www.ansm.sante.fr
Le pharmacien doit dispenser conseil et recommandations lors de la dispensation d’antalgiques de palier I.
Le saviez-vous ? Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent générer une hyperkaliémie, or certains autres médicaments ou classes thérapeutiques sont susceptibles de favoriser la survenue d’une hyperkaliémie : les sels de potassium, les diurétiques hyperkaliémiants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antagonistes de l’angiotensine II, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les héparines (de bas poids moléculaire ou non fractionnées), les immunosuppresseurs comme la ciclosporine ou le tacrolimus et le triméthoprime. L’association de ces médicaments majore entre eux le risque d’hyperkaliémie.
La floctafénine (Idarac®), comprimé à 200 mg, a pour caractéristique d’être un antalgique pur, destiné à la voie orale uniquement. La posologie est de 1 comprimé par prise à renouveler en cas de besoin sans dépasser 4 comprimés par jour. Il faut respecter un intervalle de 4 à 6 heures entre les prises de ce médicament. En cas de douleurs intenses, la posologie sera de 2 comprimés d’emblée par prise, puis 1 comprimé à renouveler en cas de besoin sans dépasser 4 comprimés par jour. Les effets indésirables sont rares mais potentiellement graves, nécessitant l’arrêt immédiat du traitement. En effet, des réactions d’allure allergique, cutanéo muqueuses ou générales, pouvant aller jusqu’au choc, sont possibles. Elles ont été souvent précédées par la survenue, lors d’une prise antérieure, de symptômes allergiques mineurs : fourmillements au niveau des paumes des mains ou de la plante des pieds, rougeur brusque du visage ou du décolleté, éruption cutanée, picotements laryngés, sensation de malaise. Ces antécédents d’intolérance à la floctafénine ou à des substances proches doivent être recherchés systématiquement par l’interrogatoire avant toute nouvelle prescription. Ils contre-indiquent la poursuite ou la reprise de la thérapeutique par la floctafénine.
Le néfopam Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Les auteurs Hadrien VUILLET-A-CILES Étudiant, deuxième cycle des études de pharmacie, Faculté de pharmacie, 2 rue du Docteur-Marcland, 87025 Limoges cedex, France
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Jacques BUXERAUD Professeur des Universités, Faculté de pharmacie, 2 rue du Docteur-Marcland, 87025 Limoges cedex, France
[email protected]
des doses inférieures ou égales à 20 mg/semaine et le pemetrexed (patients ayant une fonction rénale normale). F Certaines associations doivent être prise en compte avec l’acide acétylsalicylique à des doses antiagrégantes (de 50 à 375 mg/jour en une ou plusieurs prises), les antiagrégants plaquettaires et les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), le déferasirox (Exjade®, un chélateur du fer utilisé dans le traitement de la surcharge en fer), les glucocorticoïdes (sauf hydrocortisone en traitement substitutif), les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) et apparentés et les héparines non fractionnées (HNF aux doses préventives).
Deux antalgiques particuliers Deux antalgiques particuliers disponibles à l’officine sont également classés parmi les antalgiques de palier I.
Le néfopam (Acupan®), antalgique en solution injectable à 20 mg, possède une structure chimique non apparentée à celle des antalgiques actuellement connus. Ce médicament est utilisé par voie intraveineuse ou intramusculaire pour le traitement symptomatique des affections douloureuses aiguës, notamment des douleurs postopératoires. Le néfopam n’a aucune action anti-inflammatoire ou antipyrétique. Il n’entraîne pas de dépression respiratoire. En revanche, il possède une activité anticholinergique, ce qui le contre-indique en cas de comitialité, de risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques, de risque de glaucome par fermeture de l’angle et d’insuffisance coronaire. Il a pour principal inconvénient d’entraîner souvent nausées et vomissements. w
Yves NOUAILLE Médecin praticien hospitalier, Service de Pharmacologie, toxicologie et pharmacovigilance, Hôpital Dupuytren CHU, 2 avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France
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