Les myélopathies secondaires aux fistules durales artério-veineuses peuvent-elles être aggravées par la corticothérapie intraveineuse ?

Les myélopathies secondaires aux fistules durales artério-veineuses peuvent-elles être aggravées par la corticothérapie intraveineuse ?

Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 2, 235-237 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 235 Brève communication Les myélopathies secondaires a...

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Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 2, 235-237

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Brève communication Les myélopathies secondaires aux fistules durales artério-veineuses peuvent-elles être aggravées par la corticothérapie intraveineuse ? M.E. Söderlund1, S. Benisty1, A. Gaston2, M. Djindjian3, P. Cesaro1, A. Créange1 1

Service de Neurologie, Centre Hospitalier Universitaire Henri-Mondor, AP/HP, Université Paris XII, Créteil. Service de Neuroradiologie Centre Hospitalier Universitaire Henri-Mondor, AP/HP, Université Paris XII, Créteil. 3 Service de Neurochirurgie, Centre Hospitalier Universitaire Henri-Mondor, AP/HP, Université Paris XII, Créteil. Reçu le 09/06/2006 ; Reçu en dernière révision le 28/08/2006 ; Accepté le 01/09/2006. 2

RÉSUMÉ Introduction. Les fistules durales sont les plus fréquentes malformations vasculaires spinales. Elles sont une cause reconnue de myélopathie. Leur origine est méconnue. Il existe des descriptions d’aggravations cliniques spontanées ou favorisées par certains gestes invasifs. Observations. Nous rapportons l’observation d’un patient de 63 ans souffrant d’une paraparésie spastique associée à des troubles sensitifs évoluant depuis quatre mois qui devant la suspicion de myélopathie inflammatoire reçut un traitement d’un gramme de méthylprednisolone par voie veineuse. Au cours des 24 heures suivantes, le patient présenta une aggravation du déficit neurologique moteur et proprioceptif, réversible en quelques jours après la suspension du traitement corticoïdes. Conclusion. Le rôle possible de la corticothérapie dans l’aggravation clinique est discuté.

Mots-clés : Fistule durale • Malformation artérioveineuse • Myélopathie • Corticoïdes

SUMMARY Can myelopathies secondary to arterio-venous dural fistulae be aggravated by intravenous corticosteroid therapy? M.E. Söderlund, S. Benisty, A. Gaston, P. Cesaro, A. Créange, Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163: 2, 235-237 Dural fistulas are the most common vascular malformations of the spinal cord. They are of unknown origin but constitute a recognized cause of myelopathy. Aggravation of the clinical manifestations, either spontaneously or after invasive procedures, has been described. We report the case of a patient with a four-month history of myelopathic syndrome involving the lower limbs. Intravenous corticosteroid steroid treatment (1g) given for a suspected inflammatory disorder, induced a dramatic flare-up of the neurological symptoms which were reversible within 48 hours after corticosteroid withdrawal. The causal effect of the steroid treatment is discussed.

Keywords: Dural fistula • Arteriovenous malformation • Myelopathy • Corticosteroids

INTRODUCTION Les fistules durales sont les malformations vasculaires spinales les plus fréquentes. Habituellement observées chez les hommes âgés de 50 à 70 ans, leur origine est méconnue. Une fistule artérioveineuse durale doit être considérée parmi les diagnostics différentiels des myélopathies progressives. Une faiblesse motrice, des déficits sensitifs des membres inférieurs pouvant s’aggraver en orthostatisme ou lors de la marche, et des troubles sensitifs de la région périnéale sont évocateurs du diagnostic. Les troubles sphinctériens sont d’apparition tardive. Les manifestations peuvent être asymétriques. Des douleurs neurogènes des membres inférieurs associées à une douleur lombaire s’aggravant avec la station debout peuvent en imposer pour un canal lombaire étroit (Atkinson et al., 2001).

Des aggravations cliniques spontanées ou favorisées par certains gestes invasifs tels que des artériographies ou une chirurgie lombaire ont été rapportées (Atkinson et al., 2001 ; Criscuolo et al., 1989 ; Crum et Link, 2004 ; Houdart et al., 2001 ; Kalamangalam et al., 2002 ; Rastogi et al., 2004 ; Stadler et al., 2000 ; Van Dijk et al., 2002). Nous rapportons le premier cas d’aggravation par la corticothérapie à forte dose — réalisée en raison d’une suspicion de myélopathie inflammatoire.

OBSERVATION Cas n° 40040107816. — Un homme de 63 ans, sans antécédent particulier, fut hospitalisé pour exploration d’une paraparésie spastique associée à des troubles sensitifs proprioceptifs des membres inférieurs. Les manifestations cliniques évoluaient depuis 4 mois et le

Correspondance : A. CRÉANGE, Service de Neurologie, Hôpital Henri-Mondor, 94000 Créteil. E-mail : [email protected]

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Fig. 1. – IRM médullaire. Hypersignal centromédullaire en séquence pondérée T2 s’étendant de la moelle lombaire basse à l’étage thoracique moyen. Après injection de produit de gadolinium, opacification d’une veine postérieure. Spinal cord MRI. T2-weighted sequence shows a centromedullary hypersignal extending from the lower lumbar cord to the mid thoracic level. After gadolinium injection, opacification of a posterior vein.

était de 43 U/L. Les anticorps.anti-cardiolipines IgG étaient positifs à 33 UI. L’examen du liquide cérébro-spinal montrait 1 élément/mm3 ; une protéinorrachie à 0,68 g/ml, une glycorachie égale à 50 p. 100 de la glycémie, l’absence de bandes sur l’électrophorèse des protéines par immunofixation sensibilisée. Les potentiels évoqués somesthésiques confirmaient l’existence d’une atteinte cordonale postérieure médullaire lombaire bilatérale. Les potentiels moteurs montraient des réponses désynchronisées en S1 après stimulations corticales. L’IRM encéphalique était normale et l’IRM médullaire montrait un hypersignal centromédullaire en séquence pondérée en T2 étendue de D7 à D10 (Fig. 1). Devant la suspicion d’une myélopathie inflammatoire, le patient reçut un gramme de méthylprednisolone par voie intraveineuse une semaine après la ponction lombaire. Au cours des 24 heures qui suivirent, le patient eut une aggravation franche du déficit moteur qui le confina au fauteuil. Cette aggravation fut entièrement réversible 48 heures après la suspension de la corticothérapie. Par la suite, une artériographie mit en évidence une fistule dure-mérienne intracrânienne à expression médullaire (Fig. 2 et 3). La résection chirurgicale de la malformation fut suivie d’une amélioration clinique des troubles moteurs et sensitifs. À 6 mois le patient avait un périmètre de marche de deux kilomètres. Les troubles sphinctériens persistaient ainsi que l’hypopallesthésie à l’examen clinique.

DISCUSSION patient avait un périmètre de marche limité à 10 mètres. L’examen clinique montrait un déficit moteur des membres inférieurs distal et symétrique coté à 4/5 sur l’échelle MRC, mais surtout des troubles sensitifs avec une apallesthésie et une hypoesthésie au tact fin bilatérales avec un niveau D9, une chute à la manœuvre de Romberg, et des troubles sphinctériens de type rétentionnels. Les réflexes tendineux des membres inférieurs étaient vifs et les réflexes cutanés plantaires indifférents. Sur le plan biologique, les examens biologiques suivants étaient négatifs ou normaux : numération formule sanguine, TP, TCA ; vitamine B12 et acide folique, sérologies VIH, HTLV 1 et 2, hépatites B et C, B. burgdorferi, inmuno électrophorèse des protéines, anticorps anti-endomysium, anti-gliadine, anti-thyroglobuline, anti-thyropéroxydase, anti-noyaux, anti-Hu. Le dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) plasmatique

Les fistules durales intracrâniennes sont une cause rare de myélopathie (Kalamangalam et al., 2002). Leur origine est fréquemment attribuée à des anomalies congénitales, des traumatismes, ou des suites de thromboses veineuses du système nerveux (Crum et Link, 2004). La myélopathie est secondaire à une hypertension veineuse par artérialisation d’une veine de drainage au niveau médullaire. L’importance d’un facteur hydrostatique est suggérée par l’aggravation possible de la symptomatologie médullaire par la position debout ou une manœuvre de Valsalva (Atkinson et al., 2001). Le plus souvent d’aggravation progressive, des cas de progression aiguë ou subaiguë de myélopathies secondaires à des fistules durales ont été décrits (syndrome

Fig. 2. – Artériographie médullaire. L’artère vertébrale gauche donne naissance à des vaisseaux anormaux à la jonction des segments V3-V4, avec un peloton vasculaire proche de l’artère puis des veines, se drainant vers la partie antérieure de la jonction bulbomédullaire. Cordal arteriography. The left vertebral artery gives rise to abnormal vessels at the V3-V4 junction with a vascular cluster near the artery then the veins draining into the anterior part of the stem-cord junction.

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Fig. 3. – Artériographie (reconstruction en trois dimensions). Vue postéro-antérieure et antéro postérieure de la fistule, artère vertébrale gauche et veine de drainage. 3D reconstruction arteriography. Posteroanterior and anteroposterior view of the fistula, the left vertebral artery and the drainage vein.

de Foix-Alajouiane). L’étiologie originalement suspectée est une thrombose locale (Criscuolo et al., 1989). Une majoration des manifestations neurologiques a été rapportée après ponction lombaire chez certains patients ayant des fistules durales (Cognard et al., 1998 ; Rastogi et al., 2004). Parmi les mécanismes évoqués figure la survenue d’une hypotension du LCR secondaire à la fuite de liquide liée au trou de la ponction. Cette hypotension favoriserait l’augmentation de la pression et de la taille de la fistule, limitant le drainage veineux parenchymateux (Rastogi et al., 2004). Chez des patients atteints d’une sclérose en plaques, des thromboses veineuses cérébrales ont été décrites après ponction lombaire suivie d’un traitement par corticoïdes à forte dose en intraveineux (Vandenberghe et al., 2003). Plusieurs mécanismes sont également évoqués. C’est surtout, l’association d’un possible effet coagulant des corticoïdes et d’une diminution de la pression du LCR entraînant déchirures des parois des sinus veineux et ralentissement du flux veineux, qui favoriserait la thrombose (Stadler et al., 2000). Dans l’observation rapportée, bien qu’on ne puisse exclure que la ponction lombaire ait eu un effet délétère, le délai d’une semaine entre la ponction lombaire et l’aggravation clinique, et l’absence de syndrome post-PL, donc d’hypotension du LCR, suggèrent qu’elle n’a pas ou peu favorisé l’aggravation clinique. À l’inverse, la chronologie suggère un rôle favorisant de la corticothérapie. Malgré l’absence de réintroduction des corticoïdes, l’association des critères sémiologiques et chronologiques donne un score d’imputabilité intrinsèque vraisemblable I3 au médicament (Begaud et al., 1985). Si on peut exclure un phénomène thrombotique (amélioration clinique rapide à l’interruption du traitement), les corticoïdes à forte dose ont pu produire une modification transitoire de l’hypertension veineuse par l’intermédiaire d’une rétention hydro-sodée, et augmenter la gêne au retour veineux, l’œdème de stase médullaire et la compression par la veine dilatée. Ainsi, en cas de suspicion d’une fistule durale à expression médullaire, le risque

de la corticothérapie intraveineuse seule, ou associée à une ponction lombaire, même séparés par un délai d’une semaine doit être considéré.

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