© Masson, Paris, 2004.
MISE AU POINT
Gastroenterol Clin Biol 2004;28:1257-1266
Les processus digestifs et absorptifs des lipides alimentaires Valérie MARCIL (1, 2), Noël PERETTI (1, 2), Edgard DELVIN (1, 3), Emile LEVY (1, 2)
(1) Centre de Recherche Hôpital Sainte-Justine ; (2) Départements de Nutrition et de, (3) Biochimie, Université de Montréal, 3175, Côte Sainte-Catherine, Montréal, H3T 1C5, Canada.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENTS
INTRODUCTION
Digestive and absorptive processes of alimentary fat Valérie MARCIL, Noel PERETTI, Edgard DELVIN, Emile LEVY
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DE L’INTESTIN
(Gastroenterol Clin Biol 2004;28:1257-1266)
• Paroi intestinale • Entérocytes et colonocytes • Lipides alimentaires
INTRODUCTION ANATOMY AND PHYSIOLOGY OF THE INTESTINE • Intestinal wall • Enterocytes and colonocytes • Alimentary lipids LIPID DIGESTION • Hydrolysis • Emulsification and micellar solubilization INTESTINAL ABSORPTION OF LIPIDS • Transmembrane passage • Cytosolic transport • Reesterification INTESTINAL LIPOPROTEIN ASSEMBLY • Apo B editing • Apo B lipidation and chylomicron formation ADDITIONAL INTESTINAL LIPOPROTEINS PRIMARY PATHOLOGIES OF THE ENTEROCYTE • Abetalipoproteinemia • Hypobetalipoproteinemia • Chylomicron retention disease CONCLUSION
DIGESTION DES LIPIDES • Hydrolyse • Emulsification et solubilisation micellaire ABSORPTION INTESTINALE DES LIPIDES • Passage transmembranaire • Transport cytosolique • Réestérification ASSEMBLAGE DES LIPOPROTÉINES INTESTINALES • « Editing » de l’apo B • « Lipidation » de l’apo B et formation des chylomicrons AUTRES CLASSES DE LIPOPROTÉINES INTESTINALES PATHOLOGIES PRIMAIRES DE L’ENTÉROCYTE • Abêtalipoprotéinémie • Hypobêtalipoprotéinémie • Maladie de la rétention des chylomicrons CONCLUSION
des alimentaires, puisse être assemblé et acheminé à la circulation sanguine via le système lymphatique. Notre compréhension des mécanismes contrôlant l’absorption des lipides a progressé récemment grâce à l’étude de plusieurs pathologies rares telles que l’abêtalipoprotéinémie, l’hypobêtalipoprotéinémie et la retention des chylomicrons. Ces anomalies héréditaires touchent surtout la phase entérocytaire de l’absorption des lipides, à savoir le MTP, l’apo B-48 et le Sar1b. Elles entraînent des troubles graves de l’absorption des graisses alimentaires, accompagnés d’une carence importante en acides gras essentiels et en vitamines liposolubles. Le but de cette revue est de présenter les dernières connaissances relatives à l’absorption intestinale des graisses et de préciser les mécanismes menant aux malabsorptions primaires.
Introduction Les connaissances sur le transport intestinal des lipides ont connu un essor extraordinaire au cours de la dernière décennie. La présente revue résume les acquisitions récentes relatives à la digestion et à l’absorption des graisses. Pour la compréhension du lecteur, le tube digestif a été décrit avant d’aborder la capacité fonctionnelle et les mécanismes d’assimilation des lipides. Le caractère hydrophobe des lipides impose des mécanismes particuliers. Dans la lumière intestinale, interviennent les enzymes lipolytiques et les acides biliaires pour la solubilization micellaire et la livraison des produits digestifs à la muqueuse intestinale. Dans l’entérocyte, participent activement les transporteurs liant les lipides comme le FABP, le SR-BI, la protéine de transfert comme le MTP et des protéines structurales comme l’apolipoprotéine B-48 pour que le chylomicron, principal véhicule des lipi-
Anatomie et physiologie de l’intestin grêle et du côlon
Tirés à part : E. LEVY, Centre de Recherche, Hôpital Sainte-Justine, 3175 Côte Ste-Catherine Road, Montreal, Quebec, Canada H3T 1C5. E-mail :
[email protected]
Le tube digestif est composé d’organes et de glandes agissant en synergie afin de permettre la digestion et l’absorption
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V. Marcil et al.
Paroi intestinale
des aliments. Le processus digestif des aliments débute dans la zone oro-pharyngée sous l’action de la mastication et des enzymes salivaires.
La muqueuse intestinale est recouverte par les villosités qui sont des saillies de la paroi intestinale d’une hauteur de 1 mm se projetant dans la lumière. Elles permettent d’augmenter considérablement la surface d’absorption. Chaque villosité intestinale contient, en son centre, le chylifère, vaisseau lymphatique en culde-sac, en plus d’un réseau sanguin, composé d’artérioles ascendantes qui se divisent en un réseau de capillaires au sommet de la villosité. Ces capillaires sont ensuite drainés vers les veinules descendantes des villosités [2]. La majeure partie des lipides absorbés pénètre dans les chylifères, tandis qu’une grande proportion des autres nutriments se rend dans les capillaires sanguins [3]. La voie portale joue également un rôle mineur mais non négligeable dans le transport des acides gras [4]. La muqueuse intestinale est constituée de plusieurs types cellulaires : les cellules sécrétoires et endocrines, en plus des cellules absorbantes, ou entérocytes. Les cellules épithéliales sont reliées entre elles par des jonctions serrées et forment une monocouche étanche, réfractaire au passage des nutriments, des agents infectieux et des différents produits contenus dans la lumière intestinale [5].
L’estomac, par son action tant mécanique qu’enzymatique, réduit les particules alimentaires en une solution appelée chyme. On y observe des gouttelettes de lipides ainsi que des fragments moléculaires de protéines et de polysaccharides qui, ne pouvant traverser la paroi gastrique, sont absorbés dans l’intestin grêle. L’intestin grêle s’étend du sphincter pylorique à la valvule iléo-cæcale. Il mesure entre 2 et 2,5 mètres et est divisé en trois portions successives : le duodénum, le jéjunum et l’iléon. Le duodénum est un véritable carrefour où se jettent le chyme, la bile sécrétée par le foie via le canal cholédoque et enfin les sécrétions pancréatiques via le canal de Wirsung. Le jéjunum, site préférentiel de l’absorption, représente environ 40 % de la longueur totale de l’intestin grêle humain. Enfin, l’iléon débouche sur le gros intestin à la hauteur de la valvule iléo-cæcale. Le gros intestin ou côlon mesure environ 1,5 mètre, il s’étend de la valvule iléo-cæcale jusqu’à l’anus. Ses rôles principaux sont le contrôle de l’hydratation des selles et la fermentation bactérienne. Les ions chlore et sodium y sont absorbés par un transport actif, tandis que les ions bicarbonate sont sécrétés dans la lumière. Le côlon absorbe de 300 à 400 mL d’eau par jour suite au transport du sodium et du chlore, probablement via la demirégion proximale. De plus, plusieurs microorganismes composant la flore intestinale permettent la fermentation des aliments complexes non digérés. L’activité bactérienne entraîne la formation de certaines vitamines (B12, K, thiamine, riboflavine) en plus d’autres produits de dégradation tels que les acides gras à chaînes courtes [1].
La sous-muqueuse est composée de tissu conjonctif et renferme des vaisseaux sanguins et lymphatiques, de nombreuses fibres élastiques et un réseau de neurones, appelé plexus sousmuqueux. Au-dessous de cette dernière couche, on retrouve la musculeuse formée de muscles lisses dont la contraction permet les mouvements péristaltiques de l’intestin grêle. Enfin, la séreuse est une couche mince de cellules et de tissu conjonctif, située autour de la surface externe de l’organe et assurant sa protection. La paroi du côlon diffère de celle de l’intestin grêle par plusieurs aspects. Tout d’abord, la surface interne du gros intestin est relativement lisse, présentant des cryptes mais pas de villosités. Elle est aussi très riche en cellules à mucus. Les jonctions entre les cellules épithéliales du côlon sont plus serrées que celles de l’intestin grêle, ce qui prévient la diffusion des ions et la sortie d’eau [6-8].
ABRÉVIATIONS ABCA1 ACAT AG AGCC AGCL AGCM Apo CE CCK CHOL CM DG DGAT FABP FABPc FAT FATP HDL I-FABP L-FABP LDL Lyso-PC MG MGAT MTP PC PDI PL PLA2 PLTP RE SCP-2 SR-BI TG VLDL
: ATP Binding Cassette transporter A1 : Acyl-CoA Cholesterol Acyl Transferase : Acide Gras : Acide Gras à Chaîne Courte : Acide Gras à Chaîne Longue : Acide Gras à Chaîne Mayenne : Apolipoprotéine : Ester de cholestérol : Cholecystokinine : Cholestérol : Chylomicron : Diacylglycérol : Diacylglycerol acyltransferase : Fatty Acid Binding Protein : Fatty Acid Binding Protein Cytosolique : Fatty Acid Transporter : Fatty Acid Transport Protein : High Density Lipoprotein : Intestine-Fatty Acid Binding Protein : Liver-Fatty Acid Binding Protein : Low Density Lipoprotein : Lyso-Phosphatidylcholine : Monoacylglycérol : Monoacylglycerol acyltransferase : Microsomal Triglyceride Transfer Protein : Phosphatidylcholine : Protein Disulfide Isomerase : Phospholipide : Phospholipase A2 : Phospholipid Transfer Protein : Reticulum Endoplasmique : Sterol Carrier Protein-2 : Scavenger Receptor class B type 1 : Triacylglycérol : Very Low Density Lipoprotein
Entérocytes et colonocytes Les entérocytes sont les cellules les plus abondantes de l’épithélium et permettent le transport des nutriments de la lumière vers les vaisseaux sanguins ou la lymphe. Les entérocytes, prenant naissance dans les cryptes, à la base des villosités, migrent vers le sommet de la villosité tout en se différenciant. Les cellules les plus anciennes résidant au sommet des villosités desquament et sont ainsi remplaçées par de nouveaux entérocytes matures, hautement polarisés et fonctionnels. La régénération complète des cellules de l’épithélium intestinal a lieu tous les 5 jours environ. Le pôle apical des entérocytes différenciés se projette dans la lumière de l’intestin et présente de nombreuses microvillosités qui augmentent davantage la surface d’absorption ; ces dernières forment la bordure en brosse à travers laquelle les nutriments pénètrent. Leur pôle basolatéral est quant à lui tourné vers le réseau capillaire. Les entérocytes expriment une multitude de gènes, codant pour des protéines spécifiques qui assurent les mécanismes de digestion et d’absorption [9, 10]. Les colonocytes, pour leur part, ont pour fonction principale la régulation des niveaux d’eau et d’électrolytes dans les féces. Contrairement aux entérocytes de l’intestin grêle, les colonocytes n’absorbent pas le glucose et les acides aminés en quantité significative. Par contre, dans certaines conditions pathologiques où l’intestin grêle est incapable d’assurer l’absorption complète des graisses, les membranes luminales des colonocytes peuvent, dans une certaine mesure, servir de surface absorptive assumant ainsi un rôle adaptatif [11]. 1258
Digestion et absorption des lipides
Lipides alimentaires
Émulsification et solubilisation micellaire
Les graisses constituent de 30 à 40 % des calories ingérées dans une diète occidentale. Parmi les lipides alimentaires, on retrouve les triacylglycérols (TG) (120-150 g/j), les phospholipides (PL) (4-8 g/j) et le cholestérol (CHOL) (300-500 mg/j). Les lipides d’origine biliaire déversés dans la lumière intestinale s’avèrent une source quantitativement importante de CHOL (800-1 200 mg/j) et de PL (10-20 g/j). Enfin, la desquamation des cellules du tractus digestif fournit un apport en CHOL non négligeable (250-400 mg/j) [12].
Les TG sont insolubles dans l’eau et s’agrègent en grosses gouttelettes lipidiques, limitant ainsi la surface d’action des enzymes lipolytiques. L’émulsification est le processus de dispersion de ces grosses gouttelettes en petites particules ; elle est initiée par les sels biliaires déversés dans le duodénum. Par la suite, les produits de l’hydrolyse des TG (MG et AG) s’associent avec les sels biliaires et forment de petites gouttelettes émulsifiées, appelées micelles. Ce sont ces dernières qui permettent de garder en solution les produits provenant de la digestion des lipides qui seraient autrement insolubles. Donc, la micellisation est une étape indispensable à l’absorption optimale des graisses alimentaires [21, 22].
On peut classer les acides gras (AG) selon la longueur de leur chaîne : les AG à chaînes courtes (AGCC) (2 à 4 carbones), à chaînes moyennes (AGCM) (5 à 12 carbones) et à chaînes longues (AGCL) (12 carbones). Généralement, on ne retrouve que très peu d’AG libres dans l’alimentation ; ils sont intégrés aux TG (92 à 96 % des lipides alimentaires) et aux PL. Quant au CHOL, il peut être sous forme libre ou estérifié (CE) à un AG.
Absorption intestinale des lipides Passage transmembranaire
Environ la moitié du CHOL de l’organisme est d’origine exogène, l’autre moitié est synthétisée par l’enzyme HMG-CoA réductase [13]. En fait, l’alimentation apporte 0,5 à 2 g de cholestérol par jour dont une faible proportion (20 %) provient des végétaux. À cet apport exogène s’ajoutent 0,8 à 1,2 g de cholestérol biliaire et 250-450 mg de cholestérol résultant de la desquamation quotidienne des cellules épithéliales intestinales. La majorité de ce cholestérol se trouve sous sa forme libre.
Pour que les lipides contenus dans les micelles soient absorbés par la cellule intestinale, ils doivent d’abord être séparés des sels biliaires. À la surface de la bordure en brosse des entérocytes, existe un microenvironnement acide (pH 5,3-6,0) créé par les échanges Na+/H+ de la membrane. Cette acidité entraîne une diminution de la solubilité des micelles. Les AG sont alors dissociés des micelles et protonés, ce qui permet leur passage à travers la membrane microvillositaire de l’entérocyte [23, 24]. Les MG avec les AG en position sn-2, les lyso-PC et le CHOL sont aussi transférés à travers les microvillosités, mais les acides biliaires sont pour la plupart absorbés au niveau de l’iléum terminal, puis transportés dans la veine porte jusqu’au foie [25].
Digestion des lipides Lors de la phase digestive des graisses, deux processus interdépendants sont impliqués : l’hydrolyse des lipides et la dispersion micellaire des produits de la lipolyse par les acides biliaires (figure 1).
Au niveau de l’entérocyte, il semble que deux mécanismes agissent en complémentarité pour permettre aux lipides de traverser la membrane microvillositaire : la diffusion simple et le transport actif qui implique des transporteurs membranaires [26-28]. Ainsi, les AG non chargés se déplacent de façon rapide et spontanée à travers la membrane plasmique, grâce à un mouvement de « flip-flop » non énergie-dépendant. De même, une diffusion passive du CHOL libre est le modèle classique proposé [29]. Cette diffusion simple serait le résultat du gradient de concentration créé par l’abondance de lipides dans la lumière intestinale et leur faible concentration dans le milieu cytosolique [30]. Par contre, certains éléments permettent d’envisager l’existence de transporteurs sur la membrane apicale : la captation des AG par l’entérocyte est un procédé saturable, et de plus, les mécanismes de « flip-flop » seuls semblent insuffisants pour satisfaire les besoins métaboliques de la cellule [31]. Les transporteurs membranaires connus des produits lipolytiques sont : 1) le « Fatty Acid Binding Protein » de la membrane plasmatique (FABPm), une protéine de 40 kDa qui lie avec une grande affinité les AGCL, les lyso-PC, les MG et le CHOL [32], 2) le « Fatty Acid-Transport Protein » (FATP), une protéine de 63 kDa largement exprimée dans l’intestin grêle [33] et 3) le « Fatty Acid Transporter » (FAT) aussi retrouvé en quantité importante dans les entérocytes [34]. D’autres protéines candidates sont proposées pour le transport transmembranaire du CHOL, la « lipase carboxyl ester », anciennement nommée « cholestérol estérase » pancréatique, est la plus discutée. Cependant, les souris chez lesquelles le gène de cette enzyme a été invalidé absorbent le CHOL libre avec la même efficacité que les souris sauvages [35], ce qui amène à se questionner sur le rôle réel de cet enzyme dans ce transport. Le récepteur éboueur de classe B et de type 1 (SR-B1) serait une autre protéine candidate qui pourrait activement participer à l’absorption du cholestérol. Le SR-B1 est un récepteur de haute affinité des lipoprotéines de haute densité (HDL) [36]. L’interac-
Hydrolyse des lipides L’hydrolyse des TG débute dans l’estomac essentiellement grâce à l’action de la lipase gastrique [14]. Cette enzyme agit principalement sur les liens en position sn-1 et sn-3 pour les AGCL alors qu’elle hydrolyse les AGCM également en position sn-2. L’activité de la lipase gastrique est retrouvée principalement dans le fundus de l’estomac avec un pH acide optimal se situant entre 3 et 6 [15]. Les AG contenus dans le chyme gastrique stimulent la libération de cholécystokinine (CCK) de la muqueuse duodénale, ce qui provoque l’excrétion simultanée des enzymes pancréatiques et des composantes biliaires contenues dans la bile ; ce sont essentiellement les acides biliaires, le CHOL et les PL [16]. La lipase pancréatique qui est déversée dans le duodénum représente l’enzyme principale pour la digestion des TG ; elle assure 70 à 75 % de l’hydrolyse des TG et des diacylglycérols (DG). Elle scinde les AGCL en position sn-1 ou sn-3 libèrant ainsi des AG libres et monoacylglycérols (MG) qui se caractérisent particulièrement par la présence de son AG en position sn-2, ce qui représente la forme prédominante des MG absorbés au niveau intestinal [17, 18]. Les PL, principalement les phosphatidylcholines (PC), sont hydrolysés dans l’intestin grêle par l’action de la phospholipase A2 (PLA2) pancréatique. Cette enzyme coupe le lien de l’AG situé en position 2 seulement, libérant ainsi un AG et un lyso-PC [19]. Les lyso-PC tiennent un rôle important dans la solubilisation des autres produits de la digestion lipidique [20]. Seulement 10 à 15 % du CHOL alimentaire est sous forme de CE. Ce dernier doit d’abord être hydrolysé dans l’intestin par la “cholestérol estérase” d’origine pancréatique, afin que le CHOL libre puisse être absorbé. 1259
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A. HYDROLYSE D’UN TRIACYLGLYCÉROL
LIPASE PANCRÉATIQUE β- MONOACYLGLYCÉROL + 2 ACIDES GRAS
TRIACYLGLYCÉROL
B. HYDROLYSE D’UN PHOSPHOLIPIDE
PHOSPHOLIPASE A2
PHOSPHOLIPIDE
1 LYSO-PHOSPHOLIPIDE (GLYCÉROL-3-PHOSPHATE) + 1 ACIDE GRAS
C. HYDROLYSE DE L’ESTER DE CHOLESTÉROL
CHOLESTÉROL ESTÉRASE CHOLESTÉROL LIBRE + 1 ACIDE GRAS
ESTER DE CHOLESTÉROL
Fig. 1 – Hydrolyse des lipides alimentaires. Les enzymes lipolytiques de provenance pancréatique sont essentiels à l’hydrolyse des lipides. La lipase pancréatique s’attaque aux liens en position sn-1 et sn-3 du triacylgycérol pour libérer deux acides gras et un monoacylglycérol ayant un acide gras en position sn-2. La phospholipase détache l’acide gras de la position sn-2 du phospholipide pour produire un acide gras et un lysophospholipide. La « cholestérol estérase » dégrade l’ester de cholestérol en acide gras et en cholestérol libre. Hydrolysis of alimentary lipids. Lipolytic enzymes originating from the pancreas are essential for luminal fat digestion. Pancreatic lipase can split the ester bonds of the triacylglycerol to release two fatty acids and -monoacylglycerol. Phospholipase cleaves the internal bond at position 2 of the phospholipid to produce one fatty acid and lysophospholipid. Cholesterol esterase hydrolyses cholesterol ester into fatty acid and free cholesterol.
tion de l’apolipoprotéine (apo) A-I associée aux HDL avec le SR-BI facilite l’incorporation sélective de la composante CE dans les cellules des organes périphériques, et particulièrement le foie, sans toutefois s’emparer de toute la particule lipoprotéinique [37]. On pense donc que le SR-BI favoriserait le transfert inverse du cholestérol transporté par les HDL vers le foie et constituerait un facteur protecteur vis-à-vis de l’athérosclérose [38, 39]. Récemment, certaines équipes de chercheurs ont démontré la présence de SR-BI au niveau des microvillosités intestinales et ont rapporté sa capacité à lier le cholestérol diététique et à l’incorporer dans l’entérocyte [40-43]. En revanche, d’autres investigateurs n’ont pas réussi à démontrer la captation du cholestérol alimentaire par le SR-BI [44, 45] qui demeure une source de controverse quant à sa fonction au niveau intestinal. Une autre protéine nommée « ATP binding cassette transporter A1 » (ABCA1), exprimée également dans l’entérocyte, semble inhiber
l’absorption du cholestérol en l’éjectant dans la lumière intestinale [46]. Cependant, cette observation a été contestée par d’autres auteurs qui proposent la localisation de l’ABCA1 plutôt sur la membrane basolatérale et qui réfutent son rôle inhibiteur dans l’absorption intestinale des stérols [47-49]. Il est donc évident que des efforts sont encore nécessaires pour assurer une meilleure compréhension du transport intestinal du cholestérol.
Transport cytosolique Le transfert des lipides depuis la bordure en brosse jusqu’au réticulum endoplasmique (RE) à travers le milieu cytosolique aqueux requiert l’implication de transporteurs protéiques, afin de contrer le caractère hydrophobe des lipides. Deux « Fatty Acid Binding Protein cytosoliques » (FABPc) semblent être impliqués dans le transport navette des AG, des MG et des lyso-PL à 1260
Digestion et absorption des lipides
l’intérieur du cytosol : I-FABP et L-FABP [50]. La « FABP intestinal » (I-FABP), une protéine de 15 kDa composée de 132 acides aminés, est exclusivement exprimée dans l’intestin grêle, tandis que le « FABP hépatique » (L-FABP), 14,3 kDa et 127 acides aminés, est exprimé à la fois dans l’intestin, le foie et les reins [51]. Il est possible que ces deux protéines aient des rôles physiologiques différents [52]. D’autres transporteurs cytosoliques font aussi l’objet d’études, telle la « Phospholipid Transfer Protein » (PLTP), 9 kDa, présente chez la majorité des mammifères et qui permettrait le transfert des PL entre les interfaces membranaires [53]. Le « Sterol Carrier Protein-2 » (SCP-2) (13 kDa) serait impliqué dans le transport intracellulaire du CHOL ainsi que dans son estérification [54]. Il a été proposé que le SCP-2 stimule la mobilisation intracellulaire du cholestérol entre les organelles et la membrane plasmique, ce qui activerait son absorption. Finalement, l’« Acyl-CoA Binding Protein » (10 kDa), distribuée de façon ubiquitaire dans les organes, possède une affinité de liaison élevée pour les esters acyl-CoA à chaînes moyennes et longues [55]. Il semble que l’« acyl-CoA binding protein » serve non seulement de transporteur et de réservoir cytosolique des acyl-CoA, mais aussi d’agent régulateur pour le métabolisme de ces molécules hautement énergétiques.
La synthèse des TG peut s’effectuer selon deux mécanismes d’action (figure 2). La première voie de synthèse est la voie du MG [56]. Par l’action de l’enzyme monoacylglycérol acyltransférase, le MG en position sn-2 est tout d’abord acylé en DG qui subit à son tour une acylation pour produire le TG par l’action de la diacylglycérol acyltransférase [56-58]. La deuxième voie de synthèse des TG est appelée la voie de l’a-glycérophosphate. Elle implique tout d’abord l’acylation du glycérol-3-phosphate par l’action de l’enzyme glycérophosphate acyltransférase afin de former l’acide phosphatidique. Ce dernier est hydrolysé en DG en présence de la phosphatidate phosphohydrolase, puis le DG est converti en TG. Cette deuxième voie s’active lorsque les MG ne sont pas disponibles ou lors du jeûne, car il a été démontré que lors de l’absorption normale des lipides, la voie du MG est largement privilégiée [59, 60]. C’est aussi à travers la voie du MG que de nombreuses molécules de lyso-PC absorbées sont réacétylées pour former le PC, impliquant l’enzyme lyso-PC acyltransférase [25, 61]. Une autre portion du lyso-PC absorbé peut être hydrolysée pour former le glycéro-3-phosphorylcholine. L’AG ainsi libéré peut être utilisé pour la synthèse de TG et le glycéro-3-phosphorylcholine est transporté vers le foie pour utilisation [19]. Les deux enzymes impliquées dans la réestérification du CHOL sont la « cholestérol estérase » et « Acyl-CoA Cholesterol Acyl Transferase » (ACAT). La première facilite le déplacement des lipides dans l’entérocyte en les dirigeant vers leur site fonctionnel intracellulaire et serait impliquée dans la captation microvillositaire du CHOL ; la deuxième catalyse la synthèse de CE à
Réestérification des lipides Les produits lipolytiques transportés jusqu’à la membrane du RE y sont réesterifiés, c’est-à-dire qu’il y a formation des TG, PL et CE.
A DGAT
MGAT β- MONOACYLGLYCÉROL
DIACYLGLYCÉROL
TRIACYLGLYCÉROL
B
GLYCÉROPHOSPHATE ACYLTRANSFÉRASE
ACIDE PHOSPHATIDIQUE PHOSPHATIDATE PHOSPHOHYDROLASE
GLYCÉROL-3-PHOSPHOLIPIDE
DGAT
DIACYLGLYCÉROL + 1 PHOSPHATE
TRIACYLGLYCÉROL
Fig. 2 – Ré-estérification des triacyglycérols. Deux voies sont employées pour ré-estérifier les lipides dans le réticulum endoplasmique : a) voie du monoacylglycérol (post-prandial) ; b) voie de l’D-glycérophosphate (jeûne). MGAT : monoacylglycerol acyltransferase ; DGAT : diacylglycerol acyltransferase. Triacylglycerol re-esterification. There are two pathways that re-esterify lipids in the endoplasmic reticulum: a) the monoacylglycerol pathway (post-prandial state), b) the -glycerophosphate (fasting). MGAT, monoacylglycerol acyltransferase; DGAT, diacylglycerol acyltransferase.
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partir du CHOL libre et de l’acyl CoA [62]. Approximativement, 75 % du CHOL nouvellement absorbé est retrouvé dans les chylomicrons (CM) sous forme estérifiée [63].
formes d’apo B existent chez les mammifères : 1) l’apo B-100, une protéine de 4 536 acides aminés, qui chez l’humain, est synthétisée principalement dans le foie et 2) l’apo B-48, synthétisée exclusivement dans l’intestin grêle et formée des 2 152 résidus amino terminal de l’apo B-100. L’apo B-48 est le résultat d’une modification post-transcriptionnelle de l’ARNm qui s’effectue dans l’intestin des mammifères et qui est appelée « editing » de l’apo B [25, 64, 66]. Un complexe enzymatique incluant l’APOBEC-1 (apo B mRNA-editing enzyme catalytic polypeptide-1) produit la désamination d’une cytidine spécifique (position 6 666) formant ainsi une uridine et entraînant, au codon 2 153, la conversion d’une glutamine (CAA) en un codon stop (UAA). Cette conversion cytidineouridine requiert un complexe enzymatique dont l’APOBEC-1 (apoB mRNA-editing enzyme catalytic polypeptide 1) représentant une « cytidine déaminase » de 27 kDa qui constitue la sous-unité catalytique [25, 64, 66].
Deux formes d’ACAT, appelées ACAT1 et ACAT2, ont été identifiées dans différents tissus. L’ACAT1 est une protéine membranaire (~ 65 kDa) ubiquitairement distribuée dans les tissus et principalement localisée au niveau du RE [64]. Chez l’humain, on la retrouve en grandes concentrations dans les macrophages et les cellules productrices d’hormones stéroïdiennes, mais elle est aussi détectable dans les hépatocytes et les entérocytes. L’ACAT2, qui possède environ 40 % d’identité avec l’ACAT1, est principalement exprimée dans le foie et l’intestin grêle et elle semble constituer la forme prédominante dans les cellules de l’épithélium intestinal humain. Certains auteurs ont émis l’hypothèse que l’ACAT1 aurait pour fonction principale la synthèse du CE utilisé dans la mise en réserve de gouttelettes cytosoliques de CHOL et que l’ACAT2 serait fonctionnellement associée au CE contenu dans les particules lipoprotéiques [62].
« Lipidation » de l’Apo B et formation des chylomicrons
Assemblage des lipoprotéines intestinales
Lors de la formation des lipoprotéines, les TG positionnés sur la membrane externe du RE sont internalisés et forment des gouttelettes lipidiques et par un mécanisme encore inconnu, les gouttelettes s’associent aux PL et aux apos. Il est important de noter que les lipides sont synthétisés dans le RE lisse, tandis que les apos le sont dans le RE rugueux. Le transfert des TG, des PL et du CE à l’apo B-48 nécessite l’action du « microsomal triglyceride transfer protein » (MTP) (figure 3). Le MTP est une protéine hétérodimère composée d’une large sous-unité de 97 kDa, confèrant au complexe son activité de transfert des lipides, et du « Protein Disulfide Isomerase » (PDI), une enzyme multifonctionnelle de 58 kDa nécessaire à la formation de l’ensemble du complexe soluble et actif [67, 68]. Le MTP joue un rôle important dans le processus d’assemblage des CM. En effet, l’apo B doit être « lipidée » en cours de synthèse pour ne pas être dégradée par le protéasome [69]. Le MTP assure ce rôle de « lipidation », transférant les lipides de la membrane du RE jusqu’à l’apo B en cours de synthèse. Après la « lipidation » de l’apo B, d’autres lipides et apos sont ajoutés à la surface des particules riches en TG, qui sont transportés jusqu’à l’appareil de Golgi (figure 4). Deux mécanismes ont été proposés pour expliquer ce transport. Dans le premier, les vésicules contenant
Afin d’être libérés dans la circulation, les lipides non polaires ayant été resynthétisés doivent être incorporés dans les lipoprotéines, des particules de transport pouvant interagir avec le milieu aqueux. L’intestin grêle a la capacité de sécréter la plupart des lipoprotéines : les CM, les lipoprotéines de très faible densité (VLDL) et les HDL. Toutefois, les CM sont les lipoprotéines majoritairement et exclusivement sécrétées par les entérocytes, constituant ainsi les principaux véhicules des graisses alimentaires et des vitamines liposolubles [11]. Les CM sont principalement composés de TG (85-88 %), de PL (~ 8 %) et de CHOL (~ 5 %) et les protéines associées aux CM nouvellement synthétisés par la cellule sont les apos B-48, A-I, A-IV et C-III. Toutefois, c’est l’apo B-48 qui constitue la protéine structurale des CM, indispensable à son assemblage ainsi qu’à son exocytose cellulaire [65].
« Editing » de l’Apo B L’apo B est une large glycoprotéine essentielle pour l’assemblage et la sécrétion des lipides dans le foie et l’intestin. Deux
Ribosome
Membrane du RE CL
TG
Apo B-48
MTP ?
MTP
CL
PL TG
PL
CM Lumièr e du RE Lipidation cotraductionnelle de l’apo B
Particule lipoprotéique naissante
Aj out d’aut r es lipides et apolipoprotéines
Fig. 3 – Assemblage des chylomicrons dans le réticulum endoplasmique. Suite à la synthèse des lipides, la MTP les transfère à l’apo B-48 pour former le chylomicron. En absence de lipides ou lors d’une déficience en MTP, l’apo B48 est dégradée par le protéasome. Chylomicron assembly in the endoplasmic reticulum. The presence of MTP appears to be a prerequisite for the assembly of chylomicrons following lipid esterification. Lipid or MTP deficiency results in proteasomal degradation of apo B-48.
1262
Digestion et absorption des lipides
Lipase TG
MG
+
CE
Phase PL
GOLGI
AG
Chol. estérase CL
+
AG
Lyso -PL
+
AG
I-FABP L-FABP PLTP SCP-2
RIBOSOME
APO B
MTP PRÉ-CM
RÉTICULUM ENDOPLASMIQUE
VÉSICULE GOLGIENNE
CHYLOMICRON
Fig. 4 – Absorption intestinale des lipides. Les principaux facteurs dans les processus digestifs et absorptifs sont identifiés dans le présent schéma. Intestinal absorption of lipids. The key factors of the digestive and absorptive processes are shown in this figure.
des particules de lipoprotéines pourraient bourgeonner des tubules du RE lisse et fusionner avec l’appareil de Golgi. Le deuxième mécanisme suggère que le RE et l’appareil de Golgi soient reliés par des tubules appelés « boulevard périphérique » qui permettraient le transport des particules lipoprotéiques entre les deux organelles [25].
canal chylifère et transportées dans la lymphe, aboutissant finalement dans la circulation sanguine où les TG des CM subissent une hydrolyse par la « lipoprotéine lipase ». Les AG libérés lors de la lipolyse sont utilisés comme source d’énergie par les tissus périphériques ou sont mis en réserve dans les tissus adipeux [25].
Des modifications importantes sont apportées aux pré-CM dans l’appareil de Golgi, quoique leur déroulement précis ne soit pas encore très bien défini. Lors de leur passage dans le Golgi, la composition en PL des particules est modifiée et la glycosylation des apos, entamée dans le RE rugueux, est complétée, ce qui confère aux CM leur maturité et permet leur exocytose [25, 70].
Autres classes de lipoprotéines intestinales En période de jeûne, l’entérocyte produit les VLDL intestinaux qui transportent principalement des lipides endogènes provenant de la dégradation des cellules dans la lumière intestinale, de la bile et des AG dérivés du plasma et qui sont composés des mêmes apos que les CM. Ainsi, ces lipoprotéines ont une composition chimique et un catabolisme se rapprochant plus des CM (figure 5) que des VLDL d’origine hépatique [69, 71]. En plus de la production de lipoprotéines riches en TG, l’intestin grêle a la capacité de synthétiser de petites particules de
Afin d’être sécrétés, les CM sont acheminés à travers le cytosol dans des vésicules dérivées de l’appareil de Golgi. Les vésicules golgiennes migrent vers la membrane basolatérale et les lipoprotéines peuvent alors être déchargées dans l’espace intracellulaire (figure 4). Elles sont ensuite déversées dans le
apo B-48
phospholipide apo C-II
apo A-I
triacylglycérol
apo E
cholestérol l i bre
apo C-III apo A-IV e s ter de chole st éro l
Fig. 5 – Chylomicron. La particule de chylomicron contient dans son centre les lipides hydrophobes (triacylglycérol et ester de cholestérol), enveloppés par la couche de cholestérol libre, phospholipides et apolipoprotéines. Chylomicron. The chylomicron particle contains hydrophobic lipids in its core, characterized by triacylglycerols and cholesteryl esters enclosed in a layer of free cholesterol, phospholipids and apolipoproteins.
1263
V. Marcil et al.
causés par des mutations du gène de l’apo B situé sur le chromosome 2, l’autre moitié des malades n’ayant pas de cause génétique identifiée à ce jour [79]. Un autre locus de susceptibilité a été identifié sur le chromosome 3 soulignant l’hétérogénéité génétique de la maladie [80-82]. Plus de 40 mutations du gène de l’apo B ont été rapportées, entraînant la sécrétion d’apo B sous des formes tronquées et de longueurs différentes [83, 84].
haute densité (< 1,21 g/mL) de forme discoïdale. Leur métabolisme est encore peu connu, mais elles sont considérées comme des HDL naissants et sont principalement composées de PL, de CE et des apos A-I et A-IV [72]. Il est important de noter que des explants d’intestin humain ainsi que certaines lignées de cellules intestinales sont aussi capables de former les (LDL), des particules de basse densité [10, 73].
Récemment, nos connaissances ont progressé sur les mécanismes régulant la phase entérocytaire de l’absorption des lipides. Cette avancée a été possible grâce à l’investigation de trois pathologies génétiques bien rares : l’abêtalipoprotéinémie, l’hypobétalipoportéinémie et la rétention de chylomicron.
Les sujets homozygotes ont des niveaux d’apo B extrêmement faibles et une hypocholestérolémie sévère. On observe chez ces malades une rétention des lipides dans les entérocytes et une absence de CM et de VLDL en état post-prandial [77]. Leur phénotype clinique est très variable, les cas sévères présentant les mêmes symptômes que les malades souffrant d’abêtalipoprotéinémie [84]. Les sujets hétérozygotes présentent des niveaux d’apo B plasmatiques inférieurs au 5e percentile, mais sont généralement asymptomatiques. Toutefois, certains malades montrent des signes de malabsorption intestinale et d’anomalies neurologiques [85].
Abêtalipoprotéinémie
Rétention des chylomicrons (maladie d’Anderson)
L’abêtalipoprotéinémie est une maladie autosomique récessive très rare entraînant une malabsorption sévère des graisses. Elle est caractérisée par un défaut de l’absorption et du transport des lipides ; elle implique une incapacité incomplète de l’intestin et du foie à synthétiser les lipoprotéines riches en TG. Chez les sujets atteints, s’installent progressivement une acanthocytose, des troubles neuromusculaires ainsi qu’une rétinite pigmentaire.
La maladie de rétention des CM résulte d’un défaut spécifique de sécrétion des CM par l’intestin. L’identification de gouttelettes lipidiques de la taille des CM dans les entérocytes à jeûn ainsi que l’absence d’augmentation de lipides dans la circulation suite à un repas gras, constituent les principaux marqueurs de la maladie. Dans ce défaut, la synthèse des apo B-48 et A-IV est normale, mais leur glycosylation est déficiente [86]. En supplémentant les malades avec les TG à chaînes moyennes, les acides gras essentiels sont moins soumis à la E-oxydation nécessaire pour remplir les besoins énergitiques et peuvent donc servir pour les besoins du système nerveux central.
Pathologies primaires de l’entérocyte responsables d’une malabsorption des lipides
Cette maladie est causée par des mutations du gène de la MTP situé sur le chromosome 4 [74], entraînant une absence ou des aberrations moléculaires de la grande sous-unité de 97 kDa, tant dans les cellules intestinales qu’hépatiques [67]. Une trentaine de mutations sur le gène de la grosse sous-unité ont été décrites, entraînant le plus souvent la formation d’une protéine tronquée [75]. Les apos B-100 et B-48 qui ne peuvent être lipidées sont alors dégradées, ce qui empêche la formation des lipoprotéines riches en TG, que sont les CM et les VLDL [76]. Ainsi, les lipides s’accumulent dans les entérocytes et forment de grosses gouttelettes au niveau du cytoplasme. Une stéatose de la muqueuse intestinale s’installe, reflétant l’accumulation intracellulaire des lipides non assemblés en lipoprotéines.
Récemment, un locus anormal sur le chromosome 5 a été identifié chez ces malades, correspondant au gène SARA2. Le produit de ce gène (Sar1b) consiste en une protéine impliquée dans un complexe de transport de vésicules intracellulaires, le COPII. Huit mutations de ce gène ont été décrites, entraînant toutes une diminution d’affinité de la protéine pour son substrat le GTP. Sar1b n’étant plus fonctionnel, la formation des vésicules COPII dépendantes ne peut être initiée, ce qui entraîne un défaut du transport intracellulaire des CM [87].
Au niveau plasmatique, la maladie est caractérisée par une absence complète d’apo B, ainsi que des particules CM, VLDL et LDL, corrélée à une hypocholestérolémie et une hypotriglycéridémie majeures. La seule population lipoprotéinique présente dans la circulation est la fraction HDL qui transporte à elle seule la totalité du CHOL et des TG plasmatiques. Les sujets présentent également un déficit important en vitamines liposolubles (surtout E et A, mais aussi D et K). En l’absence de traitement, la carence en vitamines et en AG essentiels entraîne à plus ou moins long terme des complications neurologiques et rétiniennes graves. L’acanthocytose résulterait d’une diminution de la fluidité membranaire, probablement secondaire à des modifications de la composition lipidique de la membrane érythrocytaire. Le traitement de la maladie consiste à instituer, dès le diagnostic, un régime pauvre en graisses et une supplémentation en vitamines liposolubles. L’administration de TG à chaînes moyennes, qui sont absorbés au niveau de l’estomac, et/ou de perfusions d’émulsions lipidiques permettent aussi de prévenir ou de retarder les lésions neurologiques et rétiniennes [77, 78].
Conclusion L’absorption des lipides est un processus actif et complexe qui implique de nombreux acteurs. En effet, le caractère hydrophobe des lipides fait appel à toute une cascade d’événements nécessaires à une absorption complète des graisses. Telle que détaillée dans la présente revue, l’absorption adéquate des lipides requiert le processus d’hydrolyse, la formation de micelles biliaires, l’implication de plusieurs récepteurs et transporteurs protéiques ainsi qu’une série d’événements intracellulaires. L’anomalie d’une seule de ces étapes peut entraîner des désordres absorptifs. Malgré les progrès importants dans la compréhension de la physiologie de l’absorption des lipides réalisée au cours des dernières décennies, de nombreux efforts doivent encore être déployés afin d’élucider les mécanismes et l’identification de facteurs additionnels impliqués dans le transport intestinal des graisses. REMERCIEMENTS - Nous remercions les Instituts de Recherche en Santé du Canada (IRSC), la fondation des maladies du cœur et le Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG) qui nous ont permis, par leur support financier, d’effectuer de nombreux travaux relatifs à l’absorption et à la digestion des lipides. De même, nous sommes très reconnaissants à Schohraya Spahis pour son travail remarquable.
Hypobêtalipoprotéinémie L’hypobêtalipoprotéinémie familiale est une maladie génétique également rare, caractérisée par une diminution ou une absence d’apo B plasmatique. Environ la moitié des cas sont 1264
Digestion et absorption des lipides
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