Annales Médico Psychologiques 164 (2006) 225–229 http://france.elsevier.com/direct/AMEPSY/
Communication
Les psychanalystes et la prise en charge des consommateurs de cannabis Follow up of cannabis users by psychoanalysts P. Hachet a,b a
Psychologue, docteur en psychanalyse, chercheur associé au Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique (CRPPC) de l’université Lumière-Lyon-II et à l’équipe de recherche sur l’adolescence (ERA) du Centre d’études en psychanalyse et psychopathologie (CEPP) de l’université Paris-VII, service d’aide aux toxicomanes-Picardie (SATO-P), 2, rue Achille-Sirouy, 60000 Beauvais, France b 213, boulevard Davout 75020 Paris, France Disponible sur internet le 07 mars 2006
Résumé Partant du constat de la rareté des études psychanalytiques consacrées aux fumeurs de cannabis, l’auteur insiste sur le fait que les psychanalystes ont tendance à considérer les usages de drogues en général. Il note également que les études psychanalytiques portant précisément sur les usagers de cannabis sont très récentes et éparses, mais aussi d’une qualité encourageante. L’auteur développe ensuite quatre circonstances atténuantes : les spécialistes en toxicomanie ont tendance à tenir les usages de cannabis pour anodins ; il n’existe aucun intérêt politique au sujet des soubassements psychologiques de ces usages ; l’aspect psychodynamique de ces usages est escamoté au profit de querelles idéologiques et législatives ; les psychanalystes qui ne travaillent pas dans les institutions spécialisées d’aide aux usagers de drogues se désintéressent de la consommation de cannabis de certains de leurs patients. Deux facteurs poussent toutefois les psychanalystes à interroger davantage les usages de cannabis : la demande croissante de réponses psychologiques exprimée par les travailleurs sociaux confrontés à des adolescents qui fument du cannabis et le fait que la cure psychanalytique est adaptée aux adultes qui consomment ce produit de manière régulière ou addictive. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The author shows that, except for some recent studies with cannabis users, psychoanalysts are mostly inclined to consider drugs uses from a general point of view on account of the rarity of psychoanalytical research dealing with this problem. However, if these studies are recent and scattered, their quality is encouraging. The author explains this state of affairs by four reasons: first drug addiction specialists are inclined to minimize the importance of cannabis uses; secondly there is no political interest in the psychological grounds underlying the behaviour of cannabis uses; thirdly its psychodynamic aspect is completely screened by ideological and legislative quarrels; and finally psychoanalysts who do not work in drugs users care units do not pay much attention to patients consuming cannabis. Still, psychoanalysts will have to question the issue of cannabis use more often due to the increasing demand for psychological explanations by social workers who deal with teenage cannabis users and due to the fact that a psychoanalytic cure seems adequate for regular or addictive adult consumers of cannabis. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Addiction ; Cannabis ; Cure psychanalytique ; Idéologie ; Psychanalyste Keywords: Addiction; Cannabis; Psychoanalytic Cure; Ideology; Psychoanalyst
Adresse e-mail :
[email protected] (P. Hachet). 0003-4487/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.amp.2006.01.005
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1. Les psychanalystes, grands absents des recherches pluridisciplinaires sur les fumeurs de cannabis À l’instar de « la lutte » contre la drogue et les toxicomanies, les réflexions consacrées aux usages et aux usagers de cannabis sont coutumièrement pluridisciplinaires. Les praticiens du psychisme occupent une place importante dans le dispositif spécialisé de soins aux toxicomanes. On pourrait donc penser que les études psychanalytiques qui portent sur les consommateurs de cannabis abondent en quantité et en qualité. Il n’en est rien. À ce jour, ces recherches demeurent peu nombreuses et éparses. De surcroît, leurs dates de parution accusent un retard marqué avec les études réalisées dans d’autres disciplines, notamment en pharmacologie. Par ailleurs, si les psychiatres en exercice libéral ou institutionnel jouent un rôle important dans la recherche psychanalytique, le regard qu’ils ont jeté sur les usages de cannabis s’est le plus souvent traduit par une pléthore d’études épidémiologiques et pharmacologiques, certaines visant pragmatiquement à parer au phénomène d’annulation partielle de l’effet des neuroleptiques observé chez les psychotiques qui utilisent régulièrement du cannabis. Parmi les quelques psychanalystes qui ont présenté des observations cliniques et des hypothèses au sujet de l’usage de cannabis, certains l’ont fait dans le cadre de considérations portant sur les consommations de drogues en général, laissant non défrichée la spécificité d’une clinique et d’une théorie des usages de cannabis. Ainsi, ne spécifiant nullement l’aspect psychodynamique des consommations adolescentes de cannabis, Birraux [3] a considéré que l’usage juvénile d’une drogue visait parfois « à déplacer puis à intérioriser dans le plaisir euphorisant et anxiolytique de la consommation » l’émergence du corps sexué afin que le sujet intègre peu à peu ce dernier au sein de ses nouvelles relations objectales. Cette pratique serait donc au nombre des stratégies défensives développées par l’adolescent dans son combat pour élaborer inconsciemment des vœux incestueux et parricides. De même, Marty [12] a estimé que l’usage de drogues à l’adolescence constituait un moyen parmi d’autres de se donner l’illusion d’une certaine maîtrise de la situation postpubertaire. Cet auteur précise certes que la consommation de cannabis permettrait au sujet adolescent de « reporter à plus tard les remaniements générateurs d’angoisse qu’il aura à opérer », mais seulement après avoir traité des usages de drogues en général et sans transition, de sorte que cette hypothèse psychodynamique concernant les jeunes fumeurs de cannabis n’est pas différenciée de celles que Marty formule globalement au sujet des jeunes consommateurs de substances psychoactives. 2. Les psychanalystes face aux usagers de cannabis : un champ théoricoclinique débutant mais encourageant Depuis Freud, de nombreuses études psychanalytiques ont été consacrées aux toxicomanies, encore qu’elles ont souvent été inféodées aux théories dominantes du moment. Les réflexions qui ont ciblé les usages de cannabis, elles, se sont
pendant longtemps résumées à l’étude de référence de SamiAli [15], qui date de 1971 et porte sur les consommateurs égyptiens de « haschich ». Dans une perspective très orthodoxe, cet auteur a estimé que l’ivresse cannabique supprimait la censure morale et provoquait l’émergence du désir hétérosexuel envers la mère et du désir homosexuel envers le père. L’ivresse cannabique serait une tentative directe d’expression par les sensations de ces désirs refoulés, court-circuitant l’utilisation de la parole et de l’échange. En 2000 [8], nous avons posé les premiers jalons d’une compréhension psychanalytique respectueuse de la principale caractéristique des usages de cannabis à l’adolescence : leur diversité. Rappelant que du fait du processus pubertaire, où « le corps mène le bal et où le psychisme suit comme il le peut », la composante sensorielle des expériences vécues à l’adolescence nécessite une élaboration psychique importante vis-à-vis de laquelle chaque sujet réagit d’une façon spécifique, nous avons développé les hypothèses suivantes : ● les usages expérimentaux et festifs de cannabis traduiraient l’essai d’une voie d’introjection, notamment pour les fantasmes sexuels ; ● les usages réguliers auraient pour but d’accompagner l’introjection d’expériences difficiles dont la survenue accentue la crise d’adolescence : une déception sentimentale, une désunion parentale récente ou encore la révélation d’un secret de famille par les parents (nous considérons que la différence entre un usage régulier de cannabis et une toxicomanie à l’héroïne tiendrait parfois aux circonstances de la révélation d’un tel secret au moment de l’adolescence [9] : si le caractère de franchise et de confirmation parentales du secret favorise décisivement l’introjection de cette révélation dans le premier cas, le refus haineux des parents de reconnaître le secret, alors dévoilé par un tiers et portant parfois sur la filiation, contrarie sévèrement l’introjection dans le second cas) ; ● les usages addictifs procureraient au sujet l’illusion d’une introjection réussie, en gommant magiquement les traces – mises en crypte au sein d’une partie clivée du Moi – d’expériences vécues dans la terreur et la honte et interdites de verbalisation par le sujet. En 1996, dans notre étude princeps sur le rôle des secrets personnels accablants et de l’influence transgénérationnelle des secrets de famille dans la genèse des toxicomanies [7], nous avions présenté l’observation détaillée d’une jeune femme – La Dame à la tortue – dont l’addiction au cannabis avait une double fonction : ● utiliser les effets sédatifs du produit pour maintenir l’enfouissement dans une partie clivée du Moi du souvenir imagé et cognitif d’un inceste en position paternelle subi à l’âge de 12 ans et atténuer la honte (celle ressentie par la patiente et celle qu’elle avait cherché à épargner à l’agres-
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seur, jusqu’alors objet d’amour narcissiquement indispensable, en se taisant) ; ● utiliser les effets euphorisants du produit pour pallier une impossibilité post-traumatique d’éprouver du plaisir sexuel et, au fond, pour recréer un équivalent chimique et passif (qui dégage de toute participation) des sensations agréables, mais dans ce contexte inavouables et donc interdites de cite dans la partie non clivée du Moi de la patiente, que le père de celle-ci lui procura en la caressant avant d’abuser génitalement d’elle. Les autres réflexions disponibles sont tout aussi récentes et encourageantes par leur acuité et par les perspectives qu’elles ouvrent. Elles présentent simplement l’inconvénient, certes relatif, de n’aborder chacune qu’une des déclinaisons possibles du rapport psychique de l’adolescent ou de l’adulte au cannabis, ce qui, par-delà leur intérêt « à l’unité », rend un peu difficile une lecture synthétique. De plus, les usages expérimentaux et occasionnels n’y sont pas étudiés. Houssier [11] estime que l’usage juvénile et régulier de cannabis risque de favoriser un « déploiement du fantasme » qui s’oppose à la nécessaire élaboration de la problématique adolescente, à savoir la réalité de la perte et du manque des objets incestueux. Développant une rêverie diurne, le jeune « cherche à étendre les limites de son Moi, voire à les faire disparaître au prix d’une confusion entre divers stades du fonctionnement psychique », et, par-là même, à faire prévaloir le narcissisme sur la libido d’objet et les événements extérieurs. Michel [13] considère également que la consommation précoce de cannabis en général est un « aménagement du processus de l’adolescence ». Il présente l’observation d’une jeune fille dont l’usage régulier et banalisé de « pétards », coexistant avec de multiples autres conduites à risque excessives et une forte impulsivité, s’inscrit dans une quête identitaire renforcée par une problématique narcissique. Les autres réflexions éparses « constellent » autour de la dépendance au cannabis. Au risque de réduire l’outil psychanalytique à la nosographie psychiatrique, Cardenal [4] explique par une « faiblesse du moi » le phénomène d’« escalade psychique » qui mène à l’héroïnomanie certains sujets auparavant toxicomanes au cannabis, et Bernoussi [1] articule en bloc l’addiction au cannabis et la notion d’« état limite » où, menacé par l’angoisse de perte de l’objet, le sujet a des relations instables, une identité perturbée, une humeur tantôt dépressive, tantôt revendicative, et un comportement impulsif. Cet auteur fait en revanche preuve de finesse clinique lorsqu’il distingue l’addiction au cannabis des autres toxicomanies : « La notion de danger de mort via le produit consommé est inexistante » [2] ; de sorte que le sujet dépendant au cannabis utilise d’autres méthodes que la violence autocentrée pour attirer l’attention sur lui : « Il préfère une attitude de force et/ou de manipulation pour prouver aux autres et à lui-même ». Plusieurs auteurs ont esquissé des liens précis entre l’addiction au cannabis et la psychose à l’adolescence. Delhommeau et Tuset [6] ont présenté l’observation d’un adolescent schizo-
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phrène dont la quête identitaire, au fil d’une prise en charge psychothérapique, « se déplace du cannabis vers la construction d’images ». Au gré de ce changement de but, « l’activité psychique en vient à être investie en propre » et, bien que cette dernière constitue encore « un objet addictif en continuité avec l’objet cannabis », elle témoigne d’une « ébauche de désidéalisation de la drogue ». Dans le cadre d’une étude menée auprès d’adolescents présentant de graves troubles de la personnalité, Chaltiel et al. [5] ont remarqué que ces sujets fumaient pour renforcer leurs mécanismes de défense – en premier lieu le refoulement – débordés par la génitalisation (intolérable pour les sujets psychotiques) des affects et des représentations. 3. Des circonstances atténuantes Certes, il appartient aux « psychistes » d’orientation psychanalytique de se faire davantage entendre, sous la forme de travaux théoricocliniques et de propositions de pratique, voire de projets institutionnels, afin de prendre réellement et enfin place dans les réflexions pluridisciplinaires consacrées à l’usage de cannabis. Certes, le manque de curiosité que ces praticiens ont longtemps eu pour cette clinique est dommageable à plus d’un titre. L’augmentation continue des consommations du cannabis, au moins dans notre pays, le rend aujourd’hui flagrant ! Mais ces critiques doivent tenir compte de quatre réalités, qui ont engendré puis entretenu la pusillanimité historique de ces professionnels quant à « penser le cannabis » : ● Jusqu’au milieu des années 1990, où la massification de l’usage de cannabis s’est imposée à tous les acteurs des champs sanitaire et social, une représentation tenace au sujet des « fumettes » de cannabis était admise par l’ensemble des professionnels du soin aux consommateurs de drogues. Il s’agissait d’une distinction exagérément clivée au sujet de la problématique psychique de ces derniers et, donc, de la réponse institutionnelle à fournir. Les intervenants en toxicomanie (éducateurs, psychologues, médecins, assistantes sociales) rangeaient abruptement leurs usagers en deux catégories : d’un côté, les héroïnomanes ou utilisateurs d’autres opiacés étaient systématiquement tenus pour souffrants et accrochés au produit, de l’autre côté, les fumeurs de cannabis étaient systématiquement tenus pour des « ados » exempts de tout mal-être et ne cherchant qu’à s’amuser ou à « titiller » le monde des adultes par un comportement gentiment transgressif. Au nom de ce découpage sans appel, les spécialistes les plus aguerris encourageaient leurs jeunes pairs à éluder les consommateurs de cannabis – et plus encore leurs familles inquiètes venues pour savoir « s’il (ou elle) est toxicomane » – en se contentant de leur rappeler l’interdit de la loi et en parlant à leurs parents de manifestation sans gravité de la crise d’adolescence… Dans cette optique, seuls les consommateurs d’opiacés « méritaient » d’être pris en charge ! ● Jusqu’ici, les attentes politiques en matière de connaissances relatives au cannabis ont exclusivement porté sur la
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toxicité du produit en termes d’altérations physiologiques et mentales et, plus récemment, sur les conséquences de sa consommation sur divers aspects de la vie quotidienne (en témoignent les débats actuels concernant la conduite d’engins motorisés en état d’ivresse cannabique). Faute d’un contrepoids significatif du côté des praticiens du psychisme, les études toxicologiques ont pendant longtemps concouru à alimenter, souvent sous l’effet d’une instrumentalisation par leurs commanditaires, mais parfois de façon volontaire, tantôt l’idéologie du « cannabis poison », influençant dans un sens exagérément péjoratif le regard qu’une partie de l’opinion publique et des pouvoirs publics jette sur ce produit et sur ses utilisateurs, tantôt l’idéologie du « cannabis inoffensif », voire panacée. Il a fallu attendre 1999 pour que le rapport Roques [14] commence à dépassionner les esprits, en évaluant le degré de dangerosité des substances psychoactives licites et illicites et en plaçant le cannabis en troisième ligne de toxicité après l’alcool, la cocaïne et l’héroïne d’une part, le tabac et les produits hallucinogènes d’autre part. Pourtant, si ce rapport témoigne d’une amorce d’humanisation des pouvoirs publics face aux usagers de cannabis, il n’existe à ce jour guère d’intérêt politique pour la souffrance psychique qui sous-tend les usages problématiques de cannabis et pour la manière de mettre ce mal-être en travail avec les intéressés. ● Corrélativement, la question de l’usage de cannabis comme éventuelle conséquence d’une souffrance psychique combattue au moyen des effets de ce produit a été pendant près de 30 ans escamotée par les débats qui opposent les partisans et les adversaires de la dépénalisation, voire de la légalisation, du cannabis. Nécessaires et quelquefois stimulants, ces conflits d’idées ou, à défaut, d’opinions ont laissé complètement dans l’ombre l’observation et la compréhension des rapports psychologiques qui existent entre les « jointeurs » et leur produit d’intoxication. De fait, au niveau du grand public (mais aussi de nombreux « décideurs »…), les opinions courantes au sujet des « joints » et des personnes qui les fument se limitent fréquemment à des positions extrémistes : ou bien l’on diabolise, ou bien l’on banalise. Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour que nos concitoyens comme nos gouvernants comprennent que, quel que soit l’état des lois sur les stupéfiants, les usages de cannabis, des plus anodins aux plus graves, continueront d’exister et que leur diversité ne cessera d’interroger tant les consommateurs de ce produit et leur entourage que les professionnels du soin et les « décideurs ». ● Bien que la littérature scientifique ne soit pas renseignée sur ce point, il est vraisemblable que la majorité des psychologues et des psychanalystes qui ne travaillent pas dans les institutions spécialisées dans l’aide aux usagers de drogues tient pour quantité négligeable – une petite « résistance », une forme incidente et générationnelle de la crise adolescente ou de l’« adulescence », c’est-à-dire au fond un point de détail sociétal – l’usage de cannabis auquel se livrent certains de leurs patients et, donc, néglige totalement de mettre au travail cette consommation dans leurs réflexions théoricocliniques.
4. Conclusion et perspectives Ce constat de la place modeste pendant très longtemps occupée par les réflexions psychanalytiques au sein de l’ensemble des considérations avancées par les acteurs sanitaires et sociaux qui prennent en charge des consommateurs de cannabis nous paraît voué à connaître une amélioration quantitative et qualitative inéluctable au cours des années à venir, pour deux raisons au moins : ● L’augmentation des situations institutionnelles (ainsi dans les établissements scolaires) et libérales (par exemple dans le cabinet du médecin de famille) où des usages juvéniles de cannabis sont visibilisés et problématisés par des professionnels de plus en plus enclins à rechercher des réponses psychologiques plutôt, comme c’était auparavant le cas, que des réponses strictement répressives (par exemple en suscitant une intervention policière). Ces attentes multiples, qu’elles soient en gestation ou explicites, vis-à-vis des « psychistes » ne sauraient être plus longtemps ignorées, sous peine de décrédibiliser à très grande vitesse et sans appel la capacité des praticiens tant institutionnels que libéraux de la psychanalyse à appréhender théoriquement et techniquement la problématique adolescente dans son ensemble. ● Comme nous l’avons très récemment souligné [10], si les adultes qui consomment du cannabis ont une perception des risques sanitaires et sociaux beaucoup plus aiguisée que celle des adolescents, leur rapport au produit, parfois quotidiennement utilisé depuis 15 ou 25 ans, est beaucoup plus fréquemment régulier, voire franchement addictif, que chez ces derniers. Ces observations voisinent avec le fait que le degré de socialisation, le souci de réduction des risques et les capacités d’élaboration psychique de ces adultes apparaissent plus probants que ceux d’autres sujets addictés (en particulier les héroïnomanes et les malades alcooliques), lesquels nécessitent plutôt, au moins dans un premier temps, des soins médicaux et un suivi éducatif, et suggèrent fortement que l’outil psychanalytique serait éminemment adapté pour leur prise en charge. Références [1]
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[12] Marty F. Éloge de la dépendance. In: Psychopathologie de l’adolescent et usage de cannabis. Actes du colloque du collège international de l’adolescence. Paris: CILA; 2001. p. 57–66. [13] Michel G. La prise de risque à l’adolescence. Paris: Masson; 2001 (190 p). [14] Roques B. (dir) La dangerosité des drogues. Rapport au secrétariat d’État à la Santé. Paris : Odile Jacob/La Documentation française 1999: 128 p. [15] Sami-Ali M. Le haschich en Égypte. Paris: Payot; 1971 (270 p).