J im~re nu(i ('hem, 1975 Vol. t7, pp 2053-2056, Pergamon Press.
Printed in Great Britain
LES SELENIURES DE PHOSPHORE YVES MONTEIL et HENRI VINCENT Laboratoire de Physico Chimie Minerale I, Associ6 au C.N.R.S. No. 116, Service du Professeur Cueilleron, Universit6 Claude Bernard, 43 boulevard du 11 novembre 1918, 69621-Villeurbanne, France
(Received 26 November 1974) Abstract--The phase diagram of the binary system selenium-red phosphorus is established by means of differential thermal analysis and radiocristallography. The experimental conditions for cristallization of the vitrous or X-ray-amorphous samples are described. A new phosphorus selenide P,Se, appears in the phase diagram. This compound melts congruently at 330°C and exists under two crystalline forms. After a thermal modification, at 92°C, the selenide P,Se,o melts congrently at 215°C, P4Se3 which exists under three allotropic forms, shows at 246°C a singular point between congruence and incongruence of transition. Resum~--Le diagramme de phases du syst~me selenium-phosphore rouge a 6t~ 6tabli pour la premiere fois par analyse thermique differentielle et radiocristallographie. Les conditions experimentales qui permettent la cristallisation des 6chantillons vitreux ou amorphes aux rayons X sont precisees. Un nouveau seleniure de phosphore P~Se~ est mis en evidence. 11 fond de faqon congruente/~ 330°C, el il existe sous deux formes cristallisees. Le compose P,Se,,, fond de faqon congruente 'h215°Capres avoir subi 5.92°C une transformation thermique. P~Se, qui existe sous trois varietes allotropiques, presente h 246°C une limite de congruence.
INTRODUCTION SI LES combinaisons du phosphore avec l'oxygene et le soufre sont bien connues, il n'en n'est pas de m~me avec les autres 616ments de la colonne VI B, en particulier les seleniures de phosphore n'ont jusqu'ici fair robjet d'aucune etude systematique. Berzelius[1] et au debut du sibcle de nombreux auteurs[2, 3] ont montr6 que le selenium se combine au phosphore par simple fusion des elements et qu'en phase liquide ces deux 61ements se dissolvent run dans rautre [4, 5]. Les deux composes les plus frequemment cites sont le triseleniure de tetraphosphore P4Se3 et le decaseleniure de tetraphosphore P4Se~0. Le caractere vitreux de cette derni~re combinaison[6], et rabsence de donnees physiques aussi 61ementaires que son point de fusion ou sa masse moleculaire, rendent son existence incertaine. D'autres composes ont 6galement 6t6 decrits correspondants aux formules suivantes: P4SeT[7], P4Ses[8], P4Se~, P4Se2 et P~Se[9-11]. Seul le seleniure de phosphore P4Se3 est bien connu: temperature de fusion 244-246°C[12], structure cristalline[13]. Nous avons montr6 recemment que ce compose presente trois varietes allotropiques que nous avons caracterisees par radiocristaIlographie [14]. DIAGRAMME DE PHASES DU SYSTEME SI~LI~NIUM-PHOSPHORE ROUGE L'interpretation des courbes d'analyse thermique differentielle, comme celle des spectres de rayons X, nous ont permis d'etablir pour la premiere fois le diagramme de phases du syst~me selenium-phosphore rouge (Fig. 1). L'existence des seleniures P4Selo et P4Se3 est confirmee, et un nouveau compose de formule inedite P4Se4 est mis en evidence. Nous constatons que les trois seleniures de phosphore presentent plusieurs varietes allotropiques. Afin de faciliter l'explication de ce diagramme binaire, nous rayons divis6 en trois domaines que nous 6tudierons successivement ,5 savoir: Se-P4Se,) P4Se.)-P4Se3 P4Se~-P (rouge).
1. Etude du domaine sdl(nium-s~l~niure P4Sem Les 6chantillons dans la region riche en selenium sonl prepares par chauffage de melanges de selenium et de phosphore rouge. Malgre la faible vitesse de refroidissement (8 h pour passer de 400°C fi 20°C), les melanges se presentent sous forme de verre. La cristallisation de ces 6chantillons est obtenue par un recuit h une temperature de rordre de 80°C pendant deux ranis. Dans ta region riche en P4Se,0, aucun traitement thermique n'a pu faire cristalliser les echantillons prepares ~ partir de selenium et de phosphore rouge. La fusion n'est pas franche, reffet thermique dfi ~ ce phenomene est pratiquement indiscernable sur la courbe d'A.T.D. La Ires grande viscosite des produits fondus laisse egalement supposer une polymerisation probable des 6chantiIlons ~ retal liquide. Pour eviter cette polymerisation, nous avons prepare les melanges dans le domaine proche du seleniure P,Se,, `5 une temperature plus basse (250°C) h partir du seleniure P4Se~ eI de selenium. Les valeurs experimentales sont resumees sur la Fig. 2. Le selenium fond ,5 220°C. L'eutexie a pour coordonnees 75°C el 19 atomes de phosphore pour cent. Le seleniure P4Se.~ fond de faqon congruente ,5 215°C. A 92°C, le diagramme des 6quilibres solide ~liquide presente une peritexie, attribuable ,5 rexistence d'une seconde variet6 allotropique/3 du compose P~Se,, 2. Etude du domaine P~Se,o-P~Se3 L'etude precise de cette partie du diagramme a 6t6 faite dans le but de prouver rexistence d'un ou de plusieurs seleniures de phosphore tels que P4SeT, P~Se6 et PaSe,. Les echantillons dans le domaine PaSe.~-P4Se~ sont prepares ~ partir de melanges de triseleniure de tetraphosphore et de selenium gris. Lors du premier chauffage de ces melanges, la courbe d'analyse thermique differentielle presente un accident dfi h u n phenomene exothermique vers 250°C qui intervient apr~s les accidents endothermiques dfis respectivement fi la fusion du selenium et ?t celle de P4Se3. Le chauffage de rechantillon etudie est arrete lorsque ce phenom~:ne exothermique est atteint. Apres ce
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YVES MONTEIL et
HENRI VINCENT
T°C 600 590
440 400
33O
21
220
164 92 82
75
0
Se
20
40
P45elO
60
80
P45+4 P4Se3
P
100
at %
P
Fig. 1. Diagrammede phases du syst6mephosphorerouge-s616nium.
T~
correspondant au palier eutectique, ~ 194°C, est faible; on ne l'observe que dans un domaine de concentration limit6. L'examen radio cristallographique des 6chantillons de concentrations comprises entre les compos6s P,Se,o et P4Se4 montre la presence de P4Se4 dans tout le domaine; 220 J215 ceci exclue l'existence de tout autre s616niure de phosphore. 200 Le compos6 P4Sem fond donc de fagon congruente 215°C. Le palier h 92°C confirme la transition de ce s616niure. Le palier, situ6 ~ 300°C, correspond ~ la transformation P4Se4a~-P4Se43. L'6tude radiocristallographique, .Se + L o \°+ P'~se'10°< ._. ~ , ' ~ , . to~ diff6rentes temperatures, confirme cette transition de 100 P4Se4 (Fig. 4). oo o Le s616niure P4Se3 fond ~ 246°C en pr6sentant une o o o c, o °"6 "~°" 75 limite de congruence. Aussi il existe une incertitude pour le palier h 244°C qui peut ~tre soit une eutexie, soit une Se + P~SetO~ p6ritexie. A 82°C, le s616niure P4Se3a se transforme en P4Se3/3, cette derni~re forme se transforme en P4Se3y a 192°C. t0 2o ~s2 , e 5e P at % P4,SelO Les trois vari6t6s a, fl et 3' du s616niure P+Se3 sont cristallis6es[14]. I1 est a remarquer que la forme a n'est obtenue que dans certaines conditions: apr~s 6vaporation Fig. 2. Syst~mes616nium-P,Se,o. d'une solution de P4Se3 dans le sulfure de carbone, ou apr6s sublimation, ou en pr6sence de la forme basse temp6rature de P+Se3. Apr~s fusion, le s616niure P4Se3 existe sous la forme/3 ~ la temp6rature ambiante. Ceci traitement, les pMnom~nes endothermiques pr6c6dents explique l'absence du palier ~ 82°C sur le trac6 du n'apparaissent plus. Nos r6sultats exp6rimentaux sont diagramme de phases. consign6s sur la Fig. 3. La courbe de liquidus est bien d6finie. Elle pr6sente un maximum ~ -330°C pour la concentration de 50% atomique en phosphore, mettant en 6vidence l'existence d'un 3. Etude du domaine P4Se3-phosphore rouge nouveau s616niure de phosphore correspondant h la Dans ce domaine, il n'existe aucune difficult6 formule P+Se4. particuli~re pour la pr6paration des 6chantillons qui L'eutectique est observ6 pour une composition atomi- cristallisent facilement apr~s avoir 6t6 fondus. Les que de 32 -+2% en phosphore. Le ph6nom6ne thermique m61anges riches en phosphore sont pr6par6s h partir de
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Les s616niuresde phosphore T'C~
T*C
Liquide
590
330
o,O'~b :0
o//-Z;~
oo
. ~ . . , , * .1~~''~*
\
Eo.o--o.O-o-O.o~ .300
300
/
L ÷
°
°\
o-.5.~oo
_ _ o
,244 i
O0
164 1 °9
I
400
00
82
82
L+ PUI
/
I='45~3i + L ~ too-.
246
P45,dx +
~s,aO 0
,400
o
o
92
o
[
192
P45,I0~ + P 4 5 % =<
o
6
÷ ~5e 3 ~' 494
L+ P {11)
/o ' ~
Liquidl
o
P4~4 ~
or
0.0.,_00o_*o%~
o.o
9
%s,31~ +P(O
.........................
P4S
I~ Se4~
+
0 571 ~s.3
~3 ~ 4O
2f152
P at * 7 ,
P4Selo
5Zt4
5O P4Se4
Fig. 3. Syst~me P~Se,o-P~Se~.
i
7
6
s
~
i
t> 300"C
p45~4 ~
8
a(k)
2
#
,I
6
. J i , [lJ
JII,
5
3
~
lJ 2
~
d(k)
Fig. 4. Diagrammes de rayons X des formes a et/3 de Page4. phosphore rouge et de s616nium fl des temp6ratures de l'ordre de 600°C, la forte tension de vapeur du phosphore n6cessite quelques pr6cautions op6ratoires lors de r6tude de la fusion de ces 6chantillons. Pour les concentrations en atomes de phosphore inf6rieures ~ 70%, les 6chantillons sont pr6par6s fl partir du s616niure P4Se3 et de phosphore rouge el sont chauff6s fl des temp6ratures ne d~passant pas 350°C. La Fig. 5 r6sume nos r~sultats exp&imentaux. Le phosphore rouge fond fi 590°C. Nous observons une transition fi 440 ± 10°C, qui correspond au passage de la forme P(I), amorphe aux rayons X, ~ la forme P(II) cristallis6 dans le syst~rne hexagonal. Nous n'avons pas entrevu d'autres transitions de cet 616ment. L'eutexie a pour coordonn6es 164°C et 73 atomes de phosphore pour cent. A 192°C, le diagramme des 6quilibres solide ~ liquide pr6sente une p6ritexie. Ceci confirme rexistence de la vari~t6 "/ du s616niure P4Se3. Dans ce domaine du diagramme de phases P-Se, nous ne pouvons pas mettre en 6vidence de s616niure de t6traphosphore tel que P4Se2 ou P4Se qui avait 6t6 entrevu par certains auteurs [4, 9, 11]. CONCLUSION Nous avons 6tabli pour la premiere lois le diagramme
70
gO P
o,
"/-
100 P
Fig. 5. Syst~me P4Se~-phosphore rouge. de phases du syst~me s616nium-phosphore rouge. Cette 6tude confirme l'existence des compos6s P4Sem et P4Se3 et met en 6vidence le compos6 PnSe4 inconnu jusqu'alors. Nous avons 6galement mis en 6vidence l'existence de plusieurs vari6t6s allotropiques pour chaque compos6. Malgr6 les difficult6s dues au caract6re amorphe de P4Se.), nous avons montr6 que ce compos6 fond fl 215°C de faqon congruente apr~s avoir subi une transition 92°C. Le s616niure P4Se3 existe sous trois vari6t6s allotropiques A 82°C la forme c~ se transforrne en forme/3, qui se transforme A 192° en forme 7. Le s616niure PnSe4 fond de fa~on congruente ~ 330°C. La temp6rature de transition des deux formes cristallines a et /3 est 300°C. Avec tes conditions op6ratoires que nous avons utilis6es, les autres compos6s cit6s dans la litt6rature, tel que PzSes, n'apparaissent pas dans r6stablissement du diagramme de phases phosphore rouge-s616nium. PARTIE
EXPERIMENTALE
Nous avons 6tudiE le diagramme de phases s~16nium-phosphore rouge par analyse thermique diff6rentielle, par courbe d'6chauffement afin d'6viter les ph6nom~nes de suffusion, qui sont tr~s importants avec de tels compos6s. Les diff6rents dispositifs exp6rimentaux que nous avons utilis6s ont 6t6 d6crits pr6c6demment [14]. Cependant, pour les concentrations comprises entre 17 et 40 atomes de phosphore pour cent, les produits ont une tendance marqu6e fl "grimper" dans le tube laboratoire, ce qui empEche la d6tection de tout effet thermique. Aussi avons-nous du abandonner I'utilisation de la cellule classique en verre "pyrex" pour ce domaine, et construire une nouvelle cellule ne pr6sentant aucun volume mort au-dessus du produit. Le module utilis6 est en acier inoxydable. Le doigt de gant, destin6 h recevoir le thermocouple de mesure, est usin6 directement dans la masse. La cellule a pour cotes: ~iam~tre int6rieur: 10 mm ~iam~tre ext&ieur: 19,5 mm --hauteur sans piston: 35 mm --hauteur avec piston: 50 mm. Le remplissage de la cellule est effectu~ de la faqon suivante: environ 1 gramme de produit est d'abord plac6 dans le corps de la
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YVES MONTE1Let HENRIVINCENT
cellule, puis comprim6 sous 1 tonne/cm2 par un v6rin hydraulique. Ensuite, le produit est recouvert par du graphite en poudre, qui est comprim6 lui aussi sous 1 tonne/cm2. Le joint de graphite ainsi r6alis6 assure une 6tanch6it6 parfaite. Les produits n6cessaires ~ cette 6rude ont 6t6 le s616nium, le phosphore rouge et le tris616niure de t6traphosphore. Le s61fnium gris utilis6 est un produit commercial (provenance MERCK, puret6 indiqu6e 99,5%) de m6me que le phosphore rouge en poudre (provenance MERCK, puret6 indiqu6e 99%); ces deux ~l~ments sont utilis~s sans purification pr6alable. Le s~16niure de phosphore P4Se3est pr6par6 suivant la m6thode que nous avons pr6c6demment dfcrite[14], ~ savoir: chauffage ~ 300°C du m61ange stoechiom~trique de phosphore rouge et de s616nium, puis traitement du m~lange obtenu par le sulfure de carbone qui dissout P,Se3 sous sa seule vari6t6 a. Les 6chantillons d6stin6s fi 6tre 6tudi6s par l'analyse thermique diff6rentielle, sont pr6par6s en chauffant des m61anges de leurs constituants, soit dans un tube de verre "Pyrex" soit dans un tube de silice; le tube pr6alablement scell6 sous un vide de 10-2 torr est chauff~ pendant douze heures au minimum. Suivant la teneur en s61~nium de l'6chantillon, la temp6rature ~ laquelle ils sont port6s est tr~s variable. Signalons seulement que certains 6chantillons ont 6t6 port6s jusqu'~ des temp6ratures de l'ordre de 1000°C en tube de silice. Le refroidissement de l'6chantillon a toujours 6t6 lent, par exemple sept heures pour le ramener de 400°C ~ la temp6rature ambiante. Dans de nombreux cas, afin de favoriser la cristallisation plusieurs refroidissements et r6chauffements successifs, ainsi que des recuits, ont ~t~ effectu6s. Le tube est ensuite cass6 en bo~te ~ gants, 1'6chantillon est alors broy6, caract6ris6 par diffraction de rayons X, et introduit dans la cellule d'analyse thermique diff6rentielle. Lors de l'analyse thermique les ~chantillons sont chauff6s ~ raison de 5°C par
minute, et les effets thermiques produits sont enregistr6s par un appareil MECI X~X2, pr6c6d6 d'un amplificateur SETARAM. Nous avons d6termin6 les spectres de diffraction de rayons X de tousles 6chantillons ~ la temp6rature ambiante et ~t diff6rentes temp6ratures dans une chambre chauffante de Guinier-Lenne. La volatilit6 de certains compos6s 6tudi6s nous a fait utiliser 6galement une chambre chauffante de Rigaku-Denki, dans laquelle l'6chantillon se trouve plac6 dans un tube scell6. Les esp~ces amorphes aux rayons X ont 6t6 caract6risfes par spectrom6trie d'absorption i.r. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14.
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