Les sociétés humaines et leur environnement face aux risques climatiques

Les sociétés humaines et leur environnement face aux risques climatiques

M6d Mal 0 Elsevier, Infect 1999 Paris ; 29 : 277-84 Se CEMI Les sociktks humaines et leur environnement face aux risques climatiques J.M. Amat-Roz...

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M6d Mal 0 Elsevier,

Infect 1999 Paris

; 29 : 277-84

Se CEMI

Les sociktks humaines et leur environnement face aux risques climatiques J.M. Amat-Roze UFR

de g@ruphie,

uni\vrsit4

de Paris-Sorbonne

(Paris

IVJ,

191,

rue Saint-Jucques,

75005

Paris,

France

Un risque climatique est un danger d’origine naturelle qui pese sur les societes humaines depuis qu’elles ont entrepris de coloniser la Terre. Les changements climatiques et les evenements meteorologiques, tempetes, ouragans, orages, vagues de froid ou de chaleur sont porteurs de risques potentiels dont les impacts peuvent affecter de nombreux domaines : ecologique, demographique, sanitaire, economique, social, politique. lls sont la manifestation d’un systeme-catastrophe ou se combinent les vulnerabilites individuelles et collectives des societes. Certains territoires, comme l’etat du Bangladesh installe sur le delta du Gange, cumulent le maximum de facteurs de risque. Les populations vivent sur et dans un systeme-catastrophe. Mais a risque climatique egal, les consequences dune catastrophe n’ont jamais ete aussi contrastees a la surface de la Terre. La pauvrete aggrave les effets d’un risque naturel, comme I’a illustre I’annee 1998 pet-turbee par le phenomene El Nifio. Des menaces d’un autre ordre p&sent sur la Terre. Les evolutions climatiques sont naturelles, mais en 150 ans, modes de vie et systemes de production ont donne aux hommes le pouvoir de bouleverser les equilibres globaux jusqu’ici regules par la seule nature. Le rechauffement annonce, en pet-turbant des equilibres, aura des effets et des consequences tres variables selon les lieux et les hommes. 0 1999 Elsevier, Paris catastrophe

climatique

/ changement

climatique

/ El NiAo / risques

/ sant6

Summary - Human societies, their environment and climatic risks. A climatic risk is a natural danger which is a burden for human societies, since they occupy the Earth. The climate change and meteorological events, like tempests, hurricanes, storms, heat-waves, and cold-waves for example, are potential risks. The impacts of such events can affect a lot of subjects, ecological demographic, health, economic, social, politic. They are the mark of a catastrophic-system, which mixes societies individual and collectives vulnerabilities. Territories like Bengladesh, fixed on the Ganges delta, collect the most number of risk factors. The populations live on and in a catastrophicsystem. But with equal risks, the catastrophic issues are very different around the world. Poverty increases the natural risk effects, as showed year 1998 disturbed by El Niiio event. Others threats are weighing on the Earth. The climatic evolutions are natural, but in a time of one hundred and fifty years, ways of life and production system seem humans have got power to disturb global balance up to now governed only by Nature. The warming-up announced, disturbing natural balance and ecosystems will get very variable effects and consequences according to places and humans. 0 1999 Elsevie< Paris climatic

disasters

/ climate

change

/ El Nitio

La vie est inseparable du risque. Les changementsclimatiquesrythment l’histoire de la Terre. Les catastrophes naturelles sont une expression des menacesqui p&sent sur les societeshumainesdepuisqu’elles ont entrepris de la coloniser. Le terme de risque est associea l’homme.

/ risks

/ human

health

Quand un seismeou un cyclone se produisent dans une zone inhabitee, ils sont qualifies d’evenements naturels majeurs. Au terme de ce siecle ou les pouvoirs de l’homme n’ont jamais et6 aussipuissantset aussiCtendus,le risque

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J.M.

Tableau

I. Variations

spatiotemporelles

phenomenes

E!J~n-nrment,s

Echelle Petite Cchelle

de\

climatiques.

changements climatiques

frequente a l’echelle geologique

zonale

ENS0 sechercsses des milieux

frequente a l’echelle humaine

regionale

secheresses saheliennes

locale

DLW&

SUn?~lZL~~

plankaire ou gentkale

Grande Cchelle

Amat-Raze

quelques

long

- rechauffement - redistribution des pluies (espace et temph + variabilite)

mois

- pluie sup./inf. a la moyenne - deficit hydrique

moih annees

- deficit

semi-at-idea

Cvenements mf%orologiquea

quelques i quelques

frequence irreguliere rams

frcquence irregulierc

breve

temps

-

nature1 est toujours un sujet d’actualite. Les annees 1990 n’ont-elles pas CtC declarees < ? Et a quelques mois du troisieme millenaire, comme dans un dernier pied de nez, 1998 a accumule un nombre exceptionnel de dtsastres. Le 30 decembre 1998, le journal Le Fignro titrait <<1998, I’annee noire des catastrophes naturelles D. Le premier reassureur mondial, le groupc allemand Munich Re, a recense plus de 700 Cvenements naturels graves. Parmi eux, tempetes et inondations ont provoque 85 o/o des pertes Cconomiques. Les risques d’origine climatique sont en effet les plus preoccupants. L’homme n’est-il qu’un apprenti sorcier ? Les debats sur les origines et les consequences du cyclone Mitch, du phenomene El Nifio, du rechauffement de la Terre, des gaz h effet de serre, du trou d’ozone expriment ces inquietudes. Leurs resultats catastrophiques sont une expression funeste du dialogue homme-nature. Leurs impacts affectent de nombreux domaines : ecologique, demographique, sanitaire, economique, social, politique, manifestations de systemes-catastrophe ou se combinent les vulnerabilites individuelles et collectives des societes. Toutes les societCs n’ont pas les memes armes pour les affronter. Ainsi le rechauffement climatique annonce, perturbant des equilibres, aura des effets et dcs consequences tres variables selon les lieux et les hommes. D’ABORD

A4un~f~&strltion temps

evolution progressive

DES PHlkNOMkNES

NATURELS

La mosai’que climatique du globe traduit un 6tat d’equilibre. Le geographe M. Sorre definit un climat comme
court

hydrique

- ternpete - pluie diluvicnne - vague? de froid - vagues de chaleur

La portee des risques climatiqucs. h la mesure de la complexite des phenomenes climatiques, se conjugue a differentes echelles de lieux et de temps qui interferent : un phenomene de dynamique zonale comme ENS0 (frequent, 23 episodes en un siecle), sous-tendu par la circulation generalc, se manifeste a l’echelle locale par des Cvenements mCt@orologiques (tchlctru I). L’immCdiatetC

du risque m&Corologique

Le risque meteorologique nait d’evenements extremes, de paroxysmes ou de sequences climatiques rares ou aberrants par leurs positions dans I’annee [2]. Toutes les decennies connaissent ces risques naturels inscrits dans I’histoire de la Terre, preuve qu’il existe une normalite d’evenements cxceptionnels, que Pagney nomme x des anomalies par I’approche statistique, des Cvenements coherents par I’approche genetique x 131. La variabilite est aussi dans la norme climatique. En fonction du facteur de risque, on distingue : - Its risques thermiques, tels que des vagues de froid ou de chaleur, de brusques changements de temps : - les risques Coliens : tempetes (pcriodes de vents violents superieurs a 60 km/h), ouragans (vents de plus dc I10 km/h), tornades ou trombes (systeme centripcte de vents tourbillonnants avec ascendance violentc au centre), cyclones tropicaux (ces fortes depressions accompagnces d’une ceinture de vents violents, 9 200 wire 300 km/h. ont recu des noms locaux : typhon en Asic orientale, hlrrricane aux l%ats-Unis. tornadc dans l’ocean Indien...), raz de maree (vague deferlame unique, de taille exceptionnelle ; lorsque I’origine est sismique on parle dc tsunami)

;

- les risques hydriques : pluies diluviennes, (( deluges D, sechcresses (deficit pluviometrique tetnporaire) ; ~ les risques cumules par exemple darts uric plaint deltai’que, des vents violents accompagnes de fortes pluies. de tours d’eau en true et d’une surelcvation du nivcau de la mer par type de temps depresaionnaire.

Notons aussi certains risques induits comme les avalanches (chutes de neige importantes sur pentes fortes). les glissements de terrain (versants instables gorgCs d’eau), les inondations. Une gkographie

des risques

Pas une seule rCgion du monde n’est 2 I’abri de sautes d’humeur mktkorologiques ; des rkgions sont nkanmoins plus expodes que d’autres. Elles cumulent les facteurs d’expositions au risque : trajectoire des mktkores, position gkographique, site et topographie. Certes, de nombreux phCnom?nes sont azonaux. Des prkcipitations exceptionnelles peuvent s’abattre ?I Tamanrasset comme sur la Hollande, les coups de vent ne sont pas rCserv& h la Pointe-du-Raz en Bretagne, les inondations au Bengladesh ou les skcheresses au Sahel. Mais il existe une gtkgraphie des risques. Ainsi, les cyclones tropicaux sont un risque majeur pour les habitants de la zone intertropicale, surtout quand ils habitent des facades Est (figuw I). En AmCrique du Sud, les l?tats de la faqade Ouest sont les plus expoks aux dCrCglements lit% au phCnom&ne El Nifio. Les rkgions semi-al-ides vivent I’incertitude climatique : en limite des flux d’air humide, les pluies sont tou.jours sporadiques mais quand elles s’abattent sur des sols dessCchCs et durcis, elles ruisscllent et provoquent des inondations. En zone tempkrke. carrefour de tous les vents. le temps est par nature instable : inondations, tempCtes. skheresses, coups de chaleur comme coups de froid font souvent la uric des mkdias.

Certains &ats sont situ& sous plusieurs trajectoires porteuses de risque, jouant en synchronie ou en alternance. Le Japon. la Chine par exemple, peuvent en tin d’Ctt subir les pluies de la mousson (bienfaitrices) et les cyclones tropicaux - le cumul entrainant des inondations - et durant I’hiver subir les vagues de froid venues du nord. Certains sites et reliefs cumulent les risques : les iles basses, pastilles j tleur d’eau. sont g la merci des temp&tes et, sous les latitudes tropicales, des raz de marie et des cyclones. Les terres basses sont aussi les plus vulrkrables ?I une Gvation du niveau marin. Uexemple du golfe du Bengale est frappant. OccupC par le delta vif des grands fleuves Gange et Brahmapoutre qui dkvalent les pentes abruptes du versant Sud de I’Himalaya, cet espace bas. instable et gorgC d’eau est rt?gulib-ement noye h la fin de I’CtC sous les eaux tluviales (pkriode de true), pluviales (mousson et cyclones) et marines (raz de mark). Shiver. la skheresse est rigoureuse pendant sept mois. Paradoxe. cet espace est un des plus denskment pcupk du monde. II correspond j l’ktat du Bangladesh qui couvre le quart de la superticie franqaise, pour une population double. Ce pays (XCponge )> est le grand lieu des hkatombes d’origine climatique h la surface du globe. Toutes ces manifestations sont d’abord I’expression de la variabilitk naturelle des climats, mais I’homme est-il simple victime ou acteur ? AMPLIFIIkS

PAR LES HOMMES

En IS0 ans, la population du globe est passCe de I ,!I 6 milliards - c’est un fait primordial -. les dkouvertes scientitiques et leurs applications ont donnC aux hommes

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J.M. Amat-Koze

plus de pouvoirs qu’en 10 000 ans. II est logique que le debat sur la responsabilite de l’homme soit devenu une constanteapreschaqueevenement nature1catastrophique ou lorsque sont relevtes des evolutions interpretees comme menacantes.Les climats sont dans leur essence porteurs de risque pour les societes humaines. Mais le passaged’un systemea risque a un systeme-catastrophe n’est pas ineluctable et les consequencesvarient d’une societe a l’autre. Le dialogue homme-nature conditionne des dynamiques, fruits du politique, du culturel, de l’economique m&h%,qui produisent a la fois des risques (comme les gaz B effet de serre) et des systemesplus ou moins efficaces pour faire face a ces risques. L’homme est autant acteur qu’usager du milieu. I1 le subit ou s’y adapte, le transforme, declare le controler, le modeler a sa convenance comme un artiste modelerait l’argile. I1 peut aussi feindre de l’ignorer. Toutes ces attitudes modulent les risques climatiques et leurs effets. 11serait illusoire de scinder le monde en pays riches et pays pauvres. MalgrC tous les moyens d’observation et d’action dont disposentles pays les plus avances, les hommesy faconnent encore des systemes-catastrophe.La capacite de prevention d’un risque climatique ne se reduit pas a une simple question de PIB. Les regions mediterraneennes de France ou d’balie, au climat par nature fantasque, le rappellent au travers des catastrophes de Florence en 1987, de Nimes en 1988 ou de Vaison-la-Romaine a l’automne 1992. A Vaison, en autorisant le lotissement de la plaine d’inondation de I’Ouveze, les autorites d’un des pays les plus avancestechnologiquement ont nit la rCalitCde territoire a risque d’un tel milieu. Pousseespar divers inter&s, elles ont transform6 un risque climatique et hydrologique mediterraneenen une catastropheexemplaire. L’actualite, quels que soient la latitude et le niveau de developpement, ne cessede nous livrer de tels exemples. Les incendiesqui ont dCvastCles forets du sud de Borneo et de Sumatra de la fin de 1997 au debut de 1998ont certes CtC favorises par une secheresseexceptionnelle due BEl Nina, mais <
afin de maintenir les arbresen place sur les flancs. Mais la reforme agraire realide a la m&me epoque a totalement mCprisCcette loi et les autorites ont install6 des cooperatives agricoles bien au-deli de la limite legale. On a pu constaterque les survivants setrouvaient dansles zones oh subsistaitla vegetation d’origine et les victimes la ou se trouvaient les cultures. )) (J. Inter, Le Figam, 1I novembre 1998) LA PAUVRETI?, FACTEUR AGGRAVANT Ces exemples illustrent un paradoxe de ce siecle. Les hommesn’ont jamais eu autant de moyens scientifiqueset techniquespour prevenir les catastrophes,mais ils continuent a fabriquer des systemes-catastrophe.11s n’ont jamaisetCa ce point inegaux dansleur capacitea faire face a l’evenement parce qu’un ouragan.une inondation interviennent dansun contexte original ou secombinentvulnerabilites et invulnerabilites.Ainsi le cyclone Hugo, un des plus violents du siecle, a pu traverser la Guadeloupeen septembre1989,accompagnede rafalesde vent de plusde 300 km/h, qui causerentcertes d’importants dCgLtsmateriels, mais sarisfaire de morts ni de blessesgraves [4]. Un systeme-catastrophefonctionne selon des boucles de retroactions positives ; ainsi les populations les plus pauvres despays les plus pauvres sont les plus exposees, car elles cumulent le maximum de vulnerabilites. I1 y a un effet de (cboule de neipe >). Les pays pauvres cumulent les vulnkabilitks Dans les pays pauvres aux ressourcestinanciereset aux moyenstechniquesmodestes,les politiquesde prevention. telles que les programmesde reboisementou la preservation de zones a risque, sont rarement appliqdes. Les moyenspour Cviter la catastrophesont souvent derisoires. Aux vulnCrabilitCsqui relevent du politique et de l’economique des Etats s’ajoutent des vulnerabilites societaleset individuelles ; elles sont likes a une sommede precarids, telles que des systemesde culture dependantsdespluies, un site d’habitat sur desespacesdeclaresinconstructibles parce qu’inondables ou exposes a des glissements de terrain, des ressourcesCconomiques,alimentaireset sanitairesmidrables, un mauvais&at de Sante.La strategicde survie de ces populationsseconstruit au quotidien. Sans menace climatique, demain est de toute facon incertain. Sans defenses personnelles. saris soutien de I’Etat, les consequencescatastrophiquesd’un risque climatique sont pour elles maximales. Des lieux de tous les pCrils Pour certainessocietes,aux vulnerabilites d’origines Ctatique et individuelle s’ajoute la precarite du cadre de vie. Nous prendrons les exemples du Sahel sud-saharienet du Bangladesh.

SociCtCs

humaines

Les sCcheresses sont un risque intrinskque sous certaines latitudes, en fin de course des tlux humides. Le passage des masses d’air humides y est sporadique et alCatoire. Le Sahel est la plus connue des rigions affectCes car les Cpisodes sets, particulikrement nombreux durant ces 30 dernikres annCes, sont porteurs d-images de catastrophe. Ces &nements sont redoutables pour les sociCtCs paysannes dont le devenir des recoltes repose uniquement sur le nuage qui passe ; encore plus quand I’accroissement dgmographique y est l’un des plus kleVCSdu monde. En revanche, ce n’est pas une fatalit pour celles dont le systgme de production s’appuie sur une maFtrise de I’eau. Les socittCs hydrauliciennes de I’Asie des moussons disposent de moyens d’acc&s 2 I’eau leur permettant d’attknuer, voire de faire face B de tels CvCnements climatiques ; h cette gestion du risque par la communautC villageoise s’ajoute les volets d’une politique agricole conduite par les l&ats : politique de stockage, kchanges interregionaux... En Afrique, famines, disettes, fuite vers les villes et skdentarisation de ditresse, B Nouakchott, Mopti, Gao, Niamey... ont CtC les cons& quences et les rCponses les plus courantes des sociCtCs saheliennes [5 J. Le territoire du Bangladesh est I’un des plus expods du monde. C’est aussi un des Etats les plus densCment peuplCs (860 hab/km’), un des plus pauvres (indicateur de dkveloppement humain : 147’ sur 174 en 1995) et la population y double en 38 ans. PhCnomknes naturels, concentration humaine, pauvretCs individuelle et Ctatique forment le systt?me-catastrophe le plus efficace du monde. On estime qu’entre 1970 et 1994, les catastrophes ont entrain6 la mort de plus de 780 000 personnes (31 et la liste n’a cessC de s’allonger. En juin 1998, un cyclone a codtC la vie ?I plus de IO 000 personnes. Les rkgions fort peuplCes et peu dCveloppees paient le plus lourd tribut aux risques climatiques. Mais les hommes se fixent de plus en plus nombreux sur des territoires restreints, y compris sur des espaces exposCs h des risques climatiques majeurs ; vallCes, plaines basses, rCgions littorales portent I’image des atouts de sols riches (les pentes volcaniques aussi), de circulation aide, m&me si leur localisation les expose plus que d’autres aux inondations ou aux cyclones et, dans un futur peut-Etre assez proche, ?I une submersion marine. Jamais les hommes n’ont CtC aussi nombreux sur des espaces i risque ; la population sahClienne double en moins de 25 ans, le Bangladesh s’accroit chaque annCe de plus de 3 millions de personnes. Seule la croissance Cconomique mise au service du dkveloppement peut offrir aux Etats et aux hommes les moyens de faire face aux catastrophes et de rCduire les bilans meurtriers. J. Delumeau. dans son livre Lrs ndhews &s trnzps, dit que I’histoire des calamitCs po,urrait presque s’inscrire en creux d’une histoire de I’Etat [7]. Toutes proportions gardCes,c’est ce que nous enseignentaujourd’hui des catastrophescomme celles de la vallCe de I’Ouv?ze ou du delta du Gange. L’&&ement

et risques

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climatiques

CLIMATIQUE

CONSltQlJENCES SANITAIRES

climatique et sesconsCquences ne peuvent &tre isol& des contextes politico-Cconomiques.Mais ils ne doivent pas non plus &tre dCtach& de leur support socioculturel. Le succ&sdes actions de prkvention, des programmes de lutte engag& par les fitats est dCterminCen partie par I’interprCtation du risque et son degrCd’acceptation. Que ce soit pour lutter contre une bilharziose, l’infection B VIH ou un tlCau d’origine naturelle. la connaissancedes interprktations donnies aux phCnomknesest la condition de based’Ctablissementd’un dialogue entre les hommes(j?guw 2). CATASTROPHE ET CHANGEMENT CLIMATIQUES DES I?VI?NEMENTS A CONSIkQUENCES MULTIPLES

:

ficologique. dCmographique.&conomique, social, sanitaire, politique, aucun domaine n’est Cpargnk. La diffcile Cvaluation de la catastrophe dans les pays pauvres Tant en cotits, consiquencesCconomiquespour le pays et les individus, pertes matCrielles,qu’en nombre de victimes, les &arts sont consid&ables selon les sources. Comment dresser un bilan dans des rigions sinistrkes, dans des Stats oti en situation normale les statistiques sont peu fiables ? La surestimationdes victimes est aussi pour les gouvernementsde ces pays un moyen d’attirer I’attention, de recevoir I’aide internationale, de redgocier voire d’annuler la dette. Par exemple, d& le IO novembre 1998. le gouvernementfranc;aisdCcidait (
J.M.

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PauvretC accrue et dkveloppement

Am-Role

retard6

Champs, recoltes, habitations, Cquipements detruits. isolement, denuement, detresse et migration des survivants... la liste des consequences d’un Cvenement climatique majeur est longue. <, comme le soulignait dans sa declaration finale le groupe d’experts reuni a Guayaquil (Equateur) sous l’egide de I’ONU du 9 au 13 novembre 1998, pour Ctablir un bilan des degats provoques par le dernier El Nitio (Le Morzdr du 26 novembre 1998). Les Cvenements climatiques de 1997-l 998 illustrent ces processus. Cet episode El NiAo a CtC le plus puissant du siecle et le cyclone Mitch fut d’une violence exceptionnelle. Vingt-sept pays ont Cte victimes d’El Nina. Le bilan Ctabli par I’Organisation mondiale de meteorologic estime le nombre de marts a 21 700, de saris-abri a 4,8 millions et le cot% des degats a plus de 34 milliards de dollars (Le Figaro, 19 novembre 1998). 11n’a jamais Cte aussi Cleve. Au Honduras, Mitch a fait plus de deux millions de sinistres, a detruit plus de 80 o/Ode la principale recolte de mai’s (Le Figaro. 27 novembre 1998). M&me si ces evaluations chiffrees sont discutables, les Cvenementsclimatiques etaient d’ampleur exceptionnelle, les pays vulnerables et la population exposeejamais aussi nombreuse; ce contexte alimenta un systeme-catastrophe d’une redoutable efficacite. Des conskquencessanitaires de nature et d’ampleur variables Les Cvenementsclimatiquesengendrantinondations,glissementsde terrain, tempetes, sont dramatiquespour les survivants qui doivent faire face a un cumul pathologique. Au potentiel de morbidite traumatique s’ajoute une pathologie du stressa l’origine de troubles psychiqueset dans les pays tropicaux et pauvres, les maladies de la faim, les maladies liees a l’eau, directes comme indirectes. Des aires favorables au developpement de systemespathogenesapparaissent,s’etendent,secontractent, disparaissenten tres peu de temps.La violence des pluies et du ruissellementont d’abord un effet de chasse,puis la multiplication des eaux stagnantesfavorise la pullulation des moustiques, augmentant le risque d’epidemies de paludismeet de denguedansles secteursoh cesmaladies sont deja fortement endemiques [S]. Apres le cyclone Mitch, I’OMS a rapport6 des cas confirm& de leptospirose au Nicaragua, < [8]. Le Porte-parole de I’OMS, P. Stroot, faisait remarquer que <>,dit-il dans le souci de <
1998). Ces catastrophesentrainant des deplacementsde populations, de nouvelles cartes des maladiestransmissibles devraient apparaitre. Par exemple, des survivants porteursd’agentsinfectieux s’installenten zone indemne; si les ecosystemessont favorables,ils apportentle maillon manquantdu systemepathogene. De nombreux scientitiques travaillent sur les consequences et la prospective Cpidemique des phenomenes El Nifio/La Nina, et lisent des relations entre ces phenomeneset des Cpidemiesd’encephalites,d’arboviroses, de diarrhees, de deshydratations, de cholera, de dengue et de paludisme. Dans les regions en bordure d’une zone endemique, les facteurs climatiques et humains contribuent a l’instabilite. Les Ccosystemesde frange ne sont pas regulierement favorables aux transmissions.La saisonnalite et l’irregularite interannuelle des pluies y sont t&s marquees; evenement climatique exceptionnel ou non, la variabilite climatique y est maximale. Mais on l’a souligne. la secheressen’est pas seule responsabledes images catastrophiquesdu Sahel. L’impact de ces phenomenesest un indicateur de la gestion que les hommes font de leur environnement. LE RIkHAUFFEMENT PLANkTAIRE VERS DE NOUVEAUX RISQUES

:

Le climat &ant au cceur du fonctionnement des ecosystemes. un rechauffement de quelquesdegres,une modification du regime des precipitations se traduisent par une serie de reactions et d’interactions qui affectent la vie des hommes.Raressont celles qui n’ont pasun effet, direct ou indirect, sur la sank Au prix d’adaptations, les generationshumainessurvivent aux incessantesvicissitudes climatiques qui rythment la vie sur la Terre. Mais. fait nouveau, I’homme parait les nourrir et les techniques d’observation scientifiques lui donnent les moyens de britir des scenariospour un futur proche. Neanmoinsla prudence s’imposecar un Ctat de Santeest multifactoriel, et nous raisonnonsavec les capacites d’informations, le contexte et le v&u d’aujourd’hui. En 1990. I’OMS a dress6un premier bilan des consequencesd’un rechauffement planetaire. Dix ans apres, beaucoup d’inconnues demeurent. Elles sont liees a I’evolution du climat luimtme (evolution progressive ou chaotique marquee par un accroissementde la frequence des accidents climatiques locaux ? [9]), aux transformations Cconomiques, technologiques, sociales,demographiquesdes decennies a venir qui seront facteurs d’accroissementou de diminution des vulnerabilites des societes. mais pour qui ? quand et oti ? Des risques accrus L’augmentation du nombre descyclones dansles regions tropicales, des tempetes en zone temperee, en relation avec une plus grande variabilite des climats, l’elevation

SociCtCs

humainev

du niveau de la mer (cc la valeur la plus probable a l’horizon de l’an 2100 est une hausse autour de 50 cm >) [lo]) qui sont annoncees, menacent directement le cadre de vie et la vie de milliards d’hommes. L’augmentation des besoins en eau en relation avec les modes de vie, l’agriculture, l’accroissement de la population... et une reduction regionale et/au saisonniere de sa disponibilite, comme on peut le penser, dans les regions semi-arides et mediterradennes, sont porteuses de conflits d’ampleur internationale. Une nouvelle gCographie des zoonoses et des maladies 2 vecteurs Le rechauffement inegal des grandes zones climatiques (sur les basses latitudes, il serait tempere par une augmentation de la couverture nuageuse), l’evolution dans l’espace et dans le temps de la distribution des eaux pluviales, le degre de variabilite des climats ont un impact sur l’ensoleillement, les eaux superficielles et souterraines. les sols, la flore et la faune, c’est-a-dire sur le fonctionnement des Ccosystemes naturels comme anthropiques (figure 2). Ces evolutions sont susceptibles de modifier l’aire d’un animal reservoir et des vecteurs des maladies transmissibles [I I]. D’apres les modelisations, les zones temperees pourraient offrir des conditions favorables au developpement de vecteurs encore limit& a la zone chaude et de nombreux scientifiques travaillent ainsi sur les possibles territoires du futur des aedes et des anophP1e.s. Les changements climatiques pourraient, indirectement, modifier la distribution spatiotemporelle des maladies a vecteurs deja presentes [12]. Les communications de V. Deubel, F. Rodhain, J.F. Trape illustrent ces incidents. Quel sera l’impact d’une nouvelle geographic du chene vert sur les leishmanioses ? C. Hoff et S. Rambal Ccrivent, a propos d’une evolution du climat et des Ccosystemes mCditerranCens francais : <>,tandis que dans son aire actuelle l’augmentation des deficits hydriques le mettrait en difticulte sur les sols a faibles reserves en eau [13]. Cet exemple montre le danger d’un raisonnement a petite Cchelle qui generaliserait trop rapidement et invite a rester prudent. D’autres risques pour la sant6, de possibles bienfaits aussi Parce que le rechauffement y sera plus Clew? qu’aux basses latitudes et parce qu’elles portent de grands foyers de peuplement, les zones temperees sont exposees a de nombreux effets du rechauffement sur la Sante. Un accroissement de la temperature, plus marque en etC qu’en hiver, un relevement des minima nocturnes,

et risques

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climatiques

une hausse des precipitations hivemales, des periodes de secheresse plus longues et plus intenses peuvent avoir des impacts nombreux [lo]. D’apres J.P. Besancenot : > [ 141. Les pathologies comme le diabete, les lithiases et les intoxications alimentaires (par ruptures de la chaine du froid) devraient, elles aussi, connaitre une recrudescence en CtC. On peut ajouter aussi les consequences des vagues de chaleur et le role des systemes de climatisation contamines par des microorganismes [ 141. Les regions littorales atlantiques, la moyenne montagne tireront peut-&tre benefice de cette evolution dangereuse pour les personnes les plus fragiles. Les espaces mediterraneens et les milieux urbains continentaux risquent, a certaines periodes, de depasser les limites du confort thermique. En prenant l’exemple de la France : <>[ 141. Plus d’ensoleillement Porte aussi le risque de voir augmenter l’incidence des cancers cutanes, renforcee par une moins bonne filtration du rayonnement ultraviolet. Ce dernier est aussi porteur d’une alteration du systeme immunitaire. De nouveaux comportements limiteront-ils ces possibles consequences ? Le dialogue climat et maladies ne peut en effet se reduire a deux termes. Comme pour les manifestations des humeurs atmospheriques, des cofacteurs nombreux interferent et creent une dynamique systemique favoriSante ou attenuante. Cofacteurs <
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J.M.

Ctendue au monde entier. Des mesures de protection exigent done une collaboration a l’echelle mondiale. Ce deuxieme millenaire s’acheve sur un constat : les hommes ont acquis la capacite technique de perturber le systeme climatique global. 11s n’ont jamais eu aussi autant de moyens d’auscultation de la Terre. La nature rappelle aux hommes que malgre tous leurs pouvoirs ils ne peuvent s’en abstraire. La Terre est vivante et sensible. L’homme est puissant et fragile. Mais parce que les hommes n’ont jamais eu autant de moyens de savoir et d’intervenir, risques naturels et risques societaux sont plus que jamais in¶bles. RtiFkRENCES I Sorre M. Les fondements biologiques de la geographic humaine. Paris : Librairie Armand Colin ; 1943. 2 Besancenot JP, Cd. Risques pathologiques. Rythmes et paroxysmes climatiques. Congres du GDR 102. CNRS, Dijon. Paris : John Libbey Eurotext ; 1992. 3 Pagney P. Les catastrophes climatiques. Paris : PUF, coil. Que saisje? n”2878; 1994. 4 Pagney F. Le comportement de la population guadeloupeenne et lea conditions materielles imposees avant, pendant et apres le passage d’un ouragan. Nouvelle approche du c< v&u >), a propos de Hugo. In : Besancenot JP, Cd. Risques pathologiques. Rythmes et paroxysmes climatiques. Congres du GDR 102, CNRS, Dijon. Paris : John Libbey Eurotext ; 1992. p, 315-26.

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