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Mise au point
Les thrombocytopénies induites par l’héparine : données récentes Heparin-induced thrombocytopenia: Recent data Y. Gruel a,∗,b , J. Rollin a,b , D. Leroux a,b , C. Pouplard a,b a b
Service d’hématologie-hémostase, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37044 Tours cedex, France UMR CNRS 7292, université Franc¸ois-Rabelais, 37032 Tours, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Héparine Thrombopénie Thromboses Argatroban Danaparoïde
r é s u m é Bien que plus rares aujourd’hui, les thrombopénies induites par l’héparine (TIH) demeurent une complication iatrogène grave qu’il faut savoir reconnaître. Une TIH résulte d’une réponse immune atypique à l’héparine avec la synthèse d’anticorps IgG spécifiques du facteur plaquettaire 4 (FP4) modifié et activant les plaquettes, les leucocytes et l’endothélium. Cette activation explique que la diminution des plaquettes soit associée à une hypercoagulabilité avec des thromboses dans près d’un cas sur deux. Le diagnostic est parfois évoqué par des manifestations cliniques atypiques (nécrose cutanée, hypotension, amnésie ou dyspnée après injection d’héparine). Le dépistage d’une TIH repose sur la surveillance des plaquettes, restreinte avec les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) aux malades à risque, après chirurgie cardiaque, vasculaire ou orthopédique notamment, mais étendue à tous les cas traités par héparine non fractionnée (HNF). Le diagnostic doit être confirmé biologiquement même si la présomption clinique est forte. À cet égard, des tests de type Elisa rapides et spécifiques sont désormais disponibles pour la détection des anticorps anti-FP4/héparine. Toutefois, leur spécificité est médiocre et des tests fonctionnels évaluant l’agrégation plaquettaire ou la libération de sérotonine radiomarquée doivent souvent être réalisés. Pour le traitement d’une TIH, l’argatroban (antithrombine directe) est utilisable chez l’insuffisant rénal et sera dans ce cas préféré au danaparoïde sodique (héparinoïde principalement anti-Xa). Le fondaparinux (anti-Xa sélectif), recommandé par certains, est non validé dans cette indication, et ne peut être utilisé qu’en cas de suspicion. La prévention des TIH sera améliorée par la prescription des nouveaux anticoagulants oraux. © 2013 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
a b s t r a c t Keywords: Heparin Thrombocytopenia Thrombosis Argatroban Danaparoid
Despite less frequent, heparin-induced thrombocytopenia (HIT) remains a severe complication of treatment with heparin, and is important to diagnose and manage appropriately. HIT results from an atypical immune response to heparin, with the synthesis of IgG antibodies specific to heparin-modified platelet factor 4 (PF4) which activate platelets, leukocytes and the endothelium. This activation explains that low platelet count is associated with thrombotic events in 50% of patients. The diagnosis of HIT is sometimes evoked because of atypical manifestations (i.e. cutaneous necrosis, amnesia, hypotension or dyspnea following intravenous injection of heparin). Biological assays are always necessary to confirm HIT in case of clinical suspicion, and specific rapid tests are now available for detecting anti-PF4 antibodies. However, their specificity is poor and functional assays such as serotonin release assay or platelet aggregation test are often necessary. Argatroban that is a direct antithrombin drug can be used in patients with severe renal failure and will be preferred to danaparoid sodium in this situation. Fondaparinux is not licensed for treating confirmed HIT and can only be used in case of suspicion. The early detection of HIT is based on the monitoring of platelet count recommended in surgical patients receiving a low molecular weight heparin and in all patients treated with unfractionated heparin. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (Y. Gruel). 0248-8663/$ – see front matter © 2013 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.04.022
Pour citer cet article : Gruel Y, et al. Les thrombocytopénies induites par l’héparine : données récentes. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.04.022
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1. Introduction La thrombopénie induite par l’héparine (TIH) est une complication iatrogène grave des traitements hépariniques. Fréquemment compliquée par des thromboses, les mécanismes physiopathologiques sous-jacents sont aujourd’hui mieux compris [1]. L’épidémiologie des TIH permet aussi de préciser les circonstances cliniques au cours desquelles il convient de surveiller la numération des plaquettes. De plus, le diagnostic d’une TIH, qui est une entité clinicobiologique comme le syndrome des anticorps antiphospholipides avec lequel elle partage un certain nombre de caractères [2–4], est désormais amélioré par la mise à disposition de tests biologiques plus performants. Le traitement des malades affectés par une TIH est aujourd’hui facilité grâce à l’accès à des médicaments non hépariniques dont les effets sont bien connus et l’usage clinique mieux maîtrisé. L’ensemble des ces aspects sera abordé dans cette mise au point. Concernant le traitement, les niveaux de recommandations présentés sont ceux très récemment proposés par les experts de l’American College of Chest Physicians (ACCP) [5] et du British Committee for Standards in Haematology [6]. 2. La thrombopénie induite par héparine (TIH) est une thrombopénie immunologique atypique dont la physiopathologie est mieux comprise Le premier événement préludant au développement d’une TIH (Fig. 1) est la synthèse dans plus de 98 % des cas d’anticorps dirigés contre le facteur 4 plaquettaire (FP4) modifié par l’héparine (FP4/H) [7,8]. Très exceptionnellement, une TIH peut être associée à des anticorps spécifiques de l’interleukine 8 ou du neutrophil activating peptide 2 (NAP-2), autres protéines ayant aussi une affinité élevée pour l’héparine [9], mais leur implication réelle n’est pas démontrée. L’interaction du FP4 avec l’héparine modifie sa structure tridimensionnelle, avec l’exposition de néo-antigènes qui vont induire la synthèse d’anticorps. Plus de 90 % des séroconversions surviennent quatre à 14 jours après l’introduction de l’héparine
(héparine non fractionnée [HNF] ou héparine de bas poids moléculaire [HBPM]). De plus, lors d’une TIH, la diminution de la numération plaquettaire (NP) débute approximativement deux jours après l’apparition des anticorps avec une chute d’environ 50 % observée dans les 48 heures suivantes [10]. Cette réponse immune à l’héparine conduisant à la synthèse d’anticorps anti-FP4 est atypique. En effet, elle n’est pas associée à une commutation (ou « switch ») isotypique comme dans une réponse immune classique et les anticorps d’isotype IgG, IgA, et IgM apparaissent simultanément [11]. Les mécanismes qui expliquent cette particularité ne sont pas clairement identifiés mais Krauel et al. [12] ont démontré que le FP4 peut aussi se fixer à des glycosaminoglycanes bactériens et induire une réponse immunitaire similaire à celle associée à une TIH. Par ailleurs, des IgM et des IgG anti-FP4 ont été détectés avec une prévalence assez élevée (20 % et 6 % respectivement) dans la population générale non préalablement exposée à l’héparine [13]. Ces anticorps sont également associés aux parodontites [14], infections fréquentes dues à des germes à Gram-négatif. Au total, ces résultats soutiennent l’hypothèse d’un rôle probable du FP4 dans les mécanismes de défense contre les infections, et suggèrent qu’une TIH est dans certains cas la conséquence d’une réponse immune mal dirigée. Récemment, une étude réalisée chez la souris a démontré le rôle, lors de cette réponse immune atypique dirigée contre le FP4, des lymphocytes B présents dans la zone marginale des ganglions [15]. Chez l’homme, le titre d’anticorps anti-FP4/H est à son maximum en moyenne dix jours après le début de l’héparinothérapie et diminue ensuite pour devenir indétectable dans la majorité des cas trois mois après l’arrêt de l’héparine. Cette cinétique ne ressemble ni à une réponse secondaire, ni à celle observée avec des auto-anticorps et soutient que la réponse immunitaire aux complexes FP4/H est bien atypique et unique [16]. Enfin, les anticorps pathogènes sont essentiellement d’isotype IgG, et Warkentin et al. [10] ont montré qu’ils apparaissaient plus rapidement en cas de TIH que chez les patients ayant seulement une séroconversion sans thrombopénie ni complication. Observation essentielle, tous les patients traités par héparine ne développent pas d’anticorps anti-FP4/H et seule une minorité de ceux ayant synthétisé un titre significatif d’anticorps deviennent
Fig. 1. Physiopathologie des thrombopénies induites par l’héparine. FP4 : facteur plaquettaire 4 ; HS : héparane sulfate ; CS : chondroïtine sulfate.
Pour citer cet article : Gruel Y, et al. Les thrombocytopénies induites par l’héparine : données récentes. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.04.022
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symptomatiques avec une TIH. Le titre des IgG anti-FP4/H est de fait un facteur physiopathologique important [17], et nous avons montré que des polymorphismes touchant le promoteur du gène codant l’IL10 (cytokine anti-inflammatoire) peuvent influencer le niveau de synthèse des anticorps anti-FP4/H après chirurgie cardiaque [18]. Par ailleurs, Sachais et al. [19] ont récemment suggéré que la spécificité des épitopes reconnus par les anticorps anti-FP4/H influence également leur pathogénicité. En effet, les anticorps pathogènes stabiliseraient les tétramères de FP4 favorisant ainsi la formation des complexes macromoléculaires FP4/H nécessaires à l’activation cellulaire et au développement d’une thrombopénie et de thromboses [19]. Cependant, d’autres facteurs concernant les plaquettes contribuent également à la variabilité interindividuelle de la réponse aux anticorps héparine–dépendants. Ce constat est expliqué par le fait qu’une TIH est dans la majorité des cas due à des anticorps de classe IgG1 qui complexés au FP4 et à l’héparine se fixent par leur fragment Fc aux récepteurs Fc␥RIIa des plaquettes. La voie de signalisation dépendante de Fc␥RIIa est donc essentielle à l’activation plaquettaire induite par les anticorps anti-FP4/H. Ainsi, l’inhibition des Src kinases par du dasatinib ou de Syk (R406 ou PRT060318) abolit l’activation plaquettaire induite par ces anticorps [20–22]. Par ailleurs, nous avons récemment mis en évidence que les polymorphismes Q276P et R326Q affectant la protéine tyrosine phosphatase CD148 qui régule la famille des Src kinases, sont associés à un risque différent de TIH. De fait, les plaquettes exprimant les isoformes 276P et 326Q sont moins sensibles aux anticorps antiFP4/H comparativement aux plaquettes homozygotes 276QQ et 326RR [23]. En revanche, il est admis que le polymorphisme Fc␥RIIa H131R n’influence pas le risque de TIH, contrairement à celui affectant le gène codant FcRIIIa avec un dimorphisme V158F qui est associé à une clairance différente des plaquettes sensibilisées par les anticorps anti-FP4/H [24]. Les thromboses affectent une TIH sur deux avec des caillots qui s’ils sont extraits chirurgicalement ont un aspect blanchâtre et sont riches en plaquettes et en leucocytes. Rauova et al. [25], ont montré dans un modèle murin de TIH que les monocytes jouaient en effet un rôle essentiel dans la formation des thrombus artériels alors qu’ils ne semblent pas contribuer significativement au développement des thromboses veineuses. Antérieurement, nous avons démontré que la synthèse par les monocytes du facteur tissulaire (FT), protéine déclenchant la coagulation, était induite par les anticorps de TIH en présence d’héparine, ce processus pouvant favoriser la survenue de thromboses [26]. Par ailleurs, l’effet antithrombotique des inhibiteurs de Syk récemment mis en évidence dans un modèle murin de TIH [22] peut être expliqué par une inhibition conjointe de l’activation des plaquettes et de la synthèse de FT par les monocytes en réponse aux anticorps anti-FP4 [21]. Outre les plaquettes et les monocytes, les anticorps anti-FP4/H peuvent activer les cellules endothéliales [27] et les neutrophiles [28]. Enfin, il a été montré que le complexe FP4/thrombomoduline potentialisait la génération de protéine C-activée. Les anticorps de TIH en se complexant au FP4 réduiraient cet effet, contribuant au risque majoré de thromboses [29].
3. Les thrombopénies induites par héparine (TIH) bien que plus rares n’ont pas disparu. Quelle surveillance des plaquettes recommander aujourd’hui ? Les HBPM et le fondaparinux ont ces dernières années presque totalement remplacé l’HNF qui n’est aujourd’hui utilisée en pratique que chez l’insuffisant rénal ou en chirurgie cardiaque, et les TIH sont donc moins fréquentes [5]. Ainsi, selon une méta-analyse publiée en 2005, l’incidence des TIH chez les malades traités par une HBPM est au moins dix fois moins élevée (0,2 %) que celle évaluée sous HNF (4,6 %) [30]. Par ailleurs, les traitements par le
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Tableau 1 Recommandations relatives à la surveillance de la numération plaquettaire lors d’une héparinothérapie. Numération plaquettaire (NP) de référence chez tout patient traité par HNF, HBPM, ou fondaparinux (2C) Pas de surveillance de la NP Chez les patients médicaux et obstétricaux traités par une HBPM ou fondaparinux (2C), quelle que soit l’indication (préventive ou curative) Chez les patients chirurgicaux (hors chirurgie cardiaque) traitée par une HBPM ou le fondaparinux (2C) Surveillance de la NP Tous les 2 à 3 jours, entre le 4e et le 14e jour de traitement, ou jusqu’à l’arrêt du traitement Chez tout patient traité par HNF (2C) Chez tout patient opéré d’une chirurgie cardiaque, même traité par une HBPM (2C) 24 heures après le début de toute héparinothérapie chez les patients chirurgicaux préalablement exposés à une héparine dans les 100 jours précédents (2C) D’après Linkins et al. [5] et Watson et al. [6]. HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire.
fondaparinux (Arixtra® ), bien que pouvant être associés au développement d’anticorps anti-FP4 [31,32], ne sont qu’exceptionnellement associés à une TIH [33]. Outre le type d’héparine administrée, d’autres facteurs liés au patient lui-même, ou dépendants du contexte justifiant la prescription d’une héparine, influencent le risque de TIH. Ainsi, ce risque est-il trois fois plus élevé chez les malades chirurgicaux qu’en médecine selon une analyse de sept études prospectives [34]. Le type de chirurgie joue aussi un rôle important. À cet égard, la chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle (CEC) est associée à une incidence très élevée d’anticorps anti-FP4/héparine chez près de 50 % des malades [35,36]. Toutefois, une TIH n’est observée que dans 1 à 2 % des cas, principalement chez ceux recevant une HNF en postopératoire. En chirurgie orthopédique, l’incidence d’une TIH est d’environ 0,5 % chez les malades sous HBPM [37]. Par ailleurs, en traumatologie la gravité des lésions et surtout la nécessité d’une chirurgie majeure majorent le risque de TIH quel que soit le type d’héparine administrée [38]. En pratique, et en tenant compte de ces données actualisées, quelle surveillance des plaquettes préconiser aujourd’hui ? Les recommandations présentées dans le Tableau 1 sont assez consensuelles [5,6] et caractérisées par un ciblage plus limité des situations (essentiellement chirurgicales) nécessitant une surveillance de la numération des plaquettes. En pratique, il faut souligner que pratiquement aucun contrôle des plaquettes n’est recommandé chez les malades médicaux traités par une HBPM ou le fondaparinux. 4. Des outils biologiques plus performants. Comment les utiliser pour le diagnostic d’une thrombopénie induite par héparine (TIH) ? La TIH est un syndrome clinicobiologique dont le diagnostic repose sur la mise en évidence d’anticorps anti-FP4 activant les plaquettes en présence d’héparine [39]. Le diagnostic de TIH ne peut donc pas être uniquement clinique, même si le tableau est parfois très évocateur. Un score appelé « 4Ts » (pour Thrombocytopenia, Timing, Thrombosis and oTher cause of thrombocytopenia) proposé par Warkentin et récemment actualisé [5] permet lors d’une suspicion d’évaluer la probabilité clinique de TIH à l’aide de quatre critères (Tableau 2) et aide à la prescription des tests biologiques. Ainsi, chez les patients pour lesquels le score « 4Ts » est faible (≤ 3), le diagnostic de TIH peut être écarté et les tests recherchant des anticorps anti-FP4 ne sont pas nécessaires. Ces tests biologiques sont de deux types. Les tests immunologiques détectent et quantifient les anticorps anti-FP4. Les tests
Pour citer cet article : Gruel Y, et al. Les thrombocytopénies induites par l’héparine : données récentes. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.04.022
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Tableau 2 Score des « 4Ts » recommandé pour évaluer la probabilité prétest du diagnostic de thrombocytopénie induites par l’héparine [5]. 2 points
1 point
0 point
Thrombopénie
Diminution de plus de 50 % de la NP et plaquettes nadir ≥ 20 G/L sans chirurgie dans les 3 jours précédents
Diminution de moins de 30 % de la NP ou plaquettes nadir < 10 G/L
Délai de survenue de la thrombopénie (Timing)
Chute de la NP (ou thrombose) 5 à 10 jours après le début de l’héparine Ou dans un délai de 24 h si héparinothérapie récente documentée (5 à 30 jours) Nouvelle thrombose veineuse ou artérielle (confirmée) OU nécrose cutanée OU réaction systémique après injection d’HNF OU hémorragie des surrénales Aucune autre cause possible de thrombopénie
Diminution de 30 à 50 % de la NP ou plaquettes entre 10 et 19 G/L Ou diminution de plus de 50 % de la NP avec chirurgie récente (3 derniers jours) Chute de la numération plaquettaire (après plus de 10 jours d’héparine) Ou dans un délai de 24 h si héparinothérapie semi-récente (de 31 à 100 jours) Extension ou récidive d’une thrombose pré-existante OU suspicion d’une nouvelle thrombose en attente de confirmation OU érythème cutané après injection d’héparine Autre cause possible de thrombopénie Sepsis sans confirmation microbiologique Thrombopénie associée à une ventilation mécanique Autres étiologies possibles
Thromboses et autres complications
AuTres causes de thrombopénies
Thrombopénie survenant avant 4 jours de traitement sans héparinothérapie dans les 100 derniers jours
Aucun événement
Autre cause probable Chirurgie dans les 72 h Infection confirmée Chimio- ou radiothérapie dans les 20 derniers jours CIVD due à une autre cause Purpura post-transfusionnel Plaquette < 20 G/L probablement d’origine médicamenteuse
Après addition des points, la probabilité peut être élevée (6–8 points), intermédiaire (4–5 points) ou faible (0–3 points). NP : numération plaquettaire
fonctionnels démontrent l’aptitude de ces anticorps à activer les plaquettes en présence d’héparine. Ces tests doivent être pratiqués le plus tôt possible après la suspicion de TIH car le titre des anticorps pathogènes diminue rapidement pour disparaître dans certains cas dans les trois mois qui suivent la phase aiguë. 4.1. Tests immunologiques Plusieurs tests immunologiques sont utilisables, et le délai d’obtention du résultat est plus court avec certains. Par ailleurs, les classes d’anticorps détectés sont variables et peuvent être, soit des IgG, des IgA, et des IgM, soit des IgG seules. Deux tests rapides permettent l’obtention d’un résultat qualitatif (positif ou négatif) dans l’heure qui suit le prélèvement. Le plus ancien est le test HIT PAGia® (Biorad) basé sur une immunofiltration sur gel [40]. Plus récemment, un test d’immunochromatographie sur membrane [41] détectant spécifiquement des IgG anti-FP4/héparine (Stic Expert HIT® , Stago) a été validé aussi en France par une étude multicentrique et sa valeur prédictive négative est très bonne [42]. L’évaluation de ces deux tests rapides a été réalisée selon une approche Bayésienne en intégrant les résultats du score « 4Ts ». Ainsi, une probabilité prétest faible ou intermédiaire et un test rapide négatif permettent d’écarter avec fiabilité le diagnostic de TIH (Fig. 2). Lorsque la probabilité prétest est élevée, un test rapide ne permet pas d’éliminer formellement une TIH et d’autres analyses sont nécessaires (test immuno-enzymatique quantitatif et test d’activation plaquettaire). D’autres tests rapides basés sur des mesures de chémilumiscence (Hemosil Acustar HIT IgG® ou Hemosil Acustar HIT IgG/A/M® ) ou d’immunoturbidimétrie (Hemosil HIT Abs® ) nécessitent des automates spécifiques (ACL Top ou Acustar) [43] mais ils sont peu diffusés en France, et leur intérêt pratique reste à confirmer. Les tests immuno-enzymatiques de type Elisa plus anciennement connus reposent sur l’incubation du plasma ou du sérum à tester avec des cibles antigéniques variables : complexes FP4/héparine (Asserachrom HPIA® Stago), complexes FP4/polyvinylsulfonate (HAT 45® , GTI), ou complexes sulfate de protamine/héparine auxquels est ajouté un lysat plaquettaire
source de FP4 (Zymutest HIA® , Hyphen Biomed). Toutes ces trousses détectent des anticorps de classe IgG, IgA, et IgM, ou plus spécifiquement des IgG. L’utilisation d’un test spécifique des IgG est aujourd’hui recommandée, d’autant plus si aucun test d’activation plaquettaire n’est disponible [38]. En effet, les trousses ne détectant que les IgG ont une spécificité plus élevée pour le diagnostic de TIH sans perte de sensibilité [44] puisque seuls les anticorps de classe IgG activent les plaquettes et sont donc pathogènes. Les résultats des tests immuno-enzymatiques seront interprétés en fonction du contexte clinique (Fig. 2) et doivent être exprimés en valeur absolue (c’est-à-dire en DO ou densité optique) [45]. Cette DO reflète le titre d’anticorps anti-FP4, lequel est fortement corrélé au score clinique « 4Ts » et au risque de complications thrombotiques [17,46]. 4.2. Test d’activation plaquettaire Ils sont indispensables pour confirmer avec certitude le diagnostic de TIH, mais ils restent délicats à réaliser et peu disponibles. En pratique, des plaquettes de sujets sains sont incubées en présence d’héparine avec le plasma (ou le sérum) du malade. Cette incubation est réalisée en milieu plasmatique (tests d’agrégation plaquettaire) ou après lavage des plaquettes (test de libération de sérotonine radiomarquée). Dans les cas typiques, les anticorps de TIH présents dans le plasma du malade induisent une activation des plaquettes en présence de faibles concentrations d’héparine (0,1–0,5 UI/mL). Point essentiel, cette activation est inhibée par une forte concentration d’héparine (10 ou 100 UI/mL), et cette inhibition est essentielle à la spécificité du test [47]. Une sélection des donneurs de plaquettes est recommandée puisque les cellules de certains sujets ne répondent pas ou faiblement aux anticorps de TIH. C’est pourquoi plusieurs témoins doivent en règle être testés avant de conclure à un test négatif. Le lavage des plaquettes augmente la sensibilité des plaquettes aux anticorps comme dans le test de libération de sérotonine radiomarquée qui est le test de référence [48], mais il implique l’utilisation d’un radioélément (le carbone 14), ce qui limite son accès à quelques laboratoires. D’autres méthodes d’activation plaquettaire ont été décrites. L’une d’elles utilise le Multiplate© Analyser qui évalue l’agrégation
Pour citer cet article : Gruel Y, et al. Les thrombocytopénies induites par l’héparine : données récentes. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.04.022
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Suspicion clinique de TIH Chercher une thrombose (+/- echo-doppler) Evaluer la probabilité clinique du diagnostic de TIH : Score des 4Ts
Probabilité Clinique faible avec 4Ts < 3
Probabilité Clinique Intermédiaire avec 4Ts = 4 ou 5
TIH Exclue Poursuivre l’héparine
Test rapide recherchant des anticorps anti-FP4
Test rapide négatif
Test rapide positif
Probabilité Clinique Forte avec 4Ts > 6
TIH probable Arrêt de l’héparine
Evaluer le risque hémorragique, la fonction rénale, la fonction hépatique
TIH Exclue Poursuivre l’héparine
• Danaparoïde (ou fondaparinux) si fonction rénale normale et pas de chirurgie prévue • Argatroban dans les autres cas
Test ELISA semi-quantitatif TIH Exclue Reprendre l’héparine
ELISA positif
ELISA négatif
TIH peu probable (DO < 1) TIH probable (1 < DO < 2)
TIH très probable si DO > 2
Demander un test d’activation plaquettaire TAP négatif
TAP positif
La TIH n’est pas confirmée
TIH certaine
Dans tous les cas, l’analyse du dossier (4T, ELISA, TAP, évolution sous traitement) est essentielle pour conclure : remettre une carte au patient si TIH confirmée et déclarer cet événement indésirable grave Fig. 2. Algorithme pour le diagnostic et le traitement des thrombopénies induites par l’héparine (TIH) reposant sur la clinique (score prétest des « 4Ts » pour la suspicion) et les résultats des tests biologiques.
plaquettaire en sang total par une mesure d’impédance et apparaît assez sensible pour la détection des anticorps de TIH [49]. Toutefois, cette méthode reste peu utilisée en France. Point essentiel, les résultats des tests biologiques doivent être interprétés lors de toute démarche diagnostique selon la probabilité clinique de TIH (Fig. 2). 4.3. Cas particulier de la chirurgie cardiaque Cette situation clinique est en France associée au risque de TIH le plus élevé, mais le diagnostic est plus difficile puisque la CEC induit fréquemment une thrombopénie en postopératoire. Le score
« 4Ts » est applicable mais moins fiable et le clinicien doit en pratique évaluer le profil évolutif de la NP après la CEC [50,51]. Si celui-ci est normal, la NP rejoint la valeur préopératoire à partir de J5 après la chirurgie. Le profil d’évolution le plus spécifique d’une TIH est biphasique avec une correction initiale (même partielle) de la thrombopénie postopératoire suivie après J5 d’une chute brutale et secondaire de la NP. Le deuxième profil, monophasique, beaucoup moins évocateur d’une TIH car pouvant être dû à d’autres causes, se traduit par une absence de correction de la NP au-delà du 5e jour postopératoire. Dans tous les cas, la mise en évidence d’un titre élevé d’anticorps anti-FP4 associé à un test d’activation plaquettaire est indispensable pour confirmer le diagnostic.
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Tableau 3 Recommandations essentielles pour le traitement d’une thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH) [5,6]. Pour tout patient avec une TIH confirmée ou une forte suspicion (TIH possible ou probable selon le score « 4Ts ») Arrêt de toute héparinothérapie Prescription à doses curatives d’un anticoagulant non héparinique (danaparoïde sodique ou argatroban) (1B) Ne pas Prescrire une HBPM pour le traitement d’une TIH sous HNF (1A) Prescrire un AVK avant que la NP soit corrigée (1B) Prescrire des transfusions prophylactiques de plaquettes (1C) Prescrire à doses curatives (et non à doses préventives) Argatroban si insuffisance rénale Danaparoïde si insuffisance hépatique sévère HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire.
5. De nouvelles méthodes thérapeutiques : comment les prescrire et les surveiller ? 5.1. Médicaments disponibles et autorisés pour le traitement d’une thrombopénie induite par héparine (TIH) En France, les médicaments disponibles et autorisés pour le traitement d’une TIH sont le danaparoïde sodique (Orgaran® ) et depuis quelques mois, l’argatroban (Arganova® ). La lépirudine (Réfludan® ) est retirée du marché depuis avril 2012. La bivalirudine (Angiox® ) qui est une antithrombine directe comme l’argatroban, et le fondaparinux (Arixtra® ) qui inhibe sélectivement le Xa, n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indication mais leur utilisation peut néanmoins être discutée dans certains cas. 5.2. Principes généraux du traitement d’une TIH Les principes généraux du traitement d’une TIH sont les suivants [5,6] : • la décision essentielle est l’arrêt de toute héparinothérapie si le diagnostic est suspecté (TIH possible ou probable) avec la prescription d’un anticoagulant substitutif (argatroban ou danaparoïde) à doses curatives, qu’il y ait ou non une thrombose (Tableau 3) ; • toutes les HBPM sont à proscrire, et un AVK ne peut être prescrit qu’après correction de la NP car à la phase aiguë d’une TIH, il augmente le risque de thrombose et de nécrose cutanée en réduisant le taux plasmatique de protéine C [52]. Il est au contraire
préconisé d’administrer par voie parentérale de la vitamine K à tout patient préalablement traité par un AVK (recommandation 2C) ; • les saignements sont très rares et la transfusion de plaquettes souvent inefficace, voire potentiellement dangereuse. Elle n’est donc envisageable qu’en cas de saignement actif ou de chirurgie à haut risque hémorragique et si la thrombopénie est sévère [5].
5.3. Quel anticoagulant substitutif choisir et comment le surveiller ? Deux critères de choix sont essentiels : le premier médical tient compte de l’état rénal et hépatique du malade, qu’il faut évaluer soigneusement. Le second est la disponibilité du médicament, assez réduite pour le danaparoïde qui est contingenté depuis mars 2012. Le danaparoïde (Orgaran® ) est un mélange d’héparane sulfate, de chondroïtine sulfate et de dermatane sulfate, inhibant essentiellement le Xa en présence d’antithrombine, et très faiblement la thrombine. Comme les HBPM, il est éliminé par les reins et n’a que peu d’effet sur le TCA. Un risque de surdosage existe donc, notamment chez l’insuffisant rénal chez lequel il est donc préférable de prescrire l’argatroban. La surveillance de l’activité anti-Xa sous danaparoïde est recommandée surtout si la fonction rénale est altérée et chez les patients de poids extrêmes. L’activité anti-Xa mesurée par une méthode spécifique sera évaluée après le bolus et diminution de la dose horaire (Tableau 4) et sera maintenue entre 0,5 et 0,8 U/mL. Point essentiel, les posologies plus faibles (dites « prophylactiques ») administrées par voie sous-cutanée (750 U, 2 à 3 fois/jour) sont moins efficaces, exposant le patient à un risque de thromboses plus élevé [52] et ne sont donc pas recommandées (recommandation 1B). De plus, la non-correction de la NP ou une récidive/extension thrombotique sous danaparoïde doit faire évoquer l’existence d’une réactivité croisée des anticorps de TIH avec ce médicament et impose la prescription d’une autre molécule [53], l’argatroban notamment. L’argatroban, inhibiteur direct de la thrombine, est éliminé par le foie. Il est donc contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatocellulaire sévère (score de Child-Pugh ≥ 3), et le danaparoïde est alors le seul anticoagulant utilisable. L’argatroban a été comparé dans deux études non randomisées et ouvertes à des cas historiques le plus souvent traités par un AVK. Bien qu’un tiers des patients inclus n’avaient pas d’anticorps anti-FP4 et que le diagnostic de TIH soit donc discutable, les résultats combinés de ces deux études [54] montrent que l’argatroban administré à une posologie comprise entre 1,7 et 2 g/kg par minutes pendant cinq à sept jours avec un TCA compris entre 2 et 3, permet une réduction significative des
Tableau 4 Principaux caractères du danaparoïde et de l’argatroban et modalités d’utilisation dans le traitement d’une thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH) en dehors de l’hémodialyse [5,6,55]. Danaparoïde
Argatroban
Cible Elimination Demi-vie
Xa +++ Rénale ∼ 24 heures
IIa Hépatique 40–50 minutes
Posologies
Bolus IV < 55 kg : 1250 U 55–90 kg : 2500 U > 90 kg : 3750 U Puis perfusion IV 400 U/h pendant 2 h puis, 300 U/h pendant 2 h puis 200 U/h à adapter selon anti-Xa Anti-Xa entre 0,5 et 0,8 U/mL
Pas de bolus Perfusion IV Dose initiale : 2 g/kg/min à réduire à 1 g/kg/min si opéré récent, ou patient fragile, ou à 0,5 g/kg/min si chirurgie cardiaque, chez l’enfant, et en cas d’insuffisance hépatique modérée (argatroban contre-indiqué si sévère)
Surveillance biologique et adaptation des doses
TCA avec rapport M/T entre 1,5 et 3 à mesurer 2 h après chaque adaptation et tous les jours
TCA : temps de céphaline activée ; M/T : malade/témoin ; IV : intraveineux.
Pour citer cet article : Gruel Y, et al. Les thrombocytopénies induites par l’héparine : données récentes. Rev Med Interne (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.04.022
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Tableau 5 Modalités d’utilisation du danaparoïde et de l’argatroban chez les patients avec une thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH) et nécessitant une hémodialyse [6,55].
Hémodialyse intermittente
Danaparoïde
Argatroban
3750 U (ou 2500)a avant la 1re et 2e dialyse Dose adaptée selon anti-Xa avant dialyse pour les suivantes < 0,3 : 3000 U (2000)a 0,3–0,35 : 2500 U (1500)a 0,35–0,40 : 2000 U (1500)a > 0,40 : 0 U
Bolus 250 g/kg, puis perfusion i.v. 2 g/kg/min adaptée sur ACT à maintenir entre170 à 230 s
Bolus 100 g/kgb puis, perfusion i.v. 0,5 g/kg/minc adaptée sur TCA à maintenir entre 1,5–3 fois le témoin
Hémodialyse continue
TCA : temps de céphaline activé ; ACT : activated clotting time. a Si poids inférieur à 55 kilos. b Pas de bolus si déjà traité par argatroban. c Dose à ajuster selon les scores SOFA-II, APACHE-II ou SAPS-II.
décès, amputations, et nouvelles thromboses (événements évalués avec un critère composite), sans risque plus élevé de saignement. En pratique, la dose initiale d’argatroban doit souvent être réduite à 1, voire 0,5 g/kg par minutes, les malades avec une TIH ayant souvent des comorbidités ou un terrain fragile (enfant, chirurgie cardiaque, etc.). À cet égard, des adaptations de doses selon différents scores cliniques de sévérité (APACHE II, SOFA,ou SAPS II) ont récemment été proposées [55]. Point important, l’argatroban allonge le temps de Quick (et donc augmente l’INR). Par conséquent, l’argatroban ne sera pas interrompu lors d’un relais, avant cinq jours de traitement par un AVK. L’arrêt n’est possible que si l’INR est supérieur ou égal à 4 à deux contrôles successifs. De plus, et comme avec le danaparoïde sodique, le relais par un AVK ne sera initié que si la NP est corrigée. La durée du traitement, quel que soit l’anticoagulant choisi, sera de trois mois au minimum en cas de thrombose (recommandation 1A), mais peut être raccourci à quatre semaines si la thrombopénie est isolée (recommandation 2C). L’utilisation du fondaparinux (Arixtra® ) a été rapportée dans quelques dizaines de cas [56,57], et ce médicament semble efficace et sûr. Toutefois, il reste non autorisé en France dans les TIH confirmées. Les posologies administrées étaient variables, mais si l’on doit le prescrire en cas de suspicion, il est préférable de choisir une dose curative (7,5 mg/jour) en l’absence de comorbidité (insuffisance rénale, sujet âgé), tenant compte de l’expérience acquise avec le danaparoïde. D’autres méthodes thérapeutiques non anticoagulantes, comme les échanges plasmatiques [58] ou le rituximab [59] ont rarement été utilisées, et ne sont pas recommandées en première intention. Chez la femme enceinte, les TIH sont très rares, voire exceptionnelles sous HBPM. L’expérience la plus grande concerne le danaparoïde qui doit donc être choisi en priorité, mais s’il est non disponible, le fondaparinux peut être prescrit (recommandation 2C), ayant été utilisé durant la grossesse dans certains cas avec succès [60]. Pour une hémodialyse, tant le danaparoïde que l’argatroban ont été utilisés, et des protocoles précis d’utilisation sont proposés (Tableau 5). 5.4. La chirurgie cardiaque La chirurgie cardiaque pose un problème spécifique car l’HNF est l’anticoagulant idéal pour une CEC, étant bien neutralisée par la protamine. À la phase aiguë d’une TIH une HNF n’est a priori pas utilisable car les anticorps sont présents pour plusieurs semaines et le risque de thrombose est majeur. Si possible, il est donc conseillé de reporter l’intervention, de contrôler la disparition des anticorps anti-FP4, et de réaliser la chirurgie sous HNF.
Si la chirurgie est urgente, deux options sont proposées : l’une préférée par les experts de l’ACCP préconise l’usage de la bivalirudine (Angiox® ), antithrombine directe et de demi-vie courte (25 minutes), avec un bolus et une perfusion intraveineuse continue et une posologie adaptée sur l’activated clotting time (ACT) [5]. L’autre, préalablement utilisée en France, repose sur l’utilisation d’un antiplaquettaire, le tirofiban, inhibiteur de GPIIb-IIIa, permettant d’anticoaguler sans risque significatif le circuit extracorporel avec l’HNF [61]. À distance d’une TIH (au-delà de 100 jours), l’HNF reste l’anticoagulant de référence pour une CEC, mais un médicament non héparinique doit être utilisé en pré- ou postopératoire quelle que soit l’indication (recommandation 1B). L’angioplastie coronaire est une situation plus simple, et la bivalirudine étant validée avec une AMM en dehors de la TIH, doit être préférée (recommandation 2B). 5.5. Les récidives de thrombopénie induite par héparine (TIH) Les récidives de TIH sont très rares mais possibles. Il est donc recommandé chez les patients avec un antécédent documenté d’utiliser préférentiellement le fondaparinux ou un anticoagulant oral (AVK, dabigatran, rivaroxaban, etc.) lorsque cela est possible. Dans les autres cas, il est important de limiter la durée du traitement par héparine à cinq jours maximum. 6. Conclusion La TIH est une complication sévère des traitements par l’HNF ou de bas poids moléculaire, qu’il convient de savoir diagnostiquer précocement et de traiter efficacement par un antithrombotique adapté à chaque malade. Dans tous les cas, une déclaration à la pharmacovigilance est requise et une carte (ou à défaut un certificat) attestant la survenue de cette complication doit être remise au patient. Déclaration d’intérêts YG et CP : interventions ponctuelles pour les laboratoires Stago (YG), LFB (YG) et Sanofi (YG, CP) et investigateurs principaux pour l’évaluation d’un test rapide pour le diagnostic d’une TIH (Stago). DL et JR : pas de conflit d’intérêt à déclarer. Références [1] Greinacher A, Althaus K, Krauel K, Selleng S. Heparin-induced thrombocytopenia. Hamostaseologie 2010;30:17–8 [20–8]. [2] Gruel Y. Antiphospholipid syndrome and heparin-induced thrombocytopenia: update on similarities and differences. J Autoimmun 2000;15:265–8.
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