Les tumeurs cutanées malignes à différentiation pilaire de la face et du cuir chevelu : mise au point diagnostique et thérapeutique

Les tumeurs cutanées malignes à différentiation pilaire de la face et du cuir chevelu : mise au point diagnostique et thérapeutique

J Stomatol Oral Maxillofac Surg 118 (2017) 95–102 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mise au point Les tumeurs cutane´es ...

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J Stomatol Oral Maxillofac Surg 118 (2017) 95–102

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mise au point

Les tumeurs cutane´es malignes a` diffe´rentiation pilaire de la face et du cuir chevelu : mise au point diagnostique et the´rapeutique Malignant cutaneous adnexal neoplasms of the face and scalp: Diagnostic and therapeutic update M. Romeu a,*, J.M. Foletti a, C. Chossegros e, J.P. Dales b, P. Berbis c, B. Cribier d, L. Guyot a a

Service de stomatologie, chirurgie maxillo-faciale et plastique, hoˆpital Nord, centre hospitalier des Bourrely, 13015 Marseille, France Service d’anatomie pathologique, hoˆpital Nord, centre hospitalier des Bourrely, 13015 Marseille, France c Service dermatologie–ve´ne´re´ologie, hoˆpital Nord, centre hospitalier des Bourrely, 13015 Marseille, France d Clinique dermatologique, faculte´ de me´decine, universite´ de Strasbourg, 1, place de l’Hoˆpital, 67091 Strasbourg cedex, France e Service de chirurgie maxillo-faciale, hoˆpital de la Conception, 13005 Marseille, France b

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 5 octobre 2015 Accepte´ le 11 janvier 2017 Disponible sur Internet le 23 mars 2017

Introduction. – Les tumeurs cutane´es malignes a` diffe´rentiation pilaire sont rares et d’individualisation re´cente. Elles peuvent survenir a` tout aˆge mais pre´fe´rentiellement chez les sujets aˆge´s. Elles sont au nombre de 3 : le carcinome trichoblastique, le carcinome trichilemmal et le pilomatricome malin. Le but de ce travail e´tait de faire une mise au point diagnostique sur ces tumeurs au niveau de la face et du cuir chevelu et de tenter de de´finir leur traitement. Mate´riels et me´thode. – Une recherche bibliographique a e´te´ effectue´e a` l’aide du moteur de recherche PubMed en utilisant les mots-cle´s « Appendage skin carcinoma » ET « pathology » ET/OU « therapeutic ». Les articles publie´s avant 2000 ont e´te´ exclus car juge´s obsole`tes. Les aspects cliniques et les traitements propose´s ont e´te´ collige´s. Re´sultats. – Vingt-cinq articles re´pondaient aux crite`res d’inclusion. L’apparence clinique des le´sions e´tait aspe´cifique. Seule l’analyse histologique permettait de poser le diagnostic. Il s’agissait de le´sions localement ou loco-re´gionalement agressives, Des me´tastases ganglionnaires ou a` distance e´taient rapporte´es. Aucun consensus the´rapeutique n’e´tait trouve´. Le traitement chirurgical lorsqu’il e´tait re´alise´ consistait en une exe´re`se avec marges de se´curite´ de 0,5 cm a` 3 cm en fonction des e´quipes. En cas de me´tastase, un traitement par chimiothe´rapie et/ou radiothe´rapie e´tait propose´. Une surveillance trimestrielle e´tait pre´conise´e. Discussion. – Les tumeurs cutane´es malignes d’origine pilaire sont rares. Il n’existe actuellement pas de consensus pour leur prise en charge. Un bilan d’extension initial comportant un scanner cervico-thoracoabdomino-pelvien et facial est indispensable. Le plan de traitement doit eˆtre de´cide´ au sein d’une re´union de concertation pluridisciplinaire. En l’absence de me´tastase, le traitement de re´fe´rence est l’exe´re`se chirurgicale, si possible selon la technique micrographique de Mohs, avec des marges de se´curite´ larges. En pre´sence de me´tastase(s) ou d’envahissement loco-re´gional ne permettant pas une exe´re`se carcinologique, un traitement par chimiothe´rapie et/ou radiothe´rapie peut eˆtre instaure´. Une surveillance rapproche´e est ne´cessaire.

C 2017 Publie ´ par Elsevier Masson SAS.

Mots cle´s : Carcinome annexiel Anatomopathologie Traitement

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Romeu). http://dx.doi.org/10.1016/j.jormas.2017.01.001 C 2017 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. 2468-7855/

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A B S T R A C T

Keywords: Appendage skin carcinoma Pathology Therapeutics

Introduction: Malignant cutaneous adnexal neoplasms are rare and have been characterized only recently. They can occur at any age but preferentially in elderly. There are 3 of them: trichoblastic carcinoma, trichilemmal carcinoma and malignant pilomatricoma. The aim of our study was to make a diagnostic and therapeutic update about these tumors when located at the face or at the scalp. Materials and methods: A bibliographic research was made on PubMed using following keywords: appendage skin carcinoma AND pathology AND/OR therapeutic. Articles published before 2000 were considered outdated and were excluded. Results: Twenty-five articles met the inclusion criteria. Clinical presentation was non-specific. Histological examination only allowed for diagnosis. Lesions were locally or loco-regionally aggressive. Lymphatic or hematogenous metastasis were reported. No consensus about treatment was found. When surgery was used, it consisted in resection with safety margins ranging from 0.5 to 3 cm depending on the teams. In case of metastasis, treatment consisted in chemo- and/or radiotherapy. A quarterly medical monitoring was recommended. Discussion: Malignant cutaneous adnexal tumors are rare. There is nowadays no treatment consensus. An initial staging by mean of a head and neck, chest, abdominal and pelvic CT-scan is mandatory. Treatment has to be decided in a multidisciplinary cancer committee. In the absence of metastasis, the reference treatment is surgical resection, possibly by Mohs micrographic technique, with large safety margins. In case of metastasis or if the loco-regional extension does not allow for a complete excision, chemotherapy and/or radiotherapy may be proposed. A close monitoring is essential.

C 2017 Published by Elsevier Masson SAS.

1. Introduction Les tumeurs annexielles cutane´es sont rares et de´rivent de diffe´rentes parties du follicule pileux (Tableau 1 et Fig. 1). Pour rappel, il existe trois types d’annexes cutane´es : les glandes sudoripares, les follicules pilo-se´bace´s et les ongles. Les poils pre´sentent une partie visible ou tige constitue´e de trois couches (la cuticule, le cortex, et la moelle) en continuite´ avec la racine enfonce´e obliquement dans la peau. Cette racine est loge´e dans un sac cylindrique, le follicule pileux. La partie infe´rieure renfle´e du follicule pileux constitue le bulbe. La base du bulbe est de´prime´e par une structure me´senchymateuse tre`s vascularise´e et innerve´e, la papille. En regard de la papille, dans le bulbe, se trouve la zone de division cellulaire active appele´e la matrice. Les cellules issues de la matrice sont progressivement repousse´es vers le haut et se ke´ratinisent pour former la racine puis la tige. A` l’exte´rieur de la racine se situent deux gaines e´pithe´liales : interne et externe. La gaine e´pithe´liale interne accompagne la racine jusqu’a` la zone d’abouchement de la glande se´bace´e puis desquame dans le canal pilaire (ou infundibulum) laissant libre la tige pilaire. La gaine externe est en continuite´ avec l’e´piderme et repose sur une couche basale e´paisse. Les formes malignes regroupe´es sous le terme de carcinome annexiel de´rivent des glandes sudorales eccrines ou apocrines, des follicules et des glandes se´bace´es. Les carcinomes annexiels cutane´s d’origine folliculaire ou pilaire sont de de´couverte relativement re´cente. Ils peuvent survenir a` tout aˆge mais touchent d’abord les sujets aˆge´s. En plus de leur agressivite´ locale ou locore´gionale, ils peuvent se compliquer d’une disse´mination me´tas-

tatique loco-re´gionale ou ge´ne´rale. Leur aspect clinique n’est pas spe´cifique et seul l’examen histopathologique permet leur identification. Les tumeurs cutane´es malignes a` diffe´renciation pilaire sont au nombre de 3 :  le carcinome trichoblastique ;  le carcinome trichilemmal ;  le pilomatricome malin. Le Tableau 1 rappelle les diffe´rents synonymes sous lesquels ces tumeurs peuvent eˆtre rencontre´es ainsi que les tumeurs be´nignes cutane´es d’origine pilaire qui leur sont associe´es. Du fait de la rarete´ de ces tumeurs il n’existe pas actuellement de recommandations pre´cises sur leur prise en charge. Ainsi l’objectif de ce travail e´tait de re´aliser une mise au point diagnostique et the´rapeutique sur ces trois entite´s au niveau de la face et du cuir chevelu afin d’en de´finir la conduite a` tenir face a` des tumeurs rares mais dont le caracte`re agressif ne´cessite une prise en charge rapide et adapte´e. 2. Mate´riel et me´thodes Une revue extensive de la litte´rature a e´te´ re´alise´e via le moteur de recherche PubMed. Les mots clefs e´taient les suivants : appendage skin carcinome, pathology, therapeutic. Les crite`res d’inclusion e´taient les articles anglophones et francophones traitant des tumeurs malignes cutane´es d’origine pilaire et apportant des renseignements sur : le diagnostic clinique

Tableau 1 Les carcinomes annexiels et tumeurs be´nignes cutane´es annexielles d’origine pilaire associe´es. Tumeurs malignes

Tumeurs be´nignes

Origine

Carcinome trichoblastique Ou trichoblastome malin Pilomatricome malin Ou carcinome pilomatriciel Ou carcinome matriciel Carcinome trichilemmal Ou trichilemmocarcinome Ou carcinome e´pidermoı¨de a` diffe´renciation trichilemmale

Trichoblastome Ou trichoe´pithe´liome Pilomatricome be´nin

E´pithe´lium de la gaine pilaire

Trichilemmome

Cellules matricielles folliculaires

Gaine e´pithe´liale externe de la racine du follicule pileux

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Fig. 1. Le follicule pileux et origine des tumeurs malignes annexielles : 1. E´piderme ; 2. Derme ; 3. Hypoderme ; 4. Papille ; 5. Bulbe pilaire ; 6. Tige du poil ; 7. Infundibulum pilaire ; 8. Glande se´bace´e ; 9. Orifice pilose´bace´ ; 10. Matrice du poil ; 11. Me´lanocyte de la racine ; 12. Gaine e´pithe´liale externe ; 13. Gaine e´pithe´liale interne ; 14. Couche germinative ; 15. Couche de Malpighi ; 16. Couche corne´e ; 17. Muscle arrecteur du poil ; 18. Vaisseaux sanguins ; 19. Glande sudoripare apocrine, portion se´cre´trice ; 20. Glande sudoripare apocrine, canal excre´teur ; 21. Cuticule ; 22. Cortex ; 23. Me´dullaire.

ou histologique, les facteurs de risque, les complications, l’e´pide´miologie, la prise en charge de ces tumeurs. Le crite`re d’exclusion e´tait les articles publie´s avant l’anne´e 2000 afin de faire une mise au point diagnostique et the´rapeutique refle´tant au mieux les connaissances actuelles sur le sujet.

3. Re´sultats Quarante articles ont e´te´ trouve´s et 25 re´pondaient aux crite`res d’inclusion et sont tous inclus dans les re´fe´rences bibliographiques. 3.1. Le carcinome trichoblastique Le carcinome trichoblastique est de´veloppe´ au de´pens de l’e´pithe´lium de la gaine pilaire, classiquement sur un trichoblastome [1] (tumeur annexielle be´nigne d’origine pilaire). Il s’agit d’une entite´ de de´couverte re´cente et 30 cas sont de´crits. Il survient principalement chez les personnes aˆge´es [2] et pre´domine chez l’homme, atteignant pre´fe´rentiellement la face et le cuir chevelu mais aussi le torse, le dos, les e´paules et les extre´mite´s (Fig. 2). Le carcinome trichoblastique est une tumeur pilaire proche du carcinome basocellulaire mais il pre´sente des crite`res cytologiques

et architecturaux particuliers et surtout une e´volutivite´ diffe´rente, il est conside´re´ comme une tumeur de haut grade avec un potentiel me´tastatique non ne´gligeable. La pre´sentation clinique est tre`s varie´e, allant de la plaque indure´e jaune a` e´rythe´mateuse a` la tumeur ulce´ro-bourgeonnante (Tableau 1) en passant par le nodule dermique mobile bleu/gris ou inflammatoire rendant le diagnostic clinique complique´ [3]. Histologiquement, le diagnostic de carcinome trichoblastique est difficile meˆme s’il existe des crite`res diagnostiques histologiques pre´cis permettant le diagnostic diffe´rentiel avec le carcinome basocellulaire [4]. Il existe une prolife´ration de lobules de cellules basaloı¨des de´pourvues de disposition palissadique ou une combinaison caracte´ristique de cellules basophiles en pe´riphe´rie et plus e´osinophiles au centre avec des grains de ke´ratinisation trichohyaline qui sont caracte´ristiques. Il n’y a pas de connexion a` l’e´piderme. L’image de lobules « bleus en pe´riphe´rie et rouges au centre » est une cle´ du diagnostic des tumeurs trichoblastiques (Fig. 3). Il existe focalement des cellules squameuses e´osinophiles arrange´es en foyer sans ke´ratinisation. Les crite`res de malignite´ par rapport au trichoblastome reposent sur la mauvaise limitation des lobules avec un caracte`re tre`s infiltrant en profondeur, la possibilite´ de foyers de ne´crose et/ou d’ulce´ration en superficie,

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Fig. 3. Coupe histologique de carcinome trichoblastique : images de lobule bleu en pe´riphe´rie et rouge au centre (fle`che).

Fig. 2. Formes cliniques de carcinome trichoblastique. Photos du Pr Cribier. a : carcinome trichoblastique du cuir chevelu ; b : carcinome trichoblastique de la le`vre supe´rieure : carcinome de novo.

la pre´sence d’atypies cytonucle´aires, et de noyaux avec de tre`s nombreuses figures mitotiques. Le Tableau 2 illustre les diffe´rences clinico-histologiques entre le carcinome trichoblastique et le carcinome basocellulaire. Le diagnostic diffe´rentiel se fait aussi avec le carcinome e´pidermoı¨de pour lequel doivent eˆtre recherche´s des foyers de ke´ratinisation et des ponts intercellulaires. D’autres tumeurs malignes doivent eˆtre e´carte´es tel que le carcinome trichilemmal et le pilomatricome malin.

La tumeur apparaıˆt dans la plupart des cas novo. Quatre cas ont e´te´ rapporte´s chez des patients, 40 ans apre`s avoir rec¸u une faible dose de radiothe´rapie dans l’enfance pour le traitement de teigne du cuir chevelu [5]. Enfin, 4 autres cas ont e´te´ de´crits chez des patients atteints de trichoe´pithe´liomatose familiale multiple [6]. Du fait de la rarete´ des cas, il n’existe pas de recommandations claires sur la prise en charge du carcinome trichoblastique concernant le bilan d’extension a` re´aliser, les marges de se´curite´ chirurgicales ou les traitements comple´mentaires et leurs indications [7]. Trois cas de carcinome trichoblastique me´tastatique sont rapporte´s dans la litte´rature [3]. Sur 30 cas publie´s, le taux de me´tastase serait alors de 10 %. Cependant devant la difficulte´ histologique de diffe´rentier un carcinome trichoblastique versus un carcinome basocellulaire, le nombre de carcinome trichoblastique serait sans aucun doute plus important que 30 et le chiffre de 10 % de me´tastase alors largement sur estime´. Compte tenu de ces donne´es un bilan d’extension loco-re´gional et ge´ne´ral est ainsi licite dans la prise en charge initiale. Le traitement de choix est la chirurgie avec des marges suffisantes allant de 0,5 a` 3 cm suivant les auteurs. Le but est d’obtenir une exe´re`se comple`te de la tumeur. En cas de me´tastases, les chimiothe´rapies conventionnelles n’ont montre´ aucun effet. Cependant une e´tude proposant un traitement par Sunitinib (inhibiteur de la tyrosine kinase) a permis une re´ponse partielle avec de´croissance de la taille de la tumeur [8]. Une surveillance clinique rapproche´e tous les trois mois des patients est dans tous les cas ne´cessaire.

Tableau 2 Crite`res histologiques de diagnostic diffe´rentiel entre le carcinome trichoblastique et le carcinome basocellulaire. Carcinome trichoblastique

Carcinome basocellulaire

Lobules de petites cellules basaloı¨des sans disposition palissadique pe´riphe´rique

Disposition palissadique des cellules en pe´riphe´rie avec re´traction du stroma adjacent Rares foyers de me´taplasie malpighienne avec ke´ratinisation Absence de diffe´rentiation annexielle Rare mitose et ple´iomorphisme sauf formes me´tatypiques Risque de me´tastase rare

Pre´sence focale de cellules e´osinophiles e´pidermoides sans ke´ratinisation Diffe´rentiation pilaire Ple´iomorphisme cytonucle´aire et nombreuses mitoses Risque de me´tastase : estimation sur les donne´es publie´es de la litte´rature10 %

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3.2. Le carcinome trichilemmal Le carcinome trichilemmal est de´veloppe´ a` partir de la gaine e´pithe´liale externe de la racine du follicule pileux. Moins de 110 cas sont de´crits dans la litte´rature. C’est en 1976 qu’Headington utilisa pour la premie`re fois le terme de carcinome trichilemmal [9]. Ce carcinome touche les sujets aˆge´s ge´ne´ralement apre`s 70 ans avec une incidence plus e´leve´e chez les femmes. Cependant de rares cas ont e´te´ de´crits chez des patients plus jeunes aˆge´s de 25 a` 35 ans. Il se manifeste sous la forme d’une tumeur unique ˆ teuse ou d’une plaque exophytique, polypoı¨de, ulce´re´e et crou nodulaire rougeaˆtre ou paˆle, ge´ne´ralement d’un diame`tre infe´rieur a` 3 cm. La le´sion est indolore et sa croissance rapide ame`ne le patient a` consulter. Le diagnostic diffe´rentiel est difficile avec le carcinome basocellulaire, spinocellulaire ou encore avec le ke´ratoacanthome (du fait de sa croissance rapide) (Fig. 4). Le sie`ge de la tumeur se situe principalement au niveau du visage (le`vre supe´rieure, paupie`re [9,10]), du cou et du cuir chevelu. La pathogene`se de ce carcinome n’est pas claire mais l’exposition solaire [11], la radiothe´rapie, l’immunosuppression, ou ˆ lure pre´disposerait a` son de´veloppel’existence de cicatrice de bru ment [12]. Un cas de carcinome trichilemmal chez un sujet atteint de xeroderma pigmentosum a e´te´ de´crit [13]. Malgre´ les caracte`res de malignite´ histologique la re´cidive apre`s excision est rare. Les me´tastases sont exceptionnelles [12]. L’analyse histologique retrouve une prolife´ration de lobules bien limite´s, infiltrants, comprenant de grandes cellules a` cytoplasme clair en rapport avec l’accumulation de glycoge`ne intracytoplasmique. En pe´riphe´rie elles forment une palissade. On retrouve de nombreux signes d’atypie et une activite´ mitotique importante (Fig. 5). Ces cellules sont tre`s bien colore´es par la coloration PAS. Des foyers de ne´crose ou de ke´ratinisation de type trichilemmal peuvent aussi eˆtre observe´s. Des analyses immuno-histochimiques peuvent eˆtre re´alise´es afin de confirmer le diagnostic. Le carcinome trichilemmal est alors positif pour les cytoke´ratines CK 1, 10, 14, 17 et 19 et parfois pour epithelial membrane antigen (EMA) attestant l’origine pilaire et ne´gatif pour carcinoembryonic (CEA), la prote´ine S-100 et les autres cytokines (CK 7, 8, 15, 16, 18) [14]. Malgre´ l’absence de consensus pour la prise en charge de cette tumeur, le traitement de re´fe´rence reste la chirurgie avec des

Fig. 4. Forme clinique d’un carcinome trichilemmal. Carcinome. Carcinome trichilemmal frontal droit. Photo du Pr Cribier.

Fig. 5. Coupe histologique d’un carcinome trichilemmal. Photo du Pr Cribier. A` noter la pre´sence de cellules claires (fle`che).

marges de se´curite´ larges. La CMM permet de diminuer la taille de ces marges et de s’assurer de l’exe´re`se comple`te de la tumeur. Le traitement chirurgical sans traitement adjuvant et un suivi re´gulier afin de de´tecter pre´cocement une re´cidive locale ou une complication me´tastatique sont ge´ne´ralement suffisants. Les me´tastases lymphatiques et a` distance sont rares. Dans un tel contexte un traitement par chimiothe´rapie est ne´cessaire mais il n’existe aucun consensus quant au protocole the´rapeutique [15]. D’autres auteurs comme Ju-Hyun et al. ont de´crit une gue´rison totale sans re´cidive avec une ranc¸on cicatricielle minime chez une patiente pre´sentant un volumineux carcinome trichilemmal infiltrant de la joue traite´ par l’application de la cre`me imiquimod 5 %. Cependant ce traitement dans cette indication reste un cas isole´ et est sujet a` controverse [16]. 3.3. Le pilomatricome malin C’est en 1880 que Mahlerbe de´crit une nouvelle entite´ qu’il nomme e´pithe´liome calcifie´. En 1961 Forbis et Helwing introduisent le terme de pilomatricome mais il faudra attendre 1980 pour que Lopansri et Mihm de´crivent la forme maligne du pilomatricome de´nomme´ pilomatricome malin [17,19]. Le pilomatricome malin est de´rive´ des cellules matricielles folliculaires. On peut le retrouver sous le terme de carcinome matriciel ou de carcinome pilomatriciel. Moins de 150 cas ont e´te´ de´crits [17]. D’un point de vue e´pide´miologique les hommes sont plus touche´s que les femmes (sex-ratio de 3:1) avec un aˆge moyen de 52 ans [18]. Cependant des cas ont e´te´ de´crits chez des enfants [17] ainsi que chez des patients beaucoup plus aˆge´s (l’aˆge de de´couverte allant de 8 a` 93 ans). Dans plus de 80 % les patients ont un phototype clair. Le pilomatricome malin se localise dans plus de 40 % des cas au niveau de la face et du cuir chevelu. L’exposition solaire n’est pas un facteur de risque clairement e´tabli. Malgre´ tout, e´tant donne´ la pre´dominance au niveau de la teˆte et du cou de la tumeur ainsi que l’aˆge et le phototype des sujets les plus souvent atteints, le pilomatricome malin pourrait eˆtre le re´sultat d’une transformation de le´sion photo-induite. Cette tumeur survient le plus souvent de novo mais des cas de transformation de pilomatricomes be´nins ont e´te´ rapporte´s [19]. Cliniquement il s’agit d’une tumeur aspe´cifique se re´ve´lant le plus souvent sous la forme d’un nodule sous-cutane´ ou hypodermique de consistance ferme et non douloureux, occasionnellement sous forme d’une le´sion exophytique et rougeaˆtre. Les

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crite`res de malignite´ sont repre´sente´s par l’asyme´trie, le caracte`re mal limite´ et la croissance rapide. Cependant il faut garder a` l’esprit que seul l’examen histologique peut poser le diagnostic. Dans la litte´rature la taille de la le´sion au moment du diagnostic varie entre 0,5 et 20 cm de diame`tre avec une moyenne de 3 cm. La plupart du temps c’est la croissance rapide de la le´sion qui ame`ne le patient a` consulter. Pourtant la dure´e entre l’apparition de la le´sion et le diagnostic reste longue avec une moyenne de 44 mois. Le pilomatricome malin est une tumeur de haut grade avec une agressivite´ loco-re´gionale et un risque me´tastatique non ne´gligeable puisqu’il varie entre 10 et 13 % suivant les e´tudes [17]. Seule l’analyse histologique pose le diagnostic. Un tiers des me´tastases surviennent plus de 2 ans apre`s le diagnostic initial de pilomatricome malin. Le suivi a` long terme des patients est donc indispensable [18]. L’image histologique est proche du pilomatricome be´nin avec des lobules mal limite´s comprenant des amas de cellules fantoˆmes sans noyau visible et des zones de cellules basophiles. L’existence de zones transitionnelles avec une e´volution vers les cellules fantoˆmes est caracte´ristique. On peut noter le caracte`re infiltrant de ces lobules et des zones de ne´crose en masse. L’invasion vasculaire ou pe´ri-nerveuse n’est pas syste´matique. La pre´sence de nombreux noyaux atypiques, de cellules plus fusiformes et de nombreuses mitoses oriente vers la forme maligne. Cependant certains pilomatricomes be´nins sont tre`s prolife´rants et riches en mitose e´galement. Ce dernier crite`re ne suffit donc pas a` affirmer le caracte`re malin. Le diagnostic diffe´rentiel avec le carcinome se´bace´ peut eˆtre complique´. La pre´sence d’une mutation sur l’exon 3 du ge`ne CTNNB1, ge`ne codant pour la beˆta-cate´nine qui joue un roˆle dans la re´gulation de la transcription des glycoprote´ines WNT, a e´te´ de´montre´e. Le fait que cette mutation ait e´te´ mise en e´vidence dans le pilomatricome be´nin mais aussi au sein du pilomatricome malin conforte l’ide´e selon laquelle le pilomatricome malin pourrait eˆtre le re´sultat d’une transformation d’un pilomatricome be´nin [20]. La rarete´ de cette tumeur fait qu’il n’existe pas de consensus pour son traitement. Cependant, du fait du taux de re´cidive e´leve´ la majorite´ des auteurs pre´conisent une re´section large avec des marges de se´curite´ qui vont de 0,5 a` 3 cm. En effet, le taux de re´cidive locale passerait de 64 % en cas d’exe´re`se simple a` 20 % en cas de re´section large [21] et le risque de survenue de me´tastases serait plus faible en cas de re´section large (10 % vs 20 %). La chimiothe´rapie est inefficace sur le pilomatricome malin mais reste utilise´e en cas de forme me´tastatique [22]. La radiothe´rapie peut eˆtre utilise´e avant la chirurgie en cas de tumeur tre`s volumineuse inaccessible a` la chirurgie, en cas d’envahissement loco-re´gional, ou comme traitement adjuvant apre`s la chirurgie [23].

4. Discussion et conclusion Les tumeurs malignes cutane´es d’origine pilaire sont des tumeurs rares. Elles sont repre´sente´es par le carcinome trichoblastique, le carcinome trichilemmal et le pilomatricome malin (Tableau 3). Ces carcinomes ont un aspect clinique aspe´cifique et seul l’examen histologique permet le diagnostic. Ils ont un potentiel d’envahissement local et de disse´mination me´tastatique locore´gionale et ge´ne´rale. Ces tumeurs se localisent essentiellement au niveau de la face et du cuir chevelu sans qu’il n’y ait toutefois une re´gion de pre´dilection particulie`re. Du fait de leur rarete´, il n’existe pas de recommandation quant a` la prise en charge de ces le´sions. Du fait du potentiel me´tastatique la plupart des auteurs optent pour un bilan clinique soigneux a` la recherche d’ade´nopathies loco-re´gionales et un bilan d’extension paraclinique comprenant un scanner du massif facial et cervico-thoraco-abdomino-pelvien. En cas de le´sion du cuir chevelu, une IRM ce´re´brale sera re´alise´e a` la recherche d’un envahissement intra craˆnien. Certains auteurs pre´conisent la re´alisation d’un TEP scanner syste´matique. En l’absence de me´tastase, le seul traitement permettant la gue´rison est le traitement chirurgical avec des marges de se´curite´ larges allant de 0,5 a` 3 cm selon les auteurs [17]. Ces marges sont discutables. Une marge d’exe´re`se chirurgicale de 0,5 cm pour des carcinomes au potentiel d’envahissement loco-re´gional et me´tastatique non ne´gligeable paraıˆt insuffisante. En comparaison, les marges pre´conise´es pour les carcinomes e´pidermoı¨des cutane´s et les carcinomes de Merkel dont le potentiel me´tastastatique est connu, sont de 1 et 3 cm respectivement. Des marges de se´curite´ de 1 a` 3 cm semblent eˆtre plus approprie´es pour ces tumeurs si le sie`ge de la tumeur le permet. Le but est d’eˆtre en marges saines. Dans le cas contraire, la reprise chirurgicale reste le traitement de choix tant que cela est possible. Si celle-ci ne l’est pas on aura recours a` la chimiothe´rapie [24] et/ou la radiothe´rapie. Dans un souci de diminution de la taille de ces marges et du taux de re´cidive, de nombreux auteurs proˆnent l’utilisation de la chirurgie micrographique de Mohs. Cette technique permet de s’assurer de l’exe´re`se comple`te de la tumeur. Cependant elle ˆ t qu’elle engendre, une ne´cessite au-dela` du temps et du cou structure adapte´e et la pre´sence d’un me´decin anatomopathologiste expe´rimente´ [25]. La radiothe´rapie sera prescrite avant la chirurgie en cas de le´sion tre`s volumineuse et de tumeur avec un envahissement locore´gional ; comme traitement adjuvant apre`s la chirurgie en cas de me´tastase ganglionnaire et comme traitement palliatif en cas d’atteinte ce´re´brale ou de de´compression en cas d’atteinte rachidienne.

Tableau 3 Diffe´rences cliniques et histologiques des tumeurs malignes a` diffe´renciation pilaire.

E´pide´miologie Aspect clinique

Histologie

Me´tastase

Carcinome trichoblastique

Carcinome trichilemmal

Pilomatricome malin

Hommes > 60 ans Aspe´cifique Plaque indure´e, tumeur ulce´ro-bourgeonnante ou nodule inflammatoire Lobules mal limite´s, cellules basoloı¨des en pe´riphe´rie sans disposition palissadique cellules plus e´osinophiles au centre Image de lobules « bleus en pe´riphe´rie et rouge au centre » Mitoses et atypies cytonucle´aires Estimation sur les donne´es publie´es de la litte´rature : 10 %

Femmes ++ > 60 ans Aspe´cifique Le´sion exophytique ulce´re´e et ˆ teuse ou plaque nodulaire rougeaˆtre crou Grandes cellules a` cytoplame clair, extreˆmement atypiques qui forment une palissade en pe´riphe´rie Nombreuses mitoses Possibles zones de ne´crose et de ke´ratinisation 2%

Femmes ++ > 50 ans Aspe´cifique Nodule sous-cutane´ ferme ou le´sion exophytique Lobules mal limite´s, infiltrants Cellules fantoˆmes et cellules transitionnelles Ne´crose en masse, atypies cytonucle´aires et mitoses importantes

10 a` 13 %

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Fig. 6. Prise en charge des tumeurs cutane´es malignes a` diffe´renciation pilaire de la face et du cuir chevelu. RCP : re´union de concertation pluridisciplinaire ; CMM : chirurgie micrographique de Mohs.

En pre´sence de me´tastases ganglionnaires ou ge´ne´rales, malgre´ l’absence de protocole the´rapeutique, le traitement reposera sur la chimiothe´rapie et/ou la radiothe´rapie. E´tant donne´ la rarete´ de ces tumeurs, leur potentiel de disse´mination locale ou ge´ne´rale, il semble essentiel d’y apporter un traitement rapide et adapte´. Dans ce contexte une re´union de concertation pluridisciplinaire re´unissant un chirurgien maxillofacial, un dermatologue, un anatomopathologiste, un oncologue ainsi qu’un radiothe´rapeute, est indispensable a` la mise en place du traitement le plus approprie´ au patient. Dans tous les cas, en raison du risque e´leve´ de re´cidive meˆme en e´tant en marges saines et du risque d’apparition de me´tastase a` distance, un suivi du patient tous les 3 mois en cas de traitement chirurgical et hebdomadaire en cas de traitement par chimiothe´rapie et/ou radiothe´rapie est indispensable (Fig. 6). De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Re´fe´rences [1] Regauer S, et al. Trichoblastic carcinoma (‘‘malignant trichoblastoma’’) with lymphatic and hematogenous metastases. Mod Pathol 2000;13:673–8.

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