L’expérience mécénat chirurgie cardiaque (1996-2008)

L’expérience mécénat chirurgie cardiaque (1996-2008)

Table ronde Prise en charge de l’enfant cardiaque dans les pays émergents Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mots clés : Cardiopathies co...

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Table ronde Prise en charge de l’enfant cardiaque dans les pays émergents

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com Mots clés : Cardiopathies congénitales, Cardiopathies rhumatismales, Chirurgie cardiaque, Mécénat

L’expérience mécénat chirurgie cardiaque (1996-2008) Management of children with heart disease in developping countries F. Leca Mécénat Chirurgie Cardiaque, 33 rue Saint Augustin, 75002 Paris, France

Q

ui d’entre nous n’a ressenti une grande amertume en voyant un enfant avec une HTAP fixée, une hémiplégie due à la polyglobulie, une défaillance cardiaque terminale… Nous avons les moyens de prévenir ces catastrophes vitales : c’est pour cela que l’on décide un jour de s’y attaquer en créant une association afin de venir en aide à quelques enfants nés dans des pays où la cardiologie pédiatrique en est à ses prémices et où la chirurgie cardiaque n’existe pas : c’est ainsi qu’en 1996 est née l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque (MCC) qui a permis à ce jour de faire venir en France plus de 1300 enfants. Il y a en effet 3 façons d’aider les pays « en voie de développement » : envoyer des équipes sur place (« missions »), créer des instituts locaux, faire venir les enfants. Chaque formule a ses indications, ses avantages et inconvénients. Nous avons choisi la troisième qui nous semble présenter la meilleure qualité de soins pour des pathologies souvent graves. Nous allons décrire : la séquence des événements, l’organisation de l’association, les résultats médicaux et le financement.

1. La séquence des événements Dans le pays d’origine de l’enfant la connaissance de l’existence de MCC et la demande de prise en charge se font par plusieurs canaux : dans 46 % des cas ce sont des médecins, locaux ou de passage qui nous adressent les dossiers, mais ce peut être aussi la famille de l’enfant avertie par le « bouche à oreilles » ou par les médias, d’autres associations, des religieux ou missionnaires… Après réception de la demande un dossier d’information médicale est adressé à la famille, rempli localement avec l’aide du médecin et renvoyé à MCC ; l’établissement de ce dossier est souvent long et difficile ; actuellement près de 600 dossiers sont en attente ; après 2 ans sans aucune nouvelle les dossiers sont détruits. Le cas est accepté, refusé ou repoussé : dans tous les cas une réponse rapide (inférieure à 2 mois) est donnée ; en cas d’acceptation une date est donnée (entre 2 et 6 mois). Localement, une fois la demande acceptée, la famille doit faire faire un passeport et nous renvoyer une série d’attestations signées qui nous permettront de faire une demande de visa à notre consulat. L’organisation du voyage est de même bilatérale : la famille prend en charge le billet d’avion selon nos indications de date et MCC * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

518 © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2009;16:518-520

contacte l’Association Aviation Sans Frontières (ASF), qui convoie tous nos enfants. MCC recherche la Famille d’Accueil : en fonction de leurs dates de disponibilité (les familles sont actuellement au nombre de 300), nous leur proposons la liste des enfants programmés sur 2 mois ; nous leur précisons l’âge, l’origine géographique et la gravité de la pathologie ; cet accueil les engage pour 8 semaines minimum. Les familles accueillent l’enfant dès l’aéroport. Très rapidement les bilans médicaux sont entrepris en ambulatoire ; le taux de diagnostics faux ou imprécis est d’environ 20 %. Choix du site opératoire : d’abord tous opérés à l’Hôpital Laennec puis à l’Hôpital Necker à Paris, les enfants sont depuis 3 ans opérés dans 10 hôpitaux dans toute la France : Angers et Bordeaux depuis 2005, puis Lyon, Marseille et Toulouse en 2007, Nantes et Tours en 2008. À Paris ce sont : le Centre Chirurgical Marie Lannelongue (CCML) qui accueille les petits, l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (HEGP) les enfants de plus de 15 kg et l’hôpital Saint-Joseph ceux qui sont âgés de plus de 15 ans. La Convalescence et les bilans post-opératoires des « parisiens » sont assurés au centre du Château des Côtes ; en province, les enfants restent en chirurgie ou en pédiatrie avant d’être rendus à leur famille. Après un séjour de 1 à 2 mois, l’enfant rentre dans son pays. Le suivi à distance est difficile mais assuré au mieux des possibilités de réponses grâce aux familles et aux relances incessantes de deux bénévoles. Trois règles ont été édictées dès la création de l’association : les parents ne viennent pas avec les enfants, la famille prend en charge le billet d’avion, en cas de décès le corps n’est pas rapatrié. La première règle a toujours été respectée, la seconde très souvent mais avec quelques exceptions en cas d’extrêmes difficultés familiales, quant à la troisième la dérogation a au contraire été l’attitude la plus fréquente, devant le désarroi non seulement des familles mais aussi des membres de l’association !

2. L’organisation de l’Association L’Association, qui fonctionne selon la loi de 1901, a été créée en 1996 et est « reconnue de bienfaisance » depuis 2001. Elle comporte deux « cellules » : La cellule médicale et la cellule finances, développement, communication. Elle fonctionne grâce à des permanents et de nombreux bénévoles. La cellule médicale (4 personnes) gère toute l’organisation médicale, le voyage des enfants et les familles d’accueil ; elle assure le suivi,

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recueille les nouvelles, gère les statistiques et l’enseignement. La cellule finances, développement, communication (5 personnes) fait rentrer les fonds. Notre action se fait essentiellement en partenariat avec des sociétés et en organisation d’événements sportifs et culturels. Les nombreux bénévoles jouent un rôle essentiel : famille d’accueil, bénévoles « permanents » bénévoles experts, bénévoles ponctuels…

3. Les résultats médicaux

Il faut constater un nombre important de cardiopathies sévères. Nous avons classé ces pathologies en trois groupes de gravité (tableau II). Tableau II. Gravité des pathologies Grade 1 : CA, CIA, CAVP, COA, CIV 2a Grade 2 : T4F, CIV 2b, Mitrales, Aortes Grade 3 : TGV, VU, APSO, TAC, VDDI… Gravité moyenne = 2,2

3.1. La sélection des cas sur dossiers Le nombre de dossiers reçus tous les ans est d’environ 400. Le nombre de patients acceptés est actuellement de 150 par an. Le délai entre la réception du dossier complet et son étude est en moyenne de 2 mois. Le délai entre l’acceptation du cas et la venue de l’enfant est fonction de l’urgence et varie entre 2 et 12 mois. Les motifs de refus d’un dossier sont : une contre-indication opératoire (cas trop évolués, cardiopathies inopérables ou, au contraire, formes vénielles), une possibilité de chirurgie sur place, un retard psychomoteur. Il y a enfin le cas d’enfants attendus et non venus pour les raisons suivantes : opérés ailleurs (pris en charge par une autre association), refus familial (très rare) ou enfin décès au pays.

3.2. Arrivés en France le bilan médical est réajusté Entre août 1996 et août 2008, soit sur une période de 12 ans, 1256 enfants sont venus et 1146 ont été opérés (soit 91 %). Les causes de non opérations (n = 110) : sont dues aux cas dépassés, aux cas « véniels » (CA, CIV, IM) aux HTAP fixées et aux cardiopathies complexes spontanément équilibrées telles les doubles discordances + RP .

3.3. L’étiologie L’étiologie de l’atteinte cardiaque est congénitale dans 85 % des cas et rhumatismale dans 15 % ; les 3 pathologies les plus fréquentes sont les CIV, les tétralogies de Fallot et les atteintes mitrales ; à elles trois elles représentent 65 % des cas (tableau I).

3.4. L’âge L’âge des enfants va de 6 mois à 20 ans avec une moyenne très fixe au fil des années de 7 ans. Quelques adolescents ou très jeunes adultes ont été acceptés, ils représentent entre 5 et 10 % du nombre total des patients.

3.5. Les Pays Les pays dont sont originaires les enfants sont représentés à 50 % par l’Afrique noire ; l’autre moitié voit un nombre sensiblement identique entre l’Asie (Laos), le Maghreb (Algérie), l’Europe de l’Est (Moldavie) et le Moyen-Orient (Syrie, Irak) (fig. 1).

3.6. Les résultats Sur les 1146 enfants opérés, la mortalité opératoire précoce a été de 23 enfants (2 %). – neuf enfants avaient moins de 2 ans, 12 enfants étaient atteints d’une cardiopathie complexe ; – quatre patients sont décédés peu après leur arrivée, avant l’intervention. Les résultats à distance sont moins précis car obtenir des nouvelles et un suivi régulier des enfants est difficile. Néanmoins, nous en obtenons pour environ 2/3 d’entre eux grâce à une relance régulière et systématique. Les résultats sont bons pour la majorité des cardiopathies congénitales mais restent assez problématiques pour les cardiopathies valvulaires car soit les patients ont bénéficié d’une plastie mitrale et celle-ci même de bonne qualité se détériore en quelques années, soit ils ont eu un remplacement valvulaire qui pose les problèmes

Tableau I. Étiologie des cardiopathies T4F CIV

236 203

CIA. CAV VDDI.VGDI

114 43

Afrique Subsaharienne

Asie

Afrique du Nord

Moyen-Orient

Europe de l’Est

MITRALES

196w

COA. Sd Coa

20

CA

75

TAC

18

APSO; APSI

60

RAO

19

Région Pacifique 1%

12 % 49 % 13 %

TGV. DD

63

RVPA

15

VU. AT

84

DIVERS

110

CA : canal artériel ; CIA : communication inter auriculaire ; CAV : canal atrioventriculaire ; COA : coarctation aortique : CIV : communication inter-ventriculaire ; T4F : tétralogie de Fallot ; TGV : transposition des gros vaisseaux ; VU : ventricule unique ; APSO : atrésie pulmonaire à septum ouvert ; APSI : atrésie pulmonaire à septum intact ; TAC : tronc artériel commun ; DD : double discordance ; AT : atrésie tricuspide ; VDDI : ventricule droit à double issue ; RAO : rétrécissement aortique ; RVPA : retour veineux pulmonaire anormal total.

11 %

14 %

Figure 1. Origine géographique des enfants.

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F. Leca

Archives de Pédiatrie 2009;16:518-520

Action médicale : hospitalisation et médicaments enfants

bien connus du traitement anticoagulant et de son suivi. Les plasties qui ont un bon résultat immédiat permettent néanmoins de « tenir » jusqu’à l’âge adulte.

Charges liées à la promotion et au développement Frais de fonctionnement

4. Le financement

10 %

4.1. Les dépenses La Chirurgie cardiaque est une spécialité très coûteuse. Jusqu’à ce jour la facturation nous a été faite au « prix de journée ». Celui-ci s’élève entre 2 000 et 3 000 euros par jour selon les hôpitaux. Il faut donc, sans attenter naturellement à la qualité des soins ni à la sécurité, raccourcir le plus possible la durée de l’hospitalisation ; il faut pour cela une vigilance extrême de tous les soignants, une disponibilité sans faille des familles et chaque fois que possible la collaboration d’un centre de convalescence médicalisé (tel le « Château des Côtes », près de Paris) qui à prix moindre accueille les opérés précocement, avec éventuellement drains et perfusions et surveillance médicale parfaite. Sur le tableau III, on constate que le prix a quasiment triplé en 12 ans. Les canaux artériels (tableau IV) ont été, au fil du temps, successivement opérés par thoracotomie, puis fermés par vidéo chirurgie (Dr François Laborde à l’IMM) et actuellement fermés par voie de cathétérisme (Dr Jérôme Petit au CCML). Grâce à l’allègement de ces différentes procédures, le prix est resté stable. À ce jour le « prix moyen » d’un enfant pris en charge est chiffré à 10 000 euros, chiffre qui sera très probablement majoré si la tarification à l’activité (T2A) nous est appliquée. Ce calcul moyen a exclu quelques cas graves ou compliqués pour lesquels la facture peut s’élever considérablement. À titre d’exemple, en 2007, 17 enfants soit 15 % ont dépassé les 20 000 euros. Le « Médical » représente 76 % des dépenses, les 24 % restants représentent le salaire des permanents ainsi que les frais de promotion et de développement (fig. 2). Tableau III. Prix moyen des différentes pathologies, en euros, en fonction des époques et des sites opératoires. Ont été exclus de cette moyenne les cas qui ont dépassé les 20 000 euros. Nb

Pathologie 1996-1999 1999-2006 2006-2008

Nb

183

CIV

3 905

7 737

9 374

30

236

T4F

4 704

6 232

13 090

56

48

TGV

9 735

8 968

24 064

6

46

VU

9 749

9 091

10 125

6

150

MITRALE

9 363

8 746

14 822

32

38

APSO

5 859

10 854

2 1331

7

50

CIA

3 728

4 252

8 488

11

LAENNEC

NEM.IMM

CCML.PROV.

NEM : Necker-Enfants Malades. IMM : Institut Mutualiste Montsouris. CCML : Centre Chirurgical Marie-Lannelongue. Tableau IV. Prix (en euros) du traitement des canaux artériels (CA) 72

520

CA

3 886

3 450

3 437

chirurgie

vidéo

cathétérisme

14 %

76 %

Figure 2. Emploi des ressources.

4.2. Les ressources Jusqu’à présent l’essentiel de nos rentrées financières provient d’entreprises mécènes et de l’organisation de manifestations culturelles ou sportives : soutien des entreprises partenaires : 42 %, recettes des manifestations culturelles ou sportives organisées par MCC ou à son profit : 48 %, des particuliers : 10 %. Nos deux premières « marraines » ont été Inès de la Fressange, styliste, et Catherine Chabaud, navigatrice. Depuis, quelques personnalités médiatiques nous accompagnent et nous aident en termes d’Image et de recherche financière.

5. Conclusion Après 12 ans de fonctionnement, le bilan de l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque apparaît très positif. Sans aucune subvention et grâce à un financement uniquement privé, 1300 enfants issus de 42 pays, ont pu bénéficier d’une chirurgie cardiaque de qualité et repartir vers une vie meilleure. À cette action, nous avons ajouté depuis trois ans « Mécénat Formation » : par groupes de 10, des cardiologues et/ou pédiatres des pays d’où viennent les enfants ont pu être pris en charge et suivre gratuitement, pendant un mois, une formation intensive et pratique en cardiologie pédiatrique. Nous ressentons déjà le gain de cette formation au vu des dossiers mieux tenus et plus précis qui nous sont adressés et à la qualité du suivi médical des enfants. Cette année sera la 4e session. Une autre action de Mécénat est « Mécénat Parrainage » qui se propose d’aider à la scolarité et à la formation professionnelle des enfants opérés. Cette action toute récente et en cours d’organisation en commençant par 3 pays : Laos, Mali, Madagascar.