Pour citer cet article : Soudan D, et al. L'hémorroidectomie tripédiculaire ouverte en ambulatoire : est-ce bien raisonnable ? Presse Med. (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2017.08.003 Presse Med. 2017; //: ///
L'hémorroidectomie tripédiculaire ouverte en ambulatoire : est-ce bien raisonnable ? Open haemorrhoidectomy as an ambulatory procedure, is it reasonable? La maladie hémorroïdaire est une pathologie fréquente. Ses manifestations cliniques sont diverses (saignements, suintements, prolapsus, douleurs, marisques) et souvent invalidantes. Elle peut être traitée de façon médico-instrumentale mais aussi chirurgicale. L'hémorroïdectomie tripédiculaire est la technique chirurgicale la plus utilisée aujourd'hui [1]. En France, elle est réalisée selon la technique de Milligan et Morgan qui a été décrite en 1937 à Londres. Elle consiste à ligaturer les pédicules vasculaires, à réséquer les trois paquets hémorroïdaires principaux et à laisser des plaies ouvertes qui cicatrisent à « ciel ouvert » (figure 1) [2]. Elle a pour avantages d'être radicale et définitive (récidives rares) mais elle a l'inconvénient de ses suites opératoires contraignantes, en raison d'une asthénie fréquente, de la nécessité de soins locaux pluriquotidiens, de douleurs intenses, notamment lors des premières selles, et de complications peu fréquentes mais nombreuses (saignements, troubles urinaires, nausées et vomissements, troubles du transit, lipothymie, fièvre, etc. . .). C'est la raison pour laquelle le geste a longtemps été réalisé dans le cadre d'une hospitalisation conventionnelle de quelques jours (sortie habituelle après la première selle) suivie d'un arrêt de travail d'environ 2 à 3 semaines [3]. Ces dernières années, nos tutelles nous ont incité à développer la chirurgie ambulatoire [4]. Il a été aisé de « switcher » de l'hospitalisation conventionnelle vers l'ambulatoire bon nombre de gestes chirurgicaux proctologiques aux suites habituellement simples mais l'hémorroïdectomie a été longtemps été « sanctuarisée ». Cependant, en 2016, 38 % des hémorroïdectomies tripédiculaires ont été réalisées en ambulatoire sur le territoire national (données PMSI). Dans notre centre, nous avons commencé à réaliser ces hémorroïdectomies en ambulatoire en 2015. Nous avons donc voulu évaluer le parcours de soins dédié que nous avons mis en place pour ce faire. Ce parcours de soins dédié, élaboré selon les recommandations de la Société nationale française de colo-proctologie [5] et en concertation avec le service d'anesthésie du groupe hospitalier,
comporte les éléments suivants : une remise de documents d'informations lors de la consultation avec l'opérateur, une consultation infirmière préopératoire jumelée avec celle de l'anesthésiste, l'administration systématique d'un laxatif (PEG) durant la semaine précédant l'intervention, une prémédication avec du paracétamol et un alpha-bloquant le jour de l'intervention, un ordonnancement spécifique au bloc opératoire avec placement du patient en première partie de programme, une sortie avec une ordonnance comportant le nécessaire pour les soins locaux, des laxatifs, des topiques, des antalgique de niveau II, des AINS, voire du métronidazole et/ou un myorelaxant, avec une insistance sur la nécessité de la prise systématique du traitement, y compris en l'absence de douleurs postopératoires, un appel au domicile, par une infirmière, le lendemain de l'intervention et une consultation postopératoire avec l'opérateur à J14. En outre, les patients sont munis d'une liste dédiée de numéros de téléphone d'urgence (secrétaire, infirmière, proctologue, anesthésiste, urgentiste).
Lettre à la rédaction
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Figure 1 Aspect des plaies ouvertes après hémorroïdectomie tripédiculaire selon la technique de Milligan et Morgan [2] (Coll. Nadia Fathallah)
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tome xx > n8x > xx 2017
LPM-3395
Pour citer cet article : Soudan D, et al. L'hémorroidectomie tripédiculaire ouverte en ambulatoire : est-ce bien raisonnable ? Presse Med. (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2017.08.003
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Lettre à la rédaction
D. Soudan, N. Fathallah, V. de Parades
Entre août 2015 et juin 2016, 321 hémorroïdectomies tripédiculaires ont été réalisée dans notre centre dont 16 % (n = 50) en ambulatoire. L'intervention chez ces 50 patients a eu lieu sous anesthésie générale (76 %) ou rachianesthésie et un bloc pudendal a été réalisé dans 76 % des cas à la discrétion de l'opérateur. Trois patients (6 %) ont été maintenus en hospitalisation en raison d'un saignement (n = 2, dont un a nécessité une reprise pour hémostase au bloc opératoire) et d'une douleur intense mal contrôlée (n = 1). Les suites postopératoires, évaluées au moyen d'un autoquestionnaire prospectif, montrent que 83 % des patients ont eu leur première selle dans les 4 premiers jours et la valeur moyenne de l'EVA (de 0 à 10) de la douleur en était de 6,1 3. Un fécalome est survenu chez 10 % des patients et a été traité médicalement dans tous les cas. Une dysurie est survenue chez 26 % des patients (n = 13, dont 2 ont nécessité un sondage vésical temporaire). Aucune ré-hospitalisation n'a été nécessaire durant les 15 premiers jours. En revanche, durant cette période, 40 % des patients ont donné un coup de téléphone à une infirmière et/ou à un médecin et 19 % ont consulté en urgence un praticien du service dans le cadre d'une consultation dédiée. In fine, 90 % des patients ont estimé que leur prise en charge ambulatoire avait été « bonne » ou excellente » (10 % l'ont donc jugée « nulle », « médiocre » ou « moyenne ») et 84 % se sont dit prêts à refaire le geste en ambulatoire. L'enseignement principal de notre expérience est que l'hémorroïdectomie tripédiculaire peut être réalisée en ambulatoire avec des complications le plus souvent gérables en consultation et un fort taux de satisfaction des patients. Du reste, nous réalisons aujourd'hui en 2017 plus de 50 % de nos hémorroïdectomies en ambulatoire. Cependant, cela exige un protocole de soin précis, une collaboration étroite entre soignants (infirmière, proctologues, anesthésiste, urologue, médecine de ville) et une grande disponibilité des soignants afin de répondre au mieux aux nombreuses demandes des patients. En outre, nous avons des pistes d'amélioration (vidéos explicatives des soins locaux sur le site internet du groupe hospitalier, réalisation systématique du bloc pudendal au moment de l'intervention,
« hotline » téléphonique infirmière dédiée 7 jours/7, file prioritaire au service d'accueil des urgences, première consultation postopératoire avec le proctologue plus précoce à J7, etc. . .) mais ces mesures, en plus des contraintes logistiques sus-citées, auront nécessairement un coût qu'il faudra prendre en compte. Remerciements : les auteurs remercient tous les praticiens de l'équipe de proctologie médicochirurgicale (Elise Pommaret, Benoît Mory, Manuel Aubert, Hélène Pillant-Le Moult, Paul Benfredj, Eric Safa Far, Katia Fellous, Denis Soudan, Nicolas Lemarchand) ainsi que les infirmière de la cellule de coordination de la sortie de du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph sans l'investissement desquels cette prise en charge des patients n'aurait pas été possible.
Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
Références [1] [2]
[3] [4] [5]
Jacobs D. Clinical practice. Hemorrhoids. N Engl J Med 2014;371:944–51. Milligan ET, Morgan CN, Jones LE, Officer R. Surgical anatomy of the anal canal and the operative treatment of haemorrhoids. Lancet 1937;2: 1119–24. Pigot F. Surgical treatment of haemorrhoidal disease. Presse Med 2011;40:941–7. HAS, ANAP. Ensemble pour le développement de la chirurgie Ambulatoire Socle de Connaissance. Avril 2015.. Saint-Denis: HAS; 2015. Vinson-Bonnet B, Juguet F, French National Coloproctology Society. Ambulatory proctologic surgery: recommendations of the French National Coloproctology Society (SNFCP). J Visc Surg 2015;152:369–72. Damien Soudan, Nadia Fathallah, Vincent de Parades Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, institut Léopold-Bellan, proctologie médicochirurgicale, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, France Correspondance : Vincent de Parades, groupe hospitalier Paris SaintJoseph, institut Léopold-Bellan, proctologie médicochirurgicale, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, France
[email protected] Reçu le 28 juin 2017 Accepté le 2 août 2017 Disponible sur internet le :
http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2017.08.003 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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