L’holoprosencéphalie : étiopathogénies et caractéristiques phénotypiques. À propos de quatre observations

L’holoprosencéphalie : étiopathogénies et caractéristiques phénotypiques. À propos de quatre observations

Morphologie (2011) 95, 79—82 CAS CLINIQUE L’holoprosencéphalie : étiopathogénies et caractéristiques phénotypiques. À propos de quatre observations ...

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Morphologie (2011) 95, 79—82

CAS CLINIQUE

L’holoprosencéphalie : étiopathogénies et caractéristiques phénotypiques. À propos de quatre observations Holoprosencephaly: Pathogenesis, phenotypic characteristics. About four cases R. Fatnassi a,∗, E. Turki c, J. Belhaj a, I. Labidi a, L. Ben Regaya b, S. Hidar b, H. Khairi b a

Service de gynécologie, hôpital Ibn-Jazzar, Kairouan 3140, Tunisie Centre de maternité de Sousse, Sousse, Tunisie c Service de médecine légale, hôpital Ibn-Jazzar, Kairouan 3140, Tunisie b

Disponible sur Internet le 26 juillet 2011

MOTS CLÉS Holoprosencéphalie ; Cerveau ; Malformation fœtale

KEYWORDS Holoprosencephaly; Brain; Fetal malformation

Résumé L’holoprosencéphalie est une malformation cérébrale rare, d’étiologies multiples et souvent associée à des anomalies faciales évocatrices. Cette pathologie, résultant d’un défaut de développement précoce du prosencéphale, est de pronostic fœtal extrêmement réservé en particulier pour la forme alobaire. Nous rapportons trois cas d’holoprosencéphalie alobaire et un cas d’holoprosencéphalie semi-lobaire découverts au troisième trimestre de la grossesse. Une interruption de la grossesse a été effectuée pour trois cas alors que la quatrième parturiente s’est abstenue. À travers ces observations et en effectuant une revue de la littérature, nous discutons les aspects étiopathogéniques et diagnostiques ainsi que la prise en charge de cette pathologie malformative. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Holoprosencephaly is a rare brain abnormality resulting from an incomplete cleavage of the primitive prosencephalon of forebrain during early embryogenesis. It includes a series of rare complex and heterogenosis disorders. Alobar form is associated with an extremely poor fetal prognosis. Here we report three cases of alobar holoprosencephaly and one case of semilobar holoprosencephaly diagnosed at the third trimester. Causes, diagnosis and management of holoprosencephaly are discussed referring to literature. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction ∗

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Fatnassi).

L’holoprosencéphalie (HPE) correspond à une malformation congénitale grave et complexe du cerveau associée à des

1286-0115/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.morpho.2011.04.001

80 anomalies faciales évocatrices et particulières. Elle résulte d’une anomalie du clivage du prosencéphale en hémisphères cérébraux, survenue au cours du deuxième mois gestationnel [1,2]. Il s’agit d’une pathologie fœtale rare avec une grande hétérogénéité étiologique. Elle touche un sujet sur 15 000 à 16 000 naissances [1,3]. En fonction du degré d’individualisation des hémisphères cérébraux, trois formes anatomiques de l’HPE ont été décrites : alobaire, semilobaire et lobaire [2,4]. Les deux premières formes sont de très mauvais pronostic justifiant ainsi une interruption médicale précoce de la grossesse. Le diagnostic anténatal précoce de cette malformation est fondamental permettant une prise en charge obstétricale adéquate et précoce. Le but de notre travail est d’analyser les aspects étiopathogéniques et modalités de diagnostic prénatal de l’HPE.

Cas no 1 Mme BA. R, âgée de 26 ans, deuxième geste, sans antécédents pathologiques notables, se présentait à 28 semaines d’aménorrhée (SA) et trois jours pour suivi prénatal. L’examen somatique et obstétrical étaient normaux alors que l’échographie obstétricale de contrôle mettait en évidence des signes évocateurs d’HPE alobaire en montrant une microcéphalie, une cavité ventriculaire cérébrale unique et un parenchyme cérébral laminé avec fusion du thalamus (Fig. 1). Un bilan étiologique était effectué et permettait d’éliminer des perturbations des chiffres glycémiques ainsi qu’un profil non protégé contre la toxoplasmose et la rubéole. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau confirmait le diagnostic d’HPE alobaire. Une amniocentèse était effectuée et montrait un caryotype normal. Une interruption thérapeutique de la grossesse était ainsi effectuée à 30 SA avec expulsion par voie basse d’un fœtus de sexe féminin en état de mort apparente et pesant 1800 g. L’examen extérieur du corps du fœtus mettait en évidence

Figure 1 Coupe axiale d’échographie obstétricale montrant une cavité ventriculaire cérébrale unique avec fusion du thalamus (flèche). Axial obstetric ultrasound examinations showing fusion of the thalami and cerebral hemispheres with a single ventricular cavity (arrow).

R. Fatnassi et al. des malformations faciales à type de visage arrondi, une microcéphalie et des oreilles basses implantées.

Cas no 2 Mme D. W, âgée de 34 ans, primigeste, sans antécédents pathologiques notables, était adressée à notre consultation pour une malformation cérébrale fœtale découverte à 28 SA. L’échographie obstétricale mettait en évidence une microcrânie, une cavité ventriculaire unique et une fusion du thalamus (Fig. 2). L’IRM confirmait le diagnostic d’HPE alobaire. Le bilan biologique ainsi que les examens sérologiques permettaient d’éliminer un éventuel diabète maternel et/ou infection récente par la toxoplasmose et la rubéole. Une amniocentèse était effectuée et montrait un caryotype normal. Une interruption thérapeutique de la grossesse était effectuée à 28 SA et cinq jours avec expulsion par voie basse d’un fœtus de sexe masculin en état de mort apparente. L’examen clinique mettait en évidence des anomalies malformatives au niveau de l’extrémité céphalique comportant un visage arrondi avec une région interorbitaire creuse, une cébocéphalie, une implantation basse des oreilles, un filtrum court et une incisive médiane absente.

Cas no 3 Mme T. N, âgée de 38 ans, troisième geste, sans antécédents pathologiques notables, nous était adressée pour une malformation cérébrale fœtale découverte à 26 SA. L’échographie obstétricale mettait en évidence une microcrânie, une cavité ventriculaire unique avec une scissure interhémisphérique présente mais partielle et une fusion du thalamus. L’IRM confirmait le diagnostic d’HPE semi-lobaire en montrant une microcéphalie, une scissure interhémisphérique partiellement formée et une cavité ventriculaire

Figure 2 Échographie obstétricale, en coupe axiale, montrant une cavité ventriculaire cérébrale unique avec fusion du thalamus (flèche). Obstetric ultrasound, in axial, showing fusion of the thalami and cerebral hemispheres with a single ventricular cavity (arrow).

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unique avec fusion des thalami (Fig. 3). Une amniocentèse était reportée à la naissance du fœtus en raison du refus de l’interruption thérapeutique de la grossesse par le couple.

Cas no 4 Mme K. A, âgée de 29 ans, primigeste, ayant un lien de consanguinité de deuxième degré avec son époux, sans antécédents pathologiques notables, nous était adressée pour un hydramnios associé à une malformation cérébrale fœtale découverte à 34 SA. L’examen obstétrical mettait en évidence une hauteur utérine à 38 cm ainsi que des pôles fœtaux difficile à percevoir et des bruits du cœur fœtal assourdis. L’échographie obstétricale et l’IRM cérébrale mettaient en évidence un hydramnios manifeste ainsi que des signes d’HPE alobaire en montrant une microcrânie, une cavité ventriculaire unique et une fusion du thalamus. Dans le cadre d’un bilan étiologique, une amniocentèse était effectuée et montrait une trisomie 18. La glycémie à jeun et post-prandiale étaient normales. Les sérologies de la toxoplasmose et de la rubéole montraient une immunité résiduelle. Une interruption thérapeutique de la grossesse était effectuée à 34 SA et cinq jours avec expulsion par voie basse d’un fœtus de sexe masculin de poids de naissance de 1950 g. L’évolution était rapidement fatale. L’examen clinique mettait en évidence des anomalies malformatives faciales comportant un proboscis, des paupières rudimentaires et rétractées et une microstémie. Il s’agissait d’un cyclope rhinocéphale synophtalme selon la classification de Stoll et Maraud (Fig. 4).

Discussion L’HPE correspond à une anomalie malformative potentiellement grave du système nerveux central en rapport avec un

Figure 3 Imagerie par résonance magnétique, en coupe sagittale, montrant des signes d’HPE semi-lobaire avec une cavité ventriculaire cérébrale unique et fusion du thalamus (flèche). Magnetic resonance imaging, sagittal section, showing lobar HPE with fusion of both thalami and a single cerebral ventricular cavity (arrow).

Figure 4 Face fœtale : présence d’un proboscis au-dessus d’une seule orbite avec deux globes oculaires. Fetal face: presence of a proboscis above a single orbit with two eyeballs.

défaut de formation et d’individualisation des hémisphères cérébraux. Elle résulte d’une anomalie de clivage du prosencéphale survenue au cours du deuxième mois de la grossesse [5,6]. Pathologie relativement rare, l’HPE constitue la malformation la plus fréquente du cerveau et de la face avec une incidence allant de 0,48 à 0,88 pour 10 000 naissances (les avortements exclus) [7,8]. L’HPE résulte d’un défaut d’induction du neurectoderme par la plaque préchordale survenu au cours de la troisième semaine de la vie embryonnaire. Il s’ensuit ainsi une anomalie du développement du prosencéphale consistant en une absence d’évagination des vésicules prosencéphaliques. De ce fait, une masse hémisphérique médiane se forme remplac ¸ant les deux hémisphères cérébraux avec absence de structures médianes, notamment les commissures. Il s’y associe également une absence ou anomalie de différenciation des structures dérivées des vésicules prosencéphaliques et de la vésicule diencépahalique [3,9]. En fonction des caractéristiques morphologiques de la masse hémisphérique unique formée, trois formes d’HPE ont été décrites par Demeyer et al. [10] : alobaire, semi-lobaire et lobaire. L’HPE alobaire est la forme la plus sévère, caractérisée par une cavité ventriculaire unique formant le télencéphale. Cette cavité est fermée dans sa partie postérieure par une paroi fine avec un aspect pseudokystique. L’HPE alobaire est caractérisée par l’absence de lobes olfactifs, un aspect rudimentaire des thalami qui sont fusionnés sur la ligne médiane et une microcéphalie constante. Dans les trois cas d’HPE alobaire de notre observation, l’échographie obstétricale et l’IRM ont mis en évidence une microcéphalie et une cavité ventriculaire unique avec fusion des thalami en l’absence de scissure interhémisphérique. L’HPE semi-lobaire est caractérisée par la présence d’un sillon médian de longueur variable et réalisant à la partie postérieure de l’holosphère une ébauche de deux lobes occipitaux. Les lobes olfactifs sont absents alors que la microcéphalie est habituellement observée. Dans le cas d’HPE semi-lobaire de notre étude, la scissure interhémisphérique était présente mais partiellement constituée. L’HPE lobaire constitue la forme mineure caractérisée par un

82 sillon médian sans scissure interhémisphérique et montrant des lobes frontaux, temporaux et occipitaux individualisés. Elle associe ainsi toujours une cavité ventriculaire unique dépourvue de structure médiane et sans individualisation de corps calleux. Des lobes olfactifs hypoplasiques sont parfois présents. L’échographie ainsi que l’IRM montrent une cavité ventriculaire unique avec une scissure interhémisphérique partielle associée à une fusion des thalami [7,9]. L’HPE s’associe fréquemment et à des degrés variables à une dysmorphie faciale comportant le plus souvent une fente médiane, une cyclopie et des anomalies nasales. Ces malformations sont dans 80 % des cas prédictives de la nature des anomalies cérébrales. De ce fait, cinq groupes ont été décrits en fonction de l’association des malformations cérébrales et faciales : les groupes I, II et III correspondent à des anomalies cérébrales sévères associées à une dysmorphie faciale manifeste allant de cyclopie et ethmocéphalie à cébocéphalie. Ces groupes correspondent souvent à une forme alobaire de pronostic très réservé et dont les solutions chirurgicales sont impossibles. Le groupe IV A associe un hypothélorisme à une forme alobaire ou semi-lobaire et est caractérisé également par un mauvais pronostic. Les groupes IV B, V A et V B sont de meilleur pronostic et correspondent à une forme lobaire avec même un aspect morphologique normal du cerveau [1,9]. Dans les quatre cas d’HPE de notre étude, des malformations faciales ont été constatées et ont comporté une microcéphalie, une cébocéphalie, un proboscis et des anomalies d’implantation des oreilles. Les HPE sont caractérisées par une grande hétérogénéité étiologique dominée par des facteurs génétiques et par l’effet des agents environnementaux. L’étiopathogénie génétique de l’HPE est largement admise et est dominée par les anomalies du chromosome 13 dont la fréquence varie entre 24 et 45 %. Par ailleurs, 18 à 25 % des HPE font partie d’un syndrome polymalformatif monogénique tel que le syndrome de Meckel ou de cause inconnue. L’HPE est habituellement associée à différents types de malformations viscérales et/ou squelettiques [1,6]. Les HPE familiales, isolées, non sporadiques, à caryotype normal, ont un mode de transmission autosomique dominant, moins fréquemment selon un mode autosomique récessif ou lié à X. Actuellement quatre gènes impliqués dans l’apparition d’une HPE ont été identifiés : sonic hedgehhog (Shh), SIX3, ZIC2 et TGIF. Certains cas sporadiques sont caractérisés par un caryotype normal sans anomalies génétiques avec un risque de survenue de 6 %. Dans notre série, le caryotype a montré une trisomie 18 dans un cas d’HPE lobaire alors qu’aucune anomalie chromosomique n’a été identifiée pour les trois autres cas de notre étude. Certains facteurs environnementaux et/ou maternels tératogènes ont été évoqués en particulier le diabète maternel, la consommation maternelle d’alcool, les rétinoïdes et l’infection congénitale par le cytomégalovirus. Toutefois, seul le diabète maternel entraîne un risque significatif avoisinant 1 % [1,6]. Dans notre étude, le diabète gestationnel

R. Fatnassi et al. ainsi que la contamination récente par la toxoplasmose et la rubéole ont été éliminés dans les quatre cas étudiés. Le diagnostic anténatal de l’HPE repose sur l’échographie obstétricale conventionnelle complétée par l’IRM fœtale en montrant des anomalies cérébrales à type d’une cavité ventriculaire unique avec absence ou anomalies de développement des structures médianes, une fusion des thalami et une microcéphalie. Ces anomalies sont plus ou moins constituées en fonction de la forme anatomique de l’HPE. Le diagnostic échographique de l’HPE peut se faire précocement au cours du premier trimestre gestationnel permettant ainsi une interruption précoce de la grossesse en particulier pour les formes alobaire et semi-lobaire [3].

Conclusions L’HPE est une malformation cérébrale congénitale rare et fréquemment associée à des anomalies faciales. Son pronostic est souvent mauvais en particulier pour la forme alobaire. Les étiologies de l’HPE sont multiples, dominées par des anomalies génétiques et environnementales représentées essentiellement par le diabète maternel. Le diagnostic anténatal de l’HPE est possible avant le troisième mois gestationnel en montrant des images évocatrices à l’échographie obstétricale et à l’imagerie par résonance magnétique. Un tel diagnostic précoce permet une prise en charge précoce et adaptée à l’affection.

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