Licenciement d’une aide-soignante

Licenciement d’une aide-soignante

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Droit Déontologie & Soin 11 (2011) 328–331 Droits sociaux Licenciement d’une aide-soignante Bertrand ...

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Droit Déontologie & Soin 11 (2011) 328–331

Droits sociaux

Licenciement d’une aide-soignante Bertrand Milleville (Cadre supérieur de santé) EPHAD Gaston-Rimareix, 1, rue des Aînés, 23700 Mainsat, France Disponible sur Internet le 6 septembre 2011

Résumé Analyse d’un cas pratique de licenciement d’une aide-soignante pour de mauvaises pratiques professionnelles. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Un arrêt de la cour d’appel d’Angers (17 mai 2011, n◦ 10/01135) permet d’analyser une situation de fait, le licenciement d’une aide-soignante et la contestation de ce licenciement. La lettre de licenciement définit le périmètre du litige, et tout se joue ensuite sur le terrain de la preuve.

1. Le cadre général des faits L’association gérant un EPHAD a engagé Madame Cécile X. en contrat à durée indéterminée comme aide-soignante à temps partiel, pour une activité de 35 heures par quinzaine et un salaire mensuel brut de 1537,93 euros. Par avenant du 7 mars 2007, cet horaire a été porté à 24 heures par semaine, soit 104 heures mensuelles. Madame X. a été en arrêt maladie à compter de mai 2008 de fac¸on ininterrompue jusqu’au 13 novembre 2008. Le 22 décembre 2008, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 5 janvier 2009, puis licenciée par lettre du 9 janvier 2009 pour le motif de : « fautes réitérées dans l’exercice de [votre] sa fonction ».

Adresse e-mail : [email protected] 1629-6583/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ddes.2011.07.005

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2. Le litige 2.1. Les arguments de l’aide-soignante Madame X. demande de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner l’association lui payer la somme de 13 190,88 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait du licenciement, la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Madame X. soutient que les griefs contenus dans la lettre de licenciement soit : le refus d’habiller une résidente, le refus de nettoyer un sol souillé de café, le non respect des horaires, ne sont ni réels ni sérieux et qu’ils ne reposent que sur des attestations sans être toujours datés. Ces faits ne lui ont été appris que lors de l’entretien préalable, jamais avant. Elle a été licenciée pour faute grave pour des faits qui se seraient déroulés en décembre 2008 soit un mois après son retour de plusieurs mois d’arrêt maladie. En réalité, ils sont le reflet de la mésentente née entre elle et Madame B., infirmière coordinatrice arrivée à la maison de retraite en novembre 2007, qui a constamment critiqué son comportement jusqu’à provoquer la dégradation de sa santé. Elle s’est « effondrée » le 21 mai 2008 lorsqu’on lui a refusé de revenir à un mi-temps. Elle expose que son préjudice moral résulte du fait que le licenciement a été particulièrement brutal, au moment des fêtes de fin d’année, alors qu’elle revenait d’une longue période d’arrêt maladie pour dépression.

2.2. Les arguments de l’employeur L’association soutient que contrairement à ce qu’énonce Madame X. dans ses écritures elle n’a pas été licenciée pour faute grave mais pour des motifs personnels tenant à des manquements énoncés dans la lettre du 9 janvier 2009. Madame X. a bien été réglée de son indemnité de licenciement et de son préavis de deux mois avec dispense d’exécution. L’association expose que les manquements ont été constatés notamment par Madame B.., l’infirmière coordinatrice, de novembre 2007 à mai 2008. Les conditions de travail avaient été aménagées à sa demande et ne présentaient pas le caractère de pénibilité que celle-ci invoque. Les griefs s’appuient sur les attestations du personnel de la maison de retraite, qui est le mieux à même de témoigner sur le comportement professionnel de Madame X., tandis que celle-ci produit pour sa part des attestations de personnes qui « pour la plupart n’ont jamais été employées dans l’établissement ». Les accusations de harcèlement n’ont été retenues ni par le médecin du travail ni par l’inspecteur de travail qui sont venus enquêter sur les lieux et interroger l’ensemble des salariés. Elle soutient que Madame X.. avait l’intention de se former à un autre métier et s’est dès lors « lancée dans une critique sur tous les sujets, n’acceptant aucune directive de ses supérieures hiérarchiques, ni aucune remarque de ses collègues, et remettant en cause l’organisation des soins ». En réalité elle avait été engagée en 2006 par une sœur directrice qui l’avait préservée en lui confiant les résidentes « les plus valides » et elle n’a pas accepté la réorganisation effectuée pour rééquilibrer entre les aides-soignantes la charge des travaux « incommodes ». Elle s’est finalement révélée inapte à occuper un poste d’aide-soignante en maison de retraite.

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3. Analyse de la Cour La Cour d’appel d’Angers confirme le jugement rendu le 23 avril 2010 par le Conseil des prud’hommes de Saumur. Il résulte des dispositions de l’article L1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Les faits invoqués par l’employeur doivent être exacts, précis, objectifs et revêtir une certaine gravité. La lettre de licenciement, visée à l’article L1232-6 du code du travail, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur, et ses termes fixent le litige. Il appartient au juge de rechercher la cause du licenciement, et d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, au vu des éléments fournis par les parties. 3.1. Analyse 3.1.1. La lettre de licenciement La lettre de licenciement adressée le 9 janvier 2009 à Madame X. indique qu’elle est licenciée « pour fautes réitérées dans l’exercice de votre fonction » et parce qu’elle « n’assure pas une prise en charge correcte des résidentes dépendantes ». La lettre énonce les faits suivants : • refus d’habiller une résidente malgré la demande de Madame B., infirmière coordonnatrice et ayant amené la résidente à le faire elle-même au risque de chuter ; • le 13 décembre 2008, refus de nettoyer du café sur le sol qui pouvait entraîner une chute ; • le 13 décembre 2008, résidente non habillée ni toilettée et laissée devant sa télévision ; • lits constatés comme étant souillés d’urine plusieurs fois par les autres aides-soignantes, par exemple le 19 décembre 2008 ; • le 16 décembre 2008 omission d’aide à la marche d’une résidente malgré le plan de soins ; • le 22 décembre 2008 exposé de griefs à l’encontre de deux collègues tout en prodiguant les soins à deux résidentes ; • entretien de relations préférentielles et affectives avec certaines résidentes ; • non-acceptation des remarques des supérieurs hiérarchiques ; • le week-end des 13 et 14 décembre 2008, départ de poste à 20h30 au lieu de 20h45 alors qu’une hospitalisation était en cours, puis polémique en soutenant avoir été autorisée au départ et en reprochant à la collègue qui avait signalé ce départ d’avoir commis une « dénonciation ». La lettre se termine par : « L’ensemble de ces faits qui constituent des fautes professionnelles créent un climat détestable de désaccord permanent alimenté par vous à l’encontre de vos responsables hiérarchiques, de vos collègues de travail et la direction. Votre attitude perturbe le personnel de l’établissement et les résidentes. ». 3.1.2. L’analyse des faits Il est acquis que la mission de l’aide-soignante consiste, en exécution du contrat de travail du 3 juillet 2007, à s’occuper des résidentes sous le contrôle de l’infirmière responsable du service de soins, qui a été de novembre 2007 à mai 2008 Madame B.

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Il apparaît qu’à compter de ce moment, en accord avec la direction, il a été décidé de confier équitablement à toutes les aides-soignantes, qui étaient au nombre de cinq, les résidentes les moins valides. Il est encore acquis que l’horaire de travail de Madame X., lorsqu’il a été de 104 heures par mois était ainsi réparti : quatre heures par jour (7h45–11h45), du lundi au samedi inclus. Cet horaire, avec une heure de commencement non matinale, une fin de service avant le repas de midi, en demi-journées, et le dimanche étant en repos, ne peut être considéré comme « pénible » et il est avéré que la directrice était encore disposée à le modifier sur la prise de repos hebdomadaire lorsque Madame X. s’est plainte à ce sujet. Il n’est pas contesté non plus que, sur plaintes générées par Madame X., la maison de retraite a fait l’objet d’une visite inopinée de l’inspection du travail, et que cette visite n’a pas eu de suites. Madame X. ne démontre pas l’existence d’un contexte de travail critiquable de nature à expliquer le litige, plutôt que le constat de ses fautes professionnelles. Les attestations qu’elle produit pour faire valoir ses qualités professionnelles sont essentiellement celles de personnes ayant été remplac¸antes ou stagiaires dans l’établissement, ou qui l’ont connue à l’école d’aides-soignantes. L’employeur verse pour sa part aux débats les attestations de six aides-soignantes, en poste dans la maison de retraite au même moment que Madame X., l’une d’elles étant déléguée du personnel et une autre suppléante déléguée du personnel, qui témoignent à la fois de ce qu’elle manipulait les résidentes avec brutalité, ne répondait pas à leurs sollicitations, ne veillait pas à les laisser « en sécurité », et n’assurait pas le changement des protections ou des draps, qu’elles ont parfois trouvés souillés d’urine alors qu’ils auraient dus être changés le matin. Une infirmière, Madame C., indique que le 13 décembre, Madame X. n’a pas voulu nettoyer le sol d’une chambre tâché de café, et qu’elle a trouvé tard dans la matinée une résidente toujours en chemise de nuit, et non toilettée. Madame B. enfin, qui a été infirmière coordinatrice de novembre 2007 en octobre 2008, témoigne de ce que sur la période allant jusqu’à mai 2008 elle a constaté de fac¸on répétée des négligences dans le changement des draps qui « dégageaient des odeurs d’urine jusque dans le couloir » et n’a pu imposer cependant son autorité. Il est donc démontré que le licenciement de Madame X. a été causé par la commission par la salariée de fautes professionnelles renouvelées, de novembre 2007 en décembre 2008. Ainsi, le licenciement est justifié. Par ailleurs, le changement de planning demandé par Madame X. lui a été accordé, ainsi que l’inscription à une formation diplômante et aucun fait de harcèlement moral ne peut être reproché à l’employeur.