Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 105 (2019) S72–S79
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Mise au point
Limites de l’arthroscopie dans la prise en charge de la coxa profunda夽 Limitations of arthroscopy for managing coxa profunda Xavier Flecher a,∗ , Michaël Wettstein b , Olivier May c a Department of orthopaedics and traumatology, CNRS, ISM, institute for locomotion, Aix Marseille université, hôpital Sainte-Marguerite, AP–HM, 270, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France b Institut de traumatologie et d’orthopédie du Léman Suisse, clinique de Genolier, route du Muids 3, 1272 Genolier, Suisse c Centre de chirurgie de la hanche, clinique du sport, medipôle Garonne, 45, rue de Gironis, 31036 Toulouse, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 4 juillet 2019 Accepté le 20 septembre 2019 Mots clés : Hanche Coxa profunda Diagnostic Traitement Arthroscopie Luxation chirurgicale Ostéotomie périacétabulaire
r é s u m é La coxa profunda est une entité complexe pouvant entraîner un conflit fémoro-acétabulaire. Une analyse méticuleuse du type de surcouverture acétabulaire est essentielle pour pouvoir proposer le traitement adéquat au patient : en cas de surcouverture focale, sans conflit postérieur, un recontourage arthroscopique de la paroi excessive peut être effectué. Bien entendu, les éventuelles déformations fémorales devront également être considérées en même temps. En cas de surcouverture globale, principalement avec un conflit postéro-inférieur, un traitement chirurgical ouvert sera nécessaire, donnant accès à la circonférence complète du cotyle. La résection du bord acétabulaire doit être effectuée parcimonieusement afin d’éviter d’enlever trop de surface articulaire, mais néanmoins suffisamment pour traiter le conflit adéquatement. En cas de protrusion, cas extrême de coxa profunda, la réalisation d’une ostéotomie périacétabulaire inverse devra être envisagée, principalement si l’angulation du toit du cotyle est inversée. Parfois, en cas de coxa vara principalement, une ostéotomie fémorale de valgisation devra être discutée afin d’orienter la charge plus en direction du toit du cotyle et ainsi diminuer les contraintes visant à approfondir la tête fémorale dans l’articulation. ´ ´ es. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
1. Introduction Le conflit fémoroacétabulaire (CFA) est une des découvertes diagnostiques majeures pour la compréhension de la coxarthrose du sujet jeune. Cette pathologie est cause de douleur de hanche de l’adulte jeune et serait à l’origine de dégradation arthrosique précoce, voire même responsable des principales causes d’arthrose « primitives » de hanche [1–3]. Ce contact anormal est lié à des anomalies morphologiques sur le versant fémoral responsable de l’effet « came » et/ou sur le versant acétabulaire responsable de l’effet « tenaille » ou « pince » et peuvent être associés. On distingue deux types de conflit par effet « tenaille » selon si la cause acétabulaire est due à un excès de couverture de la tête fémorale
DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.otsr.2019.09.016. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : Xavier.fl
[email protected] (X. Flecher). https://doi.org/10.1016/j.rcot.2019.09.130 ´ ´ 1877-0517/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
focal (rebord antérieur proéminent) ou général (coxa profunda et protrusion acétabulaire). La pathomorphologie de la protrusion acétabulaire a été décrite pour la première fois par Otto en 1816 [4]. En 1935, Overgaard [5] a présenté la première classification utile en protrusion primaire et secondaire, qui a ensuite été modifiée par Gilmour [6] pour devenir la classification la plus utilisée de nos jours. Elle distingue les cas expliqués par une maladie sous-jacente (secondaire) de ceux sans explication étiologique (primaire). Aujourd’hui, la liste des causes de protrusion secondaire va largement de l’infection, des traumatismes et des maladies métaboliques, néoplasiques et génétiques sous-jacentes [7]. La manifestation bilatérale avec une prédominance féminine a été typiquement décrite pour la protrusion primaire [6,8]. Cette anomalie anatomique a pour conséquence une arthrose secondaire médiale alors que l’espace articulaire supérieur reste en grande partie inchangé. Le chirurgien orthopédiste doit être conscient des valeurs de certaines constantes anatomiques que l’on peut regrouper sous le terme d’acétabulométrie. Parmi ces déformations, la « coxa profunda » justifie d’une prise en charge diagnostique et complexe et son traitement est non consensuel, pouvant faire appel selon
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Fig. 1. Définition d’une coxa profunda [9]. A. Dans une hanche normale, l’acetabulum recouvre suffisamment la tête fémorale. B. Dans la coxa profunda, la tête est plus interne, la fosse acétabulaire (U radiologique) se situant au niveau ou au-dessous de la ligne ilioischiatique. C. Dans la protrusion, la tête fémorale est médiale à la ligne ilio-ischiatique et le toit acétabulaire est incliné négativement avec le centre de la tête fémorale médial aux parois acétabulaires antérieure et postérieure (angle HTE < 0◦ ).
les cas à des techniques arthroscopiques ou à ciel ouvert. Le but de cet article est de faire une mise au point sur la prise en charge chirurgicale des CFA par coxa profunda chez l’adulte.
des coupes dites « radiaires », c’est-à-dire, dans l’axe du col. Pour finir, l’existence d’une arthrose, même débutante, classée grade 2 ou 3 selon Tönnis [12], reste une contre-indication au traitement conservateur, y compris arthroscopique.
2. Classification anatomique Les déformations osseuses acétabulaires responsables d’un effet pince dans le CFA comprennent des déformations segmentaires (excès de couverture antérieure) ou globales, d’orientation (rétroversion) ou de position (coxa profunda, protrusion). Elles sont définies à l’aide d’un bilan radiographique comportant une vue de face du bassin, une vue de face, de faux-profil selon Lequesne et d’un profil de Dunn de la hanche douloureuse. Les lésions « induites » nécessitent un examen en coupe associé à une arthrographie (arthro-scanner ou arthro-IRM). Une coxa profunda est défini sur une radiographie du bassin de face protocolisée comme une hanche ayant une fovea (arrièrefond) ayant franchi la ligne ilio-ischiatique de Kohler (Fig. 1) [10]. Cette anomalie de position médio-latérale de l’acetabulum peut être associée à d’autres prédispositions anatomiques qui doivent être analysées à partir d’une acétabulométrie. L’acétabulométrie est une analyse de la position et de l’orientation tridimensionnelle de l’acetabulum sur une radiographie du bassin de face en charge qui vient compléter la classique coxométrie (Fig. 2). Cette analyse est réalisée à partir d’une radiographie protocolisée afin d’éviter l’influence de la rotation ou de la version du bassin [15]. Il est ainsi conseillé de faire un cliché sous contrôle scopique afin d’aligner la symphyse pubienne sur la pointe du coccyx (pour éliminer une malposition en rotation) en séparant les deux structures de 2 à 3 cm (pour éliminer l’influence de la version pelvienne). La coxa profunda (Fig. 3) est classiquement associée à un index d’extrusion diminué, peut être associé ou pas à une augmentation de couverture latérale (angle CE de Wiberg [11] > 40 et un angle TE de Tonnis [12] < 0) et à un trouble de version associant rétroversion (signe du croisement positif) [14] avec ou sans insuffisance postérieure (signe du mur postérieur positif) [14]. La connaissance de ces déformations associées est importante dans le choix thérapeutique entre un geste arthroscopique isolé ou une ostéotomie de réorientation acétabulaire (ostéotomie périacétabulaire inverse [16]). Un examen en coupe injecté est indispensable pour évaluer les lésions induites qu’elles soient labrales ou cartilagineuses. On utilise l’arthro-scanner ou plus classiquement l’arthro-IRM avec
3. Traitement arthroscopique Les techniques arthroscopiques sont devenues les techniques de références pour le traitement des conflits fémoro-acétabulaires [17–21]. Le traitement arthroscopique de la pince acétabulaire correspond à une acétabuloplastie de la paroi antéro-externe soit à pratiquer une résection du rebord osseux proéminent afin d’éliminer le conflit. Dans une coxa profunda, le principe est de corriger l’hypercouverture lorsque le VCE est au-delà de 40◦ [22,23]. Il est important de planifier les zones d’acétabuloplasties pour corriger une hypercouverture, car celle-ci n’est pas systématiquement globale [24]. On associe donc à l’acétabuloplastie antérieure, une acétabuloplastie externe et/ou postéro-externe, ce qui complique le geste opératoire. Cette résection se pratique plus facilement si la hanche est tractée pour le contrôle de la résection et en particulier pour les gestes sur le labrum (désinsertion, suture, reconstruction, éxérèse) ou le cartilage (débridement, microfractures, greffes). Dans la coxa profunda, la décoaptation de la hanche est particulièrement difficile et inconstante. L’introduction d’instruments en zone centrale risque de provoquer des lésions iatrogènes labrales ou cartilagineuses si l’espace est insuffisant. Par ailleurs, si on veut obtenir une décoaptation suffisante, il est nécessaire d’augmenter la force de traction sur le membre inférieur opéré, ce qui augmente le risque de complications (lésions nerveuses, périnéales, etc.). Enfin l’angle d’introduction des instruments de la voie centrale est « barré » par le rebord osseux acétabulaire, puisque l’angle d’obliquité du toit est nul voir négatif dans ce cas. Ainsi on peut considérer deux cas de figures : la coxa profunda à décoaptation suffisante pour un geste arthroscopique en zone centrale et la coxa profunda à décoaptation insuffisante où le geste arthroscopique se fera donc par la zone périphérique pur. En fin d’intervention, la résection osseuse externe et antérieure, associé au geste de capsulotomie préalable en zone périphérique permet parfois l’accès en zone centrale. On peut ainsi de compléter l’intervention par les gestes cartilagineux ou les gestes sur le labrum comme dans un cas de pince « classique » [25]. Il est donc recommandé de tenter une nouvelle traction en fin de geste.
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Fig. 2. A et B. Coxométrie de face avec les valeurs normales des angles. 1 : angle CE de Wiberg [11] (ou VCE : Vertical-Center-Edge) ; 2 : angle de Tönnis [12] ou index acétabulaire ou angle HTE (Horizontal-Tectum-Edge) et ; 3 : angle de sharp [13]. Il faut y associer : 4 : l’index d’extrusion ; 5 : le signe du croisement et ; 6 : le signe du mur postérieur [14].
Fig. 3. La coxa profunda (Fig. 3) est classiquement associée à un index d’extrusion diminué, peut être associé ou pas à une augmentation de couverture latérale (angle CE de Wiberg [11] > 40 et un angle TE de Tonnis [12] < 0) et à un trouble de version associant rétroversion (signe du croisement positif) [14] avec ou sans insuffisance postérieure (signe du mur postérieur positif) [14].
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Fig. 4. Acétabuloplastie antérieure hanche gauche supra-labrale à la fraise motorisée en zone périphérique de hanche, sans traction. Vision postéro-antérieure.
La fluoroscopie dans ce cas semble un élément d’orientation important. Avant le champage, patient endormi et relâché, la traction axiale sous fluoroscopie permet d’orienter le choix d’accès soit vers la zone centrale soit directement vers la zone périphérique en fonction de l’espace articulaire obtenu (souvent considéré à 1 cm [26]). Elle permet aussi de vérifier l’offset cervico-céphalique antérieur et externe par un déroulé du col en profile axial, qui pourra ainsi être corrigé si nécessaire. Si l’espace est suffisant on s’oriente alors vers une correction de pince classique selon les techniques habituellement décrites [27]. Il faut y ajouter la correction de l’hypercouverture postéro-externe. Cependant, ce cas reste rare, l’espace de décoaptation reste le plus souvent très limité et il faut s’attendre dans la grande majorité des cas à effectuer le geste arthroscopique en zone périphérique. Pour effectuer une acétabuloplastie à la fois antérieure, externe et postéro-externe par voie périphérique pure, les voies d’abord arthroscopiques peuvent être légèrement modifiées surtout dans le but de pouvoir atteindre la lèvre acétabulaire postéro-externe avec une fraise motorisée, ce qui est souvent difficile avec les voies classiques. Deux voies arthroscopiques restent le plus souvent suffisantes. On choisit ainsi la voie paratrochantérienne la plus externe, voire postéro-externe (voie d’abord située entre la voie antéro-latérale [AL] et la voie postéro-larérale [PL] [28], qui peut être légèrement translatée en proximal [1 cm]). On s’approche ainsi de la voie décrite par M. Dienst [27] pour l’accès à la zone périphérique. Pour la seconde voie on choisit plutôt la voie antérolatérale (AL) que la voie antérieure pure. L’abord articulaire par capsulotomie « inside-out » ou « outside-in » peut être effectué selon l’habitude de l’opérateur. Le geste commence par une synovectomie du récessus supralabral ce qui met à nu la lèvre acétabulaire à réséquer. La lèvre acétabulaire étant fine et l’os relativement dur (densification souschondral par microtraumatismes), une fraise motorisée à rotation rapide (e.g., 10 000 tours/min) et plutôt de faible diamètre est plus adaptée à cette résection osseuse (e.g., diamètre 4 mm). Pour l’acétabuloplastie antérieure (Fig. 4), il est plus facile de placer l’optique par la voie externe et la fraise par la voie antérieure. On peut échanger les voies pour l’acétabuloplastie externe (Fig. 5) et postéro-externe (Fig. 6). On peut s’aider d’un contrôle fluoroscopique pour la résection externe et postéro-externe (Fig. 7 et 8) [18] qui sont facilement visible sous amplification de brillance. En revanche, le contrôle de l’acétabuloplastie antérieure sous
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Fig. 5. Acétabuloplastie externe hanche gauche supra-labrale à la fraise motorisée en zone périphérique de hanche, sans traction. Le complexe labrocartilagineux est découvert par sa face supérieure en réduisant la lèvre acétabulaire. Vision antéropostérieure.
Fig. 6. Acétabuloplastie postéro-externe à la fraise motorisée en zone périphérique de hanche. Vision en direction postéro-latérale.
Fig. 7. Contrôle fluoroscopique d’une arthroscopie de hanche : coxa profunda, proéminence de la paroi antérieure et signe du croisement.
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peut soit être laissé en place soit être suturé au mur acétabulaire. La réalisation d’une suture « loop » ou trans-labrale est particulièrement difficile sans traction. C’est pourquoi à ce moment de la chirurgie, on peut tenter une nouvelle traction axiale rendant réalisable la suture si l’espace s’ouvre. Certains auteurs recommandent une reconstruction labrale qui ne pourra s’effectuer que si l’espace articulaire s’ouvre également [32]. 4. Traitement à ciel ouvert
Fig. 8. Contrôle fluoroscopique en fin d’intervention : ouverture de l’angle de couverture externe, disparition signe du croisement.
fluoroscopie est plus difficile en raison des superpositions osseuses qui masquent parfois les contours acétabulaires. La résection sera faite selon planification même si celle-ci est plus difficile, car la présence du signe du croisement dépend directement de l’antéversion pelvienne. Un des objectifs théoriques est de normaliser l’angle CE de Wiberg [11] et de faire disparaître le signe du croisement après résection tout en contrôlant l’absence de version pelvienne anormale. Par ailleurs, Philippon et al. [29] a apprécié l’angle de découverture faite par la profondeur de résection (1 mm de résection osseuse correspond à une découverture de 2,4◦ , 2 mm à 3,1◦ , 3 mm à 3,7, 4 mm à 4,4◦ , 5 mm à 5,0◦ , etc.). La résection peut être étalonnée par l’épaisseur de la fraise utilisée. La littérature actuelle recommande la préservation du labrum [30,31]. Dans le cas de coxa profunda celui-ci est souvent hypotrophique et on peut se poser la question de son rôle en tant que joint d’étanchéité assurant une pression négative intra-articulaire. L’acétabuloplastie de la lèvre supra-labrale permet de ne pas désinsérer le labum. Grâce à une double insertion osseuse et cartilagineuse, celui-ci reste donc attaché au bord libre chondral. Il
L’indication d’un traitement chirurgical à ciel ouvert dépend de la définition précise du type de surcouverture acétabulaire. En effet, si les cas de surcouverture focale antérieure sont une indication à une résection de la déformation, soit par voie arthroscopique soit par voie ouverte, les cas de coxa profunda et de protrusion sont plus discutés. Steppacher et al. [33] ont démontré que la surface articulaire est augmentée circonférentiellement en cas de coxa profunda et de protrusion, mais avec une augmentation également de la taille de la fosse acétabulaire. Ces altérations ont pour conséquence une augmentation de la charge dans la partie cranio-médiale ainsi que postérieure de l’articulation [34]. Ces altérations biomécaniques, en association au mécanisme de contre coup typique dans les conflits de type pince, expliquent l’évolution arthrosique centrale et postérieure qui est classiquement vue dans ces pathologies [35]. Chez un patient jeune et avec un cartilage encore préservé, il existe des techniques chirurgicales permettant de ralentir l’évolution arthrosique. Dans les cas de coxa profunda, le conflit est souvent localisé aussi bien antérieurement, provoquant la lésion de contre coup, qu’en région postéro-inférieure en cas d’ossification étendue du labrum. Dans ces cas et contrairement aux cas de localisation purement antérieure qui peuvent bénéficier d’un traitement local, l’arthroscopie de hanche ne permettra pas de corriger les déformations extensives et une chirurgie ouverte sera dès lors préférée. Historiquement, une ostéotomie de valgisation était proposée afin de verticaliser le vecteur de force favorisant la médialisation de la tête fémorale [36]. Si cette intervention donnait parfois des résultats étonnants, une progression arthrosique
Fig. 9. A et B. Patiente de 39 ans souffrant d’un conflit sur coxa profunda droite avec ossification circonférentielle du labrum. L’interligne coxo-fémoral est conservé. Status après cure de conflit par luxation chirurgicale pour acétabuloplastie circonférentielle à gauche.
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Fig. 10. A et B. À 9 ans de recul après cure de conflit par luxation chirurgicale à droite associée à une ostéotomie transcervicale de valgisation pour incongruence articulaire et verticalisation du moment de force en charge : pas de dégradation de l’interligne.
ne pouvait toutefois être exclue en raison de la composante de conflit fémoro-acétabulaire, alors inconnue. Dès que les travaux de l’équipe bernoise ont permis d’appréhender la problématique du conflit, il est apparu que le conflit de type pince était arthrogène en raison de la subluxation de la tête fémorale en flexion forcée provoquant une lésion cartilagineuse de surcharge postéroinférieure du cotyle ainsi qu’au niveau du pôle supérieur de la tête fémorale. La logique veut dès lors de corriger la pince par résection du rebord acétabulaire, de fac¸on plus ou moins étendue en fonction du type de conflit (antérieur ou antérieur et postéro-inférieur). Cette chirurgie ne peut s’effectuer que par une technique de luxation chirurgicale de la hanche donnant un abord circonférentiel à l’articulation si le patient souffre aussi bien d’un conflit antérieur que postéro-inférieur [37]. Dans ces conditions, le labrum est souvent ossifié circonférentiellement et doit être réséqué. Si des études biomécaniques ont montré l’importance de cette structure, les conséquences de la résection circonférentielle demeurent encore incertaines [38]. Cliniquement, il semble que les patients subissant une résection labrale évoluent moins bien que sans résection, mais ces faits ne sont pas encore prouvés avec certitude, notamment en cas de résection labrale circonférentielle [39–41]. Une plastie labrale par un greffon tendineux autologue est envisageable afin de restituer la fonction de joint d’étanchéité, mais l’évolution du greffon, notamment en termes de risque d’ossification est incertaine [42]. En cas de coxa vara et/ou d’altération de la congruence articulaire, une ostéotomie de valgisation doit être envisagée. Si ce geste s’effectue classiquement au niveau intertrochantérien, la connaissance de la vascularisation de la tête fémorale et de la technique de luxation chirurgicale avec lambeau vasculo-périosté postérieur étendu permettent d’envisager ce geste au niveau du col fémoral [43] (Fig. 9 et 10). Un respect scrupuleux de la technique chirurgicale est nécessaire afin d’éviter le risque de nécrose aseptique de la tête fémorale. Toutefois, ce geste augmente le potentiel de correction étant donné que l’ostéotomie s’effectue à proximité de la
Fig. 11. Sportif de 38 ans souffrant d’un conflit antérieur et postérieur sur coxa profunda, rétroversion acétabulaire et déficit d’offset cervico-céphalique circonférentiel bilatéral.
déformation, diminue considérablement le risque de dysmétrie des membres inférieurs et évite également une déformation de la métaphyse fémorale proximale qui pourrait compliquer l’implantation ultérieure d’une tige fémorale. La fixation de l’ostéotomie pouvant s’effectuer par de simples vis, le risque de douleurs postopératoires liées au matériel d’ostéosynthèse classiquement utilisé dans les ostéotomies intertrochantériennes est également diminué. Bien entendu, dans toutes ces situations, la déformation concomitante de la tête fémorale (came) doit également être corrigée, quelle que soit la technique utilisée par ailleurs. En cas de protrusion acétabulaire, la situation est plus complexe, car le toit de l’acetabulum présente souvent une pente inversée,
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Fig. 12. A et B. Radiographies de face et faux-profil 2 mois après correction acétabulaire par ostéotomie périacétabulaire inverse et recontourage cervico-céphalique circonférentielle par luxation chirurgicale de hanche gauche. La couverture latérale reste augmentée, mais avec une anteversion normalisée et un interligne coxo-fémoral conservé. Les ostéotomies sont consolidées.
favorisant la médialisation de la tête fémorale [44]. Dans ces cas, il a été démontré que le recontourage acétabulaire, fût-il circonférentiel, ne permet pas d’obtenir des résultats satisfaisants, ceci étant d’autant plus vrai lorsque la protrusion ou la coxa profunda, sont associées à une rétroversion acétabulaire [9]. Dans ces situations, seule une chirurgie extensive consistant en un recontourage acétabulaire circonférentiel et de la tête fémorale par luxation chirurgicale, afin de réséquer le rebord acétabulaire redondant ainsi que le labrum en général ossifié, associé à une réorientation de l’acetabulum par ostéotomie périacétabulaire inverse (Fig. 11 et 12). Même si cela peut paraître invasif, des tests biomécaniques démontrent une diminution des contraintes cartilagineuses permettant dès lors d’envisager une amélioration du résultat à long terme dans ces cas difficiles [34]. Tel que déjà mentionné, ces gestes chirurgicaux sont parfaitement sûrs, pour autant que la technique soit scrupuleusement respectée. Il convient toutefois de bien peser l’indication en termes « d’état arthrosique » de la hanche au moment de la chirurgie. Plus le patient est jeune, plus l’indication pourra être poussée afin de préserver la hanche native le plus longtemps possible. Par contre, si le cartilage est déjà trop abîmé, ce qui est souvent le cas dans ces pathologies au-delà de 40 ans, l’indication à un remplacement prothétique sera peut-être préférable. 5. Conclusions L’existence d’une coxa profunda doit absolument être évoquée par le chirurgien orthopédiste devant des douleurs de l’aine compatibles avec un conflit fémoro-acétabulaire. Lorsque le cartilage est préservé, des solutions chirurgicales non prothétiques existent. Certaines sont compatibles avec des techniques arthroscopiques exigeantes, en particulier lorsque le recontourage acétabulaire est limitée à la partie antérieure sur un acetabulum correctement antéversé et non hypoplasique. Dans les cas contraires, le traitement conservateur s’orientera plus sur des ostéotomies pelviennes et/ou fémorales. Déclaration de liens d’intérêts X. Flecher : consultant Stryker endoscopie, Zimmer Biomet. Olivier May : consultant Smith and Nephew. Xavier Flecher, Michael Wettstein et Olivier May déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Financement Aucun.
Contribution X. Flecher, O. May et M. Wettstein : rédaction de l’article.
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