Liposarcome bien différencié pédiculé de l’hypopharynx

Liposarcome bien différencié pédiculé de l’hypopharynx

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 135 (2018) 63–65

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Cas clinique

Liposarcome bien différencié pédiculé de l’hypopharynx夽 C. Eyermann ∗ , T. Raguin , P. Hemar , C. Debry Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, HUS, hôpital de Hautepierre, avenue Molière, 67000 Strasbourg, France

i n f o

a r t i c l e

Mots clés : Liposarcome bien différencié Hypopharynx Endoscopie ORL

r é s u m é Introduction. – Les liposarcomes de l’hypopharynx sont extrêmement rares. Seuls 28 cas sont décrits dans la littérature. Le premier signe clinique est une dysphagie d’aggravation progressive. Présentation du cas. – Nous rapportons le cas d’un homme de 71 ans ayant présenté une dysphagie avec une perte de poids importante en quelques semaines et un épisode d’extériorisation d’une masse charnue par la bouche lors d’un épisode de vomissement. L’imagerie retrouvait une masse endo-oesophagienne de structure graisseuse. La panendoscopie associée à une oesogastroscopie a permis de visualiser la tumeur, pédiculée au niveau du sinus piriforme gauche, et de l’extérioriser par la cavité orale. La tumeur a ensuite été réséquée par voie endoscopique, au niveau de son pédicule d’insertion hypopharyngé. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire concluait à un liposarcome bénin bien différencié. Discussion. – Le liposarcome bien différencié est le plus fréquent des liposarcomes, mais exceptionnellement décrit au niveau hypopharyngé. Les principaux symptômes sont liés à la compression des structures adjacentes. L’imagerie est aspécifique. Seul l’examen histologique permet de le différencier d’autres tumeurs œsophagiennes bénignes. Le traitement de référence est l’exérèse complète et large, pas toujours réalisable au niveau cervical. Un suivi au long cours des patients est indispensable pour détecter précocement une récidive. ´ ´ es. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv

1. Introduction Les liposarcomes sont les plus fréquents des sarcomes des tissus mous. Ils sont principalement localisés au niveau du rétro-péritoine et des extrémités, et sont peu fréquents au niveau cervical [1]. La localisation hypopharyngée est extrêmement rare : 28 cas ont été rapportés dans la littérature internationale depuis 1979 [2,3]. La dysphagie d’aggravation progressive est le premier signe clinique de cette pathologie. Nous rapportons le cas d’un liposarcome bien différencié pédiculé au niveau de l’hypopharynx, pour lequel un diagnostic de polype œsophagien avait initialement été posé. 2. Observation Un homme de 71 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle et de diabète non insulinodépendant, a consulté pour une

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2017.07.001. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Eyermann). https://doi.org/10.1016/j.aforl.2017.04.004 ´ ´ 1879-7261/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.

dysphagie aux solides d’aggravation progressive ayant entraîné un amaigrissement de 15 kg en quelques semaines. Il décrivait également un épisode de vomissement avec extériorisation d’une masse charnue, par la bouche, qu’il avait rapidement ré-ingurgité. Un transit oesogastroduodénal objectivait une dilatation de l’œsophage sur ses 2 premiers tiers, évoquant un processus tumoral intraluminal plutôt qu’une compression extrinsèque. La tomodensitométrie cervicothoracique (TDM) avec injection de produit de contraste et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) retrouvaient une formation tumorale circonscrite de l’œsophage mesurant 16 centimètres de hauteur, de structure graisseuse, avec une base d’implantation latéro-postérieure gauche, compatible avec le diagnostic d’un lipome oesophagien (Fig. 1). Nous avons réalisé une panendoscopie associée à une oesogastroscopie. L’oesogastroscopie a mis en évidence la tumeur endo-oesophagienne, s’étendant jusqu’à 35 cm des arcades dentaires ; elle a permis son extériorisation par la cavité orale (Annexe 1). La tumeur a ensuite été sectionnée aux instruments froids à la base de son pédicule d’insertion, situé au niveau du sinus piriforme gauche, au travers de l’hypopharyngoscope. L’aspect macroscopique de la tumeur était celui d’un polype à surface lisse de 10 × 5 × 4 cm comportant un pédicule de 5 cm de longueur (Fig. 2).

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Fig. 1. Tumeur circonscrite suivant le trajet de l’œsophage de densité graisseuse à base d’implantation hypopharyngée. a : IRM cervicothoracique en séquence T2 Fat-Sat en coupe frontale. b : IRM cervicothoracique en séquence T2 Fat-Sat en coupe sagittale. c : TDM cervicothoracique avec injection en coupe frontale. d : TDM cervicothoracique avec injection en coupe sagittale.

Fig. 2. a et b : vues peropératoires après extraction de la tumeur par la bouche.

L’examen anatomopathologique a conclu à une tumeur adipeuse de type liposarcome bien différencié, constitué d’adipocytes matures et de cellules fusiformes CD34+ , HMGA2+ , avec recherche d’une amplification du gène MDM2 positive. Une endoscopie de contrôle réalisée 4 mois plus tard n’a pas retrouvé de récidive. À 6 mois de la première intervention, le patient est asymptomatique. Une imagerie de contrôle associée à une endoscopie est prévue à 1 an.

3. Discussion Les liposarcomes sont des tumeurs malignes des tissus mous à différenciation adipocytaire. Ils se développent principalement dans les parties molles profondes des membres (surtout la cuisse) et le rétropéritoine, sous la forme d’une masse indolore à croissance lente. Ils sont très peu décrits au niveau de la tête et du cou [1,4,5]. Ils sont classés en 5 groupes histologiques : bien

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différencié, myxoïde ou à cellules rondes, pléiomorphe, dédifférencié et mixte [6]. Les liposarcomes bien différenciés sont de loin les plus fréquents (40–45 % des liposarcomes). Le liposarcome de l’hypopharynx est une entité rarissime. D’après une revue de la littérature réalisée par Corvino et al. en 2016, seuls 28 cas ont été recensés dans la littérature internationale [2], la plupart implantés au niveau du sinus piriforme, comme dans notre observation. Sur le plan clinique, les principaux symptômes sont liés à la compression des structures anatomiques adjacentes : la dysphagie d’aggravation progressive avec perte de poids est l’élément le plus révélateur, pouvant évoluer des mois avant le diagnostic. Des épisodes d’extrusion orale, et même d’asphyxie par obstruction des voies aériennes supérieures, ont parfois été décrits [7,8]. La particularité de notre observation est la grande taille du liposarcome de 15 cm de longueur alors que la taille moyenne rapportée est de 7,60 cm [2]. Le liposarcome hypopharyngé est le plus souvent polypoïde et pédiculé, ce qui peut orienter vers un diagnostic de polype œsophagien bénin après le bilan d’imagerie. L’aspect radiologique d’un liposarcome est celui d’une masse aux contours réguliers de densité graisseuse à la tomodensitométrie et à l’IRM, en fonction de son degré de différenciation. Le signal graisseux sera d’autant plus intense que la tumeur est différenciée [2,5]. À l’imagerie, le liposarcome bien différencié de l’hypopharynx est facilement confondu avec d’autres tumeurs bénignes, notamment le polype géant de l’œsophage, dont le diagnostic histologique peut être varié(lipomes, fibromes, fibrolipomes, myxolipomes, léiomyomes, fibrosarcomes ou léiomyosarcomes). Ces différentes tumeurs graisseuses œsophagiennes et hypopharyngées ne peuvent se distinguer que par l’analyse histologique. Le traitement de référence du liposarcome bien différencié est l’exérèse chirurgicale seule [2]. Le traitement des aires ganglionnaires n’est pas recommandé car les liposarcomes bien différenciés ne métastasent pas [1,10]. Au niveau cervical, l’exérèse large est rarement possible si l’on veut éviter une morbidité fonctionnelle importante. En cas d’exérèse incomplète ou de tumeur inopérable, la radiothérapie peut être indiquée [1,4,5]. Il existe deux approches chirurgicales pour le traitement des liposarcomes hypopharyngé : la voie cervicale externe (pharyngotomie latérale) ou la voie endoscopique. La voie endoscopique avec résection au laser ou aux instruments froids permet une diminution de la morbidité postopératoire (diminution de la durée d’hospitalisation, reprise rapide de l’alimentation, pas de recours à une trachéotomie), mais ne permet qu’une exérèse limitée avec des marges chirurgicales difficiles à évaluer. La pharyngotomie latérale autorise une exérèse large avec un bon contrôle des marges de résection, mais avec des suites opératoires potentiellement plus lourdes (risque de fistules, nécessité d’un drainage, reprise de l’alimentation plus tardive) [9]. Le principal risque est la récidive locale, surtout en cas de résection incomplète [10], et indépendamment de la technique utilisée [2,9] ; cependant, les liposarcomes bien différenciés sont des

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tumeurs de bas grade de malignité à croissance lente avec un taux de survie de 100 % à 5 ans malgré les récidives [1]. En cas de récidives itératives, une dédifférenciation du liposarcome [2,5] doit être suspectée. Le suivi au long cours de ces patients est indispensable, par une surveillance clinique, endoscopique voire radiologique pendant au moins 5 ans [2]. 4. Conclusion Le liposarcome de l’hypopharynx est une entité rare qui doit être évoqué devant un tableau de tumeur bénigne de l’œsophage, et qui se manifeste par une dysphagie d’aggravation progressive. L’intérêt du diagnostic histologique préopératoire est de pouvoir réaliser d’emblée l’exérèse la plus large possible, par voie endoscopique ou cervicale externe. En raison du fort potentiel de récidive locale, une surveillance clinique, endoscopique et radiologique est indispensable. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Annexe 1. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire (Annexe 1 : Extraction de la tumeur pédiculée sur l’hypopharynx gauche par la cavité orale par oesogastroscopie) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2017.07.001. Références [1] Golledge J, Fisher C, Rhys-Evans PH. Head and neck liposarcoma. Cancer 1995;76:1051–8. [2] Corvino A, Riva G, Sensini M, et al. Liposarcomas of the hypopharynx: a systematic review of the literature. J Health Soc Sci 2016;1:57–66. [3] Frey-Schlottmann ML, Stiens R. Liposarkom im Hypopharynxbereich. Arch Otorhinolaryngol 1979;223:419–22. [4] Gritli S, Khamassi K, Lachkhem A, et al. Head and neck liposarcomas: a 32 years experience. Auris Nasus Larynx 2010;37:347–51. [5] Nouri H, Hassani R, Aderdour L, et al. Liposarcome bien différencié de l’hypopharynx. Ann Fr Otorhinolaryngol Pathol Cervicofac 2011;128:162–4. [6] World Health Organization, International Agency for Research on Cancer. WHO classification of tumors of soft tissue and bone. 4th edition 5, Lyon: IARC Press; 2006. [7] Bergmark R, Jung D, Vakharia K, et al. Pathology quiz case 1. Liposarcoma of the hypopharynx. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2012;138:313–5. [8] Takiguchi G, Nakamura T, Otowa Y, et al. Successful resection of giant esophageal liposarcoma by endoscopic submucosal dissection combined with surgical retrieval: a case report and literature review. Surg Case Rep 2016;2:90. [9] Luna-Ortiz K, Campos-Ramos E, Carmona-Luna T, et al. Laser resection of liposarcoma of the hypopharynx. Med Oral Patol Oral Cirugia Bucal 2009;14:E252–6. [10] McCulloch TM, Makielski KH, McNutt MA. Head and neck liposarcoma. A histopathologic reevaluation of reported cases. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1992;118:1045–9.