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ARTICLE IN PRESS La Revue de médecine interne xxx (2017) xxx–xxx
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Littérature commentée
Littérature commentée octobre 2017
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Algorithme simplifié dans la suspicion d’embolie pulmonaire, étude de cohorte prospective multicentrique : étude YEARS van der Hulle T, Cheung WY, Kooij S, Beenen LFM, van Bemmel T, van Es J, et al., YEARS study group. Simplified diagnostic management of suspected pulmonary embolism (the YEARS study): a prospective, multicentre, cohort study. Lancet 2017;390:289–297
Introduction L’utilisation des algorithmes décisionnels dans la maladie thromboembolique veineuse a permis d’éviter le recours à certaines imageries complémentaires dans 20 à 30 % des cas. Toutefois, l’adhésion à ces algorithmes est imparfaite. L’objectif principal de cette étude est de valider une règle décisionnelle simplifiée associant des items cliniques issus du score de Wells et un dosage concomitant des D-dimères avec des seuils adaptés. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude prospective multicentrique hollandaise menée d’octobre 2013 à juillet 2015. La règle simplifiée « YEARS » prenait en compte 3 items du score de Wells à savoir la présence d’un signe clinique de thrombose veineuse profonde (TVP), une hémoptysie, l’absence d’un autre diagnostic plus plausible que celui d’embolie pulmonaire (EP) et y associait une mesure des D-dimères avec un seuil positif à 500 ng/mL si au moins un critère clinique sur 3 était présent ou bien un seuil à 1000 ng/mL si aucun critère n’était présent pour décider d’éliminer, le diagnostic d’EP sans recourir à l’angioscanner pulmonaire. Le critère de jugement principal était le nombre d’événements thromboemboliques veineux (ETEV) diagnostiqué dans les 3 mois suivant l’exclusion initiale du diagnostic d’EP et le critère de jugement secondaire était le nombre d’angioscanner pulmonaire requis en appliquant la règle « YEARS » comparativement à celui requis selon l’algorithme basé sur le score de Wells. Résultats Parmi les 3616 patients consécutifs inclus, 151 ont été exclus de l’étude. À l’inclusion, le diagnostic d’EP a été porté chez 456 patients (13 %) de la cohorte restante. Après 3 mois de suivi, 18 patients (0,61 % ; IC95 % ; 0,36–0,96) ont eu un diagnostic d’EP dont 6 épisodes mortels. En appliquant la
règle « YEARS », une réduction de 14 % (IC95 % ; 12–16) des angioscanners était obtenue avec respectivement 48 % et 34 % d’examens non requis dans le groupe « YEARS » et dans le groupe algorithme « bas » sur le score de Wells. En appliquant au score de Wells, l’utilisation des D-dimères ajustés à l’âge (seuil = 10 × âge), la différence était toujours présente, mais moindre (8,7 % d’angioscanner requis en moins selon la règle « YEARS ». Conclusions L’algorithme décisionnel basé sur la règle « YEAR » semble efficace avec une excellente sécurité d’utilisation. De plus, elle offre la possibilité de réduire le nombre d’angioscanner requis de prés de14 %. Commentaires Bien que non randomisée, cette étude permet de simplifier les différents algorithmes validés utilisés actuellement. La population d’étude est comme souvent dans les essais cliniques plus jeunes que celles observées en « vraie vie » et essentiellement ambulatoire. Néanmoins, les données présentées sont cohérentes avec celles d’études antérieures. Tout comme la plupart des règles actuelles, des populations cibles comme les femmes enceintes ou les patients cancéreux ne peuvent pas bénéficier à ce jour de cette nouvelle règle. La principale limite de l’étude est le caractère subjectif du critère « existence d’un autre diagnostic aussi plausible que celui d’EP » qui associé d’emblée à un dosage des Ddimères dont le seuil à 1000 ng/mL est d’ailleurs discutable, risque de faire évoquer des suspicions d’EP de fac¸on accrue. Ygal Benhamou 䊏
Validation de la règle HERDOO2 pour guider la durée du traitement chez les femmes atteintes de thrombose veineuse non provoquée : étude de cohorte prospective multicentrique internationale Rodger MA, Le Gal G, Anderson DR, Schmidt J, Pernod G, Kahn SR, et al., for the REVERSE II Study Investigators. Validating the HERDOO2 rule to guide treatment duration for women with unprovoked venous thrombosis: multinational prospective cohort management study. BMJ 2017;356:j1065.
http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2017.08.005 0248-8663/
REVMED-5411; No. of Pages 3
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ARTICLE IN PRESS Littérature commentée / La Revue de médecine interne xxx (2017) xxx–xxx
Introduction La durée de traitement anticoagulant lors d’un premier événement thromboembolique veineux (ETEV) non provoquée semble devoir être prolongée surtout s’il s’agit d’une embolie pulmonaire (EP). En effet, le risque de récidive est de l’ordre de 9 % par an les premières années et proche de 30 % à cinq ans. De nombreux scores de prédiction du risque de récidive ont été développés, mais aucun d’entre eux jusqu’à récemment n’avait eu de validation externe. L’étude REVERSE en 2008 avait établi une règle « HERDOO2 » qui consistait à prolonger le traitement anticoagulant après un premier ETEV non provoqué chez tous les hommes et chez les femmes avec deux items parmi les suivants : hyperpigmentation, œdème, rougeur de la jambe, un âge supérieur à 65 ans, une obésité avec un IMC supérieur 30 kg/m2 et des D-dimères sous traitement supérieurs à 250 g/L. L’étude REVERSE 2 a pour but de valider prospectivement cette règle de gestion du traitement anticoagulant avec pour objectif principal de définir un groupe de patients à faible risque de récidive chez qui l’interruption de traitement serait bénéfique. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude prospective multicentrique interventionnelle menée au sein de 44 centres dans sept pays. Tous les patients avec un premier ETEV non provoqué (thrombose veineuse profonde [TVP] proximale ou EP) recevant 5 à 7 mois de traitement anticoagulant étaient éligibles. Les femmes avec moins de 2 critères HERDOO2 étaient considérées à faible risque et bénéficiaient de l’arrêt du traitement (bras intervention). À l’inverse, chez les hommes ou les femmes avec au moins 2 critères HERDOO2 ou plus, le traitement anticoagulant pouvait être prolongé à la discrétion du praticien (bras observationnel). Le critère de jugement principal était la survenue d’une récidive d’un ETEV symptomatique dans l’année suivant l’inclusion du patient. Résultats Entre novembre 2008 et février 2015, 3155 patients consécutifs étaient éligibles et 2779 ont pu être inclus dans l’étude. Un total de 70 récidives d’ETEV a été colligé. Parmi les 1213 femmes, 631 étaient classées à faible risque (51,3 %) et 591 ont interrompu leur traitement avec un taux de récidive de 3 % (IC95 % : 1,8–4,8). Dans le groupe à haut risque (2148 patients), 1802 (84 %) ont poursuivi leur traitement avec un taux de récidives à 1,6 % (IC95 % : 1,1–2,3). Parmi les patients à haut risque ayant interrompu leur traitement, le taux de récidives était de 8,1 % (IC95 % : 5,2–11,9). Les événements hémorragiques majeurs étaient au nombre de 22 (1,2 % par an) pour les patients qui ont poursuivi leur traitement et de 3 (0,3 %) pour ceux qui ont interrompu leur traitement. Les analyses de sous-groupes n’ont pas montré de différences dans le groupe des femmes à faible risque, selon le lieu de prise en charge, le type de l’ETEV initial (TVP isolée, EP isolée ou TVP associée à une EP) ni selon le type d’anticoagulant utilisé. Enfin, parmi les 429 femmes non ménopausées ayant interrompu leur traitement, le risque de récidive était plus faible chez les femmes recevant un traitement œstroprogestatif que chez celles n’en recevant pas lors de l’ETEV initial (1,4 % ; IC95 % : 0,4–3,7 vs. 3,1 % ; IC95 % : 0,8–7,9). Conclusions Cette étude permet de valider de fac¸on sûre la règle HERDOO2 chez la femme à faible risque avec un risque de récidive inférieur à 3 %, à 1 an.
Commentaires Cette étude est la première à valider un score prédictif de récidive essentiellement applicable chez les femmes à faible risque soit 22 % de la cohorte, sachant même que parmi ces femmes à faible risque plus de la moitié était sous traitement œstroprogestatif lors de l’ETEV les exposant ainsi à un risque de récidive quasi nul à l’arrêt du traitement ce qui rend l’utilité du score encore plus faible (11 % de la cohorte). Les principales limites sont d’une part la durée du suivi de 1 an qui est clairement insuffisante à ce jour, la borne supérieure de l’intervalle de confiance dans le groupe à faible risque qui est de 4,8 %, soit près de 25 % de récidives à 5 ans. De plus, le taux de récidives dans le groupe à haut risque est tout simplement celui prédit par le caractère non provoqué de l’ETEV en dehors de tout score prédictif, à savoir 8 % par an. Bien qu’imparfaite, cette règle soit à ce jour la seule à être validée prospectivement, elle est issue de la plus grande étude clinique sur la MTEV non provoquée et permet d’éviter un traitement anticoagulant au long cours chez 50 % des femmes. D’autres études sont nécessaires pour affiner l’approche de l’interruption du traitement notamment chez les hommes. Ygal Benhamou 䊏
Développement et validation du score PLASMIC dans l’évaluation initiale patients adultes atteints de microangiopathies thrombotiques : une étude de cohorte Bendapudi PK, Hurwitz S, Fry A, Marques MB, Waldo SW, Li A, et al. Derivation and external validation of the PLASMIC score for rapid assessment of adults with thrombotic microangiopathies: a cohort study. Lancet Haematol 2017;4:e157–e164.
Introduction Le diagnostic de purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) repose sur la mesure de l’activité ADAMTS13 qui doit être < 10 %. Ce dosage n’est pas disponible en urgence et conduit à certaines errances diagnostiques et à un retard de la prise en charge thérapeutique spécifique. L’utilisation de scores diagnostiques prédictifs du déficit en ADAMTS13 est de ce fait indispensable. À ce jour, seul le score développé en France incluant 3 facteurs biologiques (créatininémie ≤ 200 mol/L, plaquettes ≤ 30 000/mm3 et anticorps antinucléaires présents) est validé. L’objectif principal de cette étude était de développer et de valider un nouveau score diagnostique du PTT. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude multicentrique menée aux ÉtatsUnis entre janvier 2004 et décembre 2015. Tous les patients atteints d’une microangiopathie thrombotique (MAT) sur la période d’étude ont été inclus consécutivement. Parmi eux, 214 patients ont participé à l’élaboration du score (cohorte de dérivation), 154 à sa validation interne et 152 à sa validation externe. Le critère de jugement principal était la présence d’une activité ADAMTS13 effondrée (< 10 %) permettant de confirmer le diagnostic de PTT et d’obtenir lors du développement du score une population PTT+ et une population PTT−.
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Résultats Au sein de la cohorte de dérivation, 62 patients (29 %) avaient une activité ADAMTS13 effondrée. En analyse univariée, 21 variables clinico-biologiques étaient associées à un déficit en ADAMTS13, seules 5 d’entre elles ont été retenues dans le modèle multivarié : créatininémie ≤ 1,8 mg/dL, plaquettes ≤ 29 000/mm3 , INR < 1,3, VGM < 86,5 fL, paramètres d’hémolyse comprenant soit une bilirubine libre > 2 mg/dL, des réticulocytes > 2,5 % ou une haptoglobine indétectable. À ces 5 paramètres, 2 autres items ont été incorporés, à savoir l’absence d’un cancer actif et l’absence d’une greffe de moelle ou d’une transplantation d’organe. Chaque paramètre obtenait une pondération de 1 point. Le score a permis d’identifier 3 populations : entre 0 et 4 points, 5 points et entre 6 et 7 points. Dans la cohorte de dérivation, aucun des 84 patients avec un score entre 0 et 4 n’avait de PTT, alors que 81 % des patients avec un score entre 6 et 7 avaient un PTT. Enfin, la médiane du score était de 7 (IQR : 6–7) pour le PTT alors qu’elle n’était que de 5 (IQR : 4–5) pour les SHU. Les résultats du C index pour les courbes de ROC de la cohorte de dérivation, de la validation interne et externe étaient respectivement de 0,96, (IC95 % : 0,92–0,98) 0,95 (IC95 % : 0,91–0,98) et 0,91 (IC95 % : 0,85–0,95). La phase de validation interne a confirmé ces résultats avec tout de même des résultats plus faibles pour les score 6–7 puisque seuls 62 % des patients avec un tel score avaient un PTT
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contre 82 % des patients dans la cohorte de validation externe du score. Une comparaison avec le score franc¸ais a retrouvé une supériorité du score PLASMIC avec un index C de 0,93 (IC95 % : 0,90–0,96) contre 0,88 (IC95 % : 0,83–0,91). Conclusions et commentaires Le score PLASMIC est un nouveau score disponible pour le diagnostic présomptif du PTT. Son utilisation semble être simple puisque tous les items requis sont accessibles dès la prise en charge initiale du patient. Toutefois, l’utilisation d’un paramètre composite d’hémolyse prenant en compte plusieurs variables biologiques est assez inhabituelle tout comme l’ajout de 2 items supplémentaires non validés par le modèle de régression logistique. Enfin, l’apport de ce score comparativement au score franc¸ais est faible bien que significatif statistiquement. En effet, les performances du score franc¸ais plus simple d’utilisation permettent en présence d’un critère et de 3 critères de poser le diagnostic respectivement dans 85 % et 98,7 % des cas. Inversement, en l’absence de ces items, la valeur prédictive négative du score était de 93 %. Ainsi, le score PLASMIC qui reprend une partie des items du score franc¸ais avec le même ordre de grandeur concernant l’atteinte rénale et la thrombopénie semble être une alternative possible, mais sa valeur ajoutée paraît faible. Ygal Benhamou