À LIRE, VOIR, ÉCOUTER
Kierkegaard et autour
Intéressant.
A. Clair
L
a médecine et la question du sujet. Enjeux éthiques et économiques F. Dubos Les Belles Lettres. Collection « Médecine & Sciences humaines », 2005. ISBN 2-251-43012-1 (17 €, 278 p.)
Il s’agit, ici, de la réflexion d’un médecin, enseignant, sur la recherche d’une pratique médicale de qualité en lien avec la mise en place d’un productivisme au sein des hôpitaux. Rompu à la réflexion éthique ainsi qu’à la pratique médicale en centre hospitalier universitaire, l’auteur va mener sa réflexion sans jamais oublier que la médecine, comme la science, n’a comme légitimité que le service rendu à l’homme auquel elle prétend rendre service. L’ouvrage débute par un apport concis et brillant sur la constitution de la médecine scientifique. Au cours de ces chapitres le concept de biomédecine, tel qu’entendu par l’auteur, se dessine. Tout en nous définissant les contours de cette « biomédecine », l’auteur nous amène à mesurer les questions éthiques auxquelles cette médecine nous confronte. Toute scientifique qu’elle est, jamais elle ne délaisse son souci de l’humain. Certes, elle pêche parfois par orgueil, parfois par ignorance, parfois par négligence, ou d’autres raisons encore. Elle ne peut cependant prétendre être efficacement au service de l’humain, si elle ne se repense pas pour ne jamais oublier le sujet essentiel de ses préoccupations, le sujet malade. La seconde partie de l’ouvrage essaie de répondre à certaines interrogations posées par la notion de biomédecine, la nécessité de mener une réflexion économique sur sa pratique comme sur son intérêt. La question du sujet s’y voit traité, au-delà du seul regard du clinicien somaticien, en permettant à la psychanalyse de donner son avis sur cette difficile question. Un ouvrage intéressant qui retiendra sûrement l’attention de nombre d’entre nous.
Med Pal 2006; 5: 170-174
Cerf, 2005. ISBN 2.204.08010.1 (16 €, 139 p.)
Recueil de cinq études indépendantes ayant comme axe principal celui de la philosophie de l’existence dans sa dimension éthique. Selon l’auteur, la philosophie de l’existence se caractérise beaucoup moins par un savoir que par un mouvement de reprise réflexive. Il ajoute que c’est un trait typique de la philosophie de l’existence de toujours repousser les limites du pensable et d’explorer des territoires nouveaux. La première étude s’intitule « Méditer et exister ». La question est qu’est-ce qui distingue et qu’est-ce qui peut réunir ces deux actes ? Suivant une pensée cartésienne (réflexive), méditer et exister peuvent être considérés comme des actes identiques puisque c’est au point ultime de reprise réflexive de soi (méditation) qu’est découvert ou reconnu l’acte d’exister. Exister requiert la prise de conscience de soi comme être au principe de tous actes. L’acte d’exister est inclus dans l’acte de méditer. Méditer ne serait pas se replier sur soi. Exister serait être-au-monde, êtredans-le-monde. Un livre passionnant à découvrir.
Littérature
The dark side of the moon D. Sigaud Actes Sud, 2005. ISBN 2-7427-5137-8 (75 €, 220 p.)
Contrairement aux apparences du titre, ce roman est francophone. L’héroïne, journaliste, vit au bord de la mer. Elle se met en danger plus par ignorance ou par ambition que par calcul. Elle se lance dans une enquête journalistique qui va l’amener dans un monde violent, la confrontée à l’insoutenable. Elle s’acharne cependant à noter tout ce qu’elle voit, entend, remarque, etc. Elle se dit que plus tard, elle pourra rédiger un article parfaitement documenté. Elle n’aura pas le temps de
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prendre la mesure de son erreur. Elle aura si peur, etc. L’arrogance, l’orgueil, la sensation de toute puissance qui permet de tout maîtriser emplissent ce roman écrit d’une plume particulièrement agréable à parcourir. À découvrir.
Les souffleurs C. Ladjali Actes Sud, 2005. ISBN 2-7427-5142-4 (15,80 €, 159 p.)
Un palais vénitien, un aristocrate déliquescent, un majordome caricatural, un bonnet de bain, des jumeaux incestueux, deux têtes sans troncs ni membres, voilà ce qui peuple ce roman. L’intrigue ne peut que couper le souffle tant elle est menée avec une sensibilité, une poésie que n’égale que la passion du théâtre qui transparaît à chaque page. Pour un premier roman, il s’agit d’une réussite. On lit rarement d’aussi beaux textes. À découvrir absolument.
Professeurs de désespoir N. Huston Actes Sud, 2005. ISBN 2-7427-5190-4 (23 €, 381 p.)
Un bel exemple de littérature canadienne. Une fiction où le réalisme n’est jamais loin. L’auteur s’attaque à notre ambiguïté à vouloir défendre la solidarité et la générosité en ne renonçant nullement à consommer jusque dans la culture. Un regard sur l’humain de ce siècle sans concession. Une écriture efficace. À découvrir.
La méthode Mila L. Salvayre Seuil, Collection « fiction & Cie », 2005. ISBN 2-02-061157-0 (18 €, 222 p.)
« À quoi sert le discours de la méthode devant la tristesse qu’éveille la mort annoncée d’un parent ? Que valent les pensées les plus distinguées, les spéculations les plus audacieuses, si elles demeurent éloignées de la vie ordinaire des hommes ? » Le propos pourrait tendre à faire penser qu’il existe une opposition voire une incompatibilité entre le penser philosophique
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