Rev M6d Interne 2003 ; 24 Suppl 2 : 250-252 © 2003 t~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier sas. Tous droits r6serv6s
Mais oh done est-elle eaeh6e ? J. Pouchot a, A. Grasland a, E Paycha b, R
Vinceneux a
Service de m6decine interne~, service de mddecine nucl6aire ~, hOpital Louis-Mourier, 178, rue des RenouiUers, 92700 Colombes, France
LES FAITS CLINIQUES
I1 est pratiqu6 une radiographie de bassin (Fig. 1, 2) puis une scintigraphie osseuse (Fig. 3). Les radiographies du rachis lombaire et dorsal, des 6paules et du gril costal et du thorax sont normales. Les examens biologiques montrent : leucocytes 7 500/ mm 3, h6moglobine 16g/dL, VGM 91 g3, plaquettes 163 000/ram 3 ; VS 5 ram/1 h et CRP 1,6 mg/L ; cr6atinin6mie 100 gmol/L, calc6mie 2,27 mmol/L ; ASAT 16 UI/L (< 37), ALAT 21 UI/L (< 40), ~GT 28 UI/L (< 75) et phosphatases alcalines 310 UI/L (98-280) ; cholest6rol 5,5 mmol/L (4,6-6,5), triglyc6rides 1,6 mmol/L (0,5-2,0) ; 61ectrophor6se des protides : protides totaux 72 g/L, albumine 48,9 g/L, a l 1,3 g/L, a2 6,3 g/L, ~37,4 g/L, ?8,1 g/L ; glycdmie 5,2 mmol/L et ionogramme sanguin normal; CPK 78 UI/L (< 200) ; taux de prothrombine 84 % et TCA non allong6.
Un homme de 33 ans, portugais, consulte pour des douleurs diffuses, pr6dominant ~ la cuisse droite. Dix-huit mois auparavant, se sont install6es sans facteur d6clenchant des douleurs costales et dorsales, initialement bien contr616es par un traitement antalgique et anti-inflammatoire, mais r6cidivant ~ plusieurs reprises. I1 y a six mois, monsieur G. a prdsent6 un 6pisode douloureux plus violent de l'6paule gauche, ~ nouveau r6gressif sous traitement, et depuis quatre mois il existe une douleur persistante de la r6gion inguinale droite, irradiant ~ la face ant6rieure de la cuisse, et s'accompagnant d'une gane importante 5 la marche. Les douleurs sont d'horaire m6canique. L'6tat g6ndral est conserv6 en dehors d'une perte de poids de 2 kg depuis le d6but des sympt6mes. I1 n'y a pas d'autres manifestations fonctionnelles. Ce patient n'a aucun arlt6c6dent m6dicochirurgical notable et ne re~oit aucun traitement en dehors des antalgiques et des AINS prescrits pour ses douleurs. I1 ne fume pas et consomme 1 ~ 2 canettes de bi~res par jour. I1 n'a aucun ant6c6dent familial notable. Ce patient est mari6 e t a un enfant en bonne sant6. I1 s'agit d'un patient ancien sportif (football) et qui exerce la profession de ma~on. On note une boiterie fi la marche et une douleur ~ l'appui du c6t6 droit. La mobilit6 de la coxof6morale droite est normale mais il existe un syndrome clinostatique franc. La palpation costale r6veille des douleurs. Le reste de l'examen clinique est normal.
L'anciennet6 de la symptomatologie douloureuse, son caract~re m6canique, joints ~ l'absence d'altdration de l'6tat g6n6ral et d'anomalie viscdrale ~ l'examen clinique sont des 616ments rassurants. L'absence de syndrome inflammatoire biologique va 6galement dans ce sens. La radiographie de bassin montre une anomalie 6vidente qui correspond 5 une ossification de la r6gion d'insertion du tendon du droit ant6rieur sur le toit du cotyle (en rapport avec la pratique du football), et qui peut rendre compte des douleurs de hanche. I1 reste toutefois ~ expliquer les sympt6mes douloureux dif-
Fig. 1.
Fig. 2.
DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE
Poster
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Fig. 3.
fus et intermittents prtsents par ailleurs. La scintigraphie osseuse montre de tr~s nombreux foyers d'hyperfixation. Si ces hyperfixations ne sont pas sptcifiques, certaines, de par leur localisation, sont tr~s 6vocatrices d'osttomalacie (bord interne du col ftmoral et bord externe de l'omoplate). La lecture soigneuse de la radiographie de bassin montre au bord interne du col fdmoral une image de dtmintralisation lintaire pouvant correspondre 5 une stile de Looser Milk-
de l'estomac et de la rtgion intercondylienne d'un genou. Une IRM du genou confirme la prtsence d'une 16sion tumorale de la rdgion intercondylienne du genou droit. Un geste chirurgical est envisag6. Un traitement par dipyridamole (Persantine ®) est inefficace et l'hypophosphattmie est en partie contr61de par l'association de phosphore (450 gouttes de Phosphoneuros®/j) et de 1 alpha-choltcalciftrol (Un alfa®) 6 gg/j.
mall.
Le diagnostic d'osttomalacie 6voqu6 sur ces 616ments est par ailleurs confort6 par la prdsence d'un taux 61ev6 de phosphatases alcalines. La prtsence en revanche d'une calctmie totale normale, et l'absence de cause 6vidente carentielle (exposition solaire normale, absence de troubles digestifs et de signe biologique de malabsorption) am~nent 6voquer une cause rare d'ostdomalacie avec calctmie normale. La dtcouverte d'une phosphattmie effondrte ~t 0,51 mmol/L (0,9-1,5) permet d' orienter le diagnostic. La possibilit6 d'une tubulopathie avec fuite urinaire de phosphate responsable de l'osttomalacie est alors envisagte et confirmte par l'exploration du mEtabolisme phosphocalcique qui montre une phosphattmie 7tjeun trbs basse, associde a un seuil rdnal du phosphate anormalement diminut, en 1' absence d'anomalie de synth~se ou de stcrttion d'hormone parathyroi'dienne. I1 n'y a pas d'autre anomalie tubulaire. Le dosage du 25(OH)D 3 est normal et celui du 1,25(OH)2D 3 est bas. La recherche d'une tumeur reste infructueuse ~t ce jour malgr6 les examens morphologiques (scintigraphie 5 l'octrtotide, IRM corps entier). Une scintigraphie au glucose marqu6 effectude rtcemment montre une hyperfixation
DISCUSSION L'osttomalacie d'origine tumorale est une affection rare due ~t une fuite urinaire de phosphore. Elle est curable par l'exdr~se complete de la 16sion responsable [1]. Les manifestations cliniques, radiologiques et histomorphomttriques de l'osttomalacie oncogtnique sont asptcifiques et proches de celles de l'ostdomalacie carentielle. Au plan biologique, ce syndrome est caracttris6 par une hypophosphattmie franche avec hyperphosphaturie, une diminution de la rtabsorption tubulaire du phosphore, une augmentation des phosphatases alcalines, et un taux de 1,25(OH)2D 3 en gdntral abaisst. Le taux de 25(OH)D 3 et la calcdmie sont habituellement normaux. I1 peut exister d'autres anomalies du transport tubulaire proximal rdnal (glucose, acides amints). La tumeur en cause, frdquemment de petite taille, n'est habituellement pas connue avant la dtcouverte de l'osttomalacie. I1 s'agit le plus souvent d'une tumeur osseuse, habituellement d'origine mtsenchymateuse et btnigne (hdmangioptricytome). Mame si elle manque de sptcificitt, la scintigraphie osseuse est utile pour la dttection des
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J. Pouchot et al.
mmeurs squelettiques. R6cemment, la scintigraphie l'octr6otide a 6t6 propos6e dans l'enqu~te 6tiologique car les tumeurs en cause expriment souvent a leur surface des r6cepteurs pour la somatostatine. Le r61e d'un peptide secrdt6 par la tumeur, responsable de la fuite urinaire de phosphore et du d6ficit en 1,25(OH)2D 3, a 6t6 6voqu6 de longue date. Ce facteur appel6 ~
~a r6cemment 6t6 caract6ris6. I1 s'agit du FGF-23 (fibroblast growth factor) secr6t6 en excbs par les cellules tumorales. I1 inhibe la r6absorption r6nale du phosphore et l'hydroxylation en 1 du 25(OH)D 3 par un m6canisme non encore 6lucid6 [2]. Dans une observation, l'efficacit6 d'un traitement par l'octr6otide fait envisager la possibilit6 que la s6cr6tion de FGF-23 puisse atre modul6e par nn m6canisme de signalisation cellulaire faisant intervenir les r6cepteurs ~ la somatostatine [3].
Le traitement de l'ost6omalacie oncog6nique passe par l'identification et l'exdr~se de la mmeur causale. Parfois, en pr6op6ratoire, ou lorsque la tumeur n'est pas trouv6e ou n'est pas extirpable, on peut proposer un traitement m6dical associant phosphore et 1c~-hydroxychol6calcif6rol.
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