Revue du Rhumatisme 72 (2005) 744–749 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/
Maladies systémiques pendant la grossesse Systemic diseases during pregnancy Du Le Thi Huong *, Bertrand Wechsler Service de médecine interne (Pr Piette), groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47–83, boulevard de l’hôpital, 75651 Paris cedex 13, France Reçu le 1 février 2005 ; accepté le 21 mars 2005 Disponible sur internet le 27 juin 2005
Mots clés : Grossesse ; Lupus systémique ; Syndrome des antiphospholipides ; Vascularite ; Dermatomyosite ; Polymyosite ; Sclérodermie ; Polychondrite atrophiante ; Maladie de Still Keywords: Pregnancy; Systemic lupus erythematosus; Antiphospholipid syndrome; Vasculitis; Dermatomyositis; Polymyositis; Systemic sclerosis; Relapsing polychondritis; Still’s disease
Les maladies systémiques constituent un vaste ensemble de pathologies polymorphes dont la physiopathologie relève de mécanismes variables. L’influence de la maladie systémique sur la grossesse et vice-versa dépend de la pathologie sous-jacente et elles ont peu de traits communs hormis les conséquences de l’insuffisance rénale. Il est difficile en quelques pages de traiter l’ensemble des maladies systémiques et ne seront traitées ici que les principales.
1. Le lupus systémique L’influence des hormones au cours du lupus érythémateux systémique (LES) est clairement établie. L’amélioration des traitements et du pronostic a conduit à autoriser plus largement la grossesse, voire à proposer des techniques de procréation médicalement assistée. 1.1. Fertilité La fertilité des femmes lupiques est comparable à celle de la population générale [1] en dehors de l’insuffisance ovarienne secondaire au traitement par cyclophosphamide. Chez des femmes traitées pour stérilité, des poussées ont été signalées après induction d’ovulation alors que le LES était stabilisé ou chez des femmes ayant un terrain prédisposant. Tou* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (D. Le Thi Huong). 1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2005.03.005
tefois, le risque de poussée et de complications thrombotiques paraît moindre avec le clomiphène qu’avec les gonadotrophines et des grossesses après fécondation in vitro planifiées ont pu être menées avec succès sous réserve d’une planification de l’induction d’ovulation [2]. 1.2. Morbidité maternelle La morbidité maternelle est liée à l’intrication de plusieurs facteurs : activité de la maladie lupique, prééclampsie, anticorps antiphospholipides (aPL) et effets secondaires des thérapeutiques. La fréquence des poussées durant la grossesse et le postpartum est de l’ordre de 60 % des cas, dont 10 % de poussées sévères. Lorsque la grossesse est planifiée, une poussée s’observe encore dans un quart des cas mais elles sont généralement modestes et, lorsqu’elles sont traitées, ne semblent pas avoir d’influence défavorable sur l’issue de la grossesse [3]. Il peut être difficile de différencier prééclampsie et poussée rénale, ces situations pouvant d’ailleurs coexister. L’HELLP (Hemolysis Elevated Liver enzymes, Low Platelets) syndrome, version hépatique de la prééclampsie, peut être amélioré par la corticothérapie [4]. En pratique, l’association à des manifestations lupiques extrarénales, les modifications du taux des anticorps anti-ADN et du complément sont de bons éléments distinctifs, le complément augmentant physiologiquement au cours de la grossesse. Lorsque le LES est en rémission, la grossesse n’altère pas la fonction rénale. En revanche, en cas d’antécédent de néphropathie lupique, le
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risque d’hypertension est majoré. Des grossesses ont été menées à terme en hémodialyse et après transplantation rénale. La nécessité d’un traitement antihypertenseur et l’élévation de la diastolique au cours du deuxième trimestre sont prédictives d’accouchement prématuré. Les antimalariques de synthèse ont la fausse réputation d’être abortifs. Bien que leur passage placentaire soit établi, le risque infime de malformation neurosensorielle est contrebalancé par celui, bien établi, de poussée à l’arrêt des antimalariques, ce qui a conduit la majorité des équipes à maintenir le traitement durant la grossesse. Plusieurs équipes dont la nôtre viennent de démontrer l’innocuité de la prise maternelle d’hydroxychloroquine pendant la grossesse [5,6]. La prednisone et la prednisolone ne traversent pas la barrière placentaire. L’utilisation de fortes doses de corticoïdes majore le risque infectieux et une fièvre chez une femme lupique enceinte mérite d’être prise en charge à l’égal d’une fièvre survenant chez un immunodéprimé.
2. Syndrome des antiphospholipides Les complications obstétricales définissent en partie le syndrome des antiphospholipides (SAPL) en sachant que les critères actuellement exigés sont : • une mort fœtale ; • ou une naissance prématurée (à ou avant la 34e semaine) en raison d’une prééclampsie sévère ou d’une éclampsie, ou d’une insuffisance placentaire sévère d’un nouveau-né morphologiquement normal ; • ou au moins trois avortements spontanés consécutifs inexpliqués avant dix semaines. En l’absence de traitement, le taux de grossesses menées à terme se situe aux environs de 10 %. Traitée, la grossesse aboutit dans 63 à 100 % à la naissance d’un enfant vivant [7,8]. Cependant, le traitement n’est pas codifié. Divers protocoles ont été proposés, utilisant à des degrés variables l’aspirine à dose antiagrégante, l’héparine généralement prescrite sous la forme d’une héparine de bas poids moléculaire en une ou deux injections journalières, la corticothérapie, les immunoglobulines intraveineuses et les échanges plasmatiques. Deux études contrôlées ont montré que la corticothérapie, en association à l’aspirine, bien qu’ayant une efficacité similaire à l’héparine ou l’aspirine seule, exposait à un risque plus élevé de rupture prématurée des membranes et de prééclampsie [9,10]. Elle n’a donc pas d’indication en première intention dans le SAPL primaire. Des phlébites étant survenues au cours de grossesses traitées par aspirine, voire sous héparine à dose prophylactique, l’héparinothérapie à dose thérapeutique doit être préférée en première intention en cas d’antécédents thrombotiques [8]. Deux essais ont montré la supériorité de l’association héparine plus aspirine sur l’aspirine seule. Nous pensons que l’héparine doit être uniquement suspendue pour permettre l’anesthésie péridurale de l’accouchement et réinstituée aussitôt après en raison de risque thrombotique de la grossesse et du post-partum. Les héparines de
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bas poids moléculaire offrent l’avantage par rapport à l’héparine non fractionnée d’une meilleure biodisponibilité, d’une demi-vie plus longue autorisant une seule injection quotidienne, d’un risque moins élevé de thrombopénie et peut-être d’ostéoporose. En résumé, l’aspirine seule peut être proposée en première intention en l’absence d’antécédents thrombotiques et obstétricaux. L’héparine associée à l’aspirine est proposée en première intention en cas d’antécédents thrombotiques et/ou obstétricaux sous aspirine. L’échec amène à discuter l’adjonction d’immunoglobulines intraveineuses dont l’indication est affaire de services spécialisés. La corticothérapie n’est prescrite qu’en cas de SAPL secondaire au LES ou de thrombopénie auto-immune associée.
3. Sclérodermie systémique La sclérodermie systémique (SS) survient en règle entre 30 et 50 ans et n’a pas de traitement d’efficacité prouvée. Plusieurs séries récentes ont précisé l’influence de la grossesse sur la SS et vice-versa [11–14], venant contredire les données tirées de la compilation des publications anecdotiques antérieures telles que l’hypofertilité, la fréquence des avortements spontanés, l’augmentation de la morbidité et de la mortalité maternelle. Au contraire, une étude cas-témoin italienne [15] et une étude épidémiologique suédoise [16] viennent de mettre en évidence une diminution du risque de SS chez les femmes ayant eu des enfants par rapport aux nullipares (odds ratio = 0,3, avec un intervalle de confiance : 0,1 – 0,8 dans l’étude italienne). Le risque diminuait avec le nombre de naissances. Chez les femmes ayant eu au moins un enfant, l’âge plus jeune lors de la première naissance était associé à un risque plus élevé de SS. L’association entre parité plus basse et augmentation du risque de SS peut être interprétée comme le résultat d’une fertilité diminuée par la SS avant que la maladie devienne cliniquement évidente, la présence plus fréquente de causes d’infertilité au cours de la SS ou un effet protecteur de la grossesse vis-à-vis de l’émergence d’une SS. Certaines études avaient suggéré que des modifications immunologiques lors de la grossesse et la présence de cellules fœtales chimériques dans les tissus maternels pouvaient prédisposer à une SS ultérieure par le biais d’une réaction proche de la maladie du greffon contre l’hôte. Il a été démontré depuis que ce microchimérisme s’observait également chez les sujets sains [17]. La fertilité des femmes sclérodermiques est apparue similaire aux témoins dans des séries cliniques, 4 % des femmes étant infertiles. La fertilité paraît plus élevée chez les femmes ayant une forme limitée par rapport à celles atteintes de forme diffuse [11]. La grossesse ne semble pas influencer l’évolution de la SS. Généralement, le syndrome de Raynaud s’améliore mais le reflux gastro-œsophagien s’aggrave. Sur 91 grossesses chez 59 femmes porteuses d’une SS, Steen a observé trois cas de
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crise rénale compliquant une SS diffuse [13]. La SS est restée stable durant la grossesse dans 72 % des cas dans une série brésilienne. Dans 14 %, elle s’est aggravée et dans 14 % des cas, elle s’est améliorée [11]. Le taux d’avortements, de prématurité et de décès néonatal n’est pas augmenté dans plusieurs séries par rapport aux contrôles, excepté un nombre plus élevé d’avortements chez les femmes porteuses d’une forme diffuse ancienne. Dans la série de Steen [14], 29 % des enfants sont nés prématurément mais tous ont survécu. Le risque d’hypertension gravidique et de prééclampsie ne paraît pas augmenté [14]. Toutefois, il s’agit de grossesses à haut risque qui ne doivent être menées qu’après stabilisation de la maladie dans les formes diffuses pour limiter le risque de crise rénale. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine comportent un risque d’oligoamnios et de malformations rénales, et sont en règle suspendu.
4. Vascularites systémiques Les vascularites systémiques forment un vaste ensemble d’affections polymorphes dont le dénominateur commun est une atteinte inflammatoire d’un vaisseau de type, de taille et de siège variables. Des particularités cliniques et paracliniques ont abouti à différentes classifications. Nous ne citerons que quelques vascularites pour lesquelles des séries sont disponibles. 4.1. Périartérite noueuse et micropolyangéite Initialement définie comme une angéite nécrosante segmentaire et diffuse atteignant les artérioles de moyen calibre, la périartérite noueuse (PAN) classique s’est vue scinder en deux entités après la conférence de Chapel Hill publiée en 1994 : la PAN macroscopique qui ne touche que des artérioles de moyen calibre et la micropolyangéite. Une douzaine de cas de grossesse ont été publiés au cours de la PAN macroscopique et/ou micropolyangéite. L’atteinte des artérioles rénales de moyen calibre se traduit par des microanévrysmes ou des sténoses responsables d’une hypertension artérielle, d’où la fréquence de la prééclampsie. Dans environ la moitié des cas, publiés avant 1973, le diagnostic de l’affection n’a été qu’autopsique. La quasi-totalité des observations récentes concerne des malades en rémission, dont la grossesse fut compliquée par la majoration d’une hypertension artérielle ou d’une insuffisance rénale séquellaire, ce qui a nécessité une césarienne de sauvetage dans deux cas ou une interruption de grossesse dans un cas. Un cas récent de PAN de diagnostic per-partum s’est compliqué d’avortement spontané et de décès maternel malgré la mise en route d’une corticothérapie. Le pronostic maternel et fœtal paraît donc fonction de l’activité de la PAN et de l’existence d’une atteinte rénale. Il ne semble cependant pas que la grossesse favorise une reprise évolutive de la PAN. Lorsque la maladie est en rémission, elle ne paraît influer sur la grossesse que par ses séquelles rénales.
4.2. Syndrome de Churg et Strauss Il se définit par un asthme hyperéosinophilique corticodépendant associé à des manifestations systémiques essentiellement cutanée, nerveuse périphérique, rénale et cardiaque. Parmi les huit cas publiés depuis 1961 [18–25], deux se sont compliqués de décès maternel. Le syndrome de Churg et Strauss avait été diagnostiqué pendant la grossesse et comportait une atteinte cardiaque. Un cas de grossesse gémellaire avec diagnostic per-partum, marqué par une atteinte rénale, a été traité par corticoïdes et cyclophosphamide en bolus après l’échec de l’azathioprine. Il a évolué favorablement malgré un accouchement prématuré. Les cinq cas restants concernaient des malades en rémission, dont l’issue a été favorable en dehors d’une interruption de grossesse. Deux rechutes modérées ont été résolutives avec la majoration du traitement. Le pronostic maternel et fœtal paraît donc essentiellement fonction de l’activité de la maladie au début de la grossesse, et notamment de l’existence d’une atteinte viscérale grave. 4.3. Granulomatose de Wegener Vingt-sept grossesses ont été rapportées chez 21 patientes atteintes de granulomatose de Wegener depuis 1970 : • sept au cours desquelles le diagnostic de granulomatose de Wegener a été fait ; • cinq ayant été diagnostiquées en post-partum ; • et 16 alors que la vascularite était déjà connue [26]. Les poussées survenant au cours de la grossesse posent le problème du traitement immunosuppresseur : le cyclophosphamide est clairement le plus efficace mais est tératogène, contrairement à l’azathioprine. Deux patientes sont décédées, l’une chez qui la maladie venait d’être découverte, l’autre au cours d’une poussée. Une grossesse a pu être menée à bien sous corticoïdes et immunoglobulines à fortes doses chez une femme dont la granulomatose de Wegener avait été découverte pendant le premier trimestre. Une interruption thérapeutique de grossesse a été réalisée dans deux cas de poussée et un cas mal contrôlé par la corticothérapie et le cyclophosphamide. Il est possible que la grossesse réactive la maladie car cinq femmes sur 11 dont la vascularite était connue ont rechuté. Le cotrimoxazole, dont l’activité dans la prévention des récidives de la granulomatose de Wegener est démontrée, ne peut pas être administré en période gravidique. 4.4. Artérite de Takayasu La fertilité de ces femmes atteintes d’artérite de Takayasu est normale. La grossesse ne paraît pas influencer la maladie [27–30]. La corticothérapie, donnée généralement à faibles doses, doit être poursuivie et l’emploi des immunosuppresseurs est inhabituel. Wong [29] signale deux décès mais le rapport avec la grossesse ne paraît pas évident. Ishikawa [27] observe que sont à redouter l’ischémie cérébrale au premier
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trimestre et les complications cardiovasculaires dans la période périnatale. Wong [29] et Sharma [30] ont souligné la fréquence de la prééclampsie, de la décompensation cardiaque et de l’insuffisance rénale. La sévérité et la fréquence de l’hypertension artérielle favorisée par l’aortite abdominale et/ou rénale expliquent la fréquence de l’hypotrophie fœtale (près d’un tiers des enfants nés vivants), le retard de croissance et la mortalité in utero. La pression artérielle est difficile à apprécier lorsque les artères à destinée brachiale sont atteintes. La prise de pression peut alors se faire aux membres inférieurs, sauf pendant le travail où une méthode plus agressive peut être nécessaire. Le pronostic fœtal semble dépendre de l’existence d’une atteinte de l’aorte, des artères rénales ou hypogastriques, de l’évolution de la pression artérielle au cours du dernier trimestre, de la survenue d’une prééclampsie et du délai thérapeutique. Du fait de l’hypotrophie et de la fragilité fœtale, il est conseillé de déclencher l’accouchement. L’anesthésie péridurale, qui peut favoriser l’hypotension, doit être pratiquée avec prudence. 4.5. Maladie de Behçet Il ne semble pas y avoir d’effet délétère de la maladie de Behçet sur la grossesse. Seules les atteintes vasculaires pourraient influencer la croissance fœtale [31–35]. La grossesse peut amener à modifier le traitement puisque le thalidomide, tératogène, est formellement contre-indiqué. La colchicine doit être maintenue car ses risques paraissent plus théoriques que réels, comme l’ont montré les données des grossesses au cours de la maladie périodique. Nous ne proposons plus d’amniocentèse systématique même si la colchicine a été utilisée en période préconceptionnelle. L’évolution de la maladie de Behçet pendant la grossesse est variable : Hamza [31] ne signale pas d’influence particulière de la grossesse sur la maladie de Behçet, Bang [32] note une poussée dans 2/3 des cas, essentiellement cutanéomuqueuse, plus rarement articulaire ou oculaire, et une amélioration dans un tiers des cas, Uzun [35] une rémission dans 52 % des cas et une poussée dans 27 % des cas. Les poussées d’aphtose buccale seraient plus fréquentes pendant la grossesse [35]. Nous avons observé une thrombophlébite cérébrale chez une femme ayant un antécédent de phlébite surale [33]. Néanmoins, dans notre expérience portant sur 45 cas, nous conseillons le maintien du traitement pendant la grossesse en dehors des immunosuppresseurs, une prévention antithrombotique par l’aspirine en l’absence d’antécédents thrombotiques, ou par l’héparine à doses curatives dans le cas contraire. Quatre cas de transmission néonatale de maladie de Behçet ont été décrits, à type de lésions cutanéomuqueuses diffuses régressant en cinq à huit semaines en laissant une cicatrice rétractile [34].
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été publiés auxquels s’ajoute notre série [36]. Dans notre expérience portant sur 25 cas, les grossesses ont abouti à 18 naissances vivantes (quatre prématurées), trois grossesses extrautérines, trois avortements spontanés et un avortement thérapeutique en raison d’un traitement par cyclophosphamide. Une poussée a été observée au cours de sept grossesses dont deux ont nécessité une inflation thérapeutique. Aucun cas de polychondrite néonatale n’a été noté. L’évolution de la polychondrite ne paraît donc pas être influencée par la grossesse et vice-versa. 6. Dermatomyosite et polymyosite La littérature est encore pauvre concernant la grossesse au cours des dermato et polymyosites (DPM) puisque le nombre d’observations publiées ne dépasse pas la quarantaine, la série la plus importante rassemblant dix grossesses. Cela s’explique probablement par la rareté de ces affections et leur plus grande fréquence après 40 ans. Les données disponibles demeurent donc sujettes à caution. Il semble que la grossesse puisse aggraver les DPM, voire favoriser leur émergence. Gutierrez signalait notamment que parmi dix grossesses, quatre avaient coïncidé avec l’apparition de la maladie et trois avec l’exacerbation d’une maladie quiescente. L’apparition d’une DPM au cours de la grossesse peut être à l’origine d’une détresse fœtale ou d’un avortement [37–40]. Plusieurs cas soulignent également l’amélioration ou au moins un meilleur contrôle de la maladie après l’accouchement. Un décès maternel a été décrit et rattaché aux complications d’une hypertension et à l’évolutivité de la maladie. 7. Maladie de Still Peu de données sont disponibles : un article à propos de trois cas a revu la littérature [41]. Vingt-deux grossesses sont survenues chez 17 femmes après le diagnostic de maladie de Still. Au moins une poussée a été observée au cours de 19 grossesses, dont 12 au cours du deuxième trimestre et 11 en post-partum ou post-abortum. Sept grossesses ont été marquées par des rechutes répétées. Ces poussées se sont manifestées essentiellement par une symptomatologie fébrile et/ou articulaire et/ou cutanée. Une interruption de grossesse n’a pas été suivie de rémission. Le traitement a dû faire appel à la corticothérapie dans 11 cas. L’évolution des 21 grossesses pour lesquelles les données sont disponibles a été la suivante : naissance vivante à terme (n = 12), avortement (n = 3), retard de croissance intra-utérin et/ou prématurité (n = 5), mort néonatale (n = 1). Les complications maternelles ont été peu fréquentes, consistant en un diabète gestationnel et une prééclampsie.
5. Polychondrite atrophiante
8. Conclusion
Compte-tenu de sa rareté, les données sont pauvres concernant la polychondrite atrophiante pour laquelle quatre cas ont
Les maladies systémiques correspondent à des situations hétérogènes et complexes qui justifient le recours à l’expé-
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rience de centres spécialisés, la première étape de la prise en charge devant être une consultation préconceptionnelle visant à identifier les contre-indications (activité de la maladie, insuffisance rénale importante, hypertension artérielle pulmonaire), estimer au mieux le risque individuel, le passé obstétrical notamment pour le syndrome des antiphospholipides et les facteurs de mauvais pronostic, mettre en route une surveillance multidisciplinaire, instaurer ou remplacer d’éventuels traitements, informer du déroulement de la grossesse et des éléments d’alarme. Le méthotrexate du fait de son risque embryonnaire doit être arrêté plusieurs mois avant la conception, le cyclophosphamide est également contre-indiqué. L’azathioprine peut être poursuivi au cours de la grossesse mais sa nécessité suggère un contrôle plus difficile de la maladie, ce qui peut constituer une contre-indication à la grossesse. Au plan thérapeutique, nous proposons le maintien voire une augmentation modérée de la corticothérapie et le maintien de l’hydroxychloroquine à la même dose, associée à de l’aspirine à doses antiagrégantes tant pour la prévention primaire d’anticorps antiphospholipides que pour diminuer le risque éclamptique. L’héparinothérapie de bas poids moléculaire est prescrite à dose préventive en cas d’échec de l’aspirine au cours du SAPL ou en cas de syndrome néphrotique, à dose curative en cas d’antécédents thrombotiques au cours du SAPL. Le traitement antihypertenseur doit éventuellement être modifié (contre-indication des inhibiteurs de l’enzyme de conversion notamment). Nous proposons une surveillance au moins mensuelle par l’interniste et par l’obstétricien. Le dépistage d’une poussée lupique doit conduire à l’adaptation des doses de corticoïdes ; elles sont en règle facilement contrôlées et ne justifient pas l’avortement thérapeutique. Lorsqu’il paraît impossible de différencier une poussée rénale d’une prééclampsie, le traitement doit être mené sur plusieurs fronts : augmentation de la corticothérapie, repos, adaptation du traitement antihypertenseur, voire discussion d’une extraction en fonction du terme.
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