Marqueurs biologiques des fièvres prolongées inexpliquées

Marqueurs biologiques des fièvres prolongées inexpliquées

pratique |diagnostic étiologique Marqueurs biologiques des fièvres prolongées inexpliquées Le panorama étiologique des fièvres prolongées inexpliquée...

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pratique |diagnostic étiologique

Marqueurs biologiques des fièvres prolongées inexpliquées Le panorama étiologique des fièvres prolongées inexpliquées est large ; les progrès de la microbiologie ont contribué à améliorer le diagnostic de celles d’étiologie infectieuse. Ainsi, plusieurs marqueurs peuvent aider à distinguer inflammation d’infection. L’analyse génétique permet le diagnostic de fièvres d’origine génétique.

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ifférentes définitions des fièvres prolongées inexpliquées ont été proposées : selon Knockaert1, il s’agit d’une fièvre supérieure à 38,3 °C pendant plus de 3 semaines, sans diagnostic après 1 semaine d’hospitalisation ; d’autres auteurs considèrent les fièvres supérieures à 38,3 °C pendant plus de 3 semaines, que le patient soit hospitalisé ou non. Le panorama étiologique des fièvres prolongées est large : infections, tumeurs, maladies inflammatoires. Au cours du temps, les causes infectieuses ont diminué au profit des étiologies inflammatoires. Les fièvres sans diagnostic étiologique ont également augmenté, représentant, dans certaines séries, jusqu’à 50 % des cas. Les progrès de la microbiologie ont contribué à améliorer le diagnostic des infections et ceux de l’imagerie et de l’histologie, celui des tumeurs, notamment des proliférations lymphoïdes fébriles. Enfin, les marqueurs biologiques des maladies auto-immunes responsables de fièvre prolongée (notamment les anticorps anti-cytoplasme de polynucléaires – ANCA, même s’ils sont imparfaits) ont amélioré le diagnostic des vascularites. La biochimie courante a une place réduite, mais est couramment utilisée.

Distinguer infection et inflammation La question de distinguer l’infection de l’inflammation est essentielle en pratique clinique. En effet, la conséquence immédiate est de donner au patient une corticothérapie (maladie inflammatoire) ou pas (infection) ! • La protéine C réactive (CRP), caractérisée en 1930 comme un marqueur de l’infection à pneumocoques, augmente aussi au cours d’autres infections ainsi que dans des situations sans infection... Aujourd’hui, elle est plutôt utilisée comme protéine de l’inflammation. • La procalcitonine, précurseur de la calcitonine, a été découverte par hasard comme marqueur d’infection, initialement chez les brûlés, puis en pédiatrie, où elle est actuellement principalement utilisée. En réalité, elle ne permet pas vraiment de distinguer infection et inflammation dans les situations de fièvre prolongée. Elle est en revan-

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che un bon marqueur pronostique, notamment en réanimation (son élévation importante est péjorative). • La ferritine glycosylée se révèle un marqueur très utile au diagnostic de maladie de Still de l’adulte. Cette affection caractérisée par un grand syndrome inflammatoire avec arthralgies, une fièvre prolongée de plusieurs semaines, accompagnée, lors des poussées fébriles, d’une éruption cutanée, est associée à une ferritine généralement très élevée (jusqu’à 10 000, voire 70 000 μg/L). Récemment, l’équipe de biochimie de l’hôpital Bichat (Paris) s’est intéressée à la fraction glycosylée de la ferritine et a montré qu’un taux inférieur à 20 % était en faveur du diagnostic de maladie de Still. B. Fautrel2 a depuis proposé de nouveaux critères diagnostiques majeurs de la maladie de Still, incluant ce marqueur : fièvre hectique supérieure à 39 °C, arthralgies, ferritine glycosylée inférieure à 20 %.

Les fièvres récurrentes, intermittentes ou périodiques La définition des fièvres récurrentes varie : selon Knockaert3, il s’agit de fièvres supérieures à 38,3 °C dont l’intervalle libre entre deux poussées est supérieur à 2 semaines ; selon De Kleijn4, l’intervalle libre est supérieure à 2 jours. Mais aucun ne précise la durée de la période fébrile... Les étiologies des fièvres récurrentes sont des maladies inflammatoires dans 20 % des cas, infectieuses, dans près de 10 % des cas, tumorales dans près de 5 % des cas, d’origine diverse (18 % des cas) ou sans diagnostic dans... la moitié des cas (associées à un pronostic global bénin).

Quand évoquer une fièvre récurrente d’origine génétique ? Devant des accès fébriles récurrents avec périodes intercritiques libres, une inflammation sanguine pendant l’accès (élévation de la CRP et du taux de polynucléaires neutrophiles), débutant chez l’enfant ou l’adolescent, plus rarement chez l’adulte. Le diagnostic est favorisé s’il existe d’autres cas dans la famille. La fièvre est généra-

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lement accompagnée de douleurs abdominales, signes musculo-squelettiques et cutanés. L’archétype des fièvres récurrentes d’origine génétique est la fièvre méditerranéenne familiale (FMF). Maladie autosomique récessive, elle touche principalement les juifs sépharades, les Arméniens, les arabes, les Turcs et, dans une moindre mesure, les Kurdes, druzes, Italiens, Grecs, juifs ashkénazes. Le nombre de sujets atteints en France est estimé à environ 5 000. Au plan clinique, la maladie est une polysérite récurrente responsable de douleurs abdominales (péritonite), thoraciques (pleurésie), articulaires (synovite) et d’un pseudo-érysipèle ; les signes peuvent être spectaculaires et une des complications graves est l’amylose inflammatoire. Le diagnostic, génétique, n’est souvent fait qu’après des années, voire des dizaines d’années ! Le gène de la maladie, MEFV (MEditerranean FeVer), a été cloné en 1997. La stratégie diagnostique consiste à rechercher des mutations, initialement dans l’exon 10 ; le diagnostic est confirmé s’il existe deux mutations identiques (sujet homozygote) ou différentes (sujet hétérozygote composite) sur chaque allèle. Si une seule mutation est retrouvée, la maladie ne peut être exclue et une étude plus exhaustive du gène par criblage des exons et des jonctions exons/introns est effectuée. Le test génétique est performant, uniquement dans les populations méditerranéennes.

Autres fièvres génétiques Le syndrome de fièvre périodique associé au déficit en mévalonate kinase est caractérisé par des accès fébriles d’environ 1 semaine, des lésions focales (abdominales, articulaires, cutanées) et des adénopathies ; les IgD sont augmentées. Les vaccinations sont un facteur précipitant. Il existe deux formes de la maladie : la première est caractérisée par des poussées fébriles récurrentes depuis l’enfance, avec une mévalonaturie élevée pendant les accès ; la seconde est un déficit complet en l’enzyme : il s’agit d’une maladie pédiatrique grave, l’acidurie mévalonique, avec activité mévalonate kinase nulle et mévalonaturie élevée en permanence.

diagnostic étiologique

Conclusion La place des marqueurs biologiques est réduite dans le diagnostic des fièvres prolongées : la procalcitonine a tout de même un intérêt pour distinguer infection et inflammation, la ferritine et sa forme glycosylée pour la maladie de Still et l’analyse génétique pour le diagnostic des formes héréditaires. | CAROLE ÉMILE Biologiste CH de Montfermeil (93) [email protected]

| pratique

Source Communication de Gilles Grateau, lors des Journées Internationales de Biologie, Paris, novembre 2008. Notes 1. Knockaert DC, Vanderschueren S, Blockmans D. Fever of unknown origin in adults: 40 years on. J Intern Med. 2003 ; 253 (3) : 263-75. 2. Fautrel B, Zinc E, Golmard JL et al. Proposal for a new set of classification criteria for adult-onset Still disease. Medicine. 2002 ; 81 : 194-200. 3. Knockaert DC, Vanneste LJ, Bobbaers HJ. Recurrent or episodic fever of unknown origin. Review of 45 cases and survey of the literature. Medicine (Baltimore). 1993 ; 72 (3) :184-96. Review. 4. de Kleijn EM, van Lier HJ, van der Meer JW. Fever of unknown origin (FUO). II. Diagnostic procedures in a prospective multicenter study of 167 patients. The Netherlands FUO Study Group. Medicine (Baltimore). 1997 ; 76 (6) : 401-14.

Cas clinique - hémostase

Des hématomes spontanés révélant une hémophilie A acquise

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n homme de 74 ans se présente aux urgences avec des hématomes spontanés au niveau des fesses, des cuisses, des bras et des avant-bras. Dans ces antécédents figurent une hyperplasie bénigne de la prostate, un diabète de type 2 compliqué d’une artériopathie et d’une rétinopathie, et une hypertension artérielle. Son traitement actuel est composé de : aspirine (prévention primaire de cardiopathie ischémique), insuline, amlodipine (Amlor®), pentoxifiline (Torental®), oméprazole (Mopral®), ramipril (Triatec®), simvastatine (Zocor®), latanoprost (Xalatan®) en collyre et Tadenan®.

Les hypothèse évoquées à ce stade sont soit la présence d’un anticoagulant circulant de type anticorps anti-facteur, soit un anticoagulant circulant de type lupus, encore appelé antiphospholipide.

Dosage des facteurs de la voie endogène Les facteurs de la voie endogène sont dosés par l’automate STAR® (Diagnostica-Stago) avec le réactif APTT® (Biomérieux) et des plasmas déficitaires en facteurs VIII, IX, XI, XII (DiagnosticaStago) : – facteur VIII (plasma du malade dilué au 1/10e) : 2 % ; – facteur IX (plasma du malade dilué au 1/20e) : 5 % ; – facteur XI (plasma du malade dilué au 1/20e) : 1 % ;

Biologie

– facteur XII (plasma du malade dilué au 1/20e) : 3 %.

NFS – Hémoglobine : 7,7 g/dlL ; – VGM : 82 fL ; – réticulocytes : 276 x 109/L ; – globules blancs : 10,6 x 109/L (PNN 76 %) ; – plaquettes : 418 G/L.

Hémostase – TP : 79 % ; Fg : 4,50 g/L ; – TCA (APTT®, Biomérieux) : 98 sec/ T 35 sec ; – TCA (malade + témoin) : 73 sec, Rosner : 39 ; – TCA (CK Prest®, Stago) 78,6 sec /T 30 sec ; – TCA (malade + témoin) : 66 sec, Rosner : 46.

Le bilan biologique met en évidence une anémie normocytaire régénérative corrélée aux saignements extériorisés avec un allongement du TCA non corrigé par le mélange malade + témoin. Le CK Prest® (TCA mesuré à l’aide d’un réactif plus sensible aux déficits en facteurs qu’aux antiphospholipides) est également allongé et non corrigé par le mélange malade + témoin.

Lorsque le plasma du patient est dilué au 1/40e et au 1/80e, les taux de facteurs IX, XI, XII se corrigent. Le patient présente alors soit un anti-facteur VIII et un anticoagulant circulant de type lupus, soit un anti-facteur VIII très puissant qui inhibe le facteur VIII des plasmas déficitaires utilisés pour les dosages des facteurs IX, XI et XII. L’effet inhibiteur anti-facteur VIII est alors mis en évidence par le dosage du facteur VIII sur un plasma du malade décomplémenté 1 h à 56 °C et incubé 2 heures avec un plasma témoin. L’antifacteur VIII est titré à 450 unités Bethesda. La recherche d’un anticoagulant de type lupus est effectuée par un test basé sur l’activation commune de la coagulation : le DRVVT (activation du facteur X par le venin de vipère Russel). Ce test permet d’éliminer l’interférence de l’antiVIII sur la recherche d’anticoagulant circulant. Le ratio (temps du malade/temps du témoin) est de 1 pour une normale inférieure à 1,2.

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Ce patient ne présente donc pas d’anticoagulant circulant de type lupus associé, la recherche d’anticorps anticardiolipine est, par ailleurs, négative. En conclusion, ce patient présente une hémophilie A acquise, retentissant in vitro sur le dosage de tous les autres facteurs de la voie endogène. Le bilan étiologique est négatif ainsi que la recherche d’autres auto-anticorps.

Traitement L’aspirine est arrêtée et le traitement instauré est composé de prednisone (1mg/kg/j) et de trois doses de FVIIa (Novoseven®, 90 μg/kg) transfusées à 2 h d’intervalles. À partir du neuvième jour d’hospitalisation, le patient reçoit 4 injections de rituximab (anti-CD20), espacées d’une semaine. La résorption des hématomes est progressive et l’hémoglobine se stabilise autour de 11 g/dL. Le titrage de l’anti-VIII, dix jours après la dernière injection de rituximab est de 30 UB. La dose de corticoïdes est progressivement diminuée. Un an après cet épisode hémorragique, le patient est sous corticoïdes à 2 mg/j, le dosage du facteur VIII normal et l’anticorps anti- facteur VIII indétectable. | AURÉLIE CONTE Biologiste, Paris.

Sources Berezné A, Stieltjes N, Le-Guern V et al. Rituximab alone or in association with corticosteroids in the treatment of acquired factor VIII inhibitors : report of two cases. Transfus Med. 2006 ; 16 (3) : 209-12. Poster présenté au CFTH (Club Français des Techniciens d’Hémostase) à Nancy en 2005.

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