Méningite à Bacteroides fragilis révélatrice dune fistule rectoméningée

Méningite à Bacteroides fragilis révélatrice dune fistule rectoméningée

Arch Pldiatr 1998 ; 5: 641-3 e Elsevier, Paris Fait c1inique Meningite it Bacteroides fragilis revelatrice d'une fistule rectomeningee JP Saulnier 1...

515KB Sizes 13 Downloads 141 Views

Arch Pldiatr 1998 ; 5: 641-3 e Elsevier, Paris

Fait c1inique

Meningite it Bacteroides fragilis revelatrice d'une fistule rectomeningee JP Saulnier 1, A Nassimi 1, J Cardona 1, C Gambert 1, D Barret 2, M Berthier 1,

G Levard 3 , D Oriot 1•

1 Service de pldiatrie, 2 service de radiologie, 3 service de chirurgie pldiatrique, CHU, 350, avenue Jacques-Creur, BP 577, 86021 PoWers cedex, France

(Re\;u Ie 1'" octobre 1997 ; accepte Ie 20 janvier 1998)

Resum~ m~ningites rectom~ningoo.

Les

ABacteroides fragilis sont rares; nous rapportons une observation de

m~ningite r~v~latrice

d'une fistule

Observation. - Un nourrisson de 2,5 mois, sans antOCMents nwnatals, a presente, Ala suite d'une rectosigmoldoscopie, un syndrome infectieux grave. La ponction lombaire rev~lait une m~ningite purulente. La culture du liquide c~phalorachidien a mis en ~vidence un Bjragilis AP.lactamase. L'antibioth~rapie initiale a ~te remplacOO par I'association imi¢nem-m~tronidazole, qui est actuellement I'antibioth~rapie recommandoo. Le diagnostic de la malformation associant tumeur prerachidienne et fistule a ~t~ ~voqu~ sur I'IRM m~dullaire et confirm~ par la chirurgie. L'~volution a ~te satisfaisante apr~s I'intervention neuro• chirurgicale et au terme de l' antibioth~rapie. Conclusion. - Les m~ningites ABjragilis sont habituellement associres l un tableau infectieux dont I'origine est ~vidente. Dans notre observation, la m~ningite est inaugurale, et la chirurgie a confirm~ Ie diagnostic de fistule rectom~ningoo ~voqu~e sur I'IRM. () 1998, Elsevier, Paris.

meningite I BacteroidesjragUis I flStule rectomeningee Summary - Bacteroides jragilis meningitis revealing a meningorectal fistula, Cases ofmeningitis due to Bacteroides fragilis are rare; we report a case revealing a meningorectalfistula. Case report, - A 2-month-old infant developed a severe sepsis syndrome following a rectosigmoidoscopy for rectal bleeding. Lumbar puncture diagnosed bacterial meningitis. Cerebrospinal fluid (CSF) culture evidenced B fragilis with betalactamase. The initial antibiotherapy was changed for imipenem-metronidazole, which is at present the recommended antibiotherapy. Malformation including pre-spinal tumor and meningorectal fistula was evoked on magnetic resonance imaging (MR1) and confirmed by surgery. The outcome was favorable after surgery and antibiotherapy. Conclusion. - B fragilis meningitis are usually associated with sepsis, whose origin is obvious. In our case, meningitis was isolated, revealing a meningorectalfistula. «:)1998, Elsevier, Paris. child I meningitis I Bacteroidesjragilis I rectal fIStula

Les meningites A Bacteroides fragilis sont rares. Elles concement surtout Ie nouveau-ne, lors d'une infection intra-abdominale severe [1]. Nous rappor• tons Ie cas d'une meningite A B fragilis chez un enfant de 2,5 mois, revelatrice d'une fistule recto-

• Correspondance et tires apart: D Oriot,

m~me

adresse.

meningee. La revue de la litterature des autres meningites a B fragilis decrites permet de preciser leurs circonstances de survenue et leurs modalites therapeutiques. OBSERVATION Pierre est ne a terme, avec un poids de 3740 g, apres un accouchement eutocique. L'echographie antenatale montrait

642

JP Saulnier et aI

Tableau I, R&:apilulatif des cas publj~s de m~ningile II B fragilis de I'enfant. Annie

1963 [1] 1975 [I] 1976 [7] 1976 [7] 1976 [1] 1978 [8] 1985 [9] 1985 [10] 1987 [1] 1988 [2] Notte observation

Age

Se:u

8mois 6 semaines 8 semaines I semaine 3jours IOjours 6 ans 5mois 8 jours 12jours 2,5 mois

M M M M M F M M F F M

Facteur predisposant

Antibiothirapie

Gasttoenl~rile

CHL - SFZ - PEN GEN - SFZ - CHL AMP - GEN - CHL - alN AMP - GEN - CHL - MET CHL-alN AMP - CEN - CHL - MET PEN - CHL - CfM CHL-PEN CHL-TM-MET CFM-AMI IMI-MET

Perforation de I'inlestin gr!le Derivalion ventriculoalriale Perforation gastrique Nonconnu Enrerocolite n&:rosante Otite moyenne chronique Abc~ du sinus pilonidal Ent~rocolite n&:rosante My6Iom~ningoc~le

Fistule rectom~ningu

Evolution Gu~rison Gu~rison

sans s&luelles sans ~uelles

Dec~s

Hydroc~phalie

Hydroc~phalie Hydroc~phalie Dec~s

Gu~rison sans ~uelles Hydroc~phalie Dec~s

Gu~rison sans ~uelles

CHL: chlorampMnicol ; SFZ: sulfadiazine; PEN: p6nicilline; GEN: gentamicine; AMP: ampicilline; CLIN: clindamycine; MET: nidazole; CFM: c~fotaxime; TM: tobramycine; AMI: amikacine; IMI: irnip6nem.

une dilatation pyelocalicielle bilaterale. A 2,5 mois, il a pre• sente de discretes rectorragies; une rectosigmoidoscopie met en evidence une anite erosive, du fait d'une hypertonie sphincterienne. Quarante-buit heures plus tard, it a une fievre A40°C, Ie regard fixe, une hypotonie peripherique, une raideur racbidienne avec pleurs Ala moindre mobilisa• tion. Le bilan montre: 28 200 leucocytes/mm3 ; 8,6 g1dL d'hemoglobine; proteine C reactive A73 mg/L; fibrinogene A8,1 gIL. La ponction lombaire ramene un liquide cau de rlzlO, visqueux, avec des bacilles Gram - Al'examen direct. On note une pleiocytose A 10 100 leucocytes/mm3, dont 88 % de neutropbiles, une hyperproteinoracbie A8 gIL et une hypoglycoracbie inferieure A0,10 mmollL. Le test d'ag• glutination au latex est positif pour Haemophilus influenzae b. Dne antibiotberapie associant cefotaxime et amikacine est rapidement debutee; 48 heures plus tard, devant la presence Ala culture d'un B fragilis AJ3-lactamase, celle-ci est changee pour I'association metronidazole-imipe• nem, administree pendant 5 semaines par voie intraveioeuse. Les Mmocultures soot restees negatives ainsi que les uro• cultures. Devant l'association d'une dilatation pyelocalicielle ante• natale, d'une stenose anale, d'une hemiagenesie sacree decouverte AI'examen radiologique de l'abdomen sans pre• paration, un syndrome de Currarino [2] est evoque et confirme par l'IRM medullaire, qui objective une moelle attacMe, basse, associee Aune tumeur presacree Mterogene. Dne intervention neurochirurgicale est realisee A I'age de I mois (exerese du tissu tumoral presacre, decouverte d'une fistule rectomeningee, resequee dans Ie meme temps). L'analyse du tissu tumoral revele un kyste epidermoi'de remanie par une infection. L'evolution clinique, bacteriolo• gique et les suites chirurgicales ont ete simples; l' enfant a gueri sans sCquelles neurologiques ni hydrocephalie. Cepen• dant, les consequences fonctionnelles du syndrome malfor• matif se soot rapidement revelees par une vessie neuro• logique. 4(

m~tro­

COMMENTAIRES

a

Les m15ningites ana15robies sont exceptionnelles. L'augmentation rl5cente de leur frequence [3] pourrait etre li15e aux meilleures conditions de cultures anaero_ bies [1. 3]. Notre observation est la onzieme decrite chez I'enfant. Parmi les dix autres retrouvees, neUf ont moins de 1 an, dont huit ont moins de 3 mois

(tableau I). B jragilis est une bact15rie Gram -, anaerobie. non sporuUe, saprophyte habituel du cOlon [I, 3]. de la sphere ORL, des voies acriennes et du tractus genital feminin [3]. Dans certaines circonstances, il peut devenir pathogene: diabete, anoxie, phases postopera_ toire, post-traumatique au postantibiotherapie, deficit immunitaire congenital au medicamenteux [3]. II peut alors engendrer des infections dans les territoires dont il est I'hOte habituel: infections pleuropulmonaires. ORL (sinusites, otites), gynecologiques et puerpe_ rales, peritonites et abces intra-abdominaux [3]. Mais il peut aussi donner lieu a des infections secondaires : ost15omyelites et, plus rarement, meningites et abces cerebraux [4]. Chez Ie nouveau-ne. il s'agit d'infec_ tions matemofretales graves. apres contamination au passage de la filiere g15nitale [5]. Les meningites anaerobies sont Ie plus souvent secondaires a un abces cerebral [6]. En I'absence d' abces, eUes sont dues en majorite a l' espece Bac• teroides (50 %), particulierement a Bfragilis (40 %) [6], et surviennent a I'occasion d'une bacteriemie [3, 6], d'une perforation du tube digestif [I, 7]. d'une ent15rocolite ulceronecrosante [8]. ou d'une gastroent15rite aigue [3]. La survenue d'une menin• gite a B fragilis a aussi etc rapportee lors d'une otite chronique acutisee [9], d'un kyste du sinus pilonidal [10], ou bien apres derivation ventriculoatriale [7] ou cure de myelomeningocele [I, 3]. Notre observa_

a

643

Mtningite II Bacteroides et fistule rectom6ningte

tion ne s'inscrit dans aucun de ces cadres. La recto• sigmoidoscopie ne semble pas suffisante pour pro• voquer tt elle seule un inoculum massif, mais il est vraisemblable que ce geste a ete tt l' origine de l' ou• verture de la fistule et de I' ensemencement du liquide cephalorachidien. Dans notre cas, l'IRM meduUaire a ete determinante : en permettant Ie diag• nostic de la malformation complexe, eUe a indique l'intervention chirurgicale avec decouverte puis resection de la fistule. Les symptomes d'une meningite tt B fragilis ne sont pas speeifiques [6]. La mortalite est elev6e: 11 tt 27 % chez I'enfant et 36 % chez I'adulte [11]. Les sequelles neurologiques sont lourdes, puisque quatre enfants sur dix ont presente une hydrocephalie. Quatre ont cepen• dant gueri sans sequelles. Ce resultat est superposable tt ceux obtenus avec les autres meningites a anaero• bies de I'enfant [6]. La fausse positivite, dans notre cas, de la reaction d'agglutination au latex des antigenes polysacchari• diques est par ailleurs remarquable. Apres extraction par la chaleur des antigenes de capsule de la souche de B fragilis isoIee, on a pu noter une agglutination des particules de latex sensibilis6es a H influenzae b, alors que les autres elements testes (Neisseria menin• gitidis, Escherichia coli, latex temoin) n'agglutinaient pas [12]. De ce fait, puisque Ie nourrisson n'a pas ete vaccine contre H influenzae b et que des reactions croisees ont dejtt ete decrites entre H injluenzae b et plusieurs autres bacteries [12], on peut condure tt l'existence d'une reaction croisee entre les antigenes polysaccharidiques de capsule de B fragilis et ceux de H influenzae b. Du fait de la complexite de la capsule de B fragilis, il est probable que de nombreuses especes bacteriennes partagent des determinants anti• geniques avec elle [12]. Le traitement des meningites a B fragilis est diffi• cile car ce germe est resistant tt la phagocytose et a de nombreux antibiotiques [11]. L'utilisation du chloramphenicol tend actuellement tt se rarefier [13], du fait de sa faible concentration dans Ie liquide cephalorachidien (inferieure ala CMB) et de sa toxicite hc5matologique. Les antibiotiques ayant la meilleure activite in vitro sur B fragilis sont l'imipe• nem (CMI 50 = 0,25 mglL; 0,4 % de resistances decrites) et Ie metronidazole (CMI 50 = 0,5 mgIL; absence de resistance) [14], avec pour ce dernier, des concentrations equivalentes dans Ie liquide cephalorachidien et dans Ie plasma s'il est adminis• tre par voie veineuse (11]. L'association amoxicil• line-acide clavulanique a egalement une bonne acti• vite sur B fragilis, mais avec une concentration d'acide clavulanique insuffisante dans Ie liquide cephalorachidien. Le traitement actuel d'une menin• gite tt B fragilis repose donc sur l'association metro-

nidazole-imipenem. Les autres antibiotherapies semblent associees tt une mortalite plus importante [15].

CONCLUSION Les meningites tt B fragilis restent rares et associees tt un tableau infectieux dont l'origine juxtameningee ou intra-abdominale est evidente. L' originalite de notre observation reside dans l' existence d'une fis• tule rectomeningee, evoquee tt la lecture de I'IRM medullaire et confirmee au temps operatoire. L'evo• lution a ete satisfaisante sous l' association metroni• dazole-imipenem et apres resection neurochirurgi• cale de la fistule.

REFERENCES 1 Feder HM. Bacteroides fragilis meningitis. Rev Infect Dis 1987; 9: 783-6 2 Lagausie de P, Munck A, Hertz Pannier L, Aigrain Y. Dupont A, Bourreau M. Le syndrome de Currarino: une association ll. ne pas mtconmuUe. Arch Fr Pidiatr 1991; 48: 631-4 3 Goyo-Rivas J, Salgar NT. Poulido O. De Munoz M. Urdaneta MT, TOrTeS E. Meningitis por Bacteroidesfragi/is en nioos. Bol Med Hasp Infant Mex 1989; 46: 724-7 4 Brook I. Anaerobic infections in childhood. Rev Infect Dis 1984; 6: 187-92 5 Yohannan MD, Vijayakumaran E, Remo C, al Mofada S. Congenital pneumonia and early neonatal septicemia due to Bacteroides fragilis [letter]. Eur J Clin Microbial Infect Dis 1992; 11 : 472-3 6 Law DA. Aronoff SC. Anaerobic meningitis in children: case report and review of the literature. Pediatr Infect Dis J 1992 ; 11 : 968-71 7 Feldman WE. Bacteroides fragi/is ventriculitis and meningitis: report of two cases. Am J Dis Child 1976 ; 130 : 880-3 8 Berman BW. King FH, Rubenstein DS, Long SS. Bacteroides meningitis in a neonate successfully treated with metronidazole. J Pediatr 1978 ; 93 : 793-5 9 Odugbemi T, Jatto SA. Afolabi K. Bacteroidesfragilis meningi• tis. J Clin Microbiol 1985 ; 21 : 282-3 10 Brook I. Anaerobic meningitis in an infant associated with pilo• nidal cyst abcess. Clin Neurol Neurosurg 1985 ; 87 : 131-2 II Houvenaeghel M. de Mom S, Ottomani A, Bedos B, Lallemand J. Manelli JC et al. M~ningite a Bacteroides fragilis: deux observations. Presse Mid 1986 ; 15 : 1669-72 12 Aucher p. Saulnier JP, Grollier G. Sebald M. Fauchere JL. Meningitis due to enterotoxigenic Bacteroides fragilis. Eur J Clin MicrobiolInfect Dis 1996 ; 15 : 820-3 13 Appleman MD, Heseltine PNR. Cherubin CE. Epidemiology. antimicrobial susceptibility, pathogenicity and significance of Bacteroides fragilis group organisms isolated at Los Angeles County-University of Southern California Medical Center. Rev Infect Dis 1991 ; 13: 12-8 14 Grollier G. Mory F, Quentin C, Girard-Pipau F, Tigaud S, Sedallian A et aI. Sensibilit~ aux antibiotiques des anatrobies stricts en France: ttude multicentrique. Pathol Bioi 1994 ; 42 : 498-504 15 Breuil J. Patey 0, Prazuck T, Malkin IE, Halioua B, Dublandret A et aI. Les habitudes th~rapeutiques dans les infections a Bac• teroides fragi/is. Analyse des r~sultats d'une enqu~te multicen• trique. Mid Mal Infect 1993 ; 23 : 224-9