Arch PEdiatr 1999 ; 6 : 275-8 © Elsevier. Paris
Fait clinique
MEningoencEphalite h Mycoplasmapneumoniae G. Cambonie t., N. Sarran 2, N. Leboucq 3, F. Luc t, A.E Bongrand ~, G. Slim 1, P. Lassus ', S. Fournier-Favre t, F. Montoya t, j. Astruc 2, D. Rieu ' I Service de rdanimation ndonatale et p$diatrique, 2service de p~diatrie ggn~rale, 3service de neuroradiologie, CHU de Montpellier, 191, avenue Doyen-Gaston-Giraud, 34295 MontpeUier cedex 5, France
(Re~u le 24 avril 1998 ; accept6 le 17 juillet 1998)
REsmnE L'infection ~i Mycoplasma pneumoniae peut se compliquer de manifestations neurologiques graves, telle une mEningoencEphalite. Observation. - Un garqon de 9 arts trisomique 21 a prEsentE, au dEcours d'une infection ORL, une mEningoencEphalite se traduisant par une alteration brutale de l'Etat de conscience. L'examen tomodensitomEtrique cErEbral a rEvElE, deux semaines plus tard, un processus infiltratif dans la region des noyaux gris centraux. Le tableau pourra ~tre attribu6 ~ une infection Mycoplasma pneumoniae et l'Evolution sera progressivement favorable. Conclusion. - Mycoplasma pneumoniae doit &re systEmatiquement 6voquE en cas d'encEphalopathie aiguE ; physiopathologie et traitement de cette affection sont encore tr~s incertains. © 1999 Elsevier, Paris mycoplasraa pneumoniae I m~ningoenc~phalite
Summary - Mycoplasmapneumoniaeencephalitis. Background. - Severe central nervous system diseases, such as encephalitis, have been reported in association with Mycoplasma pneumoniae infections. Case report. - After an ENT injection, a 9-year-old boy with Down's syndrome developed encephalitis revealed by an acute alteration in consciousness. Head computed tomography showed, after 2 weeks, an infiltration in the basal ganglia region. The diagnosis ofMycoplasma pneumoniae encephalitis was made; recovery was complete in a few weeks. Conclusion.- Mycoplasma pneumoniae infection should be considered in all cases of acute encephalopathy; yet the pathogenesis of the disorder is unknown and the treatment uncertain. © 1999 Elsevier, Paris
Mycoplasmapneumoniae I encephalitis / child
L'infection ~ Mycoplasma pneumoniae p e u t se c o m p l i q u e r de m a n i f e s t a t i o n s n e u r o l o g i q u e s g r a v e s , telle une mEningoencEphalite. OBSERVATION Guillaume, 9 ans, trisomique 21, est transfErE en service de reanimation apr~s mise en route d ' u n e assistance ventilatoire p o u r trouble de la c o n s c i e n c e s ' a g g r a v a n t depuis
*Correspondance et tirgs dtpart: G. Cambonie, service de pEdiatrie II, h6pital Arnaud-de-Villeneuve, 371, avenue Doyen-G-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France.
24 heures. Ce tableau survient dans un contexte d'infection de la sphere O R L (rhinopharyngite, puis otite) Evoluant depuis deux semaines, traitEe par amoxicilline or'ale. L'examen clinique h l'admission permet de constater un coma stade 2, des pupilles symEtriques en position intermEdiaire, un syndrome pyramidal bilateral des membres infErieurs (rEflexes vifs, t r e p i d a t i o n 6pileptoYde des d e u x pieds, reflexes cutanEs plantaires en extension). L'enfant n ' a prEsentE ni fibvre ni tachycardie ; l'auscultation p u l m o n a i r e r e v i l e des rfiles crEpitants bilatEraux, l'auscultation cardiaque est normale et l'Etat hEmodynamique conservE. La radiographie du thorax objective une pneumopathie interstitielle bilatErale. L'Echocardiographie 61imine une cardiopathie congEnitale cyanogbne. L ' i o n o -
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Figure 1. Tomodensitom6trie c6r6brale initiale, coupe axiale apr6s injection de produit de contraste.
Figure 2. Tomodensitom6trie c6r6brale deux semaines plus tard, coupe axiale sans injection de produit de contrastc.
gramme sanguin et les transaminases sont normaux ; l'hEmog r a m m e m o n t r e 16 600 G B / m m 3 d o n t 97 % de p o l y nuclEaires neutrophiles, la prot6ine C reactive est h 70 mg/L. L ' e x a m e n du liquide cEphalorachidien montre une protEinorachie h 1,2 g/L et 10 ElEments b l a n c s / m m 3. L'Electroenc6phalogramme inscrit un trace de souffrance cErEbrale diffuse. Un premier examen tomodensitomEtrique cErEbral est rEalisE (figure 1) p e r m e t t a n t de dEceler une i m a g e hypodense avec rehaussement pEriphErique, situEe en paraventriculaire sous le noyau caudE droit, faisant proposer le diagnostic d'abc6s. La notion d'infection de la sphere ORL dans les semaines prEcEdentes conforte ce diagnostic ; une antibiothErapie par cEfotaxime et mEtronidazole est dEbutee. Apr6s une semaine d'Evolution, l'amElioration trbs nette de la vigilance autorise le sevrage de la ventilation m E c a n i q u e ; l ' e n f a n t rEagit de fa~on adaptEe aux ordres simples, mais il est totalement mutique. L ' e x a m e n neurologique trouve un ptosis de la paupi6re droite, une diminution de la motricitE du membre infErieur gauche et un signe de Babinski bilateral. L'auscultation et la radiographie du thorax sont normalisEes.
Les r6sultats des pr616vements pratiqu6s h I'admission r6vblent une r6action de fixation du compl6ment pour Mycoplasma pneumoniae positive h 1/160, la presence d'agglutinines froides h u n taux significatif et un test de Coombs direct p o s i t i f en anti-C3d. Toutes les autres s6rologies (notamment celles des virus neurotropes et des agents des pneumonies interstitielles : Chlamidia psittaci et pneumoniae, Coxiella burnetti, myxovirus influenzae et parainfluenzae, virus respiratoire syncitial et adEnovirus) sont negatives ainsi que, dans le liquide c6phalorachidien, le dosage de l'interfEron, la recherche d'Herpes virus par amplification gEnique et les cultures virales. Le d i a g n o s t i c de m E n i n g o e n c E p h a l i t e h Mycoplasma pneumoniae est alors tr6s probable; le traitement initial est remplac6 par de la josamycine. Quelques jours plus tard, l'amElioration clinique se confirme, bien qu'il persiste un mutisme et une marche instable. Une tomodensitomEtrie cErEbrale de contr61e est effectu6e (figure 2); l'examen va confirmer le processus encEphalitique en montrant une infiltration hEtErog6ne, profonde, paraventriculaire, int6ressant le noyau caud6, la capsule
M6ningoenc6phalite ~l Mycoplasmapneumoniae
interne et une partie du globus pallidum droit, passant sous la ligne m6diane et infiltrant le thalamus et le genou de la capsule inteme gauche. Le rehaussement marqu6 des structures m~ning~es de la ligne m6diane fait ~galement 6voquer un remaniement inflammatoire. I1 existe de plus un discret remaniement h6morragique caract6ris6 par une hyperdensit6 spontan6e des 16sions et au niveau de la come occipitale droite. Guillaume sera revu en consultation trois mois apr~s sa sortie de I'h6pital; la r6gression complete des perturbations cliniques, tomodensitom6triques et 61ectroenc6phalographiques permet d'affn'mer la gu6rison complete de la m6ningoenc6phalite. COMMENTAIRES Les donnEes anamnestiques et tomodensitomEtriques initiales Etaient 6ventuellement compatibles avec le diagnostic d'abc6s du cerveau. Un point de d6part ORL s'observe, en moyenne, dans 1/3 des c a s h l'origine d ' u n e atteinte par contigu'ft6 : abc6s frontal secondaire h une sinusite suppurEe, abc~s temporal d'origine otitique. Les germes le plus souvent retrouv6s sont les streptocoques (aErobies ou anaErobies), Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae dans les localisations frontales ; S pneumoniae, H influenzae, les entErobactEriac6es et Bacteroides fragilis dans les localisations temporales. Chez l ' e n f a n t non i m m u n o d 6 p r i m 6 , une antibioth6rapie associant m6tronidazole et c6fotaxime est classiquement utilis6e dans cette situation en raison d'une bonne p6n6tration dans l'abcbs et de l'effet bact6ricide du m6tronidazole sur la plupart des bact6ries anaErobies [1 ]. Le cEfotaxime pr6sente l'int6r~t de ,~ couvrir ~ la plupart des streptocoques et staphylocoques; il est d'une excellente activit6 contre l'Haemophilus et les entErobactEries et d'une bonne p6n6tration darts le tissu cErEbral. Une ponction Evacuatrice est en gEn6ral associ6e a l'antibiothErapie : elle permet une reduction de l'effet de masse et des pr616vements bact6riologiques. Les abc6s rEcents, de petite taille, peuvent cependant faire l'objet d ' u n traitement medical seul [1]. Cette attitude a 6t6 retenue, dans notre observation, en raison Egalement d'un effet de masse tr6s modErE et de la localisation tr6s profonde de la supposEe collection. La surveillance radiologique tr6s Etroite qu'impose cette approche conservatrice a permis d'objectiver une modification de la 16sion initiale sous la forme d ' u n processus infiltrant qui occupait ia region des noyaux gris centraux. Cet aspect Etait compatible avec le diagnostic d'enc6phalite postinfectieuse virale, de lymphome ou de tumeur gliale infiltrante. La survenue de manifestations neurologiques associEes h l'infection par Mycoplasma pneumoniae a 6tE 6valuEe un patient infectE sur 1 000 ; le diagnostic est envisage
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devant une symptomatologie compatible et une s6roconversion en fixation du compl6ment [2]. Le tableau clinique le plus fr6quent chez l'enfant consiste en une enc6phalite ou une mEningoenc6phalite se developpant en moyenne dix jours apr~s l'atteinte respiratoire [2]. La sEmEiologie n e u r o l o g i q u e peut 6tre tr~s variable, allant du deficit focal h l'anomalie isolEe du comportement, et les manifestations respiratoires peuvent ~tre tr6s discr6tes, voire absentes darts 20 % des cas [3]. Le diagnostic sErologique fait appel h la reaction de fixation du complement: un titre supErieur ~ 1/64, une m u l t i p l i c a t i o n par 4 sur un s e c o n d prE16vement, 2-3 semaines plus tard, sugg~re fortement l'infection [4]. La principale reserve que l'on peut Emettre ~ propos de cet examen concerne son manque de sp6cificitE: une ElEvation du titre des anticorps a notamment EtE observEe lors de septicEmies ou mEningites bactEriennes. Ainsi, quand la clinique n'est pas suffisamment E v o c a t r i c e , il est nEcessaire de r e c o u r i r d'autres techniques pour Etablir la responsabilitE de Mycoplasma pneumoniae: recherche d ' I g M anti-P1 par technique Elisa, detection du gEnome de Mycoplasma pneumoniae dans les sEcrEtions bronchiques ou le LCR [5]. P1Eiocytose et hyperprotEinorachie modErEes sont inconstantes dans le liquide cEphalorachidien. L'ElectroencEphalogramme est frEquemment alt6rE sous forme d'un trace delta polymorphe gEnEralisE entrecoupE de dEcharges 6pileptiques ou d'ondes lentes [6]. Les donn6es tomodensitom6triques c6rEbrales sont tr6s variables dans cette affection: examen normal ou anomalies apparaissant en gEn6ral apr6s un d61ai de 1 h 2 semaines. Des 16sions hyperdenses cortico-sous corticales ou une hypodensit6 diffuse ou en foyers de la substance blanche mimant une enc6phalomy61ite aiguE diss6minEe ont Et6 d6crites [7]. Ces lesions peuvent prendre le contraste et exercer un effet de masse [2, 4]: dans notre observation, cet aspect nous a orientEs h tort vers le diagnostic d'abc~s. Une modification des lesions chez un m6me malade, telle que nous l'avons observEe, est exceptionnellement signal6: Thomas et al. [8] rapportent l'6volution rapide vers une atrophie cErEbrale diffuse de lesions initialement hypodenses des regions pEriventriculaires et des thalami. Le plus souvent l'examen t o m o d e n s i t o m E t r i q u e cErEbral est interprEt6 comme Etant normal [2, 8]. L'imagerie en resonance magn6tique est l'examen de choix pour mettre en Evidence les lesions inflammatoires multifocales qui prEdominent habituellement au niveau de la substance blanche. L'atteinte des noyaux gris centraux, au premier plan dans notre observation, est rEgulibrement retrouvEe depuis l'utilisation plus large de cet examen dans les situations d'encEphalites [4, 9]. Le traitement de cette pathologie est tr6s incertain en raison d'une
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m 6 c o n n a i s s a n c e des p h 6 n o m 6 n e s p h y s i o p a t h o logiques, notamment la part relative de l'invasion directe du syst6me nerveux central par le germe et des r6actions auto-immunes qu'il suscite [8]. Antibiotiques (macrolides, t6tracyclines) et cortico'ides ont 6t6 propos6s ; l'int6r~t de ces rn6dicaments n'a pas encore 6t6 6tabli. Le pronostic, enfin, n'est pas toujours aussi favorable que dans notre observation puisqu'un taux de mortalit6 d'environ 10 % ainsi que des s6quelles s6v~res (retard mental, chor6oath6tose, comitialit6) chez pr6s de 20 % des survivants ont 6t6 signalds [2, 10].
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