Revue de presse
IC 95 % = 1,6-3,3) d’avoir un accident de la route et 6 fois plus de risque (OR = 5,9 ; IC 95 % = 5,4-6,3) d’en avoir un évité de peu en cas de travail prolongé (> 24 h d’affilée). Chaque séance de travail prolongé mensuelle additionnelle augmentait le risque d’accident de voiture de 16,2 % (9,1 % d’accident de voiture tout trajet confondu).
Commentaire Depuis février 2003, l’American Council for Graduate Medical Education (ACGME) a limité le nombre d’heures de travail des internes à 320 heures par bloc de 4 semaines, avec un maximum de dépassement de 32 heures pour certains programmes. Il a été dit que cette réduction en heures de travail n’était fondée sur aucune donnée, et que ce n’était pas en réduisant les heures de travail que l’on augmenterait les heures de repos des internes. La réduction du temps de travail des internes aux États-Unis nous semble un sujet moyenâgeux puisque nous avons franchi le pas il y a 3 ans. Les Américains ont cependant encore beaucoup de réticences et de résistances de la part des formateurs et de certains internes [1, 2]. Un interne est une main d’œuvre bon marché, voire même lucrative pour les hôpitaux américains qui reçoivent un financement pour l’encadrement [3]. En 2002 déjà, l’ACGME (le conseil responsable de la formation médicale) avait proposé de passer à 80 heures devant des accidents et procès où des internes étaient responsables. S’en sont suivi des discussions sur comment former de bons internes en les forçant à travailler moins de 80 heures par semaines [4]. Comment faire quand le glas des 30 heures consécutives a sonné et que l’interne de chirurgie n’est plus qu’à 1 h de la fermeture de la peau ? Les plus vieux médecins de nos services haussent encore les sourcils lorsqu’ils voient les internes partir le lendemain de leur garde. Des travaux aussi simples que ces deux articles étaient donc nécessaires pour mettre des chiffres sur ce qui nous semble à tous évident. On travaille mieux lorsque l’on est reposé ou plutôt on fait beaucoup plus d’erreurs lorsque l’on travaille trop. On peut également déduire que moyennant un encadrement intensif des internes, les erreurs les plus graves sont rattrapées par l’équipe médicale. En utilisant la nouvelle répartition des heures de travail, il faut 4 internes au lieu de 3 pour assurer la permanence des soins mais ils dorment mieux et plus hors de l’hôpital. Avec le nouveau programme, les internes dorment moins en garde, et font beaucoup moins d’erreurs graves. Les auteurs rappellent qu’il y a 100 000 médecins en formation
Méta-analyse sur l’usage des antibiotiques dans les ruptures prématurées des membranes avant terme
Antibiotics for preterm rupture of the membranes: a systematic review S Kenyon, M Boulvain, J Neilson. Obstet Gynecol
2004; 104: 1051-7.
Résumé Pour cette méta-analyse, les auteurs ont consulté la Cochrane Library, Medline et les abstracts des congrès jusqu’en octobre 2003. À partir des 33 essais recensés, ils n’ont retenu que 19 études concernant 6 951 gestantes. Seules deux publications rapportaient un grand nombre de cas : celle de Kenyon et al. (n = 4826) [1] de la célèbre étude Oracle et celle de Mercer et al. [2] portant sur 614 patientes. Quatorze études ont comparé les cas traités par antibiotiques à des placebos et cinq ont comparé les grossesses traitées à des patientes sans prophylaxie. Les antibiotiques utilisés étaient : — l’ampicilline par voie intraveineuse (2 g toutes les 6 heures) pendant 48 heures, puis par voie orale (250 mg 3x/j) pendant 5 jours [2] ; — l’association amoxicilline et acide clavulanique (375 à 500 mg, 4x/j) per os pendant 5 à 10 jours, voire jusqu’à l’accouchement [1] ; — l’érythromycine (250 à 333 mg toutes les 8 heures) pendant 7 à 10 jours ou jusqu’à l’accouchement [3] ;
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aux États-Unis et que cette réduction du taux d’erreurs humaines est une vraie question de santé publique tant les erreurs sont plus fréquentes avec des internes fatigués. Faut-il rappeler ce petit article paru en 1997 dans Nature où l’auteur avait prouvé que 17 heures consécutives d’éveil font chuter les capacités psychomotrices comme 0,3 g/l d’alcoolémie, et 24 heures comme 0,7 g/l d’alcoolémie [5] ! Le dernier article sur les accidents de voiture en sortant de garde n’est que l’illustration « épidémiologique » de l’article de Nature. Le dernier article est d’autant plus intéressant qu’il évoque notre quotidien et notre vie privée. Tous les pays ont limité les heures de travail des conducteurs de poids lourds, bus, avions et autres situations où la fatigue peut tuer (les autres). Les internes ne bénéficient pas, en dehors de situations telles que cette étude, d’un encadrement aussi performant. Ils ont pourtant la responsabilité de la santé des autres. Notre challenge à tous, des deux côtés de l’Atlantique est désormais d’arriver à former les internes aussi bien, sinon mieux, en les ayant moins souvent à l’hôpital. Il en va de la santé des patients. J. Nizard, CHI de Poissy.
RÉFÉRENCES 1. Mullins MD, Mascolo MC. Residents’ work hours. N Engl J Med 2003; 348: 664-5. 2. Watson PY, Potee R, Blalock A. Residents’ work hours. N Engl J Med 2003; 348: 665. 3. Crausman RS. Residents’ work hours. N Engl J Med 2003; 348: 6645. 4. Steinbrook R. The debate over residents’ work hours. N Engl J Med 2002; 347: 1296-302. 5. Dawson D, Reid K. Fatigue, alcohol and performance impairment. Nature 1997; 388: 235.
— quelques séries courtes ont utilisé la pénicilline [4], la benzylpénicilline [5], la pipéracilline [6], la mezlocilline [7] et la clindamycine [8]. Il s’avère que l’usage des antibiotiques portant sur plus de 6 000 patientes était associé aux résultats significatifs suivants : — une réduction des chorioamniotites [RR = 0,57 (IC à 95 % : 0,370,86)] ; — une baisse des naissances dans les 48 heures suivant la rupture [RR = 0,71 (0,58-0,87)], et dans la semaine qui suivait [RR = 0,80 (0,71-0,90)] ; — une diminution des infections néonatales [RR = 0,67 (0,52-0,85)] et des hémocultures positives [RR = 0,75 (0,60-0,93)] ; — une baisse des besoins en oxygène [RR = 0,88 (0,81-0,96)] ; — une réduction des échographies transfontanellaires anormales chez les prématurés [RR = 0,82 (0,68-0,90)]. Cette méta-analyse a révélé également des séjours en réanimation néonatale plus courts [-5,05 jours (– 9,77 à – 0,33)] et des poids des enfants plus élevés de 51,53 g (11,61-91,44). Dans une seule des études, les besoins en surfactant étaient réduits [RR = 0,83 (0,72-0,96)] [1]. En revanche, la mortalité périnatale n’était pas influencée par l’usage de l’antibioprophylaxie [RR = 0,91 (0,75-1,11)]. L’analyse séparée des trois antibiothérapies possibles (pénicilline, amoxicilline et acide clavulanique et érythromycine) a montré les faits suivants : — les pénicillines, utilisées chez plus de 600 patientes, ont diminué de façon significative les chorioamniotites, les naissances dans les 2 jours et dans les 7 jours, les infections néonatales et les anomalies cérébrales des enfants ; — l’érythromycine, à propos de 2 750 patientes, réduisait les naissances dans les 48 heures, les besoins en oxygène et les hémocultures positives ;
© MASSON, Paris, 2005.
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— la combinaison amoxicilline et acide clavulanique portant sur près de 2 500 gestantes était également efficace pour retarder les accouchements de 2 jours et de 7 jours mais elle était associée à une augmentation très significative des entérocolites nécrosantes (RR = 4,60 [1,98-10,72]). Cette association doit donc être évitée car on sait qu’elle sélectionne des germes comme Enterobacter, Citrobacter et Pseudomonas, de sorte que l’intestin immature risque d’absorber des exotoxines dangereuses pour la muqueuse ; — les auteurs proposaient par conséquent, de recourir à l’érythromycine car elle s’est avérée la plus utile et la moins dangereuse, dans une série qui est plus importante que celle des pénicillines.
Commentaire La rupture prématurée des membranes avant terme (pRPM) concerne 2,0 à 3,5 % des grossesses et elle représente la principale étiologie des accouchements prématurés (30 à 40 % des cas). Les origines des pRPM sont multifactorielles mais l’infection joue un rôle primordial, soit comme cause de la pRPM, avec la production de collagénases, de mucinases et de protéases qui fragilisent le chorion et l’amnios, soit comme conséquence de l’ouverture de l’œuf avec développement d’une infection de la decidua, puis d’une chorioamniotite et d’une atteinte fœtale. En théorie, l’antibiothérapie des pRPM a deux avantages : elle préviendrait la morbidité infectieuse maternelle et fœtale, et elle prolongerait le délai entre la pRPM et l’accouchement, réduisant ainsi les complications néonatales, principalement neurologiques et pulmonaires du prématuré. Il reste cependant à démontrer que cette prolongation de la grossesse ne se fait pas au détriment d’une infection fœtale à bas bruit, comme le suggère la corrélation positive existant entre la pRPM et le risque d’infirmité motrice cérébrale et de séquelles neuro-sensorielles [9, 10]. La plupart des études ont fait appel aux macrolides (érythromycine), aux pénicillines ou aux bêtalactamines (amoxicilline/acide clavulanique) qui sont plus bactéricides. Cette méta-analyse démontre de façon catégorique que l’antibiothérapie systématique des pRPM allonge le temps de latence avant la naissance et réduit le taux d’infections néonatales. Cependant, un certain nombre de questions restent sans réponses : combien de temps faut-il utiliser la voie intraveineuse ? Faut-il utiliser la voie orale pendant 5 à 10 jours ou jusqu’à l’accouchement ? Peut-on interrompre la prophylaxie si le prélèvement vaginal d’admission est stérile ? À quel rythme faut-il faire les bilans infectieux et les prélèvements vaginaux ? G. Boog, CHU de Nantes.
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 34, n° 3, cahier 1, 2005
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