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SECTION I j Section Title
Kevin A. Kahn • Alan G. Finkel
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Migraine Introduction La migraine est une affection courante dont on trouve des descriptions tout au long de l’histoire humaine. On pense que l’homme néolithique (7000 avant J.-C.) pratiquait des forages (trépanation) dans le crâne des personnes souffrant de maux de tête ; quant aux Égyptiens (1200 avant J.-C.), ils enveloppaient d’un crocodile d’argile la tête des patients souffrant de maux de tête à l’aide d’un linge portant les noms des dieux. C’est Arateus de Cappadoce (IIe siècle avant J.-C.) qui, le premier, aurait décrit plusieurs des caractéristiques de la migraine. Galien (200 après J.-C.) a utilisé le mot grec hemicrania pour désigner la maladie, d’où dérive le nom de migraine. Aujourd’hui, nous savons que la migraine est une maladie invalidante, avec une prévalence aux États-Unis de 18 % chez les femmes et de 6 % chez les hommes. En 1988, l’International Headache Society a publié des lignes directrices pour la classification de tous les types de céphalées. Peu de temps après, Stewart et Lipton ont publié les statistiques de l’American Migraine Study, qui ont été appréciées en raison de leur caractère reproductible et généralisable à d’autres pays. On estime que l’invalidité due à la migraine coûte aux États-Unis entre 5 et 17 milliards de dollars par an. Cinquante pour cent des migraineux s’absentent du travail 2 j par mois, et leur efficacité est réduite durant 6 j par mois. Les deux tiers des migraineux reconnaissent que leur vie familiale a été affectée par la maladie. Une migraine classifiable n’est diagnostiquée que chez 52 % des personnes atteintes. Ces faits soulignent l’importance pour le médecin de reconnaître, de diagnostiquer et de traiter la migraine au travail et à domicile.
Étiologie et pathogénie Jusqu’au milieu des années 1980, la migraine était consi dérée comme un trouble purement vasculaire, lorsque Moskowitz a proposé la théorie trigéminovasculaire de la migraine. Utilisant des modèles animaux, il a démontré que la stimulation électrique du noyau trigéminal dans le tronc cérébral causait une extravasation de protéines plasmatiques provenant des vaisseaux sanguins de la dure mère. Il en a conclu que l’origine de la migraine dépendait de l’augmentation de l’excitation neuronale due à la séro tonine, et non de la réactivité vasculaire primaire. Ainsi, la douleur est la conséquence de l’inflammation des vaisseaux sanguins, bien que sa source ait une cause neurogène loca lisable dans les centres nucléaires trigéminaux. Chez l’homme, la stimulation du nerf trijumeau au cours de la neurochirurgie a donné lieu à la présence de substances inflammatoires et nociceptives, comme le peptide alterna tif du gène de la calcitonine (calcitonin gene-related peptide [CGRP]), la neurokinine A et la substance P, dans la
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c irculation extracrânienne comme on l’avait observé dans les études chez l’animal (figure 124.1). Chez 15 à 25 % des migraineux, la céphalée est réguliè rement précédée d’une aura (figures 124.2 et 124.3). Il s’agit d’un déficit neurologique localisable et parfaitement réversi ble ; il résulte d’un dysfonctionnement neuronal progressif qui se répand dans le cortex cérébral. Une dépression corti cale se propage de manière similaire chez des animaux de laboratoire après une irritation chimique ou électrique de la surface du cerveau. Des études, notamment par tomographie d’émission monophotonique, tomographie par émission de positons, imagerie fonctionnelle par résonance magnéti que, spectroscopie magnétique du phosphore et magnéto encéphalographie, ont renforcé cette hypothèse. La diminution du débit sanguin n’atteint pas un niveau suffisam ment bas pour être considérée comme une ischémie. D’autres systèmes, entre autres les voies sérotoninergiques, noradré nergiques et dopaminergiques, des hormones (par exemple les estrogènes), des structures hypothalamiques et profondes du tronc cérébral, sont impliqués dans l’expression ultime de
124 j Migraine
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Figure 124.1 Mécanismes de la migraine. Mécanismes centraux Perception de la douleur
Mécanismes périphériqnes La douleur peut être déclenchée par un stimulus afférent venant des centres situés dans le cortex, le thalamus et l’hypothalamus ou par une stimulation afférente périphérique via le nerf trijumeau ou les racines cervicales C1-3
Substance grise autour de l’aqueduc du mésencéphale Noyau du raphé dorsal Locus caeruleus
Une déficience locale dans le système de contrôle de la douleur endogène empêche l’inhibition de la stimulation douloureuse (désinhibition) dans le noyau spinal du nerf trijumeau
Voie de la douleur du nerf trijumeau
Stimulation de la douleur non inhibée dans le noyau spinal du nerf trijumeau
V1
Influx périphérique
V2 Voie centrale de la douleur
Grand noyau du raphé
N. trijumeau (V)
N. facial (VII)
V3 Réflexe vasculaire trigéminal Une stimulation afférente des centres de la douleur dans le noyau spinal du nerf trijumeau est amplifiée et entretenue par la dilatation cyclique parasympathique des artères carotides internes et externes dépendant du nerf facial, aboutissant à la stimulation des centres de la douleur par les fibres afférentes du nerf trijumeau
Innervation autonome (vasodilatation)
Neurone de second ordre
Inhibition déficiente du système endogène de contrôle de la douleur Stimulation de la douleur dans le noyau spinal du nerf trijumeau par un signal afférent provenant de sources plus élevées et via les racines cervicales C1-3
Voie de la douleur C1-3 Adapté de (Lance.)
la migraine. Ainsi, la migraine peut être décrite comme une sensibilisation neuronale et une inflammation neurogène au milieu d’influences neurochimiques multiples. L’objectif du trai tement de la migraine est d’atténuer l’irritabilité neuronale et l’inflammation neurogène tout en gardant à l’esprit l’impor tance de la contribution de ces autres mécanismes centraux.
Tableau clinique La migraine se manifeste de façon diverse, mais on en distingue deux types : la migraine classique avec aura et la migraine commune sans aura (figure 124.4). Un prodrome
peut survenir jusqu’à 24 h avant les céphalées. Il peut prendre les formes les plus diverses : la faim, la soif, l’euphorie, la manie, la dépression, la somnolence, le ralen tissement psychomoteur ou l’irritabilité. Une aura ne sur vient que chez 15 à 25 % des migraineux ; elle peut se manifester sous forme de scotomes visuels (taches som bres), de photopsies (points lumineux), de lignes brisées lumineuses ressemblant à des fortifications, d’engourdisse ments, de fourmillements, d’une sensation de faiblesse, de confusion ou d’aphasie. Les facteurs déclencheurs peuvent être une lumière intense, des sons et des odeurs, certains aliments (les nitrates, les sulfites, le glutamate monosodique,
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SECTION XIII j Troubles neurologiques
Figure 124.2 Prodromes et crise de migraine. Bord scintillant
Phase précoce, scotome scintillant paracentral isolé
Le scotome s’étend unilatéralement à tout un champ visuel
Aspect de fortifications Métamorphopsie
Lignes ondulées (miroitement de chaleur) Distorsions sous forme d’ondes dans une partie du champ visuel, semblables au miroitement de l’air au-dessus d’une surface brûlante
Distorsions de la forme, de la taille ou de la position des objets ou de l’environnement dans une partie du champ visuel Algie vasculaire de la face Sonophobie
Forte céphalée pulsatile, d’abord unilatérale, mais qui peut s’étendre au côté opposé Un érythème local peut être présent Pâleur, transpiration
Photophobie Artère temporale turgescente et pulsatile Parle à voix basse pour Forte céphalée, douleur éviter d’aggraver la douleur rétro-oculaire Ptose unilatérale, gonflement et rougeur des paupières Myosis, injection conjonctivale Larmoiement Poussée d’érythème d’un côté de la face Congestion nasale, rhinorrhée Des vomissements peuvent survenir
Encadré 124.1 Critères diagnostiques de la migraine sans aura (migraine commune) Aucune particularité nécessaire ou suffisante pour le diagnostic Au moins cinq attaques d’une durée de 4–72 h La céphalée a au moins deux des caractéristiques suivantes : unilatérale pulsatile intensité modérée ou forte (interfère dans les activités quotidiennes ou les interdit) aggravation par l’activité physique de routine Au moins une des actions suivantes au cours des maux de tête : nausée ou vomissement photophobie (sensibilité à la lumière) phonophobie (sensibilité au son) Les antécédents et l’examen ne fournissent pas d’indications de maladie organique qui pourrait causer des maux de tête ou, si la maladie est présente, les maux de tête ne devraient pas avoir leur origine en relation temporelle étroite avec la maladie.
Encadré 124.2 C ritères diagnostiques de la migraine avec aura (migraine classique) Au moins deux crises L’aura doit présenter au moins trois des caractéristiques suivantes : totalement réversible et indicative d’un dysfonctionnement cortical cérébral focal ou du tronc cérébral apparition progressive dure moins de 60 min suivie de céphalée avec un intervalle libre de moins de 60 min la céphalée peut commencer avant l’aura ou simultanément Les antécédents et l’examen ne fournissent pas d’indications de maladie organique qui pourrait causer des maux de tête ou, si la maladie est présente, les maux de tête ne devraient pas avoir leur origine en relation temporelle étroite avec la maladie.
124 j Migraine
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Figure 124.3 Migraine de l’artère basilaire.
A. basilaire
A. vertébrales Adolescentes plus susceptibles Cervelet (ataxie, céphalée, vomissement)
La dysarthrie peut être le premier symptôme La radiation optique cause une hémianopsie
Vertige
Ataxie et perte du tonus moteur
Une implication corticale occipitale bilatérale cause une cécité temporaire Céphalée soulagée par le vomissement
Forte céphalée occipitale N. vestibulaire (VIII) [vertige] Paresthésies (unilatérales ou bilatérales)
N. cochléaire (VIII) [acouphènes]
Lemniscus médian (paresthésies, perte de l’équilibre) Tractus pyramidal (parésie) Ataxie, vertige et autres déficits moteurs Artère basilaire et sensoriels sont des conséquences de l’implication de cervelet et du tronc cérébral Coupe à hauteur du pont
l’alcool), des irrégularités dans l’alimentation ou le som meil, l’exercice, le stress et les fluctuations hormonales (figure 124.5). L’International Headache Society a proposé des directives en 1988 pour le diagnostic de la migraine ; elles sont reprises dans les encadrés 124.1 et 124.2.
Diagnostic différentiel On doit distinguer la migraine des céphalées causées par des maladies potentiellement mortelles. D’autres céphalées
primaires souvent confondues avec la migraine sont la céphalée de tension, l’algie vasculaire de la face et ses variantes. La céphalée de tension ne cause généralement pas de nau sées ni, à la fois, de la photophobie et de la phonophobie. La question de savoir si la céphalée de tension est une affection indépendante ou si elle fait partie du syndrome migraineux reste controversée. Néanmoins, la céphalée de tension peut coexister avec la migraine, et la présence d’une céphalée de tension n’exclut pas la possibilité de migraine. L’algie vascu laire de la face est appelée en anglais « cluster headache » ou « céphalées groupées », dénomination qui vient du fait que
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SECTION XIII j Troubles neurologiques
Figure 124.4 Facteurs déclenchant la migraine.
Contraceptifs oraux Manque de sommeil
Traumatisme crânien
Stress et anxiété Effort, fatigue Progestérone Estrogènes
Certains aliments, alcool
Changements de climat et de température
Eblouissement
Menstruations
Menstruation
Facteurs déclencheurs fréquents
Facteurs déclencheurs moins fréquents
Sommeil excessif
Clignotements lumineux (néons, ordinateurs, cinéma, télévision)
Aliments glacés
Forte humidité
Allergie
Odeurs âcres Altitude
Lecture ou troubles de réfraction
les maux de tête sont récurrents durant une période limitée de quelques jours à quelques mois. Elle se caractérise par une violente douleur typiquement rétro-orbitaire ou tem porale, durant 15 à 180 min ; elle touche généralement plus les hommes que les femmes. La crise peut survenir à des moments précis de la journée avec une constance remarqua ble. Elle se distingue de la migraine par sa courte durée et la différence de comportement du patient pendant l’attaque : celui qui souffre d’algie vasculaire ne peut tenir en place, alors que le patient migraineux préfère l’immobilité et l’iso lement. En outre, l’algie vasculaire a au moins une des caractéristiques suivantes : larmoiement, rhinorrhée, ptose,
Médicaments
myosis, congestion nasale, injection conjonctivale, œdème des paupières, troubles de la transpiration du front ou du visage. Des variantes consistent en maux de tête avec des caractéristiques de l’algie vasculaire, mais les crises sont plus courtes. L’hémicrânie paroxystique chronique est une variante qui touche davantage les femmes que les hommes et qui répond rapidement à l’indométacine. Les céphalées secondaires peuvent être la conséquence d’un traumatisme crânien, de troubles vasculaires (par exemple hémorragie, accident vasculaire cérébral, vasculite), de troubles intracrâniens (par exemple tumeur, augmenta tion ou diminution de la pression intracrânienne), du
124 j Migraine
Figure 124.5 L’aura de la migraine.
957
produit de contraste peut être utile dans l’évaluation d’une vasculite ou pour révéler un anévrisme, mais il faut envisa ger une angiographie classique si la suspicion est forte et si l’angiographie par résonance magnétique est négative. Un examen Doppler de la carotide peut être utile en cas de céphalée aiguë avec syndrome de Horner afin d’exclure une dissection carotidienne. Chez les patients souffrant d’une céphalée paroxystique avec des changements cognitifs ou comportementaux, une électroencéphalographie permet tra d’écarter une éventuelle crise d’épilepsie.
Soins et traitement Traitement optimal
L’aura de la migraine consiste surtout en troubles visuels : vision floue et trouble, scotomes, lignes en zigzag (aspect de fortifications), éclairs lumineux, etc
retrait d’un médicament ou d’une drogue, d’une infection, d’un trouble métabolique (par exemple hypoxie, hypercap nie, hypoglycémie, dialyse) et d’une affection touchant une autre structure de la tête et du cou (par exemple la colonne vertébrale cervicale, les yeux, les oreilles, le nez et les sinus, l’articulation temporomandibulaire). La plupart de ces affections peuvent être diagnostiquées par une anamnèse et un examen minutieux, mais il est parfois nécessaire d’effectuer des examens complémentaires si l’on a des doutes à propos de l’une d’entre elles.
Démarche diagnostique Il n’existe aucun test diagnostique spécifique de la migraine, mais des investigations s’imposent si l’on suspecte que les maux de tête pourraient avoir une autre origine. Le caractère secondaire est suggéré lorsque le patient fait état du pire mal de tête qu’il ait jamais ressenti, si l’examen neurologi que est anormal, s’il s’agit d’une céphalée d’apparition récente ou si le patient signale un changement radical dans le type de céphalée. Pour exclure une hémorragie aiguë, une tomodensitométrie (TDM) sans contraste est préférée en raison de la rapidité de cet examen et de sa sensibilité. Une ponction lombaire peut être nécessaire pour détecter une xanthochromie chez des patients dont la TDM est négative et chez qui une hémorragie méningée paraît probable (le pire mal de tête de sa vie). Une ponction lom baire peut également être utile pour rechercher des causes de céphalées liées à la pression (la position affecte le mal de tête) ou à une infection (raideur de nuque ainsi que photo phobie ou état mental altéré). Toutefois, si des masses intra crâniennes sont soupçonnées, l’imagerie par résonance magnétique avec contraste est préférable. Des anomalies dans la fosse postérieure sont responsables de maux de tête à la toux, à l’extension ou à la flexion, et à d’autres mouve ments. Une angiographie par résonance magnétique avec
La prise en charge de la migraine débute par un diagnostic clair et la connaissance de sa physiopathologie (figure 124.6). Le traitement aigu de la migraine doit être adapté au niveau d’incapacité dont souffre le patient. Les médica ments non spécifiques (tableau 124.1) comprennent les antiinflammatoires non stéroïdiens, les sympathomimétiques (par exemple la caféine) ou les antalgiques (paracétamol, opiacés). L’utilisation fréquente de nombre d’entre eux a été associée à des céphalées de rebond lors du sevrage Figure 124.6 Prise en charge de la migraine. Anamnèse et examen
Signaux d’alarme : Céphalée d’origine récente ou changement significatif du type de céphalée, céphalée atypique, examen neurologique ou physique anormal
Envisager une céphalée secondaire
Migraine primaire
Céphalée non invalidante
Céphalée invalidante
< 2 par semaine
> 2 par semaine
< 2 par semaine
> 2 par semaine
Thérapie aiguë non spécifique
Thérapie aiguë non spécifique et préventive
Thérapie aiguë spécifique et envisagez une thérapie préventive
Thérapie aiguë spécifique et prescrivez une thérapie préventive
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SECTION XIII j Troubles neurologiques
Tableau 124.1 Thérapie aiguë non spécifique de la migraine et la céphalée de tension* Médicament
Dose
Schéma thérapeutique
Aspirine
325 mg
Acétaminophène
325 ou 500 mg
1–2 PO toutes les 6 h, selon les besoins, avec de la nourriture 1–2 PO toutes les 6 h selon les besoins
Aspirine + caféine
250 mg/65 mg
Acétaminophène + caféine Isométheptène + dichloralphénazone + acétaminophène Ergotamine + caféine
250 mg/65 mg
Ibuprofène Indométacine
400, 600, ou 800 mg 25 ou 50 mg
Kétoprofène
25 ou 50 mg
Naproxène sodique
375 ou 500 mg
Lidocaïne 4 %
1 ml
Métoclopramide
10 mg
1 PO toutes les 6 h selon les besoins
Prochlorpérazine
5 ou 10 mg
1 PO toutes les 8 h selon les besoins
Prométhazine
25–50 mg
1 PO toutes les 8 h selon les besoins
65 mg/100 mg/ 325 mg (1 gélule) 1 mg/100 mg
Commentaires
Risque de catégorie B pendant la grossesse
1–2 PO toutes les 6 h, selon les besoins, avec de la nourriture 1–2 PO toutes les 6 h selon les besoins 2 au début de la céphalée ; 1 toutes les heures jusqu’à la rémission
Dose maximale 5 capsules par jour
2 au début de la céphalée, 1 toutes les 30 min jusqu’à la rémission 1 PO toutes les 4–6 h, selon les besoins 1 PO toutes les 8 h, selon les besoins, avec de la nourriture 1 PO toutes les 8 h, selon les besoins, avec de la nourriture 1 PO toutes les 8–12 h, selon les besoins, avec de la nourriture 0,5 ml par narine toutes les 4 h selon les besoins
Dose maximale 6 par jour ; agent de catégorie X pendant la grossesse Risque B pendant la grossesse Risque de catégorie B pendant la grossesse Risque de catégorie B pendant la grossesse Risque de catégorie B pendant la grossesse Avec la tête basculée vers l’arrière lors de l’administration ; de préférence en position couchée ; risque de catégorie B pendant la grossesse Utilisation avec d’autres médicaments aigus ; risque de catégorie B pendant la grossesse Utilisation avec d’autres médicaments aigus Utilisation avec d’autres médicaments aigus
* Tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont contre-indiqués pendant le troisième trimestre de la grossesse. PO, per os
médicamenteux. Pour un mal de tête modéré à très invalidant, des médicaments spécifiques devraient être utilisés (tableau 124.2). Les plus spécifiques sont les triptans. Ils se lient spécifiquement aux récepteurs de la sérotonine sur les terminaisons nerveuses du nerf trijumeau et stoppent ainsi l’inflammation neurogène tout en se liant aux vaisseaux sanguins de la dure-mère dont ils réduisent le gonflement douloureux. Il n’y a pas d’effet de classe des triptans, et si l’un n’est pas efficace, un autre peut être essayé. Ils sont contre-indiqués chez les patients atteints d’hypertension artérielle non contrôlée et qui ont des antécédents de maladie coronarienne, mais ils sont généralement sans danger et efficaces. Les triptans coûtent plus cher que le traitement non spécifique, mais des analyses économiques soulignent la diminution des frais et la diminution du handicap lors que les triptans sont utilisés chez les patients présentant une céphalée d’intensité modérée à forte. Les patients doivent bénéficier d’un traitement préventif si des maux de tête résistants au traitement surviennent plus de deux fois par mois ou si le patient est prêt à utiliser une médication quotidienne pour prévenir les céphalées. Les effets favorables d’une médication préventive se manifestent
normalement après 2 à 3 mois de traitement. Les médica ments préventifs de la migraine approuvés par la Food and Drug Administration américaine sont l’acide valproïque, le propranolol et le méthysergide. D’autres agents (tableau 124.3) se sont avérés utiles, notamment des anticonvulsi vants (diminution de l’excitabilité neuronale), des β-bloquants (modulation de la réponse noradrénergique et du système vasculaire), des antidépresseurs tricycliques (modulation de la sérotonine et de la noradrénaline), des inhibiteurs calci ques (facteurs vasculaires et centraux) et la manipulation hormonale. Selon des études en double insu, le magnésium chélaté par voie orale, la riboflavine orale à haute dose (400 mg/j) et le coenzyme Q10 seraient également efficaces. Les mesures non pharmacologiques consistent en l’évitement des facteurs déclenchant la migraine (par exemple certains aliments ou le fait de sauter un repas), la rétroaction biologique et l’autohypnose, la consultation psychologique pour améliorer la tolérance au stress, l’exer cice régulier, une bonne hygiène du sommeil et une ali mentation équilibrée. Toutes ces mesures visent à diminuer l’irritabilité neuronale et réduire ainsi la fréquence de la migraine.
124 j Migraine
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Tableau 124.2 Traitement aigu spécifique de la migraine Médicament
Dose
Dérivés de l’ergot Dihydroergotamine intraveineuse
1 mg
Intraveineuse toutes les 8 h selon les besoins
1 mg
1 pulvérisation dans chaque narine, répétée après 15 min, toutes les 2 h selon les besoins
Triptans Almotriptan
12,5 mg
1 PO toutes les 2 h selon les besoins
Selon la FDA, dose maximale de 25 mg/j
Élétriptan
20 ou 40 mg
2 PO toutes les 2 h selon les besoins
Selon la FDA, dose maximale de 80 mg/j
Naratriptan
1 ou 2,5 mg
1 PO toutes les 4 h selon les besoins
Selon la FDA dose maximale de 5 mg/j
Rizatriptan
5 ou 10 mg
1 PO toutes les 2 h selon les besoins
Selon la FDA, dose maximale de 30 mg/j
Sumatriptan PO
25, 50 ou 100 mg
1 PO toutes les 2 h selon les besoins
Selon la FDA, dose maximale de 200 mg/j
Sumatriptan vaporisateur nasal
5 ou 20 mg
1 pulvérisation dans une narine toutes les 2 h selon les besoins
Selon la FDA, dose maximale de 40 mg/j
Sumatriptan injectable
4 ou 6 mg
1 injection sous-cutanée toutes les 2 h selon les besoins
Selon la FDA, dose maximale de 12 mg/j
Zolmitriptan PO
2,5 ou 5 mg
2,5–5 mg PO toutes les 2 h
Selon la FDA, dose maximale de 10 mg/j
Zolmitriptan vaporisateur nasal
5 mg
1 pulvérisation dans une narine toutes les 2 h
Selon la FDA, dose maximale de 10 mg/j
Dihydroergotamine en vaporisateur nasal
Schéma thérapeutique
Éviter les erreurs de traitement Erreurs dans le traitement des crises Tant les spécialistes de la céphalée que les médecins généralistes commettent fréquemment des erreurs théra peutiques. Une erreur courante consiste à traiter la migraine comme un épisode douloureux en général, pour lequel le médecin procède par étapes ; il commence par un médicament moins spécifique et souvent moins onéreux, qui sera suivi d’un traitement plus sophistiqué si le traitement initial échoue. On a montré qu’une approche thérapeutique stratifiée était plus efficace dans la réduction de l’invalidité et celle des coûts. Elle consiste à traiter les patients souf frant de migraine d’intensité modérée à forte directement par un traitement spécifique (triptans) sans attendre l’éventuel échec des thérapies non spécifiques (par exemple l’aspirine, la caféine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens). Une autre erreur commune est de tenter d’utiliser le trai tement des crises comme un outil de diagnostic. Bien que les triptans soient des médicaments spécifiques de la migraine, ils n’ont pas un effet de classe ; donc si un médicament échoue, un autre peut s’avérer efficace. Ainsi, l’absence d’effet d’un triptan donné n’exclut pas le diagnostic de migraine.
Commentaires Administrer un traitement antiémétique/ antihistaminique avant d’utiliser cet agent ; risque de catégorie X durant la grossesse Selon la FDA, dose maximale de 2 flacons par jour ; la pompe doit être amorcée avant l’administration ; risque de catégorie X durant la grossesse
La prise du médicament au moment adéquat est un objectif important dans le traitement de la crise migrai neuse. Plusieurs études ont démontré qu’il fallait intervenir au plus tard 1 à 2 h après l’apparition des céphalées. Les patients doivent être formés afin qu’ils prennent leur médi cament lorsque les premiers symptômes apparaissent, avant que le mal de tête ne puisse s’aggraver. Cette attitude permettra d’augmenter l’efficacité des médicaments et d’ob tenir un soulagement prolongé. Un traitement précoce réduit le handicap et diminue le coût du traitement de chaque crise. Pièges des traitements préventifs Les patients qui se présentent avec une longue liste de médicaments qui ont abouti à un échec risquent souvent d’essayer un traitement qui n’agit pas sur les facteurs étiologiques ou aggravants. Dans le cadre de la céphalée par surconsommation d’un médicament (utilisé quoti diennement ou presque), celui-ci doit être complètement éliminé pour que la prévention soit efficace. L’élimination de la caféine est particulièrement importante si elle est présente dans le médicament incriminé ou si le patient consomme beaucoup de café. Il importe également
960
SECTION XIII j Troubles neurologiques
Tableau 124.3 Médicaments pour la prévention de la migraine (approuvés et non approuvés par la FDA) Médicament
Dose
Schéma thérapeutique
Commentaires
Antidépresseurs tricycliques Amitriptyline ; nortriptyline
10, 25, 50, 100 ou 150 mg
10–150 mg PO au coucher
Titrer ≤ 25 mg par semaine ; peut causer une sécheresse de la bouche, un trouble de la vision, de la somnolence et une rétention urinaire
Dérivés de l’ergot Méthysergide
2 ou 4 mg
2–4 mg 3 fois par jour
Approuvé par la FDA, mais n’est plus disponible aux États-Unis ; titrer ≤ 2 mg tous les 2 j ; réduire après 4–6 mois en raison des risques de fibrose rétropéritonéale ; risque de catégorie D pendant la grossesse
Agents amplifiant la fonction mitochondriale Coenzyme Q10 50, 100, 120, 200 150–300 mg en ou 300 mg 2 doses fractionnées Riboflavine 50 ou 100 mg 400 mg par jour avec la nourriture Divers Cyproheptadine
4 mg
PO 1–6 comprimés au coucher
Oxyde de magnésium
200–250 ou 400– 500 mg
1 comprimé PO 2 fois par jour avec de la nourriture
b-bloquants Aténolol
25–100 mg
1 ou 2 fois par jour
Nadolol
40–120 mg
1 fois par jour
Pindolol
5 mg
Propranolol LA
30–160 mg
2 fois par jour ; titrer jusqu’à 10–60 mg au total par jour 1 ou 2 fois par jour
Bloqueurs des canaux calciques Vérapamil 120–720 mg
1 ou 3 fois par jour selon la dose totale
Amlodipine
5–15 mg
1 ou 2 fois par jour
Félodipine Nisoldipine
5–15 mg 10–40 mg
1 ou 2 fois par jour 1 ou 2 fois par jour
300, 400, 600 ou 800 mg
1800–4800 mg/j en 3 doses fractionnées 25–200 mg au coucher ou 2 fois par jour 1000–4000 mg en 2 doses
Anticonvulsivants Gabapentine
Lamotrigine
25 ou 100 mg
Lévétiracétam
250, 500, ou 750 mg
Efficace chez environ 50 % des patients souffrant de migraine Efficace chez environ 50 % des patients souffrant de migraine Les enfants qui souffrent de migraine devraient prendre de faibles doses ; les adultes souffrant de migraine en même temps que d’allergie doivent prendre des doses plus élevées Efficace dans la migraine menstruelle, 400 mg 2 fois par jour est préférable, mais la dose peut être réduite à 200–250 mg 2 fois par jour en cas de diarrhée Titrer lentement ; contre-indiqué chez les patients atteints de diabète, d’asthme ou d’un bloc cardiaque ; risque de catégorie D pendant la grossesse Approuvé par la FDA. Titrer lentement ; contreindiqué chez les patients atteints de diabète, d’asthme ou d’un bloc cardiaque Titrer lentement ; contre-indiqué chez les patients atteints de diabète, d’asthme ou d’un bloc cardiaque ; risque de catégorie B pendant la grossesse Approuvé par la FDA. Titrer lentement ; contreindiqué chez les patients atteints de diabète, d’asthme ou d’un bloc cardiaque Une haute dose est souvent nécessaire ; des effets secondaires peuvent se produire ; titrer lentement ; contre-indiqué chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque congestive Titrer lentement (toutes les 2 semaines) à partir de 5 mg Titrer lentement à partir de 5 mg Titrer lentement à partir de 10 mg Titrer à raison de 900–1200 mg toutes les 2 semaines ; peut causer de la fatigue ou un œdème Titrer à raison de 25 mg/semaine ; un titrage rapide peut augmenter le risque d’éruption cutanée Titrer à raison de 250–500 mg/semaine ; peut provoquer de la somnolence (Suite)
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Tableau 124.3 Médicaments pour la prévention de la migraine (approuvés et non approuvés par la FDA) Médicament
Dose
Schéma thérapeutique
Commentaires
Valproate de sodium, valproate de sodium LP
125, 250 ou 500 mg (250 et 500 mg dans la formulation LP)
500 mg 2 fois par jour ; 1000 mg au coucher dans la formulation LP
Topiramate
15, 25, 50 ou 100 mg
50–100 mg 2 fois par jour ou 100–200 mg au total au coucher
Zonisamide
25, 50 ou 100 mg
100–400 mg au coucher
Approuvé par la FDA. Commencer à 250 mg par jour ; titrer lentement durant 2–4 semaines ; les femmes à risque de grossesse doivent prendre des suppléments d’acide folique ; risque de catégorie D pendant la grossesse ; cause la perte de cheveux chez environ 5 % des patients ; prendre du sélénium à un repas en dehors de la prise du valproate de sodium ; les tests de fonction hépatique sont recommandés après 1 et 3 mois Approuvé par la FDA. Peut causer une perte de poids, des effets secondaires réversibles/ transitoires : picotements et somnolence ; contreindiqué chez les patients atteints de lithiase rénale ou de glaucome Titrer avec une lenteur extrême à raison de 25 mg/ semaine ; peut causer une perte de poids ; effets secondaires réversibles/transitoires : picotements et somnolence ; contre-indiqué chez les patients atteints de lithiase rénale ou de glaucome
FDA : Food and Drug Administration ; LP : libération prolongée. Données de : Krymchantowski AV, Bigal ME, Moreira PF. New and emerging prophylactic agents for migraine. CNS Drugs 2002 ; 16 (9) : 611–34. Silberstein SD. Practice parameter : evidence-based guidelines for migraine headache (an evidence-based review). Report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology. Neurology 2002 ; 55 (6) : 754–62.
d’identifier et de traiter des troubles du sommeil comme l’apnée du sommeil ou le syndrome des jambes sans repos. Des hypersensibilités à des agents environnementaux et à des aliments peuvent également perpétuer les maux de tête. La relation des céphalées avec la chute estrogénique menstruelle et ovulatoire doit aussi retenir l’attention. Les altérations de la colonne cervicale secondaires à une arthrose ou à une maladie dégénérative du disque doivent être envisagées en cas de maux de tête réfractaires. Si l’une de ces affections sous-jacentes, ou leur combinai son, est présente, les deux types de médication, préventive et de la crise, seront moins efficaces, et le patient conclura à tort que les thérapies potentiellement efficaces ont échoué.
Futures directions L’avenir du traitement de la migraine repose sur le déve loppement de stratégies pharmacologiques et non pharma cologiques qui suivent les progrès de la compréhension de la physiopathologie de la migraine. Les études génétiques ont établi un lien entre la migraine hémiplégique (aura d’hémiplégie réversible) et une mutation d’un gène, dont la localisation chromosomique est 19p13 et qui code la pro téine formant le canal calcique de type P/Q. Des études de polymorphisme génétique ont mis en cause des altérations du gène codant le récepteur de la sérotonine dans la migraine
sans aura et du récepteur de la dopamine dans la migraine avec aura. Par ces études, on pourrait découvrir les raisons pour lesquelles les migraineux sont prédisposés à une sen sibilisation centrale et à une inflammation neurogène. Les études de neuro-imagerie peuvent continuer à fournir des liens entre les modèles animaux et humains. Les traitements non pharmacologiques commencent seulement à être sou mis à des essais cliniques rigoureux. Dans l’attente de leurs résultats, la neurohypnose, l’acupuncture, la thérapie par la musique et d’autres tentatives médicales trouveront proba blement une place dans l’arsenal antimigraineux. La forma tion des professionnels de soins de santé est un élément important du traitement de la migraine, car presque la moitié des migraineux restent non diagnostiqués. Des pres tataires de soins proactifs et éduqués permettront d’amélio rer la qualité de vie des migraineux et atténueront l’impact de cette maladie fréquente et invalidante.
Ressources supplémentaires Silberstein SD, Lipton RB, Goadsby PJ. Headache in clinical practice. Oxford Isis Medical Media : 1998. Ce texte décrit bon nombre de principes diagnostiques et thérapeutiques repris dans le présent chapitre, ainsi que l’histoire de la migraine. Olesen J, Tfelt-Hansen P, Welch KMA. The headaches. Philadelphie : Lippincott Williams & Wilkins ; 2006. Ce livre décrit bon nombre de principes diagnostiques et thérapeutiques repris dans le présent chapitre.
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SECTION XIII j Troubles neurologiques
Données probantes 1. Bigal ME, Lipton RB, Krymchantowski AV. The medical mana gement of migraine. Am J Ther 2004 ; 11 (2) : 130-40. PMID : 14999365. Les auteurs présentent des tableaux reprenant les médicaments dont l’efficacité a été établie de manière rigoureuse. 2. Burstein R, Collins B, Jakubowski M. Defeating migraine pain with triptans : a race against the development of cutaneous allody nia. Ann Neurol 2004 ; 55 (1) : 19-26. PMID : 14705108. Cet article fournit des arguments, fondés sur des faits, en faveur d’un traitement précoce de la crise migraineuse. 3. Calhoun AH. A novel specific prophylaxis for menstrual-associated migraine. South Med J 2004 ; 97 (9) : 819-22. PMID : 15455962. Cette référence décrit la relation, bien documentée, entre estrogènes et migraine. 4. Headache Classification Subcommittee of the International Headache Society. The International Classification of Headache Disorders. 2e éd. Cephalalgia 2004 ; 24 (Suppl 1) : 9-160. C’est la référence de base pour les critères diagnostiques de tous les maux de tête classifiables mentionnés dans le présent chapitre. 5. Krymchantowski AV, Bigal ME, Moreira PF. New and emerging prophylactic agents for migraine. CNS Drugs 2002 ; 16 (9) : 611-34. PMID : 12153333.
Cet article commente les divers médicaments utilisés dans le traitement de la migraine en se basant sur les résultats des essais cliniques. 6. Lipton RB, Silberstein SD. The role of headache-related disability in migraine management : implications for headache treatment guidelines. Neurology 2001 ; 56 (6 Suppl 1) : S35-S42. Cet article montre de manière objective que le traitement stratifié de la crise migraineuse est le plus approprié. 7. Lipton RB. American Migraine Study II. 42nd Annual Scientific Meeting of the American Headache Society, 23 juin 2000. Cet article est essentiel à la compréhension de l’épidémiologie de la migraine. 8. Silberstein SD. Practice parameter : evidence-based guidelines for migraine headache (an evidence-based review). Report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology. Neurology 2000 ; 55 (6) : 754-62. PMID : 10993991. Cet article, basé sur des faits, commente l’utilisation des médicaments repris dans le tableau des traitements. 9. Warner JS. The outcome of treating patients with suspected rebound headache. Headache 2001 ; 41 (7) : 685-92. PMID : 11554956. Cet article, basé sur des faits, traite des caractéristiques des céphalées de rebond après analgésiques et des implications pour leur traitement.