Mise au point thérapeutique : la dysfonction érectile chez le diabétique

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Stratégie thérapeutique Mise au point thérapeutique : la dysfonction érectile chez le diabétique Erectile dysfunction in diabetic patients P. Bondil1...

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Stratégie thérapeutique

Mise au point thérapeutique : la dysfonction érectile chez le diabétique Erectile dysfunction in diabetic patients P. Bondil1, S. Halimi2

Résumé

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La méconnaissance de la santé sexuelle et, encore récemment, le peu de moyens de traitement ont longtemps expliqué la réticence des diabétologues à prendre en charge la dysfonction érectile (DE), pourtant de prévalence élevée, nonobstant la forte demande de leurs patients. Malgré de nets progrès qui ont simplifié son traitement, cette prise en charge reste insuffisante. Pourtant une hiérarchisation claire est aujourd’hui définie : recours ou non à un avis spécialisé selon les formes simples ou complexes (plus rares), et traitements à visée étiologique si possible et/ou symptomatique « à la demande ». Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (iPDE5) par voie orale sont naturellement devenus le traitement de 1re ligne, en principe facile à prescrire par tout diabétologue chez une majorité de leurs patients. Cependant, malgré l’efficacité, la fiabilité et la bonne tolérance des iPDE5, la plus faible réponse à ces traitements chez le diabétique laisse une place significative aux traitements par injection intracaverneuse, ou au moins transitoirement. Ceux-ci sont en général indiqués seulement en 2e ligne, du domaine du médecin spécialisé, mais avec l’avantage d’un remboursement possible chez le diabétique. Plus récemment, l’opportunité d’une prise quotidienne systématique de faibles doses d’iPDE5, est une alternative innovante efficace qui vise à « démédicaliser » la situation et peut guérir certaines DE. Dans tous les cas, le traitement de la DE du diabétique doit être global, basé sur une approche clinique approfondie, adapté à chaque patient (demandes, réalité de sa vie sexuelle), avec un suivi des résultats et des effets indésirables éventuels.

Service d’urologie-andrologie, CHG de Chambéry. 2 Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition, CHU de Grenoble.

Mots-clés : Dysfonction érectile – traitement – diabète – bilan – inhibiteur de la PDE5. Summary

Correspondance : Pierre Bondil Service d’urologie-andrologie Centre hospitalier général 73011 Chambéry cedex [email protected]

The lack of knowledge concerning the sexual health and the until recently reduced number of efficient treatment explains the reluctance of diabetes specialists to take care of erectile dysfunction (ED). ED related to diabetes is frequent and the patient demand for treatment is a reality. In spite dramatic progresses of simplified treatment, its management is still inadequate. Even so, a clear prioritization is now established: to resort or not to a specialized viewpoint according to simple or complex forms and etiologic (if possible) and/or symptomatic (“on demand”) treatments. PDE5 inhibitors (PDE5i) naturally became the first line treatment, easy to prescribe by any diabetologist in a majority of patients. However, in spite of PDE5i efficacy, reliability and good tolerance, the lower treatment response in diabetic patient leaves a significant space for intracavernous injections, or at least transitively. Generally, these ones are only indicate on second line, by a specialist of this field, but with the advantage of a possible reimbursement for the diabetic patient. More recently, the opportunity of low doses of PDE5i, given once-a-day, confers an innovative and effective alternative leading to a “demedicalisation” of this condition and may heal some ED. Anyway, ED treatment in diabetic patient has to be global, clinically based, tailored to the needs and the sexual life of each patient, with a follow-up of the results and possible adverse events.

Key-words: Erectile dysfunction – treatment – diabetes mellitus – screening – PDE5 inhibitor.

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Stratégie thérapeutique

Introduction Jusqu’à présent, la dysfonction érectile (DE) était définie comme « l’incapacité persistante ou récurrente pendant au moins trois mois d’obtenir et/ou de maintenir une érection suffisante pour une activité sexuelle » [1-3]. Cette définition mériterait d’être réactualisée car elle exclut les érections spontanées nocturnes ou matinales, nouveau baromètre clinique de l’état de santé non sexuelle [1, 4]. Son diagnostic repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique. L’évaluation de son intensité est facilitée par l’emploi d’auto-questionnaires. En effet, environ un tiers des DE sont légères ou transitoires, non significatives et souvent difficiles à diagnostiquer. Dans un but, à la fois diagnostique, pronostique et thérapeutique, son caractère doit être précisé : sévère ou non, récent ou ancien, constant ou intermittent, isolé ou associé à d’autres dysfonctions sexuelles (20 % des cas) [5]. Malgré la prévalence élevée de la DE (liée à l’âge et aux maladies chroniques) et son impact souvent négatif sur la qualité de vie, force est de constater que le corps médical ignore, ou reste réticent, à prendre au sérieux ce trouble de la santé sexuelle trop souvent assimilé à un problème « mineur » [1, 6, 7]. Pourtant, quel que soit l’âge, la DE n’est jamais anodine, et ceci pour deux raisons. Tout d’abord parce que la vie sexuelle joue un rôle majeur dans le bien-être. Les données épidémiologiques montrent, chez près d’un homme sur deux, un mal-être et une demande de prise en charge [8, 9]. La DE est ensuite considérée comme un marqueur pertinent de mauvaise santé non sexuelle, corrélée à l’état de santé global [10]. La DE est, en particulier, de plus en plus assimilée à un nouveau marqueur clinique du risque cardiovasculaire (CV). Les corps érectiles sont en effet des organes vasculaires [1, 11, 12]. Cette intimité de liens entre DE et pathologie CV explique ainsi les recommandations internationales (grade A) [3, 13] d’évaluer le statut CV avant toute prescription, car la DE peut être un des premiers symptômes d’une maladie athéromateuse ubiquitaire ou d’une dysfonction endothéliale [14], ainsi qu’un des motifs de consultation chez les hommes entre 35 et 60 ans souvent peu ou mal suivis [1, 8].

Pourquoi le diabétologue doit-il prendre en charge la DE ? Le diabète occupe une place singulière pour trois raisons principales. • La prévalence de la DE est près de trois fois plus importante chez les sujets diabétiques par rapport à la population masculine générale [15, 16]. La prévalence varie, selon les publications et le type de population observée, de 27 à 75 % (pays occidentaux) et de 20 à 90 % (pays asiatiques) [1719]. L’incidence de la DE augmente avec l’âge, l’ancienneté et la sévérité du diabète [6], notamment en cas de complications macro- ou microvasculaires, de rétinopathie, de néphropathie chronique, de neuropathie sensorielle, de maladie cardiovasculaire, ainsi que chez les patients traités par insuline et diurétique [15, 18]. Avec 8,8 ans de suivi, l’étude MMAS (Massachusetts Male Aging Study) avait montré une incidence de la DE de 50,7 nouveaux cas pour 1 000 patients/an en cas de diabète (25,9 dans la population générale) [20]. Une récente étude italienne, menée chez des hommes diabétiques, a trouvé une incidence de 68 nouveaux cas de troubles érectiles pour 1 000 patients/an, au bout de seulement 2,8 ans de suivi, soit plus du double de celle ayant été rapporté dans l’étude MMAS, calculée au sein de la population générale [12], probable témoin de la pandémie de « diabésité » en cours. Les études montrent aussi que la DE du diabétique est souvent plus sévère, et donc souvent plus difficile à prendre en charge (cf. RCP respectifs des médicaments, Dictionnaire Vidal®). • Une majorité de patients diabétiques et de couples souhaiterait une prise en charge, quel que soit l’âge, en raison des conséquences défavorables sur la vie et le bien-être du patient et de son couple. Les enquêtes mettent aussi en évidence les difficultés réciproques de communication entre soignants et patients et d’information sur les troubles de la santé sexuelle. Ces lacunes expliquent que cette réelle demande des patients, plus ou moins exprimée, reste souvent ignorée, sous-estimée ou négligée, alors qu’elle contribue sans

conteste à améliorer la qualité de vie des patients et des couples. • La DE peut révéler un diabète ignoré voire, ceci ayant été plus récemment démontré, ses complications. Les recommandations internationales préconisent de doser la glycémie systématiquement lors du bilan biologique initial d’une DE [1-3]. La DE révélerait un diabète dans environ 10 à 12,5 % des cas [11, 12], et des glycémie à jeun élevées sont découvertes pour la première fois chez 15 % des patients avec une DE [12]. Puisque le diabète se caractérise par un risque élevé de complications ischémiques et thrombotiques au niveau cardiaque, cérébral et périphérique [5], la DE ne doit plus être négligée car elle représente un nouveau marqueur clinique du risque cardiovasculaire. Ainsi, dans la tranche d’âge 35-60 ans, et en l’absence d’autre étiologie manifeste (neurologique, iatrogène, traumatique), toute survenue d’une DE chez un sujet non diabétique (et à fortiori, diabétique) doit être considérée jusqu’à preuve du contraire, comme un « angor de verge », c’est-à-dire, comme un symptôme vasculaire à l’effort, prodrome potentiel d’accidents CV aigus pouvant engager le pronostic vital [8]. L’idée force de l’angor de verge est de tirer profit d’une « fenêtre d’opportunité » évaluée entre 2 à 4 ans [14, 21, 22] pour reconnaître précocement les sujets à risque CV significatif d’où le récent concept du « triple ED » (Erectile Dysfunction = Endothelial Dysfunction = Early Detection) [8, 21, 22]. L’accumulation continue de données scientifiques, épidémiologiques et physiopathologiques, indique qu’après 30 ans, cet « avertisseur » clinique peut également servir pour un dépistage proactif opportuniste pour de multiples situations à risque ou morbidités chroniques qui concernent très directement l’exercice spécifique du diabétologue (diabète, syndrome métabolique, maladies CV, endocriniennes, mauvaise observance) ou plus indirectement (pathologies prostatiques, addictives, iatrogènes, troubles de l’humeur ou du sommeil...) [7, 8, 22]. Ce « dépistage » prend d’autant plus d’importance que ces différentes morbidités restent insuffisamment pri-

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ses en charge [23]. En pratique, la DE peut être le premier symptôme ou parmi les premiers, témoin de neuropathie ou d’atteinte vasculaire chez le diabétique [6, 11, 22, 24, 25]. Les données actuelles militent pour son dépistage annuel systématique, à ajouter à la recommandation d’une recherche de troubles de l’éjaculation, d’autant plus que le sujet est plus jeune et que son dépistage ne repose finalement que sur une simple question ! Encore faut-il apprendre à la poser naturellement dans le cours de la consultation lors du bilan de la sphère génito-urinaire.

Quels sont les mécanismes physiopathologiques des troubles érectiles chez le diabétique ? Le développement des troubles érectiles chez les patients diabétiques est, encore plus souvent que chez le non diabétique [16, 26, 27], la conséquence de plusieurs mécanismes interagissant entre eux : atteintes vasculaires, dysfonction endothéliale, neuropathies, déséquilibres hormonaux, troubles psychologiques et prise de certains médicaments, dans un contexte global de maladie chronique [11, 17]. L’association entre micro- / macroangiopathie [28], hypertension artérielle, microalbuminurie [17] et DE, est retrouvée de manière significative chez les patients diabétiques. L’hyperglycémie, la dyslipidémie, le stress oxydatif et l’accumulation des protéines glyquées contribuent à la dysfonction endothéliale et à l’accentuation de la réponse inflammatoire au niveau vasculaire [26, 27, 29], Les phénomènes de thrombose participent à la gravité et à l’évolutivité de la microangiopathie [30]. La DE pourrait même être un nouveau marqueur de la résistance à l’insuline [24]. Si la DE peut révéler une neuropathie ou une atteinte vasculaire sous-jacente, plusieurs mécanismes (organiques, psychologiques, environnementaux) sont habituellement intriqués physiopathologiquement [5]. Cette association habituelle de plusieurs facteurs de risque / mécanismes de la DE explique aisément la prévalence élevée et la plus grande sévérité de la DE, car

le diabétique est typiquement un sujet à très haut risque de DE (notamment lié à son risque CV spécifiquement élevé) [16, 26, 27].

L’omnipraticien et/ou le diabétologue peuvent-ils traiter la DE ? « Certainement » ! Un apport original des recommandations françaises [2] est d’avoir clairement identifié les facteurs de complexité (tableau I) qui nécessitent une prise en charge diagnostique et thérapeutique graduée. Si le médecin généraliste est en principe bien placé pour connaître l’histoire médicale, la personnalité et la proximologie du patient, toute consultation avec un diabétologue peut conduire à saisir cette opportunité d’un temps dédié au diabète pour évoquer la problématique et prendre en charge une DE, et si besoin, prescrire un traitement. Il ne faut toutefois pas confondre sexualité, vie sexuelle, santé sexuelle et ses troubles. S’occuper de la santé sexuelle (et non de la sexualité) de nos patients revient à se préoccuper à la fois de leur qualité de vie et de leur état global de santé, d’où le concept de « désexualiser pour remédicaliser » [8].

examen CV et neurologique soigneux, examen biologique de débrouillage, et un examen andrologique clinique (organes génitaux, caractères sexuels) si nécessaire, sexo-psychologique, et enfin, une recherche de causes iatrogènes. Les antécédents sexuels, la motivation sexuelle, le contexte émotionnel, les événements de vie récents et l’environnement (affectif et socioculturel) seront analysés pour une prise en charge multidimensionnelle [1, 2, 32] réellement adaptée au patient. Ce premier bilan suffit à identifier les facteurs de complexité via l’analyse de trois paramètres (DE, co-morbidités associées et environnement), à distinguer facilement les DE simples ou non (tableau I) et à orienter vers une étiologie psychogène, organique, ou souvent mixte. Néanmoins en pratique quotidienne, le diagnostic étiologique, guidé par la clinique et l’âge (figure 1) n’est souvent que probabiliste du fait d’une habituelle intrication multifactorielle. Ceci vaut particulièrement chez le sujet diabétique [2, 16, 26, 27].

Quels sont les moyens thérapeutiques disponibles ? L’arsenal thérapeutique inclue aujourd’hui plusieurs formes de traitements, à visée étiologique ou d’aide à l’érection [1-3].

Quel bilan étiologique avant de traiter ? En plus du bilan de la maladie diabétique, ce symptôme devrait conduire à une évaluation de la santé globale (recommandation de grade A) du patient, c’est-à-dire, de la santé physique, psychique et sexuelle selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [1, 31]. Ce bilan recherche à la fois les situations potentiellement dangereuses pour la santé (tout particulièrement cardiovasculaires à type de coronaropathie méconnue, de syndrome métabolique, de mauvaise observance des traitements…) et les facteurs étiologiques et/ou de risque de DE [1-3, 8]. Il inclue, au minimum, un examen clinique général habituel chez un homme diabétique, incluant indice de masse corporelle (IMC), tour de taille,

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Tableau I : Facteurs de complexité de la dysfonction érectile (DE) [adapté de 1 et 2]. Problématique simple, si DE : • Secondaire ; • isolée (sans autre trouble sexuel*) ; • durée < 2 ans ; • capacité érectile résiduelle ; • au sein d’un couple motivé (sans « conjugopathie »). Problématique complexe, si DE : • primaire ; • associée à un autre trouble sexuel* ; • ancienne (durée > 2 ans) ; • capacité érectile résiduelle absente ou minime** ; • couple non motivé ou en mésentente ; • échec première prise en charge bien conduite et suivie. * si significatif = intensité moyenne ou sévère. ** score International Index of Erectile Function (IIEF-5) < 10, ou Erection Hardness Score < 2.

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Stratégie thérapeutique Les traitements étiologiques Traitant le symptôme et la cause, ils sont orientés par l’âge et l’étape clinique étiologique (figure 1), et peuvent être médicaux ou chirurgicaux. Plusieurs approches médicales peuvent être proposées : • La prise en charge, si besoin, des troubles de la santé non sexuelle (diabète, atteintes CV, métaboliques, troubles du sommeil, neuropsychiatriques et/ou une

mauvaise hygiène de vie incluant stress ou fatigue chroniques, addictions) qui provoquent ou favorisent la survenue ou le maintien de la DE [33] ; • Lorsque la relation iatrogène est plausible (recommandation de grade A), on devra vérifier l’imputabilité, la chronologie et les effets indésirables connus et solliciter l’avis du prescripteur : arrêt ou changement de médicaments « anti-érectiles » incriminés (notamment

certains psychotropes à action anticholinergique, les antiandrogènes ou les hyperprolactinémiants) [2-3] ; • Le recours à des psychothérapies et/ou sexothérapies, doit être envisagé, il est du domaine du sexologue, du psychologue ou du psychiatre, selon la sévérité ou la complexité du trouble (primaire, identitaire, conjugopathie, dépression récidivante). Cette approche de la DE comme un indicateur de santé globale et par l’éducation à une « bonne » santé mérite une place croissante puisque dans certaines populations sélectionnées, la seule amélioration de l’hygiène et du mode de vie (perte de poids et activité physique) peut suffire à améliorer la DE, et donc l’activité sexuelle, sans aucune aide pharmacologique [34, 35]. Enfin, la chirurgie réparatrice n’est envisagée qu’en cas d’anomalies péniennes acquises ou congénitales.

Les traitements spécifiques d’aide à l’érection Cette prise en charge symptomatique est essentiellement pharmacologique (tableau II) selon trois voies d’administration (orale, intracaverneuse ou intraurétrale), du site d’action (central ou périphérique) et de l’effet érectogène facilitateur ou inducteur [1-3, 37]. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (iPDE5), l’apomorphine, et la prostaglandine E1 (PGE1) intraurétrale, ont un effet facilitateur, et la stimulation sexuelle demeure nécessaire parce que le médicament ne provoque pas, mais amplifie, la réponse érectile. La PGE1 intracaverneuse possède un effet inducteur rendant l’érection possible en l'absence de stimulation sexuelle. Une approche mécanique avec le vacuum (pompe à vide qui aspire et maintient le sang à l’aide d’un anneau pénien) ou un traitement chirurgical palliatif (prothèses péniennes semi-rigides ou gonflables) sont plus rarement proposés [36].

3

Quelles sont les indications des différents traitements d’aide à l’érection ?

iPDE5 : inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 ; IIC : injection intracaverneuse ; PGE1 : prostaglandine E1. Figure 1a : Algorithme de la première prise en charge thérapeutique d’une dysfonction érectile (DE) réalisable par tout médecin.

Selon les recommandations nationales [2] et internationales [3, 37], la 1re ligne de traitement est représentée par les médicaments oraux, en réalité presque exclu-

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sivement les iPDE5 (grade A) du fait de leur efficacité et de leur bonne tolérance (tableau II). La yohimbine et l’apomorphine sont réservées aux rares cas associant une DE modérée à une intolérance ou une contre-indication aux iPDE5. La 2e ligne est représentée par les traitements locaux, surtout les injections intracaverneuses (IIC) de PGE1, indiqués en cas d’échec ou d’effets indésirables des traitements oraux (grade A). Cependant, l’IIC peut être prescrite en 1re intention plus volontiers chez les hommes diabétiques, bien moins en raison des rares contre-indications aux iPDE5, que de la préférence du patient du fait de sa rapidité d’action ou de son remboursement et plus encore lorsque la dysfonction érectile est ancienne et sévère, avec une probable inefficacité des iPDE5 prescrites en première intention. Une fois les érections relancées par ces injections, on peut revenir au iPDE5 avec succès. Rappelons qu’en cas de diabète, les IIC sont remboursées en utilisant une ordonnance de médicament d’exception (tableau III). La PGE1 en gel intra-urétral (Muse ®) n’est utilisée que dans des cas très spécifiques (DE peu sévère, en cas de contre-indication ou d’effets indésirables des iPDE5). De plus, l’efficacité de la PGE1 est faible et son emploi est peu pratique. En 3 e ligne, les traitements mécaniques, anneau pénien seul ou associé au vacuum, chirurgie prothétique, sont utilisés en cas de contre-indications, de refus ou surtout d’échec des traitements pharmacologiques. Malgré leur acceptabilité médiocre, ils doivent être proposés du fait de leur efficacité indéniable, particulièrement en cas de DE sévère, très fréquente chez les diabétiques. La préférence va au vacuum chez les couples stables, âgés, et pour la prothèse gonflable chez les sujets motivés plus jeunes. La prescription de tout médicament « sexoactif » doit s’intégrer dans une prise en charge médicale globale [13, 23] incluant « l’écologie sexuelle » du patient diabétique et du couple, avec : • prise en compte des souhaits, attentes et motivation [32] ; • adaptation à la réalité de sa vie sexuelle, profil de vulnérabilité sexuelle

(co-morbidités, traitements en cours, facteurs de complexité, environnement) ; • prise en compte du coût du traitement ;

• amélioration des aspects psychologiques (gestion du stress et du relationnel) ; • inclusion d’une dimension d’éducation thérapeutique [23] sur le diabète ;

* en cours d’évaluation (AMM pour Cialis® 2,5-5 mg). ** domaine du médecin familiarisé à la prise en charge de la santé sexuelle. * D’après les schémas de P.Bondil. La dysfonction érectile. Paris:John Libbey Eurotext; 2003, pp. 217-8 & Prise en charge d’une dysfonction érectile. Panorama du Médecin 2003;4888:44-5. Figure 1b : Algorithme de la première prise en charge thérapeutique d’une dysfonction érectile (DE) réalisable par tout médecin.

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Stratégie thérapeutique Tableau II : Comparaison synthétique des principaux traitements pharmacologiques d’aide à l’érection [D’après Bondil P. La dysfonction érectile. Paris:John Libbey Eurotext; 2003. p.139-40]. Inhibiteurs PDE5 Sildénafil Viagra®

Yohimbine

Apomorphine

Prostaglandine E1

Yohimbine®

Uprima®

Alprostadil Caverject®, Edex®, Muse®

Périphérique

Central surtout

Central

Périphérique

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Non

Non

Non

Oui

Non

Oui

Non

Oui

Facilitateur

Facilitateur

Facilitateur

Inducteur

Facilitateur

Orale

Orale

Sublinguale

Intracaverneuse

Intraurétrale

Tadalafil Cialis®

Vardénafil Levitra®

PHARMACOLOGIE Site d’action Traitement à la demande (AMM) Traitement quotidien (AMM°)

Non

Oui

Stimulation sexuelle Mécanisme action Absorption Demi-vie Tmax (temps pour pic maximum plasmatique) Début érection (min)

3-5 heures

Non

17,5 heures

4-5 heures

0h25-2h30

3 heures

1 à 5 minutes

n/a

60 min (médiane)

n/a

30 min

n/a

n/a

60 min

120 min

(médiane)

(moyenne)

Temps médian 25

À partir de 16

Significatif à partir de 25

n/a

18-19

5-10 minutes en moyenne

5-10 minutes en moyenne

25-100 mg

10-20 mg (36 h) 5-2,5 mg (24 h)

5-20 mg

20 à 60 mg

2-3 mg

5-20 μg

250-5001 000 μg

Oui

Non

Non

Oui

Non

1/24 h

1/ 36 h (si à la demande 10- 20 mg) ou 1/ 24 h (si quotidienne 2,5-5 mg)

1/24 h

3/ 24 h

1/8 h

1/48 h

1/12 h

Comprimé

Comprimé

Seringue

Suppositoire

Oui

Non

Oui

Non

Non

Non

POSOLOGIE Dose/jour Interaction avec aliments

Prise maxi / jour

Présentation

Comprimé

Ajustement dose Précautions avec âge

Oui Oui

Non

Non

Non

EFFICACITÉ Erectogène Groupe cible DE

Forte Sévère, modérée, légère

Légère

Modérée

Forte

Légère

Légère

Modérée, légère

Sévère, modérée, légère

Légère

Effets secondaires

Oui

Oui

Oui

Oui

Contre-indications

Oui

Oui

Oui

Oui

Interactions nitrates/NO

Oui

Non

Non

Non

Prudence avec α-bloquants

Prudence

Prudence

Non

Oui

Non

Non

Non

Sur ordonnance d’exception chez les diabétiques

Non

Interactions avec antihypertenseurs REMBOURSEMENT

IIC = injection intracaverneuse ; n/a = non applicable.

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• mise en place d’un suivi régulier avec une consultation de contrôle dans un délai de un à deux mois [2].

Tableau III : Principaux effets indésirables des inhibiteurs de la phosphodiestérase du type 5 (iPDE5) selon le résumé des caractéristiques du produit (RCP, Vidal®) des iPDE5 respectifs (en %). Effets indésirables

Quels sont les critères de choix d’un inhibiteur de la PDE5 (iPDE5) ? Le recul clinique, les essais cliniques et les recommandations montrent que le choix ne peut reposer sur une différence d’efficacité. Les trois molécules ont une égale efficacité dans les différentes sous-populations de patients avec DE. Leur morbidité, leurs effets indésirables sont aussi similaires (tableau III) [3, 37, 38]. La principale particularité de la DE diabétique est d’être, avec la DE iatrogène postprostatectomie, le groupe étiologique où les iPDE5 donnent les moins bons résultats (cf. RCP respectifs, Vidal®), reflet d’un trouble souvent plus sévère [16, 26, 27]. Les principales différences sont d’ordre pharmacocinétique (tableau II), mineures pour la vitesse d’absorption (variant respectivement de 60 à 120 minutes) et le début d’action (15 à 30 minutes) selon les molécules, et majeures pour la durée d’action : 36 heures de demi-vie pour le tadalafil par rapport aux 4 à 5 heures en moyenne pour le sildénafil et le vardénafil [39-41]. Le prescripteur doit connaître ces spécificités (et les AMM respectives) (tableau II) pour adapter au mieux l’iPDE5 à la problématique spécifique du patient [2, 42]. En 2007, le tadalafil, dosé à 2,5 et 5 mg, a obtenu une AMM en prise quotidienne pour les patients répondeurs au traitement « à la demande » qui prévoient un usage plus régulier, au moins deux fois par semaine. Plusieurs travaux récents ont démontré que le traitement régulier par iPDE5, c'est-à-dire qu’il y ait ou non une activité sexuelle programmée, conduit à une amélioration de la fonction vasculaire endothéliale érectile et extra érectile (actions anti-artériosclérose, antihypertensive artérielle et pulmonaire, cardioprotection…) [14, 43-45]. Outre le potentiel d’améliorer à la fois la DE et la dysfonction endothéliale, ce concept de prise régulière (quotidienne, bi- ou trihebdomadaire) a

À la demande

Quotidien

Sildénafil*

Tadalafil*

Vardénafil*

Tadalafil 5 mg**

Système nerveux – céphalée – vertiges

++ +

++ +

++ +

– –

Vasculaire – rougeur face – palpitations

++ +

+ –

++ –

+ –

Respiratoire – congestion nasale

+

+

++

+

Digestif – dyspepsie

+

++

+

+

Visuels – éblouissement

+







Ostéomusculaire – dorsalgies, myalgies



+



+

++ = entre 10 et 19 % ; + = entre 1 et 9 % ; * prise à la demande ; ** prise quotidienne à 2,5 et 5 mg.

montré qu’il facilite l’adhésion et l’observance thérapeutique du patient (et du couple) [9, 46-49]. En effet, la dissociation prise médicamenteuse/vie sexuelle, « démédicalise » et facilite une meilleure spontanéité masculine et féminine. Ces bénéfices, directs et indirects, du traitement régulier par iPDE5 apparaissent particulièrement intéressants en cas de diabète compte tenu de l’habituelle composante vasculaire, de la fibrose érectile et du retentissement négatif de la DE.

Effets indésirables et contre-indications des iPDE5 Les effets indésirables (notamment les céphalées et les bouffées de chaleur) sont peu fréquents (tableau III), mais sont un motif non rare d’arrêt du traitement en pratique quotidienne. Étant souvent dose dépendant et/ou drogue dépendant, il est conseillé dans un premier temps, de réduire la posologie en cas de traitement à la demande (si possible) ou d’utiliser le traitement quotidien qui minimise le risque d’effets indésirables. En cas d’échec, il convient d’essayer un autre iPDE5 (variations intra-individuelles) ou d’utiliser le traitement local de 2e ligne par injection intracaverneuse [2, 3, 37].

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Les contre-indications sont peu fréquentes et trop surévaluées. Mais, dans la pratique quotidienne, elles participent indiscutablement aux réticences des médecins et… des patients à prendre en charge la DE. Les contre-indications absolues (recommandations de grade A) sont rarement « sexo-psychologiques » (en cas de perversions ou d’addictions, nécessitant un avis spécialisé au moindre doute) [1, 2] et sont surtout cardiovasculaires (CV) [2, 3, 13, 37] : • médicales, liée au danger cardiaque provoqué par l’effort physique d’un rapport sexuel. Les rapports sexuels sont autorisés sans exploration cardiologique préalable chez tout patient actif et non symptomatique lors d’efforts réguliers et/ ou ayant moins de quatre facteurs de risque CV (en dehors du sexe masculin), ou après avis cardiologique (et test d’effort si besoin) chez tout patient sédentaire et/ou présentant plus de trois facteurs de risque et/ou à fortiori, coronarien connu [13]. En pratique, l’inaptitude cardiaque (douleur thoracique persistante, impossibilité de monter 2 à 3 étages à pied ou de marcher au moins 20 minutes par jour) ne concerne qu’une minorité de patients ; • pharmacologiques, liées essentiellement à la prise concomitante d’iPDE5 avec les dérivés nitrés et les donneurs de monoxyde d’azote (NO) (risque d’hy-

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Stratégie thérapeutique

potension artérielle sévère) [2, 3, 13, 37]. Dans tous les cas, il faut rassurer le patient (et sa partenaire !) sur l’absence de danger CV des iPDE5 (crainte encore très présente) et insister sur le fait (encore ignoré) que c’est la DE qui peut être « dangereuse pour le cœur » en tant que marqueur précoce d’une mauvaise santé CV et que… les iPDE5 font du « bien au cœur » (au propre et au figuré) notamment en améliorant la fonction endothéliale des vaisseaux [14, 43-45] ; • oculaires (pour le sildénafil et le vardénafil), en cas de perte de la vision d’un œil (exceptionnelle) due au NAION (névrite optique ischémique non artéritique) et de troubles dégénératifs de la rétine à type de rétinite pigmentaire (cf. RCP respectifs de ces médicaments, Vidal®). Les contre-indications relatives sont plus nombreuses, mais peu spécifiques : antécédent ou terrain à risque de priapisme (drépanocytose, myélome, leucémies…) et certains groupes de patients non inclus dans les essais cliniques (cf. RCP respectifs des médicaments, Vidal®).

Quelle place pour les traitements hormonaux ? Le traitement hormonal est indiqué lorsqu’une endocrinopathie est documentée (insuffisances gonadiques primaires ou secondaires et, dans un autre registre, hypothyroïdie). Par ailleurs, les preuves s’accumulent en faveur d’une corrélation entre syndrome métabolique, obésité, diabète de type 2 et déficit en stéroïdes sexuels qui ont un rôle important pour le maintien de la santé sexuelle, mais aussi endothéliale et globale [50, 51]. La dysrégulation de la fonction endothéliale qui en résulte joue un rôle de cofacteur de DE avec le déficit hormonal. La mesure du tour de taille témoigne de l’accumulation de tissu adipeux chez l’homme, un des principaux mécanismes prédisposant aux troubles métaboliques (rôle central de la résistance à l’insuline). On ne sait pas encore si l’accumulation de tissu adipeux diminue la production de testostérone, ou si c’est la diminution de testostérone liée à

l’âge qui contribue à l’obésité viscérale et au risque de maladies CV [16]. Que l’obésité viscérale soit cause ou conséquence, la DE pourrait être un marqueur sentinelle d’une résistance à l’insuline sous-jacent, d’où l’intérêt de son dépistage proactif dans les populations à risque [22, 24]. En fait, la DE est sans conteste une excellente opportunité de bilan hormonal pour quatre raisons principales : • plusieurs endocrinopathies facilitent ou provoquent sa survenue ; • un hypogonadisme (cause ou conséquence de la DE) est souvent présent après 50 ans (notamment en cas de diabète, d’obésité ou de syndrome métabolique) ; • chez les patients non répondeurs aux iPDE5, un déficit androgène sous-jacent doit être recherché de principe [10, 16] ; • la baisse de testostérone, notion récente, aggraverait la morbi-mortalité prématurée (notamment CV) [50]. La DE fait ainsi partie d’un « quartette redoutable » pour la santé de l’homme avec le déficit en testostérone, les troubles métaboliques et les pathologies CV. Ces données

Les points essentiels Que faire en cas d’échec de la première prise en charge ? Une consultation de contrôle est recommandée après un à deux mois pour évaluer l’efficacité du traitement, le degré de satisfaction, les difficultés éventuelles et la possibilité d’un sevrage [2]. En cas de résultats insuffisants ou insatisfaisants, l’interrogatoire suffit souvent à corriger les erreurs d’utilisation ou à ajuster la posologie en augmentant jusqu’à la dose maximale autorisée (tableau II). En cas d’échec persistant des médicaments d’aide à l’érection de 1re et 2e ligne correctement pris, il faut craindre, à fortiori en cas de diabète, une atteinte organique sévère (fibrose caverneuse, artériopathie) qui relève d’une prise en charge spécialisée, incluant des associations variées (hors AMM et encore non validées) de traitements oraux et/ou locaux (figure 1). Dans tous les cas, le vacuum ou la chirurgie palliative (prothèse pénienne) sont une alternative possible, quelle que soit la sévérité de la DE [36].

• Le diabétologue ne doit plus négliger la dysfonction érectile (DE) qui constitue un nouveau marqueur clinique pertinent de mauvaise santé non sexuelle (notamment cardiovasculaire). • Toute survenue d’une DE (à fortiori chez un diabétique, terrain à haut risque cardiovasculaire et de dysfonction érectile) exige un bilan minimal de santé pour ne pas méconnaître une étiologie curable ou dangereuse de la DE mais aussi, une aggravation du diabète. • Éthiquement, la DE doit être prise en charge car : – la santé sexuelle (et non la sexualité) relève du domaine médical ; – son traitement améliore souvent la santé et la qualité de vie du patient ; – sa prise en charge a été simplifiée par la hiérarchisation en DE simple ou complexe (plus rares) et de ses traitements à visée étiologique ou uniquement symptomatique « à la demande ». • Comme prévu, l’efficacité et la fiabilité des inhibiteurs de la PDE5 (iPDE5) par voie orale en ont fait le traitement de 1re ligne, facile à prescrire par tout diabétologue pour une majorité de leurs patients. À l’inverse, les traitements locaux, indiqués en 2e ligne, restent du domaine du médecin spécialisé. Depuis deux ans, la prise quotidienne (suivie ou non d’une activité sexuelle) d’iPDE5 est une nouvelle approche qui vise à guérir certaines DE et aussi à améliorer diverses co-morbidités chroniques favorisant la DE. • Prescrire un iPDE5 sans explication et sans évaluation des facteurs de complexité est une erreur, car la prise en charge doit être toujours globale, c’est-à-dire : – dictée par la clinique ; – adaptée à chaque patient (demandes, réalité de sa vie sexuelle) ; – optimalisée du fait de l’impact essentiel de son « écologie sexuelle ».

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Mise au point thérapeutique : la dysfonction érectile chez le diabétique

soulignent à nouveau l’intérêt d’un dépistage proactif à la fois de la santé sexuelle et de la « santé androgène » en cas de terrain à risque (diabète, syndrome métabolique, obésité, pathologie CV, pathologie prostatique, dépression) [16]. Enfin, la mise en place de mesures hygiéno-diététiques (arrêt de la consommation d’alcool, perte de poids et activité physique) et d’un traitement adapté du diabète permettant d’obtenir un contrôle glycémique correct concourt à la prise en charge globale des troubles érectiles du patient. En effet, il a été noté que le taux d’HbA1c est significativement plus élevé chez les diabétiques avec une DE, comparé à ceux ne souffrant pas de troubles de l’érection [25].

Peut-on prévenir la DE chez le diabétique ? Prévenir (ou ralentir) la survenue d’une DE est possible, sous réserve d’une politique de prévention tout au long de la vie, en intégrant trois dimensions : - « sexerciser ou… plus on s’en sert, au mieux cela fonctionne » car maintenir une activité sexuelle régulière et épanouie est un moyen de protection (validée) contre la DE et pour la santé sexuelle ; - savoir s’adapter aux modifications sexuelles (homme/femme) liées à l’âge (sécheresse vaginale, allongement de la période réfractaire, baisses sensorielles…) ; - lutter contre le vieillissement pathologique via d’une part, la préservation du capital santé et d’une vie sociale, et d’autre part, une bonne hygiène de vie et une prise en charge précoce des multiples maladies chroniques et/ou facteurs de risque pour la santé (très souvent corrélées à l’âge et à la DE) [23]. À ce titre, la prévention de l’obésité, du diabète, sa prise en charge précoce et l’éducation thérapeutique (à la maladie diabétique et à la santé globale) ont un rôle indéniable. En fait, la prévention de la DE est un nouveau concept qui s’inscrit dans une stratégie de prévention globale d’une « bonne santé » à l’échelon individuel et collectif [33, 52]. La préservation d’une vie sexuelle satisfaisante s’intègre parmi plusieurs priorités de santé publique au niveau international, notamment le concept de vieillissement sans handicap.

Conclusion Comme chez nombre d’omnipraticiens ou d’autres spécialistes, force est de constater, chez une majorité de diabétologues, une « frilosité » persistante à s’occuper ou à prendre en charge la DE. Pourtant, la problématique est réelle pour leurs patients, avec une prévalence de DE très élevée et une demande également fréquente de prise en charge, d’autant plus que la DE peut être même parfois un symptôme clinique révélateur du diabète ou de son aggravation, et notamment un indicateur de risque CV. Aujourd’hui, la possibilité existe d’améliorer la santé sexuelle et globale du patient, donc sa qualité de vie, déjà profondément altérée par des contraintes multiples. L’efficacité, la fiabilité et la tolérance, quoiqu’inconstantes des iPDE5, ont simplifié la prise en charge de la DE diabétique qui n’est plus du domaine exclusif du spécialiste de la DE, du moins pour les cas simples. Mais ce traitement sera toujours guidé par la clinique et adapté à chaque patient et à son environnement. C’est pourquoi, un accompagnement et un suivi optimisés de la prescription s’imposent, visant à rassurer, adapter et expliquer la conduite et le rationnel du traitement de la DE. Cette prise en charge s’inscrit dans une démarche globale d’éducation thérapeutique, particulièrement utile en cas de maladie diabétique, le symptôme DE pouvant servir de levier de motivation pour faciliter l’observance.

Remerciements Les auteurs remercient le docteur Thierry Grivel pour son aide importante dans la préparation de ce manuscrit. Conflits d’intérêt Pierre Bondil déclare des conférences rémunérées en relation avec les firmes Bayer-Santé, Lilly-France et Pfizer. Serge Halimi ne déclare aucun conflit d’intérêt en relation avec le contenu de cet article ; il déclare par ailleurs des conférences rémunérées pour le groupe Lilly, portant sur d’autres classes de médicaments que ceux cités dans cet article.

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