j Pddiatr Pudriculture 1999 ; 12 : 488-93 © 1999 l~ditions scientifiques et mddicales Elsevier SAS. Tous droits rdservds
D ERMATO LOG I E
molluscum contagiosum C. Bieder, M. Larr~gue Unit6 de dermatologie p~diatrique, hOpital d'Enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Pr-Arno/d-Netter, 75571 Paris cedex 12
Recju le 5 a o f i t
1999;
accept6 le 16 septembre
L
e molluscum contagiosum (MC) est une infection cutan6e virale fr6quente chez I'enfant. II est d~ ~] un volumineux virus ADN de la fomille des poxvirus. Dons son g6nome, on retrouve certains g(~nes ayant une homologie avec les g@nes du smollpoxvirus.
virologie Le virus du M C appartient ~i la famille des poxvirus. C'est un volumineux virus de 100 x 200 x 300 nm en forme de brique ~iA D N bicatdnaire. Ce virus est similaire mais non identique au virus de la vaccine. Son gdnome est composd de 190 x 103 paires de base dont certains ghnes ont une homologie avec les ghnes du smallpoxvirus. Eanalyse de I'ADN viral a permis d'isoler trois souches de virus, les types 1, 2 et 3. Le type 1 est le plus frdquent, responsable de plus de 85 % des ldsions mais apparemment il n'existerait pas de corrdlation entre l'aspect clinique des molluscums contagiosums et le type de virus.
pathog~nie et immunologie Le virus du M C donne des tumeurs 4pidermiques type de papules ombiliqudes dans lesquelles la rdplica-
488
1999
tion virale est limitde au cytoplasme des kdratinocytes. ldexamen histologique est tout ~i fait caractdristique. Udpiderme s'dpaissit, s'invagine en formant une masse assez volumineuse constitude de lobules piriformes dont les axes convergent vers une sorte d'orifice qui correspond ~i la zone centrale ombiliqude de la ldsion. Les cellules malpighiennes qui constituent les lobules subissent une kdratinisation anormale au fur et ~t mesure qu'elles progressent de la basale vers la couche cornde, elles perdent leur noyau et deviennent ovo'fdes, denses, d'abord tr~s dosinophiles puis fortement basophiles en se rapprochant de la surface. Cette anomalie de la maturation cornde est due ~i l'action du virus sur les cellules malpighiennes. Si on presse l'ombilication centrale, une mati~re blanch~tre s'dchappe ; elle contient des kdratinocytes remplis d'inclusions caractdristiques. Les cellules de la couche basale se divisent deux fois plus vite que les cellules normales. La synthSse virale a lieu dans les kdratinocytes de la couche de Malpighi et de la couche granuleuse. Les kdratinocytes infectds par le virus du M C n'expriment pas les antig&nes d'histocompatibilitd de classe I et montrent l'activation de marqueurs tels que la transferrine ou le facteur de croissance dpidermique qui pourrait expliquer la persistance des ldsions chez les patients immunocompdtents. Ceci pourrait &re la cause du manque de reconnaissance de ces kdratinocytes infectds par l'immunitd cellulaire de l'h6te et expliquer la prolifdration des ldsions. Chez ces sujets immunocompdtents, les ldsions peuvent persister des mois ou JOURNAL DE PEDIATRIE ET DE PUI~RICULTUREn° 8 - 1999
des anndes, alors qu'on n'observe pas ou tr~s peu de signes d'inflammation. Un ddflcit de l'immunitd cellulaire entralne une croissance plus importante des molluscums contagiosums et une persistance de ces MC. La plupart des patients d&eloppent des anticorps lorsque les ldsions sont traitdes ou traumatisdes. En immunofluorescence, de faibles titres d'anticorps sont prdsents chez 69 ~i 89 % des patients prdsentant des MC.
pid miologie Le MC est une maladie exclusivement humaine, pr& sente dans le monde entier. Elle peut apparaltre ~in'importe quel age, mais l'infection est plus frdquente avant l'~ge de 5 ans. La contamination est soit directe, interhumaine, soit indirecte par l'intermddiaire d'objets souillds ou par auto-inoculation. Une plaie dpidermique peut favoriser l'inoculation virale, mais l'infection peut survenir sur une peau apparemment intacte. La pdriode d'incubation est en moyenne de 2 ~i8 semaines (2 semaines ~l 6 mois). Chez les enfants d'~ge scolaire, la maladie est plus frdquente chez les garcons que chez les filles et chez les enfants qui frdquentent la piscine. Une dtude australienne a montrd que le risque de contamination avec un enfant porteur de MC dtait prdsent en cas de frdquentation de la piscine de l'&ole mais pas de la piscine priv& ou de la piscine publique. Le risque de contamination le plus important est le partage de gants de toilette ou serviettes de bain avec un enfant porteur de MC. Darts ce cas, les ldsions sont tr~s nombreuses et de plus grande taille, de 4 ~ 5 ram.
clinique (figures 1, 2, 3) Les MC se prdsentent typiquement sous la forme de papules perldes ombiliqudes, hdmisph&iques, de 1 ~t 5 mm de diam&re, de la couleur de la pea~t normale, ou de couleur rose ou blanche. Les l&ions peuvent ressembler ~ des vdsicules lorsqu'elles sont translucides. Certaines ldsions sont beaucoup plus grosses, de 10 15 mm de diamhtre (molluscum g4ant). Les l&ions peuvent atteindre toutes les parties du corps, reals, chez le jeune enfant, elles sont plus fr& quemment retrouvdes au niveau du visage et du cou, des aisselles, de l'abdomen et des membres. Les ldsions anog4nitales sont habituellement sexuellement transmises chez l'adolescent et le jeune aduhe. La prdsence de l&ions au niveau anogdnital n'est pas en gdndral la J O U R N A l . DE PEDIATRIE ET DE PUI~RICUI.TURE n ° 8 - 1999
consdquence d'abus sexuels, mais le praticien doit garder ~i l'esprit cette possibilitd. Dix pour cent des MC sont entour& d'une &uption eczdmatiforme; elle dispara~t lorsque les MC sont trait& ou rdgressent. Chez les patients atteints de dermatite atopique (DA), les l&ions sont souvent profuses, localisdes de prdf&ence sur les plaques d'eczdma (plis des coudes, creux poplitds). La durde de l'dvolution est plus longue que chez les enfants indemnes de dermatite atopique. Le prurit favorise l'extension des MC par auto-inoculation due au grattage et le traitement de l'eczdma par antisepsie et dermocorticoYdes fait partie du traitement des MC dans la DA. Les MC sont dgalement profus chez les enfants immunoddprimds ou sous traitement immunosuppresseur. Chez les enfants s&opositifs pour le VIH, les MC sont plus frdquents, souvent gdants et profus. Ils sont considdrds comme une infection opportuniste. Le nombre et la sdvdritd des MC sont inversement proportionnels au nombre de lymphocytes T CD4. Les traitements antirdtroviraux, puis les tri- et quadrithdrapies associant antir&roviraux et antiprotdases ont, par l'amdlioration de leur immunitd, entralnd une diminution importante des MC chez ces enfants. Les atteintes p&ioculaires sont frdquentes chez Fenfant, atteignant souvent le bord libre des paupi&res; l'atteinte de la conjonctive est plus rare.
diagnostic (figures 4, 5, 6) Le diagnostic de MC est en gdn&al 4vident, mais les ldsions peuvent parfois dvoquer une varicelle, des verrues, des folliculites ou des condylomes au niveau para-anal. L'attouchement avec de l'azote liquide accentue l'ombilication centrale, permettant le diagnostic en cas de doute. L'ablation facile ~ la curette confirme le diagnostic. Eexamen cytologique aprhs coloration du matdriel blanch~tre contenu dans les papules montre les corps d'inclusions caract&istiques. 12examen histologique sera utile dans les cag difficiles. Chez le patient s&opositif pour le VIH, le diagnostic peut se poser avec une cryptococcose ou une histoplasmose.
volution (figure 7) Edvolution des MC est bdnigne et spontandment autolimit& dans le temps. Cependant, l'dvolution peut &re 489
Figure 1. Molluscums contagiosums h/piques du pli du coude chez un enfant de 2 ans et demi.
Figure 4. Molluscums contagiosums du pli du coude droit chez une enfant de 7 ans, ombilication centrale bien visible apr~s application d'azote liquide.
Figure 2. Molluscums contagiosums des paupi~res chez une enfant de 3 ans, immunocomp~tente, trait~e par cryoth~rapie.
Figures 5 et 6. Aspect histologique h/pique de Molluscum contagiosum faible grossissement (x 2,5) et fort grossissement (x 10).
Figure 3. Molluscums contagiosums et dermatite atopique chez une enfant de 3 ans.
490
J O U R N A L DE PE~DIATRIE ET DE PUERICULTURE n ° 8 - 1999
Figure 7. Molluscums contagiosums multiples surinfect~s avec ad~nopathies satellites chez un enfant de 2 ans. Ablation ~] la curette sous creme Emla ® apr~s antibioth~rapie.
Figures 10, 11. Deux gros Molluscums contagiosums scapulaires droits chez un enfant de 11 ans atteint par le VIH (TCD4 = 470) trait~ par DDI + D4T, 1998. Ombilication bien visible apr~s application cl'azote liquide, ablation E la curette sous anesth~sie locale (Xylocai'ne®).
Figure 8. Molluscums contagiosums profus du visage chez une enfant ha'itienne de 4 ans (sida de transmission maternofoetale), 1987. Avant traitement par AZT : ex~rese chirurgicale sous anesth~sie g@n~rale.
Figure 9. Gros Molluscums contagiosums du tronc chez un enfant de 3 ans atteint par le VIH, 1993. Traite par bith~ropie.
JOURNAL DE P!~DIATRIE I:T DF PUI~RICULTURE n ° 8 - 1999
491
prolongde sur plusieurs mois et la multiplication importante. I2abcddation de certains dldments peut compliquer cette dvolution. La surinfection mycosique a dtd rapportde. C'est pourquoi, si dans certains cas, l'abstention th&apeutique sera prdfdrde, le plus souvent, un traitement sera entrepris pour dviter l'extension k d'antres endroits du corps et la contamination des autres enfants et membres de la famille. Chez les atopiques et les immunod@rim&, le traitement est important pour &iter la dissdmination. La recrudescence des M C depuis quelques anndes serait li& fi l'arr& de la vaccination antivariolique &ant donnd l'immunitd crois& existant entre les diff&ents poxvirus.
traitement
Chez l'enfant atopique, le traitement de l'eczdma est important. I1 permet d'dviter l'extension des M C par auto-inoculation due au grattage et facilite leur traitement. Les dermocorticdides ne sont pas contre-indiquds ; au contraire, le traitement par antisepsie + dermocortico'ides des plaques d'eczdma sera assodd au traitement des M C par ex&~se ~ila curette et/ou cryoth&apie. Chez l'enfant immunod@rimd, les M C sont difficiles ~t traiter. I2ablation ~ la curette et la cryoth&apie restent les traitements de rdfdrence. En cas de M C profus, l'acide trichlorac&ique ~ 30 % en tamponnement une fois par semaine peut &re utile. Chez l'enfant s&opositif pour le VIH, les traitements associant antir&roviraux et antiprot4ases ont transformd l'aspect et l'dvolution des MC. Le traitement des M C repose dgalement sur l'ablation curette _+ cryothdrapie. En cas de ldsions pdrioculaires multiples, l'exdr~se sera chirurgicale sous anesth4sie gdn&ale comme chez cette enfant ha'itienne de 4 ans que nous avions vue ~ Trousseau en 1986 avant l'apparition de I'AZT pour des M C profus du visage
I1 n'existe pas de traitement efficace par voie interne. L'ablation ~tla curette est le traitement le plus simple et le plus efficace. La cryoth&apie est dgalement un traitement de rG&ence. 12application d'une crSme anesthdsiante (crSme EMLA ®) 1 ~i 2 heures avant la consultation est trSs utile chez l'enfant. Les molluscums gdants seront d&ruits apr~s anesth&ie locale par injection (Xyloca'ine®). D'autres traitements d'efficacitd variable ont dtd proposals tels que : la tr&ino'ine qui n'a pas l'autorisation de mise sur le marchd (AMM) dans cette indication; la cantharidine utilisde aux l~tats-Unis mais qui n'est plus disponible car elle pouvait provoquer de trSs grosses bulles en ddpit d'une application soigneuse; la podophyllotoxine en solution k 0,5 % mais n'a pas I'AMM dans cette indication et est contre-indiqude chez l'enfant (effet antimitotique), cependant aucun effet systdmique n'a dtd retrouvd dans l'&ude de Teillac-Hamel ; -l'acide trichlorac&ique ~ 30 %; - l a tuberculine chez l'enfant immunocomp&ent I D R ~i 10 U de tuberculine positive aprSs BCG).
Le pronostic des M C chez l'enfant immunocomp&ent est excellent. Bien que la maladie soit contagieuse, aucune mesure d'dviction n'est recommand&. Les enfants devront &iter le partage du linge de toilette, la piscine et les sports de contact. Dans la dermatite atopique, l'&olution est plus tenace et le traitement des M C passe par le traitement de l'eczdma. Dans le sida de l'enfant, le traitement sp&ifique du virus de l'immunoddficience acquise a nettement am& liord l'dvolution des MC. Le cidofovir, actif sur le cytomdgalovirus, s'est rdvdld actif sur les M C profus de l'adulte et reprdsente un espoir de traitement plus sp&ifique du virus du MC.
indications
r f rences
-
-
-
Chez l'enfant immunocomp&ent, on prG&era l'ablation ~ila curette ou la cryothdrapie apr&s application de crSme EMLA ®. Les gros molluscums seront ddtruits ~i la curette aprSs anesth&ie locale par une injection de Xyloca'ine ®. Les M C du visage et surtout p&i-oculaires seront traitds de prdfdrence par application de neige carbonique s&che. 492
(figures & 9, 1 O, 11).
conclusion
1 Birthistle K, Carrington D. Motluscum contagiosum virus. J Infect 1997; 34:21-8. 2 Bocquet H, Bagot M. Tumeurs b6nignes d'origine virale. Encycl M6d Chir (Elsevier, Paris) Dermatologie, 12-725-A-10, 1998; 9 p. 3 Buller RM, Burner J, Chen W, Kreider J. Replication of rnolluscum contagiosum virus. Virology 1995; 213 : 655-9.
J O U R N A L DE PEDIATRIE ET DE PUI~RICULTURE n ° 8 - 1999
4 Castilla MT, Sanzo JM, Fuentes S. Molluscum contagiosum in children and its relationship to attendance at swimming pools: an epidemiological study. Dermatology 1995 ; 191 : 527-9. 5 Choong K~, Roberts LJ. Molluscum contagiosum swimming and bathing: a clinical analysis. Aust J Dermatol 1999 ; 40 : 89-92. 6 Cronin TA, Resnik BI, Elgart G, Kerdel PA. Recalcitrant giant molluscum contagiosum in patient with AIDS. J Am Acad Dermatol 1996; 35: 266-7. 7 Goodman DS, Teplitz ED, Wishner A, Kleib RS, Burk PG, Hershenbaum E, et al. Prevalence of cutaneous disease in patients with acquired immunodeficiency syndrome (AIDS or AIDS-related complex). J Am Acad Dermatol 1987; 17: 210-20. 8 Gottlieb SL, Myskowski PL. Molluscum contagiosum. Int J Dermatol 1994; 33: 453-61. 9 Higher AS, Kur~z J. Viral infections. In: Textbook of dermatology. Champion RH, Burton JL, Ebling FL, eds. Rook/Wilkinson/Ebling Oxford: Blackwell Scientific; 1992. p. 867-952. 10 Kaopman RJJ, Van Merrienboer FC, Vreden SG, Dolmans WM. Molluscum contagiosum: a marker for advanced HIV infection. Br J Dermatol 1992; 126: 528-9. 11 Larr6gue M, Bieder C, Lhuillier N, Courpotin C. Molluscums contagiosums profus et SIDA chez I'enfant. Unit~ de dermatologie p6diatrique, journ~es dermatologiques de Paris; 1988: 37-37a. 12 Larr6gue M. Le molluscum contagiosum ou I'enfant martyr. La Feuille de Sorbier 1993; n° 1.
J O U R N A L DE PEDIATRIE ET DE PUERICULTURE n ° 8 - 1999
13 Lonceint J, Guillet G, Sassolas B, Guillet MH, Larr6gue M. Uimmunoth6rapie non sp6cifique par tuberculine, peut-elle 6tre propos~e dans le traitement des mollusca contagiosa de I'enfant ? Discussion 6 propos d'une ~tude ouverte chez 21 patients. Congr6s de la Soci6t6 fran~aise de dermatologie, 29 avril 1999. 14 Meadows KP, Tyring SK, Pavia AT, Rallis TM. Resolution of recalcitrant molluscum contagiosum virus lesions in human deficiency virus-infected patients treated with cidofovir. Arch Dermatol 1997; 133 : 987-90. 15 PorterCD, Blake NW, Cream JJ, Archard JC. Molluscum contagiosum virus. In: Wright D, Archard L, eds. Molecular and cell Biology of Sexually transmitted disease. London: Chapman and Hall; 1992. p. 233-57. 16 Schachner MA, Hansen RC. Viral infections in pediatric dermatology. 2nd ed. New York: Churchill Livingstone; 1995. p. 1278-81. 17 Senkevich TG, Budert JJ, Sisler JR, Koonin EV, Darri G, Moss B, et al. Genome sequence of a human tumorigenic poxvirus: prediction of specific host response- evasion genes. Sciences 1996; 273:813-6. 18 Steffen C, Markman J. Spontaneous disappearance of molluscum contagiosum. Ann Dermatol Venereol 1989 ; 116 : 923-4. 19 Teillac-Hamel D, Roux A, Loeb G, Muszynski R, Bodemer C, De Prost Y. Pharmacokinetic and safety profile of topical podophyllotoxin (0,5 % solution) on molluscum contagiosum in children. Eur J Dermatol 1996 ; 6 : 437-40.
493