Mortalité coronaire en France selon les sources d’information

Mortalité coronaire en France selon les sources d’information

© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Rev Epidemiol Sante Publique, 2006, 54 : 453-461 Mortalité coronaire en France selon les sources ...

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© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Rev Epidemiol Sante Publique, 2006, 54 : 453-461

Mortalité coronaire en France selon les sources d’information Coronary mortality in France according to data sources P. DUCIMETIÈRE(1), E. JOUGLA(2), B. HAAS(3), M. MONTAYE(4), J.-B. RUIDAVETS(5), P. AMOUYEL(4), D. ARVEILER(3), J. FERRIÈRES(5), A. BINGHAM(1) (1) INSERM Unité 258 — IFR69, 16, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94807 Villejuif Cedex. Email : [email protected] (Tirés à part : P. Ducimetière) (2) INSERM CépiDc, Le Vésinet. (3) Projet MONICA Strasbourg, Laboratoire d’Épidémiologie et de Santé Publique, Faculté de Médecine. (4) Projet MONICA Lille, INSERM U508, Institut Pasteur de Lille. (5) Projet MONICA Toulouse, INSERM U558, Faculté de Médecine Toulouse-Purpan.

Background: Since 1985, two sources of information currently yield coronary disease frequency indicators among the French population: the national cause of death statistics set up by the CépiDC (INSERM), on the one hand, and three registries recording myocardial infarction and coronary deaths as defined by the WHO MONICA Project in three regions (Bas-Rhin, Communauté Urbaine de Lille, Haute-Garonne) on the other hand. Particularly, an inquiry for each possibly coronary death allows the registries to conclude positively (with or without a myocardial infarction), negatively or that no conclusion can be drawn because of insufficient data. The aim of the present work is to analyze concordance between coronary deaths issuing from the two sources according to their definition, while taking into account, or not, multiple causes listed on the death certificates. Material and methods: In total, 4,664 deaths occurring in 2000 in the 35-64 year-old population of the three regions identified by the CépiDc were paired with the 812 deaths analyzed by the registries. The MONICA classification was compared with that of the CépiDC which used the ICD 10th Revision of the initial cause or after taking into account multiple causes. In each case, the concordance between the final classifications (coronary deaths or not) and the mortality ratio obtained from the two sources were computed. Results and conclusions: Eight hundred and six deaths could be paired: 310 with a coronary cause according to the registries, 420 of presumed coronary cause but with insufficient data and 76 of non coronary origin. Whereas the total number of coronary deaths was similar for the two sources, their concordance was relatively low (kappa=0.61). However, when the deaths with insufficient data were included in the MONICA definition, concordance decreased and a large underestimation (59%) of the coronary mortality is given by the national statistics as compared to the registries. Taking into account multiple causes of death and not only the initial cause permitted partly to reduce this underestimation (42%) and to increase concordance (kappa from 0.46 to 0.51). These findings have important consequences for international comparisons concerning coronary disease. Indeed, the MONICA Project showed that the frequency of deaths with insufficient data was especially elevated in France leading to an underestimation of the coronary death rates provided by the national statistics in comparison with other countries, particularly in Europe. Coronary mortality. National cause of death statistics. MONICA Project. Concordance. Texte reçu le 27 janvier 2006. Acceptation définitive le 19 juin 2006.

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P. DUCIMETIÈRE ET COLLABORATEURS

Position du problème : Depuis 1985, deux sources d’information fournissent des indicateurs de la fréquence de la pathologie coronaire dans la population française : la statistique nationale des causes de décès établie par le CépiDC (INSERM), d’une part, et trois registres répertoriant les cas d’infarctus du myocarde et les décès coronaires définis par le projet MONICA de l’OMS dans trois régions (BasRhin, Communauté urbaine de Lille, Haute-Garonne), d’autre part. En particulier, une enquête effectuée pour chaque décès susceptible d’avoir une origine coronaire permet aux registres de conclure soit positivement (avec ou sans infarctus) soit négativement, soit à une impossibilité de décider en l’absence de données suffisantes. Le présent travail a pour but d’étudier la concordance des classifications des décès de cause coronaire à partir des deux sources d’information selon la définition retenue d’une part et en tenant compte ou non des causes multiples inscrites sur les certificats de décès d’autre part. Matériel et méthodes : Les 4,664 décès intervenus durant l’année 2000 dans la population de 35 à 64 ans des trois régions et répertoriés par le CépiDC ont été appariés avec les 812 décès dont les causes ont été étudiées par les registres. Après appariement, la classification MONICA a été confrontée à celle du CépiDC, construite à partir du code CIM10 de la cause initiale ou après prise en compte des causes multiples. Dans chaque cas, la concordance entre les classifications finales (décès coronaire ou non) a été établie et le rapport entre la mortalité coronaire obtenue à partir des deux sources a été calculé. Résultats et conclusions : Huit cent six décès ont pu être appariés, dont 310 de cause coronaire selon les registres, 420 présumés de cause coronaire mais avec données insuffisantes et 76 d’origine non coronaire. Alors que le nombre de décès coronaires estimé selon les deux sources est très voisin, la concordance entre les classifications est relativement faible (kappa = 0,61). Cependant, lorsque les décès avec données insuffisantes sont inclus dans la définition MONICA, la concordance diminue et une forte sous-estimation (59 %) de la mortalité d’origine coronaire est observée par la statistique nationale par rapport aux registres. La prise en compte des causes multiples en plus de la cause initiale permet, dans une certaine mesure, de réduire cette sous-estimation (42 %) et d’améliorer la concordance entre les résultats provenant des deux sources (kappa passant de 0,46 à 0,51). Ces résultats ont des conséquences importantes en ce qui concerne les comparaisons internationales. En effet, le Projet MONICA a montré qu’en France le pourcentage de décès avec données insuffisantes est particulièrement élevé, conduisant à une sous-estimation des taux de décès coronaires établis à partir de la statistique nationale relativement aux autres pays, en particulier européens. Mortalité coronaire. Statistique nationale des causes de décès. Projet MONICA. Concordance.

INTRODUCTION

La Statistique Nationale des Causes de Décès joue un rôle essentiel dans la surveillance de la santé de la population, particulièrement en ce qui concerne les pathologies fréquentes et de létalité globalement élevée, comme les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Parallèlement, depuis plusieurs dizaines d’années, des recueils standardisés de morbidité (registres de morbidité) existent pour ces mêmes maladies ou pour certains sous-groupes de ces maladies dans des zones géographiquement limitées permettant, en particulier, de compléter utilement la surveillance sanitaire. Dans le domaine cardiovasculaire, c’est le cas des registres de l’infarctus du myocarde et du décès coronaire, communément

appelés registres MONICA, du nom du Projet international de l’OMS qui a défini leurs procédures et coordonné leur activité dans la période 1985-93 [1]. En France, trois registres couvrant chacun une zone géographique d’environ un million d’habitants (Bas-Rhin, Communauté Urbaine de Lille, Haute-Garonne) ont participé au Projet MONICA, puis ont poursuivi leur activité de 1997 à nos jours [2]. Le fonctionnement des registres MONICA [3] les a conduits à rechercher, selon un protocole standardisé, les éléments permettant d’établir un diagnostic d’infarctus du myocarde (létal ou non) ou d’accorder une cause coronaire à un décès non précédé d’un infarctus documenté, mais également d’émettre l’hypothèse d’une mort d’origine coronaire en présence de données insuffisantes

MORTALITÉ CORONAIRE EN FRANCE

pour pouvoir l’affirmer. Dans cette dernière catégorie sont placés, en particulier, de nombreux décès rapides et/ou inattendus pour lesquels peu ou pas de renseignements médicaux sont disponibles. Cette attention particulière portée par les registres aux causes de décès qui sont seulement présumées coronaires n’a évidemment pas d’équivalent dans le processus classique de certification qui propose une cause initiale, accompagnée généralement de causes associées reposant sur les seuls éléments factuels dont dispose le médecin certificateur, généralement en dehors de toute enquête spécifique et de tout intérêt particulier concernant la pathologie coronaire. Il faut donc s’attendre à une concordance imparfaite, mais également à des taux de décès coronaire marginaux possiblement très différents selon les deux sources d’information. Le présent travail vise a) à confronter au niveau individuel les causes de décès coronaires ou présumées coronaires établies à partir des deux sources d’information dans les 3 registres français au cours de l’année 2000, et b) à étudier dans quelle mesure la prise en compte de l’ensemble des causes spécifiées dans les certificats de décès permettrait d’améliorer la concordance entre les deux sources et de diminuer l’écart entre les taux de mortalité coronaire auxquels elles conduisent. Les conséquences sont discutées dans la perspective des comparaisons géographiques initiées par le Projet MONICA, qui avaient permis de relativiser la faible susceptibilité coronaire observée dans la population française par rapport à celles des autres pays européens, à partir des données de mortalité issues des certificats de décès [4, 5]. MATÉRIEL ET MÉTHODES

REGISTRES DE MORBIDITÉ En 2000, le protocole d’enregistrement de l’infarctus du myocarde et du décès coronaire est identique au protocole MONICA pratiqué de 1985 à 1993 en ce qui concerne l’analyse des décès. En revanche, l’infarctus du myocarde est répertorié en fonction du seul compte rendu d’hospitalisation, sans la validation spécifique introduite par le protocole MONICA. Le présent travail, s’intéressant seulement aux décès, n’est donc pas concerné par cette différence de protocole. Les décès intervenus parmi les résidents de la zone couverte par les registres, âgés de 35 à 64 ans, sont répertoriés et les circonstances et les causes des décès sont recherchées

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auprès des hôpitaux et des médecins. Une première sélection conduit à sélectionner les cas pouvant potentiellement avoir une origine coronaire et pour lesquels un dossier anonyme est établi et transmis au centre de coordination (INSERM U258Villejuif). En 2000, 812 décès ont ainsi été comptabilisés dans les trois registres et leur cause a pu être attribuée à un infarctus du myocarde documenté dans 81 cas (catégorie 1 — infarctus). L’information disponible, en particulier l’existence d’antécédents pathologiques et/ou de symptômes cliniques, a permis d’attribuer une cause coronaire pour 233 décès, en l’absence de document permettant d’authentifier un infarctus du myocarde (catégorie 2 — autre décès coronaire). Une cause coronaire possible a été suspectée dans 422 cas, en l’absence de toute autre cause évidente, mais les données recueillies ne permettent pas d’établir le diagnostic. Néanmoins, la recherche d’informations complémentaires a permis d’identifier parmi eux 270 cas pour lesquels le décès est intervenu moins de 24 heures après l’apparition de premiers signes cliniques et qui constituent la catégorie 3 (décès < 24 h). Les 152 autres décès sont classés en catégorie 9 (décès avec données insuffisantes). Enfin dans 76 cas, la possibilité d’une cause coronaire du décès a pu être, dans un second temps, éliminée (décès non coronaire). Plusieurs définitions des décès par maladie coronaire selon les registres sont utilisées pour l’analyse en regroupant les décès des catégories 1 et 2, auxquels sont ajoutés successivement ceux des catégories 3 puis 9.

STATISTIQUE NATIONALE DES CAUSES DE DÉCÈS Le CépiDc (Centre d’Épidémiologie sur les Causes de Décès de l’Inserm) a identifié un total de 4 664 décès, toutes causes confondues, s’étant produits durant l’année 2000 chez les sujets âgés de 35 à 64 ans, domiciliés dans les régions géographiques couvertes par les trois registres. Un appariement cas par cas avec les décès répertoriés dans les registres a été réalisé à partir de la date et du lieu de naissance, du sexe, et de la date et du lieu de décès. Il a pu être fait pour 806 cas sur 812 ; les six cas non appariés ne seront pas pris en compte spécifiquement dans l’analyse puisqu’ils sont, par définition, inclus dans l’ensemble de 3 858 décès considérés comme non retenus par les registres. La confrontation des causes de décès portera donc sur les 806 cas répertoriés par les deux sources. De plus, les 3 858 autres décès répertoriés à partir des seuls certificats de décès seront analysés en fonction de la cause (initiale ou multiple) sélectionnée par le CépiDc, en particulier pour isoler les cas de décès coronaire non identifiés à partir des registres. Les informations provenant du CépiDc disponibles pour chaque décès sont le code (CIM 10e Révision) de la cause initiale sélectionnée à partir des règles de la Classification Internationale des Maladies, ainsi que l’ensemble des codes correspondant aux causes associées dont le nombre dans cette étude varie de 0 à 16.

CLASSIFICATION DES CODES DE DÉCÈS Les causes de décès enregistrées par le CépiDc ont été classées de deux manières différentes. Dans un premier temps, seule la cause initiale de décès a été prise en compte et un regroupement a été effectué à partir

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P. DUCIMETIÈRE ET COLLABORATEURS

TABLEAU I. — Classification des causes de décès déterminées à partir des certificats de décès : codes de la CIM 10e Révision utilisés dans l’algorithme de classification.

3- cause ischémique non exclue

Groupe

6- toute autre cause

CIM 10

Libellé

1- Infarctus myocarde

I21.0-I24.9

Infarctus myocarde

2- Autre cardiopathie ischémique

I20.0-I20.9

Angine de poitrine

I25.0-I25.9

Coronaropathies chroniques

3- Cardiopathie ischémique non exclue

I11.0-I11.9

Dans un deuxième temps, il a été tenu compte de l’ensemble des causes de décès (initiale et associées) et l’algorithme suivant a été utilisé : – si au moins un des codes est éligible pour le groupe 1, le décès est classé groupe 1 – sinon, si au moins un des codes est éligible pour le groupe 2, le décès est classé groupe 2 – /.../ – sinon, si au moins un des codes est éligible pour le groupe 5, le décès est classé groupe 5 – sinon le décès est classé groupe 6 (ou 9 si cause inconnue).

Cardiopathies hypertensives

R07.2-R07.4 Douleurs thoraciques

5- Décès rapide ou inattendu

I30.0-I51.9

Autres cardiopathies

I70.0-I70.9

Athérosclérose

I60.0-I67.9

Maladies cérébrovasculaires

R96.0

Mort instantanée

R96.1

< 24 h sans cause

R98

6- Autre cause 9- Cause inconnue

Cet algorithme simple permet, pour chaque décès, de retenir le groupe correspondant à la cause la plus « proche » d’un diagnostic de décès par maladie coronaire, parmi toutes les causes proposées. Dans les deux cas, les décès par maladie coronaire selon la statistique nationale sont définis pour l’analyse comme ceux appartenant aux groupes 1 et 2.

Sans témoin

R09.2

Arrêt respiratoire

Autre

Autre

R99

5- mort rapide ou inattendue 9- cause inconnue.

R57.0-R57.9 Choc cardiogénique

4- Cérébrovasculaire

4- pathologie cérébrovasculaire

RÉSULTATS

Cause inconnue

des codes CIM 10e Révision précisés dans le tableau I. Sept groupes ont été constitués : 1- infarctus aigu du myocarde 2- autre cardiopathie ischémique

Le tableau II indique la distribution des groupes de causes de décès obtenus à partir de la cause initiale des certificats de décès (CépiDc) en fonction de la catégorie de décès retenue par les registres. Globalement, une faible concordance avec la cause initiale peut être notée. La proportion des « autres causes » (groupe 6) est particulièrement importante puisqu’elle passe de 16 % en cas de conclusion infarctus des registres (catégorie 1)

TABLEAU II. — Causes initiales de décès attribuées par le CépiDc en fonction des catégories des registres : 806 décès appariés entre les deux sources, année 2000. Causes initiales de décès attribuées par le CépiDc 1infarctus

Catégories des registres 1- infarctus

2autre CI

3CI non exclue

4CV

5décès rapide

69autre cause inconnue

81

56

5

4

1

2

13



2- autre coronaire

229

85

49

26

1

1

63

4

3- décès > 24 h

269

43

8

45

3

30

127

13

9- données insuffisantes

151

14

1

25



13

67

31

76

5

4

9

4



52

2

806

203

67

109

9

46

322

50

4- non coronaire Total

CI : cardiopathie ischémique ; CV : cérébrovasculaire (voir définitions dans le tableau I).

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MORTALITÉ CORONAIRE EN FRANCE

TABLEAU III. — Causes de décès attribuées par le CépiDc (selon l’algorithme causes initiales et associées) en fonction des catégories des registres : 806 décès appariés entre les deux sources, année 2000. Causes initiales et associées de décès attribuées par le CépiDc 1infarctus

Catégories des registres 1- infarctus 2- autre coronaire

2autre CI

3CI non exclue

4CV

5décès rapide

69autre cause inconnue

81

68

7

4

1

1





229

105

63

40

3

10

4

4

3- décès > 24 h

269

52

10

76

7

83

26

15

9- données insuffisantes

151

19

4

44



34

10

40

76

12

31

19

3

5

4

2

806

256

115

183

14

133

44

61

4- non coronaire Total

CI : cardiopathie ischémique ; CV : cérébrovasculaire (voir définitions dans le tableau I).

à 28 % en cas de décès coronaire (catégorie 2), à 47 % en cas de décès en moins de 24 heures (catégorie 3) et à 44 % lorsque les données sont insuffisantes (catégorie 9). Il est remarquable que la majorité des infarctus du myocarde (147/203, soit 72 %), donnés comme cause initiale du décès à partir du certificat, ne sont finalement pas en majorité retenus par les registres. Le faible nombre de décès (n = 5) où la cause initiale est spécifiée « cérébrovasculaire », alors que la catégorie retenue par les registres est 1 (infarctus), 2 (autre décès coronaire) ou 3 (décès < 24 h), doit être notée. Le tableau III fournit les mêmes répartitions lorsque le groupe de causes est défini à partir de l’ensemble des causes initiales et associées codées par le CépiDc selon l’algorithme défini plus haut. Globalement, la concordance avec le classement des registres par catégorie est nettement améliorée. Par exemple, le nombre de décès du groupe « autres causes » (groupe 6) a fortement chuté dans toutes les catégories, et le nombre de décès rapides ou inattendus (groupe 5) a fortement augmenté dans la catégorie 3 (décès < 24 h). Le tableau IV indique la répartition des groupes de causes selon le CépiDc (cause initiale seule ou toutes causes réunies) pour les 3 858 décès non répertoriés par les registres et donc, par défaut, considérés par eux comme d’origine non coronaire (les 6 décès non appariés mis à part). Le nombre de décès considérés comme coronaires (groupes de causes 1 ou 2) en tant que cause initiale (n = 32) ou d’après l’ensemble des causes (n = 53) est relativement faible (respectivement 0,8 % et 1,4 %).

Dans 19 cas sur 32, les registres ont pu identifier a posteriori les décès correspondants : dans 10 cas, la cause coronaire n’avait pas été retenue par les registres et, dans 9 cas, il s’agissait d’une erreur de saisie informatique. Les 13 autres décès n’ont pas pu être identifiés par les registres. Le tableau V résume l’information contenue dans les tableaux précédents en indiquant, pour l’ensemble des 4 664 décès identifiés (3 858 par le CépiDc seul et 806 appariés), la concordance (coefficient kappa) de la codification « décès coronaires » du certificat de décès avec le classement TABLEAU IV. — Répartition des groupes de causes de décès (certificats de décès — CépiDc) initiales ou initiales et associées pour les décès non répertoriés par les registres : 3 858 décès non appariés entre les deux sources, année 2000. Certificats de décès CépiDc Groupes de causes

Causes initiales

Causes initiales et associées

1- infarctus

20

29

2- autre cardiopathie ischémique

12

24

3- cardiopathie ischémique non exclue

71

699

110

148

4- cérébrovasculaire 5- décès rapide 6- autre cause 9- cause inconnue Total

16

439

3 428

2 277

201

242

3 858

3 858

458

P. DUCIMETIÈRE ET COLLABORATEURS

TABLEAU V. — Répartition des 4 664 décès répertoriés en 2000 par le CépiDc sous la rubrique infarctus ou autres cardiopathies ischémiques (groupes 1 ou 2) en fonction du classement en catégories retenu par les registres — Année 2000. Certificats de décès CépiDc Causes initiales Décès coronaire (registres)

coronaire

non coronaire

oui

195

115

non

107

4 247

oui

246

333

Catégories 1, 2

concordancea

Rb

coronaire

non coronaire

243

67

181

4 173

305

274

0,61 (0,59-0,64) 0,97

Catégories 1, 2, 3 non

56

4 029

oui

261

469

41

3 893

Rb

0,56 (0,52-0,60) 0,73 119

3 966

328

402

0,46 (0,42-0,49) 0,41 non

concordancea

0,63 (0,59-0,68) 1,37

0,52 (0,47-0,56) 0,52

Catégories 1, 2, 3, 9 a

Causes initiales et associées

96

0,51 (0,47-0,55) 0,58 3 838

b

Coefficient kappa et 95 % IC. R : rapport de mortalité coronaire (CépiDc/registres).

final proposé par les registres. Dans chaque cas, le rapport du nombre marginal de décès déclarés d’origine coronaire à partir des certificats de décès à celui proposé par les registres est indiqué. La concordance entre les codifications est globalement faible puisque kappa reste compris entre 0,41 et 0,63. La prise en compte des causes associées permet de l’améliorer dans chaque cas mais dans des proportions limitées. En comparaison avec la définition stricte des décès coronaires par les registres, la cause initiale du certificat de décès permet d’identifier un nombre très proche de décès coronaires (rapport = 0,97) mais l’ensemble des causes conduit à un nombre beaucoup plus élevé (rapport = 1,37). En revanche, dès que la définition retenue inclut les décès pour lesquels la nature coronaire ne peut être affirmée ou écartée (catégories 3 et 9), la sous-estimation de la mortalité coronaire par le certificat atteint 59 % et n’est pas fortement réduite lorsque toutes les causes sont prises en compte (42 %). DISCUSSION

L’identification des événements coronaires au sein des populations est particulièrement difficile, quelle que soit l’importance des efforts entrepris dans la recherche des informations médicales

individuelles. Même dans le cas du suivi de la cohorte de l’étude de Framingham, on ne peut pas considérer qu’il existe un « gold standard » dans l’identification des événements [6]. A fortiori lorsqu’il s’agit de surveillance sanitaire, seul un ensemble d’indicateurs peut permettre de cerner la réalité épidémiologique, du moins s’ils ont de bonnes propriétés de cohérence pour les variations spatiales ou temporelles que l’on étudie. C’est le choix fait par le projet MONICA, il y a vingt ans [7], de proposer l’identification d’un nombre limité d’événements de morbidité (infarctus du myocarde documenté) et de mortalité (infarctus du myocarde, décès coronaires, décès avec données insuffisantes) dans les populations âgées de 35 à 64 ans des zones géographiques des registres. Deux indicateurs de mortalité ont été en pratique utilisés selon qu’ils incluent ou non, dans la mortalité coronaire, les décès avec données insuffisantes, c’est-à-dire soit le regroupement 1 et 2 (« définition stricte »), soit 1, 2, 3, et 9 (« définition étendue ») des catégories des registres. En fait, la catégorie 3 (décès de moins de 24 heures sans cause évidente) constitue un sous-ensemble de la catégorie MONICA des décès avec données insuffisantes, propre aux registres français. Une analyse des variations spatiales et temporelles en France des différents

MORTALITÉ CORONAIRE EN FRANCE

indicateurs MONICA de morbidité et de mortalité durant la période 1985-93 a été publiée [8]. Notre travail montre que la codification selon la définition stricte de la mortalité coronaire réalisée par les registres et celle indiquée par la cause initiale de la statistique nationale aboutissent à un nombre similaire de décès, donc un taux de mortalité très proche, mais avec une concordance médiocre (kappa = 0,61). Lorsque la définition stricte est remplacée par la définition étendue, il s’ensuit une forte sous-estimation de la mortalité coronaire par la statistique nationale, avec un faible niveau de concordance (kappa = 0,46). Dans tous les cas, la prise en compte des causes multiples de décès ne permet d’améliorer la concordance et de diminuer cette sous-estimation que très partiellement. Parmi les désaccords exprimés en détail dans le tableau II, le nombre important de cas retenus par les registres, mais dont la cause initiale du certificat de décès est « autre », mérite d’être noté. Il correspond vraisemblablement à l’application des règles strictes de sélection de la cause initiale de décès à partir du libellé du certificat [9, 10]. C’est ainsi que, parmi les 76 cas de décès de catégories MONICA 1 et 2 dont la cause initiale est autre, cette dernière était un diabète pour 15 d’entre eux. Le médecin certificateur avait signifié qu’un diabète était à l’origine du décès de ces sujets alors que, pour les registres, le décès était de « nature » coronaire. Cette différence de point de vue entre les deux sources d’information doit être prise en compte. Elle s’exprime également dans les différences de classification qui sont attachées aux causes de décès insuffisamment précisées ou symptomatiques (crise cardiaque, mort subite…). Les décès des catégories 3 et 9, bien qu’insuffisamment précisés, sont considérés par les registres comme des décès possiblement d’origine coronaire, alors que les règles de la Classification Internationale recommandent, dans ce cas, de sélectionner en tant que cause initiale soit une autre pathologie bien définie figurant dans le certificat, soit l’état morbide mal défini. Le pourcentage de 46 % de cause initiale « autre » pour les décès de ces catégories n’est donc pas entièrement surprenant. D’ailleurs, la prise en compte des causes associées (tableau III), pour lesquelles il n’y a pas de règle de codification comparable, fait chuter fortement la fréquence de ce type de désaccord, quelle que soit la catégorie indiquée par les registres.

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La confrontation des causes de décès selon les certificats et celle retenue dans les enquêtes de cohortes, qui font des recherches approfondies, rapportent des concordances de niveau comparable ; c’est le cas de l’étude de Framingham qui publie [11] une concordance de 0,63 avec une sensibilité de 84 % pour le décès coronaire. Par comparaison, remarquons que, pour le diagnostic (y compris les décès) d’infarctus du myocarde certain et possible confronté au diagnostic de sortie hospitalier 410411 (9e Révision, code 410-411), la cohorte ARIC indique une concordance de 0,47 avec une sensibilité de 63 % et une VPP de 75 % [12]. La comparaison de nos résultats avec ceux provenant des autres registres du Projet MONICA est particulièrement instructive puisqu’ils partagent, en principe, une méthodologie commune. En fait, la variabilité entre pays de la fréquence des décès avec données insuffisantes est très importante, puisqu’elle passe de 2 % (en Finlande) à plus de 40 % (en France) de l’ensemble des décès retenus. Cela signifie que l’information médicale disponible est très variable et/ou que le classement des causes coronaires s’effectue sur une base différente selon les pays. L’indicateur global, comprenant les décès avec données insuffisantes (en incluant, en particulier, les cas de « mort subite ») doit être préférentiellement utilisé car il permet d’éliminer les différences en termes d’information disponible ou d’appréciation des causes coronaires. En conséquence, la mortalité portant sur les seuls cas de décès rattachés à une cause coronaire précise sous-estimerait la mortalité et ce, d’autant plus que la fréquence des décès avec données insuffisantes est élevée. C’est ce qui a été observé pendant la durée du projet MONICA lorsque l’on compare, pour chaque pays, la mortalité coronaire « officielle » fournie par la statistique nationale à l’indicateur global fourni par les registres [3]. Schématiquement, les zones géographiques MONICA peuvent être réparties en trois groupes : Finlande, Nouvelle-Zélande, Grande-Bretagne… avec une fréquence de décès avec données insuffisantes (systématiquement supérieure chez la femme que chez l’homme) inférieure à 10 % ; Italie, Allemagne, Danemark… avec une fréquence de 20 à 30 % ; enfin, Belgique et France avec une fréquence de plus de 40 %. Les données françaises

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P. DUCIMETIÈRE ET COLLABORATEURS

de l’année 2000 étudiées dans le présent travail sont cohérentes avec cette observation. Il est remarquable que la fréquence des examens autopsiques, parmi les décès analysés par les registres du projet MONICA, varie également entre pays de manière parallèle au taux de décès avec données insuffisantes, allant de moins de 10 % en France et en Belgique à plus de 40 % dans les pays du Nord de l’Europe [3]. Il est donc vraisemblable que la disponibilité de l’information médicale sur les décès soit en grande partie responsable des écarts observés. Cependant, en l’absence de « gold standard », il n’est pas possible d’exclure, à l’opposé, une surestimation de la mortalité coronaire par les certificats de décès dans les pays d’Europe du Nord. Cette surestimation a été observée à partir de la cohorte de Framingham [13], mais son importance semble limitée (environ 7 %) lorsque le décès intervient avant l’âge de 65 ans. La confrontation réalisée dans ce travail présente certaines limites. Elle ne concerne qu’une année d’observation et, comme toujours en ce qui concerne le Projet MONICA, seulement les événements apparaissant avant l’âge de 65 ans. Elle réunit néanmoins un effectif important de décès. Elle regroupe les décès de trois régions qui ne constituent pas rigoureusement une image représentative de l’ensemble de la population française et pour lesquelles des différences existent quant à la disponibilité de l’information médicale sur les décès (l’autopsie, par exemple, est effectuée dans 13 % des cas dans le Bas-Rhin et presque jamais dans les autres régions). Néanmoins, en comparaison avec les registres étrangers, une homogénéité, à la fois dans le fonctionnement des équipes des registres et vraisemblablement dans la certification des décès par les médecins locaux, peut être notée et justifie selon nous le regroupement effectué. Compte tenu des incertitudes concernant les diagnostics et des erreurs factuelles d’identification au cours de l’appariement entre les bases de données, on peut considérer que les décès susceptibles d’avoir une étiologie coronaire repérés par les registres forment un ensemble pas très éloigné de l’exhaustivité. En conclusion, la sous-estimation (en comparaison avec les autres pays) de la mortalité coronaire dans la statistique nationale ne paraît pas

être une question de codification des décès mais bien de différences de contenu d’information et de libellé des causes par les médecins certificateurs. De plus, ce travail montre l’importance de réaliser des études en « causes multiples » (prise en compte dans la statistique nationale de l’ensemble des causes de décès et non seulement de la cause initiale de décès) pour appréhender le poids de la pathologie coronaire souvent indiquée dans le certificat de décès comme pathologie « terminale » d’une autre affection. Il serait particulièrement intéressant de réaliser une confrontation du même type que celle effectuée ici entre registres utilisant le protocole MONICA dans d’autres pays, c’està-dire avec appariement individuel des décès avec les bases de données nationales. L’ensemble des causes de décès et non seulement la cause initiale devrait être prise en compte [13] comme cela a pu être le cas pour l’estimation du poids du diabète dans la mortalité en France [14]. Une certaine amélioration de la qualité des indicateurs de mortalité coronaire peut être sans doute obtenue. Elle passe par un travail répété de formation des médecins certificateurs [15] et par la multiplication des recherches d’informations complémentaires auprès de ces médecins [16] souvent réalisés par le CépiDc en charge de la statistique nationale en France. Cependant, dans le cas des décès coronaires, la quantité d’information réellement disponible dans chaque cas demeure obligatoirement limitée [17] et le recours à des indicateurs faisant largement appel à des conventions restera nécessaire, introduisant une part de variabilité dans le temps et dans l’espace qu’il conviendra au mieux d’estimer à défaut de pouvoir l’éliminer. REMERCIEMENTS : Les registres ne peuvent fonctionner que grâce à la participation et la mobilisation de l’ensemble des médecins généralistes et spécialistes, des hôpitaux, cliniques et universités des régions concernées. Les registres bénéficient du soutien financier de l’INSERM et de l’Institut de Veille Sanitaire. Ont également participé aux trois centres MONICA français entre 1997 et 2005 : – à Strasbourg : Aline WAGNER, Isabelle BANEGUES, Agnès LAVERDURE, Nathalie GERMAIN, Daniela BECHTOLD, Louis VIARDOT, Evelyne CHAUMONT, Evelyne SAUVEGRAIN. – à Toulouse : Dany DECKERS, Pascale ESTECAHANDY, Christiane SAULET. – à Lille : Catherine GRAUX, Stéphanette BEAUCHANT, Brigitte LEMAIRE, Dominique COTTEL, Caroline CHOPINET, Christine DEVOGHELAERE, Jean DALLONGEVILLE, Nadine MARÉCAUX, Chantal STÉCLEBOUT, Sabine PEINGNEZ.

MORTALITÉ CORONAIRE EN FRANCE

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