Myélite transverse révélant une maladie de Hodgkin

Myélite transverse révélant une maladie de Hodgkin

en ligne sur/ on line on www.masson.fr/revues/pm Cas clinique Presse Med. 2006; 35: 615-7 © 2006, Masson, Paris Myélite transverse révélant une ma...

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Cas clinique

Presse Med. 2006; 35: 615-7 © 2006, Masson, Paris

Myélite transverse révélant une maladie de Hodgkin Badreddine Kilani1, Lamia Ammari1, Hanène Tiouiri1, Fakher Kanoun1, Khaled Ben Romdhane2, Taoufik Ben Chaabane1 1. Service des maladies infectieuses, EPS La Rabta, 1007, Tunis. 2. Service d’anatomie pathologique, Institut de Carcinologie, Tunis.

Correspondance : Reçu le 26 janvier 2005 Accepté le 18 juillet 2005

Badreddine Kilani, Service des maladies infectieuses, EPS La Rabta, 1007 Tunis, Tunisie. [email protected]

■ Summary Transverse myelitis revealing Hodgkin disease Introduction > Neurological complications during Hodgkin disease are rare and sometimes difficult to diagnose. We report the case of a patient with transverse myelitis. Case > This 32-year-old man was hospitalized on month after onset of febrile spastic paraplegia, which was accompanied by progressive deterioration of his general condition. Examination revealed a febrile, conscious patient, with abolition of the lower-limb tendon reflexes, bilateral Babinski signs, and sensitivity at D6-D7. We also noted hepatosplenomegaly, but no peripheral adenopathies. Laboratory reports indicated bicytopenia, a major inflammatory syndrome and hepatic cytolysis. The computed tomography examination of thorax and abdomen showed swelling in deep lymph nodes and the brain MRI showed what appeared to be transverse myelitis. The brainstem biopsy was normal; the hepatic biopsy showed liver infiltration by Sternberg cells. The patient died rapidly, before treatment could begin. Discussion > The variable neurological events observed during Hodgkin disease may serve to reveal this disease. Their association with a tumor suggests this diagnosis even when the neurological signs are nonspecific. They may affect either the brain or the brainstem. Diagnostic certainty requires histologic analysis, and prognosis depends on early diagnosis and management.

■ Résumé Introduction > Les complications neurologiques au cours de la maladie de Hodgkin sont rares. Leur diagnostic est parfois difficile. Nous rapportons une observation de myélite transverse. Observation > Il s’agissait d’un patient de 32 ans hospitalisé pour paraplégie flasque fébrile évoluant depuis 1 mois avant son admission associée à une altération progressive de son état général. L’examen trouvait un patient fébrile, conscient, avec abolition des réflexes ostéotendineux aux membres inférieurs, un signe de Babinski bilatéral et un niveau sensitif en D6-D7. Par ailleurs, il existait une hépatosplénomégalie sans adénopathies périphériques. Biologiquement, on notait une bicytopénie avec un syndrome inflammatoire important et une cytolyse hépatique. L ‘examen tomodensitométrique thoraco-abdominal montrait des adénopathies profondes et l’IRM médullaire trouvait un aspect de myélite transverse. La biopsie médullaire était normale alors que la biopsie hépatique montrait une infiltration du foie par des cellules de Sternberg. L’évolution a été rapidement fatale avant le début du traitement. Discussion > Les manifestations neurologiques polymorphes observées au cours de la maladie de Hodgkin peuvent constituer un mode de révélation. Leur association à un syndrome tumoral doit faire évoquer le diagnostic même si les signes neurologiques ne sont pas spécifiques. L’atteinte peut être médullaire ou encéphalique. Le diagnostic de certitude ne peut être qu’histologique. Le pronostic dépend de la précocité du diagnostic et de la prise en charge.

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Kilani B, Ammari L, Tiouiri H, Kanoun F, Ben Romdhane K, Ben Chaabane T. Myélite transverse révélant une maladie de Hodgkin. Presse Med. 2006; 35: 615-7 © 2006, Masson, Paris

Kilani B, Ammari L, Tiouiri H, Kanoun F, Ben Romdhane K, Ben Chaabane T

L’hémogramme montrait une leucopénie à 3390 GB/mm3 (avec une lymphopénie à 470/mm3) et une anémie microcytaire hypochrome à 8 g/dL. Il existait un syndrome inflammatoire majeur avec une vitesse de sédimentation à 132 mm à la 1re heure, une protéine C-réactive à 284 mg/L, une fibrinémie à 6 g/L et une hyperβ2 globulinémie à 10 g/L. Le bilan hépatique montrait une cytolyse à 5 fois la normale (alanine aminotransférases à 301UI/L et aspartate aminotransférases à 354UI/L) ; le taux des lacticodéshydrogénases était élevé à 771UI/L. La ponction lombaire ramenait un liquide clair, révélant une dissociation albumino-cytologique (la cytologie était normale et la protéinorachie à 1,4 g/L). La tomodensitométrie thoraco-abdominale objectivait de multiples adénopathies profondes médiastinales et intra-abdominales, en plus de l’hépatosplénomégalie. Devant cette paraplégie, une imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) cérébro-médullaire a montré des lésions en hypersignal T2 intéressant la moelle dorsale, sans prise de contraste en intra ou péri-médullaire, suggérant une myélite transverse dorsale (figure 1). Il n’y avait pas d’atteinte encéphalique.

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u cours de la maladie de Hodgkin, diverses manifestations neurologiques à type de myélopathie ou d’encéphalomyélopathie peuvent être révélatrices de la maladie et correspondent à des syndromes paranéoplasiques. Ces manifestations restent toutefois rares. La myélite transverse en est l’expression la plus habituelle [1, 2]. Elle est d’installation progressive et ne s’améliore pas par le traitement spécifique du lymphome.

Observation

© DR

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Un homme de 32 ans sans antécédents pathologiques, a été hospitalisé pour exploration d’une paraplégie flasque d’installation progressive, associée à des troubles sphinctériens et à une fièvre. À l’examen, le patient était fébrile à 39°5C, conscient; son examen neurologique objectivait une paraplégie flasque avec des réflexes ostéotendineux vifs aux 2 membres supérieurs, abolis aux 2 membres inférieurs, un signe de Babinski bilatéral et un niveau sensitif en D6-D7. Par ailleurs, il n’y avait pas de troubles de la coordination ni d’atteinte des paires crâniennes. Il n’y avait pas de syndrome méningé. L’examen abdominal trouvait une hépatosplénomégalie; il n’y avait pas d’adénopathies périphériques palpables et l’examen cardiopulmonaire était normal.

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Figure 1 a Imagerie par résonance magnétique médullaire

Figure 1 b

Coupe sagittale en SpT2 ; lésion médullaire en hypersignal T2 au niveau de la moelle dorsale (flèche).

Imagerie par résonance magnétique médullaire Coupe axiale en SpT2 ; hypersignal de la moelle (flèche).

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L’origine infectieuse de cette myélite a été suspectée, et le patient a été traité par céfotaxime-fosfomycine. Mais devant la négativité de la recherche d’une infection (les hémocultures étaient négatives, les sérologies de la syphilis, de la maladie de lyme et des hépatites étaient aussi négatives), le syndrome tumoral et l’absence d’amélioration clinique avec persistance de la fièvre, une origine néoplasique a été évoquée. La biopsie ostéomédullaire a conclu que la moelle était dans les limites de la normale, sans signes histologiques de malignité. La ponction-biopsie du foie a montré une prolifération tumorale indifférenciée, avec présence de cellules de Sternberg. L’étude immunohistochimique a montré un marquage intense de ces cellules par les anticorps détectant les antigènes CD15 et CD30, concluant à une localisation hépatique d’une maladie de Hodgkin. Malgré un traitement par corticoïdes prescrits par voie parentérale, l’évolution s’est faite rapidement vers le décès.

Commentaires La maladie de Hodgkin est une affection tumorale du tissu lymphoïde entraînant une destruction partielle ou totale de l’architecture normale du ganglion. Les complications neurologiques sont à l’origine de compression médullaire dont le mécanisme peut être soit une compression médullaire par les adénopathies tumorales, soit une origine vasculaire de la myélopathie dans le cadre d’un syndrome paranéoplasique [1, 3]. Selon les données de la littérature, cette myélopathie paranéoplasique a été rapportée dans 8 cas, survenant à la phase initiale de la maladie de Hodgkin ou lors de sa rechute [1]. La myélite transverse peut être responsable de compression médullaire d’installation progressive dans la majorité des cas, comme c’est le cas dans cette observation. Un syndrome de Brown-Séquard a aussi été rapporté [2, 4]. Par ailleurs, l’atteinte encéphalique associée à la maladie de Hodgkin a été rapportée par plusieurs auteurs. Les symptômes

les plus fréquemment trouvés sont des signes d’hypertension intracrânienne, des signes neurologiques focaux, des convulsions et des troubles de la vigilance. Le mécanisme de ce type d’atteinte est une angéite cérébrale touchant les artérioles de petit calibre méningées et intracérébrales; cependant sa pathogénie demeure inconnue [4]. L’atteinte cérébelleuse responsable d’une ataxie avec ou sans atteinte cérébrale peut révéler le lymphome; une dégénérescence de cellules de Purkinje a pu être mise en évidence chez certains patients [5]. Exceptionnellement, une neuropathie périphérique sensitive subaiguë paranéoplasique peut se voir au cours de la maladie de Hodgkin [6]. Les examens biologiques au cours de ces myélopathies révèlent une pleiocytose modérée avec une hyperprotéinorachie à l’étude du LCR dans 84 % des cas. Toutefois, un taux élevé de la β2 microglobuline dans le LCR serait en faveur du lymphome hodgkinien [3]. L’exploration neuroradiologique a un intérêt capital pour le diagnostic topographique et l’évaluation de l’étendue des lésions. L’IRM sans et surtout après injection de gadolinium est plus sensible (100 %) que la tomodensitométrie (31 %) et permet de mieux visualiser les anomalies de signal aussi bien à l’étage cérébral que médullaire. Le mécanisme précis de la lésion vasculaire de cette myélite n’est pas bien connu. Les lésions tissulaires prédominent au niveau de la moelle dorsale, elles sont secondaires à une vascularite médullaire nécrosante, avec parfois des foyers d’hémorragies péri-vasculaires [1, 2, 4]. Ainsi, diverses manifestations neurologiques peuvent se voir au cours de cette maladie dont certaines constituant un mode de révélation rare [1]. Dans tous les cas, le diagnostic de certitude reste anatomopathologique. L’évolution de la myélite transverse est variable selon les auteurs. Une amélioration du déficit neurologique peut se voir après une corticothérapie intra-thécale et orale [1]. Toutefois, il semble que la chimiothérapie n’ait pas d’impact sur la myélite [1, 4].

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Références

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Hughes M, Ahern V, Kefford R, Boyages J. Paraneoplastic myelopathy at diagnosis in a patient with pathologic stage 1A Hodgkin disease. Cancer. 1992; 70: 1598-600. Lester E, Feld E, Kinzie J, Wollmann R. Necrotizing myelopathy complicating Hodgkin’s disease. Arch Neurol. 1979; 36: 583-5. Mavligit GM, Stuckey SE, Cabanillas FF, Keating MJ, Toutellotte WW, Schold SC. Diagnosis

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of leukemia or lymphoma in the central nervous system by beta-2-microglobulin determination. N Engl J Med. 1980; 303: 718-22. Yuen R, Johnson P. Primary angeitis of the central nervous system associated with Hodgkin’s disease. Arch Pathol Lab Med. 1996; 120: 573-6. Hammack J, Kotanides H, Rosenblum MK, Posner JB. Paraneoplastic cerebellar degeneration. Clinical and immunologic findings in 21

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patients with Hodgkin’s disease. Neurology. 1992; 42: 1938-43. Behringer D, Spyridonidis A, Fetscher S, SchmittGraff A, Hogerle S, Kaiser R. Paraneoplastic polyneuropathy preceding the diagnosis of Hodgkin’s disease and non-small cell lung cancer in a patient with concomitant Borrelia burgdorferi infection. Ann Hematol. 2001; 80: 232-5.

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