Nausées et troubles vestibulaires lors de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité de la tête et du cou

Nausées et troubles vestibulaires lors de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité de la tête et du cou

Cancer/Radiothérapie 20 (2016) 255–260 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Article original Nausées et troubles vestibulai...

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Cancer/Radiothérapie 20 (2016) 255–260

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Article original

Nausées et troubles vestibulaires lors de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité de la tête et du cou Vestibular disorders and nausea during head and neck intensity-modulated radiation therapy É. Berta a,∗ , C.A. Righini a,b,c,d , E. Chamorey e , J. Villa f , I. Atallah a,b,c,d , É. Reyt a,b , A. Coffre a , S. Schmerber a,b,g a

Clinique universitaire d’ORL, pôle TCCR, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex 09, France Faculté de médecine, université Grenoble-Alpes, 38700 Tronche, France c Inserm U823, domaine de la Merci, 38706 La Tronche cedex, France d Institut Albert-Bonniot, domaine de la Merci, 38706 La Tronche cedex, France e Unité d’épidémiologie et biostatistiques (UEB), département de recherche clinique et innovation et statistiques (Dris), centre Antoine-Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice cedex 2, France f Clinique universitaire de radiothérapie, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex 09, France g Clinatec-CEA, 38700 Grenoble, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ˆ 2015 Rec¸u le 23 aout Rec¸u sous la forme révisée le 17 janvier 2016 Accepté le 24 janvier 2016 Mots clés : Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité Cancer de la tête et du cou Nausée Vertige Vestibule

r é s u m é Objectif de l’étude. – Nous avons recherché une relation entre nausée et dysfonctionnement vestibulaire chez les patients traités par irradiation conformationnelle par modulation d’intensité (RCMI) pour un cancer de la tête et du cou. Patients et méthodes. – Il s’agit d’une étude prospective monocentrique incluant 31 patients. Une vidéonystagmographie a été réalisée au préalable et dans les 15 jours suivant la radiothérapie pour chaque patient. Les nausées ont été évaluées au début, chaque semaine, et lors de la vidéonystagmographie après la radiothérapie. Résultats. – Vingt-six patients ont bénéficié d’une vidéonystagmographie complète interprétable. Pour 14 de ces patients, une atteinte vestibulaire a été retenue après la radiothérapie. Six d’entre eux ont ressenti des nausées sans vertige durant l’irradiation. En analyse unifactorielle, nous avons retrouvé une relation statistiquement significative entre modification du fonctionnement vestibulaire sur la vidéonystagmographie et augmentation de la dose moyenne rec¸ue par le vestibule (p = 0,001, odds ratio [OR] : 1,08 [1,025–1,138]) mais il n’y avait pas de relation entre apparition de nausées et modification du fonctionnement vestibulaire sur les vidéonystagmographies (p = 0,701). Conclusion. – La RCMI du système vestibulaire ne semble pas expliquer les nausées ressenties par les patients. ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ oncologique (SFRO). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous © 2016 Societ ´ ´ droits reserv es.

a b s t r a c t Keywords: Intensity-modulated radiation therapy Head and neck cancer Nausea Dizziness Vestibule

Purpose. – We studied whether there is a relationship between nausea and vestibular disorders in patients treated with intensity modulated radiation therapy (IMRT) for head and neck cancer. Patients and methods. – We performed a prospective single-centre study that enrolled 31 patients. A videonystagmography was carried out before and within 15 days after radiation therapy for each patient. Nausea was assessed at baseline, every week, and at the post-radiotherapy videonystagmography visit.

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (É. Berta). http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2016.01.012 ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ ´ ´ 1278-3218/© 2016 Societ oncologique (SFRO). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.

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Results. – Twenty-six patients had benefited from a complete interpretable videonystagmography. For 14 of these patients vestibular damage was diagnosed post-radiotherapy. During irradiation, six patients felt nauseous, but without dizziness. In univariate analysis, we found a relationship statistically significant between the average dose received by the vestibules and vestibular disorder videonystagmography (P = 0.001, odds ratio [OR]: 1.08 [1.025–.138]), but there was no relationship between vestibular disorder videonystagmography and nausea (P = 0.701). Conclusions. – Irradiation of the vestibular system during IMRT does not seem to explain the nausea. ´ e´ franc¸aise de radiotherapie ´ oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All © 2016 Societ rights reserved.

1. Introduction Le développement de la radiothérapie par modulation d’intensité (RCMI) dans le traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures a permis de diminuer la morbidité et d’améliorer la qualité de vie des patients traités par irradiation [1]. Elle épargne au maximum les organes sains, notamment les glandes parotidiennes [1–4] dont la xérostomie séquellaire est vécue comme un véritable handicap. En comparaison avec les techniques habituelles d’irradiation conformationnelle tridimensionnelle, des nausées plus fréquentes ont initialement été rapportées avec la RCMI [5]. Ce phénomène peut s’expliquer par l’utilisation de faisceaux postérieurs incluant des structures non concernées avec les anciennes techniques de radiothérapie conformationnelle. Des nausées et des vomissements avaient déjà été rapportés lors de l’irradiation à forte dose de tumeurs incluant l’area postrema, structure appartenant au complexe dorsovagal [6,7]. Bien que les doses d’irradiation soient beaucoup plus faibles lors de la RCMI, certaines équipes ont ainsi suggéré une relation entre l’irradiation du complexe dorsovagal et la présence de nausées. Ces effets secondaires sont de mieux en mieux contrôlés avec les progrès techniques qui ont permis d’appliquer des contraintes de plus en plus importantes aux structures à risque [8–10]. Cependant, après revue de la littérature, seule l’équipe de Lee et al. a étudié spécifiquement la place des vestibules dans la survenue de nausées pendant la RCMI des cancers des voies aérodigestives supérieures [11]. Ils ont retrouvé une relation statistiquement significative en analyse multifactorielle entre nausées et irradiation des vestibules (p = 0,03) si le pourcentage des vestibules recevant plus de 40 Gy était supérieur à 80 % (80 % du V40). Dans leur étude, aucune analyse objective du fonctionnement des vestibules n’a été réalisée. L’objectif de notre série prospective était de rechercher une relation entre la survenue de nausées durant la RCMI de cancers des voies aérodigestives supérieures et l’apparition d’un dysfonctionnement vestibulaire objectivé par vidéonystagmographie. 2. Patients et méthodes Il s’agissait d’une étude prospective monocentrique réalisée entre mai 2013 et juillet 2014 incluant 31 patients devant bénéficier d’une radiothérapie pour un cancer des voies aérodigestives supérieures, toutes localisations confondues. L’étude descriptive de la population a été résumée dans le Tableau 1. Tous les patients ont été informés et ont donné leur consentement afin d’être inclus dans cette série. Les patients inclus ont rec¸u dans le volume cible prévisionnel un équivalent de dose compris entre 50 Gy et 70 Gy à raison de cinq fractions de 2 Gy par semaine. La dose rec¸ue était déterminée, après réunion de concertation pluridisciplinaire, en fonction de l’indication thérapeutique. Un équivalent de 70 Gy en 35 fractions et 7 semaines dans le site tumoral en cas de radiothérapie exclusive, 66 Gy en 33 fractions et 6,5 semaines en cas de radiothérapie

Tableau 1 Descriptif de la population de l’étude, ayant rec¸u une radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité entre mai 2013 et juillet 2014, pour un cancer des voies aérodigestives supérieures. Characteristics of the population of the study treated by intensity-modulated radiation therapy for a head and neck cancer between May 2013 and July 2014. n (%) Population totale = 31 Sexe Homme Femme Âge (année) médiane [écart-type] Éthylotabagisme (lorsque l’information est renseignée)a Tabac Tabac et alcool Aucun Localisation de la tumeur Oropharynx Hypopharynx Nasopharynx Cavité buccale Larynx Sinus Autre (parotide) Chimiothérapie ou thérapie ciblée concomittente Oui Non Type de chimiothérapie (n = 26) Cisplatine/carboplatine Cétuximab Antécédents de vertiges Oui Non

26 (84 %) 5 (16 %) 58 [6,12] 12 (39 %) 9 (29 %) 10 (32 %) 14 (45 %) 1 (3 %) 5 (16 %) 7 (23 %) 2 (6,5 %) 1 (3 %) 1 (3 %) 26 (84 %) 5 (16 %) 23 (88,5 %) 3 (11,5 %) 0 (0 %) 31 (100 %)

a Consommation de tabac supérieure à 15 paquets/année et/ou alcool supérieure à 30 g/jour.

postopératoire dans un site à haut risque de résidu tumoral microscopique et 50 Gy en 25 fractions à 5 semaines en cas de radiothérapie postopératoire dans un site à faible risque de résidu tumoral microscopique. Vingt-trois patients ont rec¸u une chimiothérapie potentialisant la radiothérapie, par cisplatine (80 mg/kg, j1-22–43, ou carboplatine AUC [aire sous la courbe] 4, j1-22–43) et 3 une thérapie ciblée hebdomadaire par cétuximab. Pour caractériser de manière objective une atteinte de l’appareil vestibulaire, nous avons réalisé pour tous les patients, quels que soient leurs symptômes vertigineux ou nauséeux, une vidéonystagmographie avec épreuve calorique au préalable et dans les 15 jours suivant la dernière séance de radiothérapie. Avant cet examen, les tympans étaient systématiquement observés afin de vérifier l’absence de bouchon, d’épanchement rétro-tympanique ou de perforation tympanique. L’épreuve calorique était réalisée avec le sujet en position semi-allongée à 60◦ par rapport à l’horizontale. La tête était en position inclinée en arrière de 30◦ par rapport à l’horizontale (position I de Brunnings). Dans un premier temps, le nystagmus précalorique était recherché pendant 10 secondes après 180 secondes de repos, puis une irrigation par de l’eau froide était

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effectuée pendant 10 secondes dans l’oreille gauche. Le recueil des données sur l’œil gauche, choisi communément, était réalisé pendant trois minutes. Un intervalle de deux minutes était respecté avant que cette même intervention soit réalisée avec de l’eau à 30◦ à droite, puis à 44◦ à gauche et à droite. L’irrigation était réalisée par un irrigateur à eau ATMOS Variotherm® (ATMOS Médical France SARL, Marseille, France) qui a garanti un débit constant à 250 cc/mn. La température mesurée à l’extrémité du dispositif était thermorégulée avec un delta de 0,1 ◦ C. Le nystagmus était enregistré par une monocaméra Synapsis 50 Hz. Les données ont été analysées et calculées par le logiciel VNG Ulmer version 4.15-0275 de Synopsys® . La différence de réflectivité correspondait à la différence entre la mesure de la réflectivité de l’épreuve calorique de la vidéonystagmographie après et avant la radiothérapie. Devant l’absence de références bibliographiques et la bonne reproductibilité des épreuves caloriques lors de la vidéonystagmographie [12], nous avons considéré qu’une atteinte vestibulaire pouvait expliquer des symptômes nauséeux ou vertigineux si la valeur absolue de la différence de réflectivité pour l’oreille gauche ou l’oreille droite entre les épreuves caloriques réalisées au début et à la fin de la radiothérapie était supérieure ou égale à 30 % et que la valeur absolue de la différence de réflectivité était au moins supérieure ou égale à 4◦ /s. Tous les patients ont été évalués en consultation au début, chaque semaine et lors de la vidéonystagmographie après la radiothérapie. À chaque consultation, l’évaluation des nausées et des vertiges, s’ils étaient présents, a été réalisée respectivement avec la classification Common Terminology Criteria for Adverse Event version 4.0 (CTCAE v4.0) et le Dizziness Handicap Inventory test (test DHI). Si le patient avait bénéficié d’une radiothérapie potentialisée par de la chimiothérapie, les nausées survenues dans les cinq jours après la chimiothérapie n’ont pas été imputées à la radiothérapie afin de diminuer les biais de traitement. Par ailleurs, tous les patients qui ont rec¸u une chimiothérapie émétisante (carboplatine j1-22–42 ou cisplatine j1-22–42) avaient rec¸u à j1 et j2 80 mg d’aprépitant et 8 mg d’ondansétron le matin et le soir durant les 5 jours après la chimiothérapie. Ceux qui ont eu une radiothérapie seule étaient considérés à faible risque de nausée et n’avaient pas bénéficié de traitement antiémétique systématique [13]. Si des symptômes nauséeux survenaient au cours de la période de traitement, des antiémétiques étaient prescrits au besoin. Il s’agissait soit du métoclopramide, soit du dompéridone, soit en cas d’échec de l’ondansétron. La délinéation ainsi que les histogrammes dose–volume réalisés lors de la dosimétrie ont été permis par le logiciel Varian® Medical System, Inc. Contourage v 10.0. Les canaux semi-circulaires ainsi que le vestibule ont été délinéés séparément de la cochlée (Fig. 1A). Il n’y a pas eu de volume cible prévisionnel des organes à risque pour ces structures (PRV) ; il a été réalisé uniquement pour la moelle et le tronc cérébral. Le complexe dorsovagal a quant à lui été délinéé radiologiquement comme décrit dans l’étude de Monroe et al. [8] (Fig. 1B). La délinéation a toujours été effectuée par les deux mêmes opérateurs. Le critère de jugement principal a évalué, pour un patient donné, la relation entre l’apparition d’une modification de la vidéonystagmographie après la radiothérapie et la présence de nausées lors de la RCMI des voies aérodigestives supérieures. Les critères de jugement secondaires ont évalué, d’une part la relation entre l’augmentation de la dose d’irradiation en gray au niveau du complexe dorsovagal et l’apparition de nausées, et d’autre part la relation entre l’augmentation de la dose d’irradiation en gray dans les canaux semi-circulaires et le vestibule et la présence d’une modification de la vidéonystagmographie après la radiothérapie. Les statistiques ont été réalisées par un statisticien à l’aide du logiciel « R.3.0.2 ». Elles ont été réalisées à l’aide du test de Student

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Fig. 1. A. Localisation du complexe dorsovagal sur une scanographie en coupe sagittale. B. Localisation des canaux semi-circulaires et du vestibule sur une scanographie en coupe axiale. A. Localization of the dorsal vagal complex on a sagittal CT scan section. B. Localization of the vestibule and vestibular semicircular canals on an axial CT scan section.

ou de Wilcoxon pour les variables quantitatives et à l’aide du test du Chi2 ou de Fisher pour les variables qualitatives. Une valeur de p inférieure à 0,05 était considérée comme statistiquement significatif. 3. Résultats Selon les critères de l’étude, 11 patients (35,5 %) ont souffert de nausées. Dans cinq cas (45 %), il s’agissait de nausées de grade 1, dans quatre (36 %) de nausées de grade 2 et dans deux cas (18 %) de nausées de grade 3. Un seul patient a souffert d’un épisode vertigineux avec un score de DHI de 16, spontanément résolutif en quelques jours à la troisième semaine de radiothérapie. Lors de l’étude descriptive, aucun facteur parmi le sexe, l’âge, le tabagisme et les antécédents de vertige n’a été corrélé statistiquement avec la présence de nausées (Tableau 2). Parmi les 31 patients, 26 ont eu une vidéonystagmographie complète et interprétable au préalable et dans les 15 jours suivant la fin de l’irradiation. Sur les vidéonystagmographies de ces 26 patients, il n’existait pas d’argument pour une atteinte centrale à l’épreuve des saccades et à la poursuite oculaire. La vidéonystagmographie post-thérapeutique de deux patients n’a pas été interprétée devant la survenue d’anomalies centrales à la poursuite oculaire et aux saccades. Dans deux cas, les patients ne se sont pas rendus à la consultation pour la vidéonystagmographie après la radiothérapie et dans un cas la machine a présenté un dysfonctionnement lors de l’examen. Parmi les 26 patients, il y avait chez 14, selon les critères de l’étude, une modification de leur vidéonystagmographie droite et/ou gauche après la radiothérapie. Six d’entre eux (42,9 %) ont ressenti des nausées sans vertige. Quatre patients ont eu des nausées malgré l’absence de modification sur la vidéonystagmographie après la radiothérapie. La relation entre les nausées et la modification de la vidéonystagmographie pour un patient donné n’a pas été statistiquement significative (p = 0,701). En analyse unifactorielle, lors de l’étude des 52 vidéonystagmographies des oreilles droite et gauche, il existait une relation statistiquement significative entre l’augmentation de la dose moyenne ou de la dose maximale ponctuelle rec¸ue par les canaux semi-circulaires et le vestibule et une modification du vidéonystagmographie après la radiothérapie (p = 0,001 et p = 0,007) (Tableau 3). Les odds ratios entre l’apparition de cette modification et l’augmentation de la dose moyenne ou de la dose maximale étaient respectivement, par gray supplémentaire rec¸u par les canaux semi-circulaires et le vestibule, de 1,08 [1,025–1,138] et 1,054 [1,011–1,1]. Ces odds ratios étaient

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Tableau 2 Analyse statistique, par sous-catégorie, de la population de l’étude ayant rec¸u une radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité entre mai 2013 et juillet 2014 pour un cancer des voies aérodigestives supérieures. Statistical analysis by subcategory, of the studied population treated by intensity-modulated radiation therapy for a head and neck cancer between May 2013 and July 2014.

Sexe Homme Femme Âge (année) médiane [écart-type] Éthylotabagisme (lorsque l’information est renseignée)a Tabac Tabac et alcool Aucun Chimiothérapie ou thérapie ciblée concomitante Oui Non Type de chimiothérapie (n = 26) Cisplatine/carboplatine Cétuximab a

n (%) population totale = 31

Nausées en dehors 5 jours de chimiothérapie n = 11 (%)

Pas de nausées en dehors 5 jours de chimiothérapie n = 20 (%)

26 (84) 5 (16) 58 [13]

9 (35) 2 (40) 60,7 [10]

17 (65) 3 (6) 53,1 [6,15]

p

0,74

0,108 0,092

12 (39) 9 (29) 10 (32)

4 (36) 1 (9) 6 (54,5)

8 (40) 8 (40) 4 (20) 0,18

26 (83,9) 5 (16,1)

11 (100) 0 (0)

15 (75) 5 (25)

23 (88,5) 3 (11,5)

10 (91) 1 (9)

13 (87) 2 (13)

0,88

Consommation de tabac supérieure à 15 paquets/année et/ou d’alcool supérieure à 30 g/jour.

Tableau 3 Analyse statistique unifactorielle entre l’apparition d’une modification de la vidéonystagmographie après radiothérapie et l’augmentation de la dose rec¸ue dans les canaux semi-circulaires et le vestibule. Univariate statistical analysis between the appearence of a vestibular dysfunction on the videonystagmography and an increase in the dose received by the vestibule and semicircular canals (OR per additional gray).

Dose moyenne (Gy) [écart-type] Dose maximum (Gy) [écart-type]

Population n = 52 oreilles qui ont bénéficié d’une vidéonystagmographie complète (26 patients)

Modification de la vidéonystagmographie après la radiothérapie (n = 22)

Pas de modification de la vidéonystagmographie après radiothérapie (n = 30)

p

Odds ratioa [IC95 %]

19 [5,13]

23,95 [12,12]

12,66 [2,11]

0,001

1,08 [1,025–1,138]

28 [3,16]

32,53 [15,73]

20,91 [13,81]

0,007

1,054 [1,011–1,1]

IC95 % : intervalle de confiance à 95 %. a Odds ratio défini par gray supplémentaire rec¸u par les canaux semi-circulaires et le vestibule.

relativement constants entre 10 et 50 Gy, ne permettant pas de définir une dose seuil. En dessous de 10 Gy et au-delà de 50 Gy, les intervalles de confiance ne permettaient pas de conclure. Parmi les 31 patients, la dose moyenne et la dose maximale ponctuelle rec¸ues au niveau du complexe dorsovagal étaient respectivement de 28,7 Gy (écart-type de 8,9) et de 33,1 Gy (écart-type de 9,2). En analyse unifactorielle, il n’existait pas de relation statistiquement significative entre l’augmentation de la dose moyenne ou de la dose maximale dans le complexe dorsovagal et la présence de nausée (p = 0,166 et p = 0,222) (Tableau 4). 4. Discussion Il y a plusieurs limites à ce travail. En effet, nous avons réalisé une étude prospective monocentrique et il existe un potentiel biais lié à la taille de l’échantillon. Pour certains patients, il pourrait exister, par ailleurs, un biais de confusion entre l’apparition de nausées et la prise de narcotiques. Ce biais semble cependant maîtrisé car ces traitements étaient instaurés avant le début de la radiothérapie avec une bonne tolérance. Le principal biais concerne les 23 patients qui ont rec¸u une chimiothérapie concomitante par cisplatine ou par carboplatine. Ces chimiothérapies sont connues comme étant des activatrices de la zone « chémosensible » [14]. C’est pour cette raison que nous avons exclu les nausées survenues dans les 5 jours suivant chaque cure de chimiothérapie. Cela permet également de maîtriser le biais lié à la prise d’aprépitant (un antagoniste de la

substance P des récepteurs de la neurokinine NK1 chez l’homme) et/ou d’ondansétron (un antagoniste des récepteurs de la sérotonine 5-HT3) les jours suivant chaque cure de chimiothérapie car ces molécules ont également un effet sur le centre du vomissement [15]. Après ces restrictions, nous n’avons pas retrouvé de relation statistique entre chimiothérapie et nausées (Tableau 2). Parmi les 26 patients ayant bénéficié d’une vidéonystagmographie complète, nous n’avons pas retrouvé de relation statistiquement significative entre la présence de nausées et/ou de vertiges et l’apparition d’une modification de fonctionnement de la vidéonystagmographie après la radiothérapie (p = 0,701). Nous avons, en revanche, retrouvé une relation statistiquement significative entre la dose moyenne (p = 0,001) ou maximale (p = 0,007) rec¸ue par les canaux semi-circulaires et le vestibule et la présence d’une modification de la vidéonystagmographie après la radiothérapie. Comme précisé dans les résultats, les odds ratios étaient relativement constants entre 10 et 50 Gy, ne permettant pas de définir une dose seuil de répercussion sur les canaux semi-circulaires et le vestibule. Malgré le faible effectif de notre série, ces résultats suggèrent que la dose rec¸ue par l’oreille interne, notamment les vestibules, est corrélée à un dysfonctionnement vestibulaire sans que celui-ci ne soit responsable de symptômes nauséeux ou vertigineux. Ces résultats sont en adéquation avec ceux de Kocak-Uzel et al. qui n’avaient pas retrouvé de relation statistiquement significative entre la présence de nausées et l’irradiation des vestibules [10].

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Tableau 4 Analyse statistique unifactorielle entre l’apparition de nausées et l’augmentation de la dose rec¸ue dans le complexe dorsovagal. Univariate statistical analysis between the occurrence of nausea and an increase in the dose received by the dorsal vagal complex (OR per additional gray).

Dose moyenne (Gy) [écart-type] Dose maximum (Gy) [écart-type]

Population n = 31

Nausées en dehors des 5 jours de chimiothérapie n = 11

Pas de nausées en dehors des 5 jours de chimiothérapie n = 20

p

Odds ratioa [IC95 %]

29 [8,9]

32 [6,8]

27 [6,9]

0,166

1,075 [0,998–1,157]

33 [2,9]

36 [1,7]

32 [10]

0,222

1,065 [0,989–1,147]

IC95 % : intervalle de confiance à 95 %. a Odds ratio défini par gray supplémentaire rec¸u par le complexe dorsovagal.

Kocak-Uzel et al. et Lee et al. dans leurs études avaient recherché une relation statistique entre la dose rec¸ue par les canaux semicirculaires et le vestibule et la présence de nausées [10,11]. Cette analyse est discutable car les canaux semi-circulaires et le vestibule sont des organes pairs qui ont été irradiés chez un même patient à des doses différentes. En cas de nausées et sans examen objectif de leur fonctionnement, il est donc difficile de savoir lequel du (ou des) canaux semi-circulaires et du vestibule en est responsable. Notre série est originale, car contrairement à ces études elle a objectivé un dysfonctionnement vestibulaire avant de rechercher une relation entre ce dysfonctionnement et la présence de nausées. Par ailleurs, l’équipe de Lee et al. s’était intéressée uniquement à la RCMI pour un cancer du nasopharynx [11]. La dose moyenne aux vestibules était de 45 Gy. Dans leur étude, la relation était statistiquement significative entre nausées et irradiation des vestibules si le pourcentage des vestibules recevant plus de 40 Gy (V40) était supérieur à 80 %. Cette situation est restrictive car elle est rare dans les autres localisations de cancers des voies aérodigestives supérieures. En effet, dans notre série prenant en compte toutes les localisations de cancer des voies aérodigestives supérieures, la dose moyenne rec¸ue par les vestibules n’était que de 19,4 Gy et pourtant 35,5 % des patients ont tout de même souffert de nausées. Nous n’avons pas calculé de relation statistique entre les nausées et 80 % au V40 car, dans notre étude, un seul patient a rec¸u plus de 40 Gy dans les canaux semi-circulaires et le vestibule. Chez tous nos patients, la dose moyenne rec¸ue par le complexe dorsovagal est importante avec une dose moyenne de 28,7 Gy (écart-type de 8,9), quelle que soit la localisation du cancer. Le complexe dorsovagal est constitué du noyau dorsovagal, du faisceau solitaire et de l’area postrema [15–17]. Ce complexe dorsovagal est localisé dans le bulbe (formation réticulaire), le long de la partie ventrale du tractus solitaire [14]. Au voisinage du centre du vomissement se trouve une zone dite « chémosensible » (qui fait partie de l’area postrema) ou chemoreceptor trigger zone (CTZ), qui est capable d’activer directement le centre du vomissement. Dans notre série, bien qu’une tendance existe, la dose moyenne ou maximale rec¸ue par le complexe dorsovagal n’était pas corrélée statistiquement avec l’apparition de nausées et/ou de vomissements (respectivement p = 0,166, odds ratio de 1,075 [0,998–1,157] et p = 0,222 ; 1,065 [0,089–1,147]). Ces résultats sont à relativiser au faible écarttype de la dose moyenne délivrée au complexe dorsovagal et au faible effectif de notre cohorte. Il est important de noter que pour les 22 vidéonystagmographies post-thérapeutiques modifiées, en comparaison aux vidéonystagmographies avant la radiothérapie (droit ou gauche), il existait pour 17 d’entre eux une hyperréflexie (77,3 %) et pour cinq une hyporéflexie (22,7 %). L’hyporéflexie correspond à une atteinte périphérique alors que l’hyperréflexie peut s’expliquer soit par une irritabilité du vestibule, soit par une irritabilité du nerf ou des noyaux d’intégration des informations d’origine vestibulaire au niveau du tronc cérébral. L’hyperréflexie peut ainsi correspondre à une atteinte centrale ou périphérique. Les anomalies centrales observées sur deux vidéonystagmographies, la

fréquence de l’hyperréflexie sur les épreuves caloriques (77,3 %), la présence d’un épisode vertigineux pour un seul des patients (3,2 %), et la tendance des odds ratios entre la présence de nausées et la dose moyenne rec¸ue par le complexe dorsovagal suggèrent que les nausées seraient à rattacher à une cause centrale pouvant correspondre au complexe dorsovagal. Plusieurs études, dont une réalisée récemment par Kock-Uzel et al. sur 130 patients, vont dans ce sens en mettant en évidence une relation statistiquement significative entre l’irradiation du complexe dorsovagal (plus particulièrement de l’area postrema) et la présence de nausées [8–10]. 5. Conclusion La RCMI des cancers des voies aérodigestives supérieures entraîne une irradiation importante des canaux semi-circulaires et du vestibule (dose moyenne de 19,4 Gy) et du complexe dorsovagal (dose moyenne de 28,7 Gy). Nos résultats suggèrent qu’un dysfonctionnement vestibulaire aigu est corrélé directement à la dose moyenne rec¸ue par les vestibules (p = 0,001) mais que ce dysfonctionnement n’est pas responsable d’une symptomatologie vertigineuse ou nauséeuse au cours de la radiothérapie (p = 0,701). Il est donc difficile d’imputer les nausées à l’irradiation des canaux semi-circulaires et du vestibule. L’effet de l’irradiation des vestibules ne doit pas être négligé. La RCMI est une technique d’irradiation récente et aucune étude n’a été relatée sur la répercussion à long terme de l’irradiation sur le fonctionnement vestibulaire. Un prochain travail évaluant la fonction vestibulaire à distance de la radiothérapie pourrait, en cas d’hyporéfléxie, expliquer une instabilité et/ou des symptômes vertigineux secondaires. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Rathod S, Gupta T, Ghosh-Laskar S, Murthy V, Budrukkar A, Agarwal J. Qualityof-life (QOL) outcomes in patients with head and neck squamous cellcarcinoma (HNSCC) treated with intensity-modulated radiation therapy (IMRT)compared to three-dimensional conformal radiotherapy (3D-CRT): evidence from a prospective randomized study. Oral Oncol 2013;49:634–42. [2] Lin A, Kim HM, Terrell JE, Dawson LA, Ship JA, Eisbruch A. Quality of life after parotid-sparing IMRT for head-and-neck cancer: a prospective longitudinal study. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2003;57:61–70. [3] Eisbruch A, Ten Haken RK, Kim HM, Marsh LH, Ship JA. Dose, volume, and function relationships in parotid salivary glands following conformal and intensity-modulated irradiation of head and neck cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1999;45:577–87. [4] Toledano I, Graff P, Serre A, Boisselier P, Bensadoun RJ, Ortholan C, et al. Intensity-modulated radiotherapy in head and neck cancer: results of the prospective study GORTEC 2004-03. Radiother Oncol 2012;103:57–62. [5] Rosenthal DI, Chambers MS, Fuller CD, Rebueno NC, Garcia J, Kies MS, et al. Beam path toxicities to non-target structures during intensity-modulated radiation therapy for head and neck cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2008;72:747–55.

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