Nouveaux traitements dans le syndrome néphrotique idiopathique

Nouveaux traitements dans le syndrome néphrotique idiopathique

Table ronde Notions récentes sur le syndrome néphrotique Disponible en ligne sur Nouveaux traitements dans le syndrome néphrotique idiopathique New ...

211KB Sizes 0 Downloads 136 Views

Table ronde Notions récentes sur le syndrome néphrotique

Disponible en ligne sur

Nouveaux traitements dans le syndrome néphrotique idiopathique New treatments for Idiopathic Nephrotic Syndrome

www.sciencedirect.com

V. Guigonis* Mots clés : Syndrome néphrotique,

Centre de Référence des Maladies Rénales Rares du Sud-Ouest (SORARE), Département de Pédiatrie. Hôpital de la Mère et de l’Enfant, 8, avenue D.-Larrey, 87000 Limoges, France

L

e syndrome néphrotique idiopathique (SNI) est la maladie glomérulaire la plus fréquente durant l’enfance. La plupart des patients répondent à un traitement par corticoïdes (syndrome néphrotique cortico-sensible) mais 60 % deviennent corticodépendants, rechutant à la baisse ou dès l’arrêt de ce traitement [1]. C’est dans cette situation clinique que d’autres traitements immunosuppresseurs peuvent être indiqués dans le but d’obtenir une épargne corticoïde. La liste des traitements reconnus comme efficaces s’est allongée ces dernières années et a fait l’objet d’une mise au point spécifique. Cependant, malgré le nombre et l’efficacité de ces traitements, il persiste toujours des situations où le clinicien est limité par les traitements disponibles : soit du fait de leur efficacité limitée, soit du fait de leur toxicité. Le traitement « parfait » (toujours efficace sans être toxique) n’existant pas encore pour le SNI, les néphrologues pédiatres continuent d’étudier avec beaucoup d’intérêt l’efficacité potentielle des nouveaux immunosuppresseurs lorsqu’ils sont utilisés chez les patients ayant un SNI.

1. Beaucoup de nouvelles molécules, peu d’élues… pour le SNI Les immunosuppresseurs disponibles en clinique se sont multipliés ces dernières années, que ce soit les molécules développées dans le domaine de la greffe d’organe ou les anticorps monoclonaux issus des biothérapies avec des cibles précises et spécifiques. Cependant, la toxicité potentielle de ces molécules, associée au fait que la physiopathologie exacte du SNI est encore inconnue, font que peu de ces nouvelles molécules ont été proposées et étudiées pour le traitement du SNI. L’analyse de la littérature en 2009 à la recherche d’un « nouveau traitement pour le SNI » ne fait finalement ressortir que quelques cas isolés d’utilisation de molécules nouvelles [2] ou plus anciennes [3] dans le traitement de cette maladie. Seul le Rituximab (RTX), pour lequel les données sont les plus nombreuses, semble apparaître comme une approche potentiellement intéressante pour les patients difficiles à traiter par les stratégies « conventionnelles ».

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

802 © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2009;16:802-804

2. Rituximab : ou quand le hasard fait bien les choses… 2.1. Rituximab : fiche d’identité Le RTX est un anticorps monoclonal chimérique (partie constante d’origine humaine, partie variable d’origine murine) dirigé contre le CD20, antigène quasi exclusivement exprimé par les lymphocytes B. L’administration intraveineuse de RTX aboutit par plusieurs mécanismes complémentaires à la lyse complète des lymphocytes B circulants, entraînant de ce fait une lymphopénie B [4]. La première indication du RTX a été le traitement des pathologies hématologiques associées à une prolifération de lymphocytes B. Rapidement il s’est avéré que le RTX pouvait être efficace dans des pathologies auto-immunes : une AMM existe aujourd’hui pour la polyarthrite rhumatoïde et des données se multiplient concernant l’efficacité de ce traitement dans d’autres maladies auto-immunes (pemphigus, lupus, vascularites…) [4]. La tolérance du RTX semble être relativement bonne au vu de son efficacité [4, 5], la plupart des effets secondaires sont rencontrés pendant les périodes d’administration. Comme tous les immunosuppresseurs, le risque d’infections pourrait être majoré sous RTX. Les infections aiguës ne semblent pas être un problème majeur, par contre des inquiétudes apparaissent quant à une possible association entre l’utilisation du RTX et l’apparition de cas de leuco-encéphalopathies multifocales progressives (LEMP) secondaires à une infection à JC virus [6].

2.2. Rituximab et SNI : une découverte fortuite Le RTX est un médicament anti-lymphocytes B, or le SNI était considéré jusqu’à très récemment comme une maladie exclusive du lymphocyte T. Il n’y avait donc pas, initialement, de rationnel à utiliser le RTX au cours du SNI. Ce n’est que fortuitement qu’un effet potentiellement bénéfique du RTX sur le SNI a été retrouvé. Dans les premiers cas rapportés, le RTX avait été administré pour des indications « habituelles » (respectivement un purpura thrombopénique immunologique, et un lymphome EBV induit) chez des patients qui présentaient par ailleurs un SNI actif. Dans ces 2 cas, outre l’efficacité attendue sur la pathologie ciblée, les auteurs rapportèrent une modification du cours évolutif du SNI suite aux injections de RTX [7,8]. D’autres auteurs rapportèrent ensuite un effet similaire du RTX chez des patients ayant reçu ce traitement dans le but de mieux contrôler leur SNI. Dans les suites de ces

Nouveaux traitements dans le syndrome néphrotique idiopathique

premiers articles, 18 cas de SNI traités par RTX avant la greffe ont été publiés au total. Il s’agissait uniquement de cas isolés ou de courtes séries. Depuis 2006, les patients traités par RTX au sein de la Société de Néphrologie Pédiatrique (SNP), sont regroupés dans une cohorte dont l’analyse régulière permet d’avoir aujourd’hui l’expérience la plus large sur ce traitement au niveau international [9]. Les données les plus récentes issues de cette cohorte sont rapportées ici.

2.3. Indications actuelles au sein de la SNP Compte tenu du nombre de patients traités par RTX encore très limité, de l’absence de données prospectives et du manque de recul au long cours sur l’efficacité et la tolérance du RTX, l’indication de ce traitement au cours du SNI reste exceptionnelle. À l’heure actuelle cette indication est généralement le fruit d’une décision collégiale au sein d’une équipe voire entre plusieurs équipes de néphrologie pédiatrique. Les critères généralement nécessaires pour que l’indication du RTX soit discutée sont : (i) un SNI sévère et sensible aux immunosuppresseurs ; (ii) l’échec des agents alkylants ; (iii) l’échec du mycophénolate mofetil ; (iv) la dépendance aux anticalcineurines ou la présence d’un effet secondaire sévère (néphrotoxicité). Il s’agit des critères actuels servant de bases à la discussion. Il ne pourrait s’agir de critères définitifs et « opposables » compte tenu des données limitées concernant ce traitement dans cette indication. L’administration du Rituximab reste à ce jour hors AMM. Malgré ces critères restrictifs, au 1er Janvier 2009, 90 enfants avaient été traités par RTX pour SNI au sein de la SNP. Parmi ces 90 enfants, des données avec un recul de plus de 6 mois étaient disponibles pour 60 d’entre eux. Les résultats présentés ici portent sur ces 60 enfants.

2.4. Population traitée Les enfants traités avaient un âge moyen de 12,8 ans (extrêmes : 4,8 – 19,8) à l’administration du RTX, après une durée d’évolution moyenne de la maladie de 8,9 ans (0,3 – 17,4). La quasi-totalité (92 %) avaient déjà reçu antérieurement des stéroïdes, des anticalcineurines (ciclosporine ou tacrolimus) et du mycophénolate, 72 % avaient reçu en plus un agent alkylant. Le RTX a été administré en période protéinurique pour 22 enfants, en rémission pour les autres. Le plus souvent le RTX a été administré en association avec un ou d’autres traitements immunosuppresseurs (54/60). Le traitement a consisté en 1 à 4 injections intraveineuses hebdomadaires de 375 mg/m2. Le recul moyen après l’administration du RTX est de 15,4 mois (6-42).

Cependant il est rapidement apparu que l’effet du RTX restait limité dans le temps et que des rechutes survenaient fréquemment à distance de la dernière injection, aboutissant à des stratégies de réinjections répétées de RTX chez beaucoup de ces patients. De ce fait, une analyse de la cohorte « aux dernières nouvelles » a permis d’avoir une vision plus précise du bénéfice apporté par le RTX ainsi que des limites de ce traitement. Trente et un enfants étaient toujours en rémission aux dernières nouvelles, sans traitement en cours ou avec uniquement du mycophénolate mofétil ou de faibles doses de corticoïdes. De ce point de vue, le RTX a été « utile » au long cours pour 51 % des enfants traités en permettant d’arrêter les traitements immunosuppresseurs les plus toxiques. Cependant, 20 des 31 enfants n’avaient pas de lymphocytes B circulants lors de l’analyse et étaient de ce fait toujours sous l’effet de leur dernière injection de RTX. Compte tenu du nombre important de rechutes enregistrées à distance du RTX (30 pour 24 patients), l’ensemble de ces données fait clairement apparaître le spectre d’une dépendance au RTX, en remplacement de la dépendance aux autres traitements immunosuppresseurs.

2.7. Tolérance et toxicité Des effets secondaires ont été enregistrés chez 20 des 60 patients, ceux-ci ont été modérés et transitoires dans la majorité des cas. Cependant des effets secondaires sévères sont à déplorer et rendent encore plus nécessaires les précautions entourant les indications et les modalités d’administration. Parmi ces effets secondaires sévères, ont été rapportés : arythmie par fibrillation auriculaire (1), hypotension symptomatique (1), neutropénie transitoire (1), infections (3), maladie sérique (1). Enfin un décès par fibrose pulmonaire a eu lieu dans les suites de la première injection de RTX chez une patiente ayant présenté un SNI particulièrement sévère et qui avait été traitée en pleine poussée dans un contexte d’altération préexistante de l’état général. Le nombre de patients ayant présenté une hypogammaglobulinémie est resté modéré (11 patients au maximum). Ceci est à mettre en relation avec le fait que les plasmocytes, produisant les immunoglobulines, n’expriment pas le CD20 et ne sont donc pas détruits par le RTX.

2.8. Mécanisme d’action

Le traitement par RTX a permis d’obtenir une lymphopénie B complète chez tous les patients testés, quelle que soit la dose administrée (de 375 à 1500 mg/m2 en cumulatif) ou la situation du patient (en rechute ou en rémission). La durée de la lymphopénie B a été de 6,3 mois en moyenne (3 à 12 mois).

Le mécanisme d’action du RTX dans le cadre du SNI n’est pas connu à ce jour. Malgré son action spécifiquement ciblée sur les cellules B, l’efficacité ne semble pas être directement liée au taux de lymphocytes B. En effet tous les patients ayant eu une lymphopénie B n’ont pas eu systématiquement un effet bénéfique du RTX. De plus, la rechute à distance du RTX n’était pas prévisible en fonction du taux de lymphocytes B. L’hypothèse la plus vraisemblable (mais qui reste à prouver) serait une perturbation de la coopération T-B par le RTX ce qui pourrait modifier l’activité de certaines sous-populations T plus directement liées à la physiopathologie de la maladie.

2.6. Efficacité sur les paramètres néphrologiques

3. Conclusion

Le RTX a été initialement considéré comme efficace si au moins un des critères suivants était atteint : (i) induction d’une rémission pour les patients traités en période protéinurique ; (ii) arrêt du traitement par corticoïdes ; (iii) arrêt du traitement par anticalcineurine, ces 2 derniers critères s’entendant sans rechute, chez un patient antérieurement dépendant. Selon ces critères, le RTX a pu être considéré comme efficace dans 70 % des cas.

Les premières données concernant l’utilisation du Rituximab au cours du SNI de l’enfant semblent prometteuses et permettent d’envisager un traitement alternatif aux traitements « conventionnels » lorsque ceux-ci sont devenus toxiques ou ont montré leurs limites. Cependant ces conclusions ne reposent à l’heure actuelle que sur des données d’études ouvertes avec un recul

2.5. Efficacité sur les paramètres hématologiques

803

V. Guigonis

limité concernant la tolérance de ce traitement. Des études prospectives ainsi qu’un registre au long cours doivent être mis en place afin d’évaluer plus précisément la balance bénéfice/risque de ce traitement.

Références 1. Niaudet P. Steroid-sensitive idiopathic nephrotic syndrome in children. In: Avner E, Harmon W, Niaudet P, eds. Pediatric Nephrology. 5th ed. Philadelphia: Lippincot Williams & Wilkins;2004. p.543-56. 2. Leroy S, Guigonis V, Bruckner D, et al. Successful anti-TNFa treatment in a child with post-transplant recurrent focal segmental glomerulosclerosis. Am J Transplant 2009;sous presse. 3. Kausman JY, Yin L, Jones CL, et al. Vincristine treatment in steroid-dependent nephrotic syndrome. Pediatr Nephrol 2006;20:1416-9.

804

Archives de Pédiatrie 2009;16:802-804

4. Gurcan HM, Keskin DB, Stern JN, et al. À review of the current use of rituximab in autoimmune diseases. Int Immunopharmacol 2009;9:10-25. 5. Giulino LB, Bussel JB, Neufeld EJ. Treatment with rituximab in benign and malignant hematologic disorders in children. J Pediatr 2007;150:338-44, 44e1. 6. Berger JR. Progressive multifocal leukoencephalopathy. Curr Neurol Neurosci Rep 2007;7:461-9. 7. Pescovitz MD, Book BK, Sidner RA. Resolution of recurrent focal segmental glomerulosclerosis proteinuria after rituximab treatment. N Engl J Med 2006;354:1961-3. 8. Nozu K, Iijima K, Fujisawa M, et al. Rituximab treatment for posttransplant lymphoproliferative disorder (PTLD) induces complete remission of recurrent nephrotic syndrome. Pediatr Nephrol 2005;20:1660-3. 9. Guigonis V, Dallocchio À, Baudoin V, et al. Rituximab treatment for severe steroid- or ciclosporine-dependent nephrotic syndrome: a multicentric series of 22 cases. Pediatr Nephrol 2008;23:1269-79.