revue neurologique 167 (2011) 522–525
Bre`ve communication
Paralysie du plexus brachial au re´veil Brachial plexus sleep palsy G. Fourcade a,*, G. Taieb b, D. Renard b, P. Labauge b, D. Pradal-Prat a a Service des explorations fonctionnelles du syste`me nerveux et acupuncture, hoˆpital Care´meau, CHU de Nıˆmes, place du Professeur-Robert-Debre´, 30029 Nıˆmes cedex 9, France b Service de neurologie, hoˆpital Care´meau, CHU de Nıˆmes, place du Pr-Debre´, 30029 Nıˆmes cedex 9, France
info article
r e´ s u m e´
Historique de l’article :
Introduction. – La « paralysie du samedi soir » touche de manie`re exceptionnelle le plexus
Rec¸u le 28 juin 2010
brachial.
Rec¸u sous la forme re´vise´e le
Observation. – Un jeune homme pre´senta un de´ficit sensitivo-moteur du membre supe´rieur
29 septembre 2010
droit au re´veil. L’e´lectroneuromyogramme, en faveur d’une atteinte du plexus brachial, mıˆt
Accepte´ le 13 octobre 2010
en e´vidence la pre´sence de blocs de conduction proximaux. L’e´volution clinique et e´lectro-
Disponible sur Internet le
physiologique fut spontane´ment favorable.
24 de´cembre 2010
Discussion. – Le diagnostic de plexopathie d’origine compressive ne´cessite d’e´liminer les autres causes de neuropathie a` bloc de conduction. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Plexopathie brachiale compressive Bloc de conduction
abstract Keywords: Compressive brachial plexopathy
Introduction. – Brachial plexus is rarely involved in ‘‘Saturday night palsy’’.
Conduction block
Case report. – A young man was admitted for numbness and weakness of his right upper limb after awaking from sleep. Neurophysiological studies, consistent with brachial plexopathy, revealed presence of proximal conduction blocks. Patient presented spontaneous clinical and neurophysiological improvement. Discussion. – Diagnosis of compressive brachial plexopathy needs to eliminate other causes of neuropathy with conduction block. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1.
Introduction
Les atteintes du plexus brachial d’origine me´canique surviennent essentiellement dans un contexte traumatique ou plus rarement en postope´ratoire, notamment apre`s une sternotomie me´diane. Nous rapportons un cas de « paralysie du samedi soir » touchant le plexus brachial.
2.
Observation
Un homme aˆge´ de 21 ans pre´senta au re´veil a` la suite d’une alcoolisation la veille une faiblesse indolore de la main droite, associe´e a` des paresthe´sies des doigts, de la paume de la main et de la face interne de l’avant-bras droit. Il avait dormi seul, le bras droit en abduction en dehors du lit, comme a` son
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (G. Fourcade). 0035-3787/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.neurol.2010.10.005
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Tableau 1 – E´lectroneuromyogramme (ENMG) a` 24 heures, trois semaines et trois mois. E´tude des conductions motrices du nerf me´dian (recueil court abducteur du pouce), ulnaire (recueil abducteur du V) et radial (recueil extenseur du II). E´tude des conductions sensitives orthodromiques du nerf me´dian (stimulation a` la paume) et ulnaire (stimulation du cinquie`me doigt) et conduction antidromique du nerf radial. Electroneuromyography (ENMG) 24 hours, three weeks and three months after the onset of symptoms. ENMG initial Membre supe´rieur droit Conduction motrice Amplitude (mV) Distale Coude Axillaire Erb Latence distale (ms) VCM (m/s) Conduction sensitive Amplitude (mV) VCS (m/s)
ENMG a` 3 semaines
ENMG a` 3 mois
Me´dian
Ulnaire
Me´dian
5,15
13,32 12,80
Me´dian
Ulnaire
12,09 12,23 12,30 0 3,87 51,4
10,91 10,45 9,36 0 3,60 53,4
9,42 7,43 5,85 1,85 65,7
10 9,8 9,5 0,390 6 44
4,43 0,270 5,1 50,5
7,75 4,41 50,9
7,68 5,31 3,84 49
33,8 51,5
17,4 51,5
6 44,9
34,8 42,9
6,8 39,8
23,2 51,7
6,5 51,3
Radial
Ulnaire
9,15
ENMG : e´lectroneuromyogramme.
habitude. L’examen clinique notait a` droite un de´ficit moteur a` 0/5 (Medical Research Council Score) des muscles intrinse`ques de la main et de l’avant-bras, associe´ a` une hypore´flexie tricipitale. L’IRM ence´phalique e´tait normale. Un e´lectroneuromyogramme (ENMG) fut re´alise´ 24 heures apre`s le de´but des symptoˆmes, avec stimulations e´tage´es d’intensite´ supramaximale a` l’e´lectrode monopolaire (Tableau 1). Les latences distales, vitesses de conduction, dure´e et amplitude des potentiels moteurs e´taient normales pour les nerfs me´dians, ulnaires et radiaux a` la stimulation distale, au coude et au creux axillaire. Les re´ponses motrices a` la stimulation au point d’Erb e´taient abolies pour les nerfs me´dian et ulnaire droits, et d’amplitude abaisse´e d’environ 40 % pour le nerf radial droit. La pre´sence de blocs de conduction (BC) au point d’Erb sur les nerfs me´dian et ulnaire fut confirme´e par une stimulation corticale magne´tique (Fig. 1). Les ondes F e´taient abolies sur les nerfs me´dian et ulnaire droits. Les potentiels sensitifs e´taient sans anomalie aux quatre membres. La myographie de repos e´tait normale dans les territoires radiculaires C5 a` C8-T1 droits. Une atteinte radiculaire ou plexique fut e´voque´e. Le bilan biologique inflammatoire, dysimmunitaire (anticorps antinucle´aires, ANCA, antigangliosides), infectieux, les enzymes musculaires, l’alcoole´mie, la recherche de toxiques et la ponction lombaire e´taient normaux. L’IRM du rachis cervical et du plexus brachial, avec se´quences T1 avec gadolinium, e´tait normale. L’absence de de´le´tion du ge`ne PMP22 permit d’exclure une neuropathie tomaculaire. Deux jours apre`s le de´but des symptoˆmes, l’examen clinique notait une re´cupe´ration motrice comple`te de l’extension du poignet et des doigts. Le de´ficit moteur des territoires me´dian et ulnaire s’ame´liora progressivement apre`s le ` la premier mois, d’abord a` l’avant-bras puis a` la main. A troisie`me semaine, l’ENMG montrait sur les potentiels moteurs me´dian et ulnaire la persistance de BC au point d’Erb et l’apparition d’un allongement des latences distales. Le potentiel sensitif du nerf cutane´ me´dial de l’avant-bras e´tait aboli et l’amplitude sensitive du nerf ulnaire diminue´e. La de´tection a` l’aiguille montrait au repos des activite´s spontane´es (fibrillations et ondes lentes positives) et a` la contraction,
un trace´ pauvre acce´le´re´, dans les muscles court abducteur du pouce, premier interosseux dorsal, extenseurs radiaux du carpe, extenseur commun des doigts, grand palmaire et fle´chisseur ulnaire du carpe. La de´tection a` l’aiguille e´tait normale dans les muscles deltoı¨de, biceps brachial et brachioradial. On retenait donc une atteinte neuroge`ne dans les territoires C7 et C8-T1 associe´e a` une atteinte sensitive, e´voquant une atteinte des troncs primaires moyen et infe´rieur du plexus brachial. Les ENMG de controˆle montre`rent a` partir de la troisie`me semaine une leve´e progressive des BC (Fig. 1) et une re´apparition des ondes F, de latence allonge´e. L’examen clinique e´tait normal trois mois apre`s le de´but des symptoˆmes. Le diagnostic de plexopathie brachiale par BC d’origine me´canique fut retenu.
3.
Discussion
Un BC e´lectrophysiologique est de´fini par une re´duction d’amplitude et/ou de surface d’une re´ponse motrice e´voque´e par une stimulation nerveuse proximale par rapport a` celle e´voque´e par une stimulation distale applique´e sur le meˆme tronc nerveux, sans augmentation de la dure´e du potentiel. La physiopathologie du BC comprend des processus de de´mye´linisation segmentaire, d’interruption axonale re´cente, ou des anomalies d’excitabilite´ axonale par dysfonction canalaire ionique ou modification du potentiel membranaire. Ces phe´nome`nes peuvent eˆtre d’origine ische´mique, inflammatoire dysimmunitaire ou me´canique compressive (Lefaucheur et al., 2006). L’absence de douleur chez notre patient, l’e´volution spontane´ment favorable et la ne´gativite´ des explorations comple´mentaires ont permis d’e´liminer une cause ische´mique, notamment une vascularite. Des cas de radiculoplexopathie a` BC apre`s infection par EBV et piquˆre de tique ont e´te´ rapporte´s (Vucic et al., 2005; Krishnan et al., 2009), e´voquant un me´canisme dysimmunitaire postinfectieux. Notre patient n’avait aucun signe clinique et biologique en faveur de cette hypothe`se. Par ailleurs, il ne pre´sentait ni douleur ni amyotrophie e´vocateurs d’un syn-
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[()TD$FIG]
Fig. 1 – Potentiel moteur du nerf me´dian droit recueilli sur le muscle court abducteur du pouce 24 heures (A), trois semaines (B) et trois mois (C) apre`s le de´but des symptoˆmes : leve´e progressive du bloc de conduction (BC) mis en e´vidence au point d’Erb. Confirmation du bloc de conduction par stimulation corticale (D). Motor potential of the right median nerve on Abductor Brevis Pollicis 24 hours (A), three weeks (B) and three months (C) after the onset of symptoms: progressive resolution of proximal conduction block (BC). Presence of BC with transcranial stimulation (D).
drome de Parsonage-Turner, ni hypote´lorisme en faveur d’une amyotrophie ne´vralgique he´re´ditaire par mutation SEPT9. La neuropathie motrice multifocale avec BC persistants (NMM) est une neuropathie dysimmunitaire caracte´rise´e par un de´ficit moteur pur asyme´trique, multifocal, pre´dominant aux membres supe´rieurs, d’e´volution chronique. Plusieurs cas de neuropathie motrice aigue¨ avec BC ont e´te´ rapporte´s dans la litte´rature, e´voquant, soit une forme atypique de syndrome de Guillain-Barre´ proche des Acute motor axonal neuropathy (AMAN), soit une NMM a` de´but aigu (Manganelli et al., 2009; Uncini et al., 2010). Le syndrome de Lewis et Sumner (LSS, ou polyradiculone´vrite chronique multifocale) est une neuropathie de´mye´linisante multifocale sensitivomotrice a` BC. Des cas de LSS se re´ve´lant par une atteinte du plexus brachial ont e´te´ rapporte´s (Simo´ et al., 2009). En revanche, il n’existe pas a` notre connaissance de LSS a` de´but aigu. Une atteinte du plexus brachial, brutale et indolore, peut s’observer dans environ 20 % des patients pre´sentant une neuropathie tomaculaire. L’absence d’anomalie e´lectroneurographique sur les autres membres et la ne´gativite´ de la recherche ge´ne´tique ont permis d’exclure ce diagnostic chez notre patient. La « paralysie du samedi soir » (Saturday night palsy) correspond classiquement a` une atteinte compressive du nerf radial dans les suites d’un sommeil anormalement profond,
notamment apre`s abus d’alcool. Seuls deux cas de plexopathie apre`s abus d’alcool sont de´crits dans la litte´rature (Marchini et al., 2007; Sathornsumetee et Morgenlander, 2006) et de rares cas sont e´galement rapporte´s avec une rhabdomyolyse associe´e ou non a` une intoxication par he´roı¨ne (Maddison, 2002; Silber et al., 1999). Notre patient avait une atteinte sensitivomotrice, avec pre´sence de BC a` l’ENMG. Le contexte d’alcoolisation et l’e´volution clinique et e´lectrophysiologique spontane´ment favorable nous ont amene´s a` poser le diagnostic de plexopathie d’origine me´canique.
Conflit d’inte´reˆt Aucun.
r e´ f e´ r e n c e s
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