EMC-Cardiologie Angéiologie 1 (2004) 426–436
www.elsevier.com/locate/emcaa
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques Atherosclerotic supra-aortic trunks C. Laurian a,*, C. Saliou b, L. Guillemot b, J.M. Clerget b, X. de Kerangal a a
Service de chirurgie vasculaire, hôpital Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75674 Paris cedex 14, Paris, France b Département de chirurgie vasculaire, clinique Europe, hôpital Saint-Nazaire, boulevard de l’Hôpital, 44600 Saint-Nazaire, France
MOTS CLÉS Artère carotide ; Troncs supra-aortiques ; Athérosclérose ; Chirurgie endovasculaire
KEYWORDS Carotid artery; Proximal supra-aortic trunks; Atherosclerosis; Endovascular procedures
Résumé La pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques est dominée aujourd’hui par les sténoses carotides. L’impact des explorations non invasives échographie-doppler, imagerie par résonance magnétique (IRM), explique leur large dépistage. L’évolution des techniques anesthésiques, la reproductivité des techniques chirurgicales ont permis d’en améliorer les résultats. Les progrès des techniques endovasculaires ont permis leur positionnement dans le traitement des lésions proximales, en revanche le bénéfice à long terme de ces procédures dans le traitement des lésions carotides est mal connu. Les indications des corrections des lésions occlusives sousclavières et vertébrales sont devenues mieux ciblées. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Carotid stenosis are the most frequent lesions of supra aortic trunks. The availability of noninvasive investigation means, such as Duplex Scan, MRI and Angio-MRI, explain the extent at which these lesions are currently detected. The improvement of anesthetic procedures and the reproducibility of surgical procedures have resulted in improved management and results. The improvement of endovascular techniques has made such treatment commonly considered for proximal stenosis, whereas long-term benefits of endovascular treatment for carotid lesions remain to be demonstrated. The indications for the treatment of occlusive lesions of subclavian and vertebral arteries are now better identified. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction L’intérêt des lésions athéroscléreuses des troncs supra-aortiques (TSA) est aujourd’hui centré sur les lésions occlusives de l’artère carotide interne (ACI) pour trois raisons : * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Laurian). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcaa.2004.01.004
• la place croissante des explorations non invasives ; • l’apport de l’anesthésie locorégionale dans cette chirurgie ; • l’émergence des techniques endovasculaires en compétition avec la chirurgie conventionnelle. Les lésions proximales des TSA, plus rarement symptomatiques, relèvent plus largement des techniques endovasculaires. En revanche, les indica-
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques tions thérapeutiques sur les lésions occlusives des artères sous-clavière et vertébrale sont devenues plus conservatrices.
Lésions anatomiques Les lésions athéroscléreuses des TSA ne répondent pas à une distribution anatomique homogène. Les lésions ostiales proximales (tronc artériel brachiocéphalique, artère carotide primitive gauche, artère sous-clavière gauche) représentent souvent l’extension des lésions athéroscléreuses de la convexité de la crosse aortique. L’artère sous-clavière proximale, et l’origine de l’artère vertébrale sont précocement affectées par les lésions athéroscléreuses, mais le risque d’infarctus cérébral associé à ces lésions est considéré comme faible. Les possibilités de suppléance par l’artère vertébrale controlatérale ou les anastomoses cervicales expliqueraient la bénignité de ces sténoses proximales par opposition aux lésions occlusives de l’artère vertébrale intracrânienne. Dans le territoire carotidien, la distribution de l’athérosclérose n’est pas plus homogène. Le siège le plus fréquent en est l’origine de l’ACI, s’étendant sur les 2 à 3 cm du bulbe carotidien. La deuxième localisation en est le siphon carotidien. Dans ce cadre, les occlusions carotidiennes sont plus souvent en rapport avec une thrombose occlusive d’une sténose de l’ACI proximale, que la conséquence de la propagation d’un thrombus rétrograde à partir d’une sténose du siphon carotide. Enfin le retentissement hémodynamique intracrânien en est variable, en fonction de la disposition anatomique du cercle de Willis.
Lésions athéroscléreuses de l’artère carotide interne
427 Le traitement chirurgical a fait l’objet d’études randomisées qui ont permis de mieux connaître l’histoire naturelle de ces sténoses, ce qui autorise une prise de décision basée sur des preuves. Ces études ont montré que les deux déterminants principaux du risque d’infarctus cérébral homolatéral à la sténose sont le caractère symptomatique ou non de la sténose et son degré. La structure de la plaque athéroscléreuse pourrait être aussi un élément déterminant du risque vasculaire. L’étude en résonance magnétique (IRM) permet de définir des « plaques vulnérables » avec un risque de récidive d’accident ischémique cérébral. Ce concept permettrait d’améliorer la sélection des patients à opérer même si la sténose n’est pas significative sur les flux. Les déterminants du risque d’infarctus cérébral sont le caractère symptomatique de la sténose et le degré de la sténose.
Clinique La définition du caractère symptomatique d’une sténose est purement clinique ne tenant pas compte des infarctus silencieux au scanner cérébral. Une sténose carotide est symptomatique lorsqu’elle s’accompagne de symptômes dans le territoire carotidien homolatéral. Ils peuvent être : • hémisphériques : hémiplégie souvent brachiofaciale, troubles sensitifs unilatéraux avec même prédominance brachiofaciale, ou aphasie ; • rétiniens : cécité monotronculaire transitoire totale ou partielle généralement altitudinale ; parfois des symptômes oculaires plus atypiques sont possibles.
Risques
Les symptômes vertébrobasilaires ne sont pas des signes d’ischémie du territoire carotidien.
Ces sténoses comportent un double risque : • un risque local d’infarctus cérébral homolatéral à la sténose rendant compte de 10 % de l’ensemble des infarctus cérébraux ; • un risque général d’infarctus du myocarde ou de décès de cause vasculaire. Elles représentent un marqueur de la dissémination de la maladie athéroscléreuse. Ces sténoses sont aisément décelables par les explorations non invasives, et accessibles à un traitement (médical toujours, chirurgical parfois) susceptible d’empêcher la survenue de complications.
L’accident ischémique peut être transitoire (AIT) ou constitué : • accident ischémique transitoire : déficit neurologique focal durant moins de 24 heures ; • accident ischémie constitué : déficit neurologique focal durant plus de 24 heures, classé selon sa gravité en : C accident rapidement régressif sans séquelle à 1 mois ; C accident mineur avec séquelles minimes audelà de 1 mois ; C accident majeur avec un handicap fonctionnel moyen ou sévère.
428
Degré de sténose. Explorations non invasives Dans les études randomisées, la quantification du degré de sténose a été réalisée sur les données de l’artériographie. La méthode américaine est appliquée dans les études NASCET1 et ACAS2, la méthode européenne dans l’étude ECST.3 Il existe une table de correspondance validée entre les deux méthodes. Cette appréciation est supplantée par les méthodes non invasives : ultrasons, angiographie par résonance magnétique (ARM), ou angioscanner avec reconstruction. Doppler-échographie Le Doppler continu mesure les vitesses circulatoires sur l’axe carotidien, sa sensibilité permet de dépister une sténose supérieure à 60 % sans préjuger de sa nature. Il n’existe pas d’étude (hormis les centres experts) ayant comparé les vitesses à d’autres explorations notamment artériographiques. Il n’y a pas de seuil de vitesse validé permettant d’affirmer l’existence d’une sténose et de la quantifier. L’échographie-doppler pulsé permet la visualisation des parois vasculaires. L’utilisation du codage couleur du flux circulant permet de coupler l’image échographique à l’information dynamique du flux sanguin. Le Doppler énergie est performant pour l’appréciation des sténoses serrées ou pour le diagnostic de sténose préocclusive. Les limites de l’exploration en échographiedoppler sont : • l’existence de calcifications conduisant à sousestimer la sténose ; • les bifurcations carotides hautes difficiles à analyser ; • le fait qu’il n’existe pas de critères vélocimétriques admis pour mesurer le degré de sténose. Cependant, l’utilisation des rapports de vitesse entre carotide interne et carotide commune, plus qu’un seuil de vitesse, permet de pallier ces difficultés. Il n’est pas possible d’évaluer le degré précis d’une sténose carotide sur la seule exploration ultrasonore. L’échographie-doppler reste cependant l’examen reconnu de dépistage, de surveillance et de contrôle postopératoire des lésions carotides. L’échographie-doppler : • est une bonne méthode de détection (sensibilité) ; • n’a pas de critères admis pour mesurer le degré de sténose ; • est une exploration opérateur-dépendante.
C. Laurian et al. Angiographie par résonance magnétique (ARM) Le principe de l’ARM est la construction d’une image d’après le signal tissulaire du corps, dont les noyaux d’atome d’hydrogène sont mis en situation de résonance grâce à un champ magnétique. Ce champ est perturbé par des impulsions de radiofréquence ou des modifications brutales induites par les bobines d’électro-aimant. Le signal du sang circulant est isolé des tissus périvasculaires pour constituer une imagerie de flux. Plusieurs méthodes sont disponibles, surtout l’imagerie en temps de vol la mieux évaluée, et l’imagerie en écho de gradient par injection de gadolinium. L’examen se déroule en deux phases : • une étude axiale du parenchyme cérébral ; • un temps d’exploration vasculaire après injection de gadolinium (Fig. 1). Le traitement de l’image se fait en mode MIP (maximal intensity projection) qui réalise un angiogramme, sous de multiples incidences (Fig. 2). La sensibilité, et la spécificité sont analogues à l’artériographie avec des limites techniques à connaître afin de minimiser les erreurs d’interprétation. Cet examen surestime en diamètre et en longueur la sténose carotide en raison des turbulences qui entraînent une perte de signal excessive, voire une extinction complète en cas de sténose très serrée alors que persiste un flux résiduel. Cet examen ne visualise pas les calcifications ni les lésions de surface des plaques. Tomodensitométrie spiralée C’est une imagerie en coupe par rayons X. L’acquisition par mode spiralé multicoupes fournit un volume de la zone explorée avec un rehaussement de la densité de la lumière vasculaire par injection intraveineuse d’un produit de contraste iodé. L’acquisition est rapide. Les algorithmes de reconstruction permettent de modéliser de façon virtuelle la surface, la paroi et la lumière du vaisseau. L’examen comprend deux temps d’exploration : • un temps cérébral parenchymateux ; • un temps vasculaire cervical qui permet une visualisation satisfaisante de la bifurcation carotidienne, et une mesure de la sténose concordante avec l’artériographie dans 80 % des cas (Fig. 3). Les limites du scanner hélicoïdal sont les suivantes : • la concordance avec l’artériographie est maximale pour les sténoses serrées, moindre pour les sténoses modérées ; • la circulation intracrânienne n’est pas visualisée, les performances varient selon les techniques de reconstruction utilisées.
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
429
Figure 2 Angio-imagerie par résonance magnétique (angio-IRM) (ARM). Centrage sur les artères intracrâniennes. Bonne étude anatomique des branches de l’ACI (A) et des anastomoses du cercle de Willis (B). ACI : artère carotide interne ; ACM : artère cérébrale moyenne ; TB : tronc basilaire.
Figure 1 Angio-imagerie par résonance magnétique (angio-IRM) (ARM) des troncs supra-aortiques. A. Bonne appréciation des troncs proximaux et des quatre pédicules extracrâniens. B. Centrage sur la bifurcation carotide. Majoration habituelle de la sténose.
Artériographie conventionnelle Elle fut la méthode diagnostique de référence. NASCET et ECST se sont basées sur les données de l’artériographie afin de définir le degré de sténose de façon standardisée.
Après cathétérisme fémoral, huméral ou radial, une opacification par injection au niveau de la crosse est réalisée. Un cathétérisme sélectif n’est pas souhaitable, ni nécessaire. Son indication doit évolutivement être sélective, réservée aux discordances entre les autres explorations (Fig. 4). La sensibilité des explorations non invasives est bonne pour les sténoses carotides serrées (> 70 %), évaluée à 80-85 %. Mais les variations dans l’appréciation du degré de sténose existent avec toutes ces techniques. L’évaluation du degré d’une sténose carotide demande deux méthodes non invasives concordantes. En cas de discordance, si la chirurgie est envisagée, ce sera l’artériographie conventionnelle.
Données épidémiologiques Elles peuvent se résumer à des données simples communes aux différentes études réalisées sur ce sujet. Les facteurs de risque de sténose carotide sont : • l’âge élevé ;
430
C. Laurian et al.
Traitement Traitement médical Justifications Il n’y a pas d’antinomie mais complémentarité entre le traitement médical et le traitement chirurgical des sténoses carotides. Aucun essai thérapeutique contrôle n’a été spécifiquement consacré à l’évaluation des traitements médicaux. Pour les localisations de la maladie athéroscléreuse, il est logique d’appliquer aux sténoses carotides les traitements préventifs des manifestations thrombotiques de l’athérosclérose, c’est-à-dire le traitement des facteur de risque vasculaire et les antiplaquettaires. La plupart des infarctus cérébraux dus aux sténoses carotides sont consécutifs soit à la rupture de la plaque athéroscléreuse (formation de thrombus mural, source d’embolies distales), soit à la majoration de la sténose. Ces phénomènes justifient le recours aux traitements antithrombotiques. Prévention à court terme
Figure 3 Angio-scanner avec reconstruction de la bifurcation carotide. A. Coupe axiale passant par le bulbe de l’artère carotide interne. B. Reconstruction de la bifurcation carotide.
À la phase aiguë de l’infarctus cérébral, l’aspirine, à une dose de 160 à 300 mg par jour, diminue le risque de récidive d’infarctus cérébral ou de décès. Les essais effectués avec les anticoagulants n’ont pas montré un tel bénéfice. Cependant en pratique, l’héparine à dose isocoagulante est utilisée en cas de sténose carotide avec AIT ou accident constitué mineur avant la chirurgie.
• le sexe masculin ; • l’hypertension artérielle (HTA), le tabagisme, la dyslipidémie, le diabète ; • l’atteinte clinique de l’athérosclérose sur un autre site. Les déterminants du risque d’infarctus cérébral homolatéral sont : • la sténose symptomatique ; • le degré de sténose. Le risque dominant d’une sténose carotide est : • l’infarctus cérébral homolatéral en cas de sténose symptomatique ; • la mortalité coronaire en cas de sténose asymptomatique. Il n’existe pas d’étude de prévalence de sténose carotide asymptomatique : • dans la population générale ; • dans la population à haut risque (autre localisation de la maladie athéroscléreuse).
Prévention à long terme Pour les sténoses carotides asymptomatiques, une seule étude non concluante a été consacrée à ce sujet. Cependant, le risque coronaire associé à ces sténoses, le bénéfice prouvé de l’aspirine en prévention primaire de l’infarctus du myocarde fait qu’il existe un consensus en faveur de ce traitement dans les sténoses carotides asymptomatiques. Pour les sténoses carotides symptomatiques, l’attitude est celle utilisée dans la prévention secondaire des accidents ischémiques cérébraux liés à l’athérosclérose, dans lesquels le bénéfice de l’aspirine, de la ticlopidine, du clopidogrel et de l’association aspirine-dipyridamole est démontré. Il n’est pas possible de déterminer l’antiagrégant plaquettaire le plus efficace, ni de préciser l’amplitude du bénéfice thérapeutique dans cette catégorie de patients.
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
431
Figure 4 Artériographie des troncs supra-aortiques. A. Excellente définition de la sténose ostiale du bulbe de l’artère carotide interne. B. Intérêt de l’artériographie en cas de suspicion de sténose bifocale du bulbe carotidien et du siphon carotidien.
Traitement chirurgical Essais randomisés Dans les sténoses asymptomatiques, l’essai ACAS2 a seul la puissance suffisante. Il a été interrompu après 2,7 années de suivi en raison d’une diminution significative d’infarctus cérébral homolatéral du côté de la sténose opérée. En projection à 5 ans, le risque calculé d’infarctus cérébral et de décès périopératoire était de 11 % dans le groupe médical, contre 5,1 % dans le groupe chirurgical, soit une réduction du risque relatif à 53 %. Dans les sténoses symptomatiques, deux grands essais (NASCET1,2,3,4 en Amérique du Nord, ECST3,4,5 en Europe) ont été réalisés. Ces études ont montré le bénéfice de la chirurgie pour les sténoses > à 70 % (NASCET), > à 90 % (ECST). Le bénéfice de la chirurgie fut moins important dans le groupe des sténoses entre 50 et 70 %. Cependant, la généralisation de ces résultats est difficile et demande quelques restrictions. Le bénéfice de la chirurgie est fonction du rapport entre le risque spontané d’infarctus cérébral homolatéral et le risque chirurgical. De nombreux facteurs interviennent en rapport avec le patient : les techniques anesthésiques ; les techniques chirurgicales (expérience du chirurgien).
Facteurs liés au patient Deux éléments sont retrouvés significatifs : un événement qualifiant cérébral plutôt que rétinien, et une occlusion carotide controlatérale. Procédures anesthésiques Dans les essais thérapeutiques, seule l’anesthésie générale (AG) fut utilisée. L’anesthésie locorégionale (ALR) possède plusieurs avantages qui se traduisent par une moindre mortalité neurologique et coronaire (dans les études monocentriques). Cette technique permet : • une surveillance directe de la tolérance neurologique au clampage ; • le moindre recours au shunt carotidien (4 à 6 % en cas de sténose unique, 20 % en présence d’occlusion controlatérale) ; • une réduction des complications coronaires en raison d’un meilleur équilibre tensionnel (absence de preuve). L’ALR associe : • un bloc du plexus cervical profond et du plexus cervical superficiel par un mélange de lidocaïne (Xylocaïne®) et de bupivacaïne (Marcaïne®) ; • un bloc de la branche maxillaire du V.
432
C. Laurian et al.
Deux méthodes sont utilisées : la méthode manuelle (injection après repérage manuel des apophyses transverses) et la méthode par neurostimulation préférée car elle permet un meilleur repérage. Technique anesthésique de choix, l’ALR ne dispense pas de la surveillance habituelle et nécessite la présence constante d’un médecin. Chirurgie (Fig. 5, 6) Elle comporte trois volets : • l’exposition de la bifurcation carotidienne ; • la tolérance au clampage ; • la technique proprement dite. L’exposition : malgré son caractère superficiel, l’exposition correcte peut être de difficulté variable en fonction de la hauteur de la bifurcation. Elle permet de : • préserver les nerfs crâniens (nerf hypoglosse, nerf pneumogastrique) ; • d’exposer la bifurcation et de permettre le clampage artériel en zone saine. L’ALR n’en est pas un caractère limitant. La tolérance au clampage peut être appréciée en préopératoire (rarement réalisée) en simulant le clampage carotidien par compression de l’artère carotide commune au décours du Doppler transcrânien (étude hémodynamique) ou au décours de l’artériographie (étude anatomique). Sous ALR, c’est de toute façon l’état neurologique qui guide la mise en place d’un shunt. Sous AG, la tolérance neurologique est incomplètement appréciée, l’utilisation de shunt peut être systématique ou il peut être mis en place sur des critères cliniques ou anatomiques incomplètement validés. Pour la technique proprement dite, il existe différentes modalités techniques chirurgicales, ces techniques sont aujourd’hui bien réglées, validées, et n’apparaissent pas les facteurs dominants de morbidité : • l’endartériectomie conventionnelle. L’endartériectomie est réalisée par décollement de la plaque au contact du plan externe de la média. Elle est le plus souvent limitée au bulbe carotidien. Les ressauts intimaux en amont et en aval sont fixes afin d’éviter leur décollement, source de resténose (Fig. 7). L’artériotomie est fermée par une angioplastie étroite faite par un patch de veine saphène ou de matériel prothétique ; • l’endartériectomie par éversion. Elle est le plus souvent réalisée par section de l’ACI à son origine. Le décollement de la plaque se fait par retournement de l’ACI jusqu’à la jonction de la plaque et de l’intima saine. Le contrôle de
Figure 5 Vue péropératoire des lésions athéroscléreuses de l’artère carotide interne. A. Bourgeon calcaire de la bifurcation carotide. B. Plaque lisse avec un étroit pertuis résiduel.
l’intima distale est plus difficile. La reproductibilité en est plus difficile. L’ACI est ensuite réimplantée sur la bifurcation carotide après une endartériectomie limitée ; • l’endartériectomie avec réimplantation de l’ACI. L’endartériectomie à ciel ouvert est réa-
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
433
Figure 6 Vue péropératoire de chirurgie de la carotide. Thrombus segmentaire développé sur une sténose athéroscléreuse.
lisée après section de l’ACI à son origine, prolongée par un refend sur le bulbe carotidien. La réimplantation de l’ACI est faite sur une artériotomie longue de l’ACP remontant sur l’ACE. Elle permet un contrôle réglé de l’endartériectomie et l’ouverture de l’ostium de l’ACE ; • les pontages entre ACP et ACI ne sont qu’une technique d’exception dans les lésions athéroscléreuses primaires (Fig. 8). Lors des gestes difficiles, l’artériographie ou l’échographie peropératoire permettent le contrôle de la qualité du geste effectué. La surveillance en salle de réveil de 6 à 12 h semble suffisante. La durée moyenne de séjour postopératoire est de 4 à 5 jours. Procédures endovasculaires L’angioplastie par ballonnet et surtout le stent carotidien apparaissent comme une alternative possible à la chirurgie carotide. Dans les études monocentriques, le pourcentage de succès techniques au voisinage de 90-95 % sans mortalité neurologique est une donnée acquise.6 Cependant la pérennité du stent dans cette topographie laisse persister des interrogations pour lesquelles aucune étude ne peut aujourd’hui répondre.7 Les études randomisées en cours ne concernent que les sténoses symptomatiques dans lesquelles le bénéfice de la chirurgie est établi et important. Les résultats ne seront connus que dans 3 à 5 ans.
Figure 7 Vue péropératoire. Zone de thrombo-endartériectomie du bulbe de l’artère carotide interne. ACP : artère carotide primitive ; ACI : artère carotide interne ; TE : zone de thromboendartériectomie.
Lésions proximales athéroscléreuses des troncs supra-aortiques Les lésions occlusives du tronc artériel brachiocéphalique (TABC) et de l’artère carotide primitive sont des lésions peu fréquentes, à l’inverse les lésions occlusives sous-clavières, notamment de l’artère sous-clavière gauche, plus fréquentes et rarement symptomatiques.
Lésions occlusives du tronc artériel brachiocéphalique Lésions peu fréquentes, elles pourraient représenter soit une extension de lésions athéroscléreuses de la crosse (topographie juxtaostiale), soit une lésion isolée sur la partie moyenne du TABC. La lésion ulcérée peut être responsable d’accident embolique oculaire ou hémisphérique. La lésion occlusive peut se manifester par des troubles témoins d’une ischémie vertébrobasilaire transitoire (tels des troubles de l’équilibre peu spécifiques).
434
C. Laurian et al.
Figure 8 Techniques de reconstruction de la bifurcation carotide. A. Angioplastie prothétique. B. Réimplantation de l’artère carotide interne sur la bifurcation. C. Greffe veineuse entre artère carotide primitive et artère carotide interne.
Les explorations non invasives en permettent facilement le diagnostic. Les procédures endovasculaires (stent) ont pris une place dans le traitement de certaines lésions (lésion tronculaire) en raison de la moindre morbidité (Fig. 9). Cependant la chirurgie (pontage entre l’aorte ascendante et la partie distale du TABC) garde une place dans les lésions ostiales.
Lésions occlusives de l’artère carotide primitive gauche Lésions juxtaostiales le plus souvent, elles représentent l’extension d’un athérome de la crosse aortique. Habituellement peu symptomatiques, elles sont diagnostiquées lors du bilan des lésions de la bifurcation carotidienne. Les lésions sténosantes du segment cervical sont plus exceptionnelles. Les procédures endovasculaires ont aussi pris une place importante dans le traitement de ces lésions. Elles sont le plus souvent traitées au cours de la chirurgie carotidienne par la mise en place d’un stent par la même incision cervicale.
Lésions occlusives des artères sous-clavières Leur localisation est assez homogène dans le segment pré- et juxtavertébral de l’artère sousclavière (ASC). L’atteinte du segment médiastinal de l’ASC gauche est la plus précoce et est souvent peu symptomatique. La symptomatologie clinique en est diverse. Les signes d’ischémie du membre supérieur sont rares, le plus souvent c’est une asymétrie tensionnelle qui conduit au diagnostic. La pathologie embolique est rare mais grave nécessitant une prise en charge rapide. Les lésions occlusives bilatérales peuvent s’accompagner d’une ischémie vertébrobasilaire en fait rarement invalidante. Les indications de correction de ces lésions sont aujourd’hui peu fréquentes. La correction de la sténose sous-clavière gauche peut être retenue si elle est symptomatique, il n’y a pas d’indication de correction sur les lésions peu ou pas symptomatiques compte tenu du pronostic favorable spontané de ces lésions. Si les procédures endovasculaires ont été retenues pour corriger les lésions sténosantes, l’occlusion de la sous-clavière relève plus souvent d’une
Pathologie athéroscléreuse des troncs supra-aortiques
435
Figure 9 Sténose athéroscléreuse du tronc artériel brachiocéphalique. A. Sténose segmentaire du tiers moyen. B. Correction par stent (voie introduction fémorale).
chirurgie conventionnelle (réimplantation de l’ASC prévertébrale dans l’artère carotide primitive).
Lésions occlusives des artères vertébrales Les lésions des AV sont fréquentes dans la pathologie athéroscléreuse mais la correction de ces lésions n’a pas toujours fait la preuve de son utilité. Les lésions ostiales fréquentes sont considérées comme étant de pronostic favorable, à l’inverse des lésions distales qui sont le plus souvent responsables d’accident constitué vertébrobasilaire. L’ischémie vertébrobasilaire est souvent la conséquence de lésions occlusives bilatérales ou associées à une hypoplasie de l’une d’entre elles. Les symptômes les plus fréquents en sont les troubles de l’équilibre intermittents puis progressivement permanents et invalidants. L’ischémie VB est habituellement hémodynamique, en rapport avec une démodulation des flux dans l’artère vertébrale distale et le tronc basilaire, habituellement retrouvée lorsqu’il n’existe pas de suppléance par le territoire antérieur carotidien. Pour faire la preuve d’une telle ischémie, les explorations doivent être précises et performantes : • échographie-doppler cervicale et transcrânienne ;
• IRM afin d’explorer le parenchyme sus- et surtout sous-tentoriel ; • artériographie des TSA est indispensable pour faire un bilan lésionnel correct. Le traitement en est chirurgical. Deux types d’intervention peuvent être discutés en fonction du bilan lésionnel : • la revascularisation de l’AV proximale. La réimplantation de celle-ci dans l’ACP est le geste de référence, mais nécessite une certaine habitude ; • la revascularisation de l’AV distale. La revascularisation de l’AV en C1-C2 est souvent retenue dans les occlusions vertébrales. La revascularisation par un pontage avec du matériel veineux est réalisée entre l’artère carotide primitive et l’AV dans l’espace C1-C2 abordé par une incision présterno-cléido-mastoïdienne. Cette revascularisation a une bonne pérennité mais les indications en sont exceptionnelles dans cette pathologie. La chirurgie associée carotide et vertébrale n’est plus que rarement pratiquée en raison de la morbidité neurologique rapportée dans les gestes combinés (correspondant à une diffusion importante de la maladie athéroscléreuse).
436
C. Laurian et al.
Conclusion
2.
ACAS study group. Endarterectomy for asymptomatic carotid artery stenosis. JAMA 1995;273:1421–1428.
La prise en charge et le traitement des lésions carotides dominent largement les lésions athéroscléreuses des TSA. Un dépistage et une surveillance de meilleure qualité de ces lésions conduisent à poser de nombreuses indications préventives. En effet, l’impact de l’anesthésie locorégionale, le caractère bien réglé de cette chirurgie en ont banalisé la réalisation. La chirurgie carotide représente aujourd’hui la meilleure prévention des accidents ischémiques cérébraux, associée au traitement médical.
3.
European carotid surgery trialists collaboration group. Randomised trial of endarterectomy for recently symptomatic carotid stenosis: final results of the MRC european carotid surgery trial (ECST). Lancet 1998;351:1379–1387.
4.
Alamowitch S, Eliasziw M, Algra A, Meldrum H, Barnett HJ, North American Symptomatic Carotid Endarterectomy Trial (NASCET) Group. Risk, causes and prevention of ischaemic stroke in ederly patients with symptomatic internal carotid stenosis. Lancet 2001;357:1154–1160.
5.
Rothwell PM, Gutnikov SA, Warlow CP, European carotid surgery trialist’s collaboration. Reanalysis of the final results of the European carotid surgery trial. Stroke 2003; 34:514–523.
6.
Fox DJ, Moran CJ, Cross DT. Long-term outcome after angioplasty for symptomatic extracranial carotid stenosis in poor surgical candidates. Stroke 2002;33:2877–2880.
7.
Illig KA, Zhang R, Tanski W, Benesch C, Sternbach Y, Green RM. Is the rationale for carotid angioplasty and stenting in patients excluded from NASCET/ACAS or eligible for ARCHER justified? J Vasc Surg 2003;37:575–581.
Références 1.
North American symptomatic carotid endarterectomy trial collaboration. Beneficial effect of carotid endarterectomy in symptomatic patients with high grade carotid stenosis. N Engl J Med 1991;325:445–453.