Périartérite noueuse musculaire localisée pseudotumorale

Périartérite noueuse musculaire localisée pseudotumorale

La revue de médecine interne 23 (2002) 792–794 www.elsevier.com/locate/revmed Communication brève Périartérite noueuse musculaire localisée pseudotu...

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La revue de médecine interne 23 (2002) 792–794 www.elsevier.com/locate/revmed

Communication brève

Périartérite noueuse musculaire localisée pseudotumorale Muscle-localized tumorlike polyarteritis nodosa I. Hiar a, S. Ansart a, A. Volant b, J.-P. Leroy b, Y.-L. Pennec a,* a

Service de médecine interne et maladies infectieuses, CHU La Cavale Blanche, boulevard Tanguy-Prigent, 29609 Brest cedex, France b Laboratoire d’anatomie pathologique, CHU Morvan, avenue Foch, 29609 Brest cedex, France Reçu le 17 décembre 2001; accepté le 13 mai 2002

Résumé Introduction. – Les formes pseudotumorales des vascularites systémiques sont rares et concernent au premier chef l’appareil urogénital et le sein. Les formes pseudotumorales de la périartérite noueuse localisées au niveau musculaire sont très exceptionnelles. Exégèse. – Nous rapportons une pseudotumeur des muscles de l’avant-bras chez une femme âgée de 90 ans dont l’examen histologique a fait conclure à une périartérite noueuse localisée. Conclusion. – L’étude de la littérature consacrée aux périartérites noueuse à forme pseudotumorale confirme le caractère exceptionnel des localisations musculaires qui, si l’on excepte une observation comparable à la nôtre, ont été décrites au niveau des membres inférieurs. L’évolution est le plus souvent rapidement favorable sous traitement corticoïde mais des rechutes peuvent survenir. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Systemic vasculitis presenting as a tumorlike lesion are unusual and affect mainly the uro-genital system and breast. Muscle-localized tumorlike periarteritis nodosa are scarce. Exegesis. – We report localized tumorlike polyarteritis nodosa affecting the forearm muscles in a 90-year-old woman. Conclusion. – Other cases of polyarteritis nodosa localized to muscles are reviewed. This limited form has a benign clinical course and responds promptly to treatment with corticosteroids alone but relapses may occur. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Pseudotumeur; Périartérite noueuse; Périartérite noueuse localisée; Muscle Keywords: Localized polyarteritis nodosa; Polyarteritis nodosa; Pseudotumor; Muscle

La périartérite noueuse (PAN) est une maladie polymorphe puisque la vascularite peut concerner de nombreux viscères. On regroupe sous le vocable de périartérites noueuses localisées, celles limitées à un organe (appendice,

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y.L. Pennec). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 2 4 8 - 8 6 6 3 ( 0 2 ) 0 0 6 7 7 - X

vésicule biliaire, utérus...) et celles dites cutanées où les signes cutanés sont au devant de la scène, sans atteinte viscérale, même si des arthralgies, des myalgies, voire une multinévrite peuvent être observées [1]. Les formes pseudotumorales de PAN sont rares et les formes localisées au niveau des muscles apparaissent très exceptionnelles [2,3]. Les quelques cas rapportés concernent les muscles du mollet. Nous avons observé une tumeur musculaire du bras, révélant une PAN localisée.

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1. Observation Une patiente de 90 ans, atteinte de maladie d’Alzheimer, est hospitalisée pour fièvre et tuméfaction douloureuse de l’avant-bras droit, apparue depuis une semaine. L’examen clinique ne montre rien d’autre qu’une tuméfaction douloureuse et violacée de l’avant-bras, mesurant 7 × 10 cm. Il n’y a pas de signe pouvant faire évoquer une vascularite systémique : pas d’altération de l’état général, pas d’hypertension artérielle, pas d’asthme, pas de névrite, et pas d’arthralgie. L’hémogramme, le bilan rénal et hépatique sont normaux. Les hémocultures sont stériles. Il existe un syndrome inflammatoire : protéine C réactive à 70 mg/l et vitesse de sédimentation à 62 mm en une heure. Les recherches d’anticorps antinucléaires, de facteurs rhumatoïdes, d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles sont négatives. La radiographie du thorax est normale. L’IRM du bras montre une formation pseudotumorale au niveau de la loge antérieure de l’avant-bras (Fig. 1). L’analyse de la biopsie musculaire met en évidence un aspect pseudotumoral, des lésions de périartérite noueuse à des stades évolutifs différents, s’accompagnant de lésions de fibrose extensive et de lésions dégénératives au niveau des fibres musculaires striées. La corticothérapie instaurée (prednisone 1 mg kg–1 j–1) permet la disparition des douleurs en trois jours et la régression des signes locaux en moins d’un mois. Avec un an de recul, il n’y a plus de signes locaux, pas de signes généraux et pas de syndrome inflammatoire. La corticothérapie est poursuivie à la posologie de 5 mg de prednisone par jour.

2. Discussion Le concept de PAN localisée, forme « bénigne » de PAN fait toujours l’objet de controverses [4], alimentées par la démonstration de microanévrismes des artères rénales et hépatiques dans des formes semblant purement cutanées [5] et par le caractère secondairement systémique de certaines de ces formes suivies pendant plusieurs années [6]. Les formes pseudotumorales des vascularites sont encore plus singulières et ont fait l’objet d’une revue exhaustive récente colligeant 83 cas [7]. Vingt-huit cas de granulomatose de Wegener à forme pseudotumorale où elles concernent 9 fois le sein et 5 fois le rein, les autres localisations étant anecdotiques, ont été rapportés. Dix-sept cas de pseudotumeurs, affectant 11 fois le sein et 7 fois l’ovaire, ont été décrits au cours de la maladie de Horton et 12 cas au cours de la maladie de Behçet (localisés 6 fois au cerveau). Cette revue fait état de 15 observations de PAN à forme pseudotumorale, affectant le tractus urogénital dans 12 cas : testicule (4 fois), ovaire (2 fois), vésicule séminale (2 fois), vessie (2 fois), épididyme (une fois) et scrotum (une fois).

A

B Fig. 1. A : IRM après injection de gadolinium. Prise de contraste des parties molles autour des deux os de l’avant-bras avec grosse tuméfaction de la loge antérieure. B : IRM après injection de gadolinium. Formation tissulaire mal limitée, prenant le contraste, au niveau de la loge antérieure de l’avant-bras.

Cette revue ne fait pas mention de pseudotumeur des muscles. Onze cas en sont rapportés dans la littérature [8-14], localisés 10 fois aux mollets. Ces observations sont résumées dans le Tableau 1. Une seule observation concerne le bras et est associée à une localisation au niveau de l’épididyme [14]. Dans tous les cas c’est l’analyse anatomopathologique qui a permis le diagnostic en montrant des images de vascularite nécrosante, souvent associées à une myosite interstitielle et une fois à une atteinte du fascia [8]. Dans plusieurs observations existent des images de fibrose extensive témoignant du caractère ancien des lésions comme dans notre observation [11,13]. L’atteinte des artérioles sépare ces formes de PAN des myosites nodulaires localisées [15]. L’IRM est un examen intéressant, permettant d’écarter une authentique tumeur musculaire [16]. Cette forme de PAN se distingue de la PAN classique par une évolution relativement bénigne : pas d’atteinte viscérale, régression sous traitement. Golding [9] rapporte cependant une récidive locale deux ans après l’arrêt de la corticothérapie, à nouveau sensible au traitement corticoïde. Les principales caractéristiques cliniques de ces PAN localisées

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Tableau 1 Caractéristiques des cas de périartérite noueuse localisée au niveau musculaire Auteur (année)

Âge/sexe

Durée des symptômes

Signes cliniques

Traitement et évolution

Golding (1970)

40/H

6 mois

Leib (1979)

X

X

Laitinen (1982)

32/F

1 mois Y°

Ferreiro (1986)

47/H

2 mois

Juchet (1986)

53/F

2 ans

Garcia (1991)

23/F

Cas 1 : 4 mois

Béclometazone 1,5 mg/j Évolution favorable en une semaine Corticoïdes Évolution favorable Prednisone 60 mg/j Évolution rapidement favorable Prednisone 60 mg/j Évolution favorable après 24 heures Solupred 40 mg/j Évolution rapidement favorable Prednisone 60 mg/j

25/H

Cas 2 : 2 mois

Gardner (1993)

44/F

4 mois

Induration, douleur des mollets, VS 24, AAN–, FR–, ANCA ? Induration douleur des mollets, VS augmentée, AAN ? FR ? ANCA ? Pseudotumeur, douleur, fièvre, arthralgies, VS 115, AAN–, FR6, ANCA ? Induration, douleur des mollets, fièvre, VS 103, AAN ? FR ? ANCA ? Induration, douleur des mollets, VS N, AAN–, FR+, ANCA ? Cas 1 : douleur des mollets, arthralgies, VS 89, AAN–, FR–, ANCA ? Cas 2 : induration, douleur des mollets, fièvre, VS 40, AAN–, FR6, ANCA ? Induration et douleur des mollets, VS 46, AAN–, ANCA–, FR–

Hall (2001)

54/H

3 jours

.

Évolution favorable en cinq jours

Prednisone 20 mg/j Évolution favorable mais rechute à 15 mg/j Douleur des mollets, VS 86, ANCA–, AAN 1/160, Prednisone 1 mg kg–1 j–1 Évolution favorable en 24 heures FR ? ACL+

X : information non rapportée ; Y : antécédents de symptômes intermittents suggérant une connectivite ; VS : vitesse de sédimentation ; ANCA : anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles ; AAN : anticorps antinucléaire ; FR : facteurs rhumatoïdes ; + : résultat positif ; – : résultat négatif ; ? : information non disponible.

au niveau du muscle sont l’induration et la douleur. Un syndrome inflammatoire est habituel.

[8]

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