Périneuriome intraneural du nerf sciatique

Périneuriome intraneural du nerf sciatique

Annales de pathologie (2015) 35, 502—505 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS ANATOMOCLINIQUE Périneuriome intraneural ...

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Annales de pathologie (2015) 35, 502—505

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS ANATOMOCLINIQUE

Périneuriome intraneural du nerf sciatique Sciatic nerve intraneural perineurioma Benjamin Bonhomme a, Nicolas Poussange b, Philippe Le Collen c, Thierry Fabre d, Anne Vital a, Sébastien Lepreux a,∗ a

Service de pathologie, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France b Service d’imagerie médicale, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France c Cabinet de neurologie, 3, rue Jean-Rameau, 40100 Dax, France d Service de chirurgie orthopédique, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France Accepté pour publication le 30 septembre 2015 Disponible sur Internet le 14 novembre 2015

MOTS CLÉS Périneuriome intraneural ; Nerf sciatique ; EMA

KEYWORDS Intraneural perineurioma; Sciatic nerve; EMA



Résumé Le périneuriome intraneural est une tumeur bénigne développée à partir des cellules du périnèvre et responsable d’une hypertrophie nerveuse localisée. Cette tumeur rare est caractérisée par une prolifération de cellules périneurales s’agenc ¸ant le plus souvent en « pseudo-bulbe d’oignon ». Nous rapportons le cas d’un périneuriome intraneural développé à partir du nerf sciatique chez un patient de 39 ans. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Intraneural perineurioma is a benign tumor developed from the perineurium and responsible for localized nerve hypertrophy. This uncommon tumor is characterized by a proliferation of perineural cells with a ‘‘pseudo-onion bulb’’ pattern. We report a sciatic nerve intraneural perineurioma in a 39-year-old patient. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Lepreux).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2015.09.004 0242-6498/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Périneuriome intraneural du nerf sciatique

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Introduction Le périneuriome intraneural est une tumeur bénigne rare due à une prolifération des cellules du périnèvre, touchant principalement l’adolescent et l’adulte jeune et se développant dans un nerf. Nous rapportons ici le cas d’un périneuriome intraneural siégeant au niveau du nerf sciatique gauche chez un patient de 39 ans.

Observation Un patient de 39 ans a été opéré d’un canal lombaire étroit pour une sciatique gauche avec un déficit moteur touchant le territoire L5. Après l’intervention, le déficit moteur persistait et l’électromyogramme (EMG) de contrôle montrait les mêmes signes de dénervation. L’imagerie en résonance magnétique (IRM) postopératoire ne mettait pas en évidence de compression radiculaire résiduelle. La symptomatologie s’est ensuite aggravée avec un steppage et une amyotrophie des muscles de la jambe. L’EMG montrait alors des signes de dénervation sévère dans les territoires du nerf fibulaire commun et du nerf tibial postérieur. Une étude des potentiels évoqués moteurs confirmait un bloc de conduction au niveau du nerf sciatique gauche dans sa partie proximale, tandis que la conduction du nerf sciatique droit était normale. L’IRM montrait des anomalies frustres sur les séquences en pondération T1 et T2 avec saturation du signal de la graisse puisqu’on ne retenait qu’une discrète asymétrie de calibre, avec un nerf sciatique gauche conservant une architecture fibrillaire normale et un discret hypersignal T2. En revanche après injection de gadolinium, on observait un franc rehaussement du nerf sciatique gauche comparativement au côté controlatéral partant des racines L5 et S1, et que l’on pouvait suivre sur 16 cm (Fig. 1). Ces données d’électrophysiologie et d’imagerie évoquaient une souffrance nerveuse de nature compressive probable. Plusieurs biopsies des nerfs fibulaire commun et tibial postérieur ont été réalisées. L’examen anatomopathologique de ces biopsies montrait un épaississement cellulaire

Figure 2. Ce fascicule nerveux montre de nombreux aspects en « pseudo-bulbe d’oignon » correspondant à des enroulements de cellules fusiformes autour d’axones (HES). This nerve fascicle contains numerous ‘‘pseudo-onion bulb’’ formations corresponding to concentric layers of spindle cells around axons (HES).

Figure 3. Les cellules tumorales périneuriales expriment l’EMA (immuno-histochimie). Perineurial cells express EMA (immunohistochemistry).

concentrique en « pseudo-bulbe d’oignon » de cellules aplaties aux niveaux des faisceaux nerveux (Fig. 2). L’étude immuno-histochimique confirmait le phénotype périneurial de ces cellules qui exprimaient l’antigène épithélial de membrane (EMA) (Fig. 3), mais pas la protéine S100, contrairement aux cellules de Schwann. Le diagnostic de périneuriome intraneural du nerf sciatique était retenu. Avec un recul de 4 ans après le diagnostic, la symptomatologie est restée stable.

Discussion Figure 1. Net rehaussement après injection de gadolinium du nerf sciatique gauche (pointe de flèche) comparativement au nerf controlatéral (IRM, séquence axiale T1 Fat Sat après injection de gadolinium). High enhancement after gadolinium injection of the left sciatic nerve (arrowhead) compared to controlateral nerve (MRI, axial T1 Fat Sat after administration of gadolinium-based contrast material).

Le périnèvre est une enveloppe composée d’une à plusieurs couches concentriques de cellules périneuriales engainant les fascicules des nerfs périphériques. Les tumeurs de différenciation périneuriale ou périneuriome sont divisée en deux formes, le périneuriome intraneural et le périneuriome des tissus mous. Décrit pour la première fois en 1964 par Da Gama Imaginario et al. [1] et désigné par

504 Tableau 1

B. Bonhomme et al. Phénotype immuno-histochimique des cellules des gaines des nerfs périphériques.

Immunohistochemical phenotype of the peripheral nerve sheath cells.

Cellules périneuriales Cellules de Schwann Fibroblastes endoneuriaux

EMA

S100

CD34

Glut-1

Claudine-1

+ − −

− + −

− − +

+ − −

+ − −

différentes terminologies — névrite hypertrophique interstitielle, mononeuropathie hypertrophique localisée, mononeuropathie en bulbes d’oignon, et neurofibrome hypertrophique — le terme de périneuriome intraneural a été proposé en 1995 par Emory et al. [2]. Il s’agit d’une lésion bénigne rare représentant environ 1 % des tumeurs des nerfs périphériques, affectant également l’homme et la femme et atteignant le plus souvent l’adolescent ou l’adulte jeune. Des cas ont été occasionnellement rapportés associés à la maladie de Beckwith-Wiedemann, à une neurofibromatose de type 1 ou à un contexte traumatique (revu dans Antonescu et al. [3]). La localisation la plus classique est le nerf sciatique et ses branches. Cependant, des localisations au niveau du plexus brachial, du nerf médian, du nerf radial et des nerfs crâniens, ainsi que de rares formes touchant plusieurs nerfs ont été décrites [3—5]. Cliniquement, la lésion se manifeste le plus souvent par une mononeuropathie unilatérale d’installation lente et progressive avec atteinte motrice parfois accompagnée d’un déficit sensitif dans le territoire du nerf atteint. L’EMG est un examen important pour diagnostiquer la mononeuropathie et évaluer sa sévérité. En ce qui concerne l’imagerie médicale, l’échographie permet surtout de localiser anatomiquement la lésion. L’IRM montre un élargissement segmentaire du calibre du tronc nerveux en pondération T1, avec ou sans rehaussement après injection de gadolinium [6]. Le diagnostic du périneuriome intraneural reste anatomopathologique. Des coupes transversales du nerf atteint montrent une hypercellularité caractérisée par un enroulement de fac ¸on concentrique des fibres nerveuses en « pseudo-bulbe d’oignon » par les cellules tumorales. Les cellules tumorales sont aplaties, sans atypies et sans activité mitotique notable. La tumeur se développe à l’intérieur de l’enveloppe périneuriale sans extension dans l’épinèvre. L’étude immuno-histochimique permet le diagnostic : elle montre que ces cellules tumorales ont un phénotype périneurial EMA+, protéine S100−, CD34−, et n’ont ni un phénotype de cellules de Schwann protéine S100+, EMA−, CD34−, ni un phénotype de fibroblastes endoneuriaux CD34+, protéine S100−, EMA− (Tableau 1) [7,8]. Les cellules périneuriales expriment également la Glut-1, la claudine-1, mais la recherche de cette expression est de moindre intérêt dans le diagnostic de la forme intraneurale du périneuriome contrairement au diagnostic des autres types de périneuriome où les aspects en « bulbe d’oignon » sont plus difficile à observer en histologie standard. Le périneuriome intraneural a été rapporté associé à une anomalie du chromosome 22 dans un cas [2] et à une anomalie des chromosomes 2 et 3 dans un autre [9]. Les principaux diagnostics différentiels sont les neuropathies hypertrophiques qui englobent les neuropathies héréditaires démyélinisantes comme la maladie de CharcotMarie-Tooth ou la maladie de Déjerine Sottas, et des neuropathies acquises comme le syndrome de ParsonageTurner ou le névrome post-traumatique [10]. Dans ces neuropathies hypertrophiques, l’aspect histologique montre également des enroulements concentriques de cellules en

« pseudo-bulbe d’oignon » autour des fibres nerveuses ; mais les cellules dans cette lésion sont des cellules de Schwann réactionnelles exprimant la protéine S100 et pas l’EMA. De fac ¸on moins fréquente, les autres diagnostics différentiels sont autant paracliniques qu’anatomopathologique et correspondent à des pathologies tumorales comme le neurofibrome, le schwannome, le ganglioneurome, l’hamartome neuromusculaire et la tumeur maligne des gaines des nerfs dans laquelle une différenciation périneuriale des cellules tumorales peut être observée [2,6]. Le traitement du périneuriome n’est pas consensuel, surtout pour les lésions proximales. La résection chirurgicale est préconisée dans le cadre de lésions distales sans risque d’amyotrophie à long terme [11]. L’évolution de cette tumeur bénigne est généralement très lente sur plusieurs années et caractérisée par un déficit s’agravant. En conclusion, le périneuriome intraneural est une lésion tumorale bénigne rare, d’évolution lente touchant un segment de nerf périphérique. Les données cliniques, d’électrophysiologie et d’imagerie permettent de guider la biopsie du nerf atteint dont l’analyse anatomopathologique permettra le diagnostic.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références [1] Da Gama Imaginario J, Coelho B, Tome F, Luis ML. Monosymptomatic interstitial hypertrophic neuritis. J Neurol Sci 1964;64:340—7. [2] Emori TS, Scheithauer BW, Hirose T, Wood M, Onofrio BM, Jenkins RB. Intraneural perineurioma. A clonal neoplasm associated with abnormalities of chromosome 22. Am J Clin Pathol 1995;103:696—704. [3] Antonescu CR, Scheithauer BW, Woodruff JM. Perineurial cell tumors. In: Tumors of the peripheral nervous system. Silver Spring, MA: ARP Press; 2013. p. 265—96. [4] Mauermann ML, Amrami KK, Kuntz NL. Longitudinal study of intraneural perineurioma — a benign, focal hypertrophic neuropathy of youth. Brain 2009;132:2265—76. [5] Wang LM, Zhong YF, Zheng DF, Sun AP, Zhang YS, Dong RF, et al. Intraneural perineurioma affecting multiple nerves: a case report and literature review. Int J Clin Exp Pathol 2014;7:3347—54. [6] Sachanandani NS, Brown JM, Zaidman C, Brown SS, Mackinnon SE. Intraneural perineurioma of the median nerve: case report and literature review. Hand 2010;5:286—93. [7] Theaker JM, Gatter KC, Puddle J. Epithelial membrane antigen expression by the perineurium of peripheral nerve and in peripheral nerve tumours. Histopathology 1988;13: 171—9. [8] Hirose T, Tani T, Shimada T, Ishizawa K, Shimada S, Sano T. Immunohistochemical demonstration of EMA/Glut1-poisitive perineurial cells and CD34-positive fibroblastic cells in peripheral nerve sheath tumors. Mod Pathol 2003;16:293—8.

Périneuriome intraneural du nerf sciatique [9] Brock JE, Perez-Atayde AR, Kozakewich HPW, Richkind KE, Fletcher JA, Vargas SO. Cytogenetic aberrations in perineurioma. Variations with subtype. Am J Surg Pathol 2005;29:1164—9. [10] Cazals-Hatem D, Kania R, Deroin P, Lisovoski F, Sterkers O, Degott C, et al. La neuropathie hypertrophique localisée :

505 diagnostic differential du périneuriome intraneural. Ann Pathol 2000;20:93—4. [11] Gruen JP, Michell W, Kline DG. Resection and graft repair for localized hypertrophic neuropathy. Neurosurgery 1998;43:78—83.