Peut-on encore parler de syndrome de Wissler-Fanconi ?

Peut-on encore parler de syndrome de Wissler-Fanconi ?

Rev Méd Interne 2002 ; 23 : 257-8 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866301005495/EDI Éditorial Peut...

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Rev Méd Interne 2002 ; 23 : 257-8 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866301005495/EDI

Éditorial

Peut-on encore parler de syndrome de Wissler-Fanconi ? J. Pouchot* Service de médecine interne, hôpital Louis-Mourier, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France (Reçu le 14 décembre 2001 ; accepté le 20 décembre 2001)

Wissler-Fanconi (syndrome de) / maladie de Still de l’adulte / fièvre / arthrite Wissler-Fanconi syndrome / adult-onset Still’s disease / fever / arthritis

En 1943, dans une publication princeps, Hans Wissler rapportait en détail les observations de quatre enfants âgés de un à quatre ans qui présentaient une fièvre élevée intermittente, une éruption cutanée, variable dans son expression mais évanescente, et une atteinte articulaire inflammatoire [1]. Ce tableau clinique était associé à un syndrome inflammatoire biologique important et à une franche hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Si l’évolution était favorable chez deux des quatre enfants, elle l’était beaucoup moins chez les deux autres, puisque l’un a développé une atteinte articulaire chronique et l’autre est décédé d’un « choc médicamenteux ». L’enquête infectieuse était négative dans les quatre observations, et Wissler proposait à l’époque le terme de subsepsis hyperergica en invoquant la possibilité d’une réaction inhabituelle, « hyperergique », à une infection évoluant à bas bruit. En 1946, Fanconi, reprenant la description de Wissler, a rapporté une observation similaire chez un enfant de sept ans et a proposé de remplacer le terme de subsepsis hyperergica par celui de subsepsis allergica [2]. Une vingtaine d’années plus tard, en 1965, Hans Wissler a publié une revue de la littérature sur le subsepsis allergica à partir de 89 observations dont 25 personnelles et a précisé les contours de ce qu’on appelle encore aujourd’hui le syndrome de WisslerFanconi [3]. Ce syndrome est le plus souvent décrit chez des enfants, des deux sexes, mais quelques

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (J. Pouchot).

observations ont été rapportées chez l’adulte. La fièvre est constante, très élevée, intermittente, résistante aux antibiotiques, et s’accompagne parfois de frissons. Il existe un exanthème dont l’expression peut être variable d’un patient à l’autre mais dont le caractère évanescent et maximal pendant les poussées fébriles est habituel. L’atteinte articulaire, souvent sous la forme d’une oligoarthrite ou d’une polyarthrite migratrice, peut manquer mais à l’inverse évoluer vers la chronicité chez un petit nombre de patients. La maladie débute parfois par une « angine ». L’hyperleucocytose est fréquente et dépasse 30 000/mm3 dans certaines observations. L’enquête bactériologique est toujours négative. Le syndrome inflammatoire et l’anémie en rapport sont très fréquents. D’autres manifestations plus inconstantes sont décrites : des adénopathies chez 50 % des patients, une splénomégalie, une péricardite ou une pleurésie, ou encore une atteinte hépatique, parfois sévère. L’évolution est généralement favorable mais souvent marquée par des poussées successives. Chez 30 des 89 patients (34 %) analysés, la maladie a évolué pendant plus d’un an et cinq décès ont été signalés. Wissler a souligné l’efficacité de la corticothérapie. Depuis cette revue de la littérature, une soixantaine de publications ont été consacrées au syndrome de Wissler-Fanconi, rapportant généralement des observations isolées, parfois chez l’adulte [4, 5]. Toutefois, depuis 1988 aucune publication n’est référencée sous ce terme dans la base de données Medline. Tout le monde aura reconnu dans le syndrome de Wissler-Fanconi une description très fidèle de la

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J. Pouchot

maladie de Still [6], et ceci avait été d’emblée noté par Bywaters en 1971 lors de sa description princeps de la maladie de Still chez l’adulte [7]. Les différences, si elles existent, sont minimes. Dans les deux entités, le tableau clinique associe une fièvre élevée habituellement intermittente, une éruption cutanée et une atteinte articulaire. L’éruption cutanée est évanescente dans les deux affections. Dans le syndrome de Wissler-Fanconi l’atteinte cutanée est peut-être plus variable dans son expression que dans la maladie de Still de l’adulte, et ne se résume pas à la classique éruption maculeuse rose saumonée évanescente. L’atteinte articulaire est comparable dans les deux affections, mais la fusion des os du carpe fréquemment notée dans la maladie de Still de l’adulte [8] n’a apparemment pas été signalée dans le syndrome de Wissler-Fanconi. Les autres manifestations cliniques rapportées sont communes aux deux affections. Les similitudes biologiques sont également très fortes, avec la présence d’une franche hyperleucocytose avec polynucléose et d’un syndrome inflammatoire marqué. Dans les deux entités, sauf exception, la recherche d’anticorps antinucléaires et de facteur rhumatoïde est négative. Peut-être que les anomalies biologiques récemment décrites et apparemment plus spécifiques – l’élévation de la ferritinémie avec effondrement de sa fraction glycosylée [9], voire le prometteur dosage de l’IL-18 [10] – permettront d’unifier ces deux entités de façon plus formelle dans les tableaux cliniques où la discussion nosologique pourrait encore trouver une place. Dans les deux affections, les lésions histologiques manquent de spécificité et ne montrent le plus souvent qu’une inflammation non spécifique. L’étiopathogénie de ces deux entités reste encore mystérieuse. La possibilité d’une infection ou d’une réaction allergique à l’origine de la maladie a été évoquée pour la maladie de Still de l’adulte [11] et le syndrome de Wissler-Fanconi [1-3] sans pour autant avoir été formellement démontrée. Même si la controverse a pu exister [12], comme d’autres [13], on peut conclure à l’identité entre syndrome de Wissler-Fanconi et maladie de Still de l’adulte. Le maintien de cette double appellation n’a pas de raison d’être et il paraît licite de supprimer le terme de Wissler-Fanconi au profit de celui de maladie de Still, au moins chez l’adulte. En pédiatrie, le syndrome de Wissler-Fanconi a disparu depuis long-

temps et n’apparaît pas dans la classification des arthrites juvéniles idiopathiques. Finalement, simplifier c’est souvent y voir plus clair. De nouveaux syndromes font leur apparition, mais d’autres doivent disparaître, et c’est le cas de celui de Wissler-Fanconi. Still avait le premier décrit cette entité chez des enfants en 1897 à Londres [14], laissons lui la paternité de cette affection ! Nul doute que ce problème nosologique sera à nouveau abordé, mais on peut raisonnablement espérer que les progrès dans la connaissance de la maladie et la mise au point de nouveaux tests diagnostiques devraient non seulement permettre de confirmer cette unicité nosologique mais également aider à démembrer ce que l’on appelle aujourd’hui maladie de Still de l’adulte et qui n’est probablement qu’un syndrome. RE´ FE´ RENCES 1 Wissler H. Über eine besondere form sepsisähnlicher krankheiten (subsepsis hyperergica). Mschr Kinderheilk 1943 ; 94 : 1-15. 2 Fanconi G. Über einene fall von subsepsis allergica Wissler. Helv Paediat Acta 1946 ; 6 : 532-7. 3 Wissler H. Subsepsis allergica. Ergebn Inn Med Kinderheilk 1965 ; 23 : 202-20. 4 Campanacci D. Wissler-Fanconi syndrome in adult patients. G Clin Med 1971 ; 52 : 475-83. 5 Guerra F, Collantes E, Cisnal A, Garcia M, Jurado R, Angulo R, et al. Urticaire aiguë récidivante dans le syndrome de WisslerFanconi chez l’adulte. À propos d’un cas. Rev Rhum 1988 ; 55 : 719-20. 6 Pouchot J, Kahn MF, Vinceneux P. Maladie de Still de l’adulte. In : Kahn MF, Peltier AP, Meyer O, Piette JC, Eds. Maladies et syndromes systémiques, vol. 1, 4e édition. Paris : Flammarion Médecine–Sciences ; 2000. p. 449-68. 7 Bywaters EGL. Still’s disease in the adult. Ann Rheum Dis 1971 ; 30 : 121-33. 8 Medsger Jr TA, Christy WC. Carpal arthritis with ankylosis in late onset Still’s disease. Arthritis Rheum 1976 ; 19 : 232-42. 9 Fautrel B, Le Moël G, Saint-Marcoux B, Taupin P, Vignes S, Rozenberg S, et al. Diagnostic value of ferritin and glycosylated ferritin in adult onset Still’s disease. J Rheumatol 2001 ; 28 : 322-9. 10 Kawaguchi Y, Terajima H, Harigai M, Hara M, Kamatani N. Interleukin-18 as a novel diagnostic marker and indicator of disease severity in adult-onset Still’s diease. Arthritis Rheum 2001 ; 44 : 1716-7. 11 Sampalis JS, Medsger Jr TA, Fries JF, Yeadon C, Senécal JL, Myhal D, et al. Risk factors for adult Still’s disease. J Rheumatol 1996 ; 23 : 2049-54. 12 Alcalay M, Becq-Giraudon B, Aboul Hosn H. Syndrome de Wissler-Fanconi et maladie de Still chez l’adulte. Problèmes nosologiques, étiologiques et formes frontières. À propos de sept observations. Sem Hôp Paris 1983 ; 59 : 233-9. 13 Caroit M, Mathieu M, Kahn MF, de Sèze S. Maladie de Still de l’adulte et syndrome de Wissler-Fanconi. Rev Rhum 1973 ; 40 : 1-8. 14 Still GF. On a form of chronic joint disease in children. Med Chir Trans 1897 ; 80 : 47 Reprinted in Arch Dis Child 1941 ; 16 : 156-65.