Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique. Étude prospective de faisabilité

Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique. Étude prospective de faisabilité

Exercice de la chirurgie Article original Ann Chir 2000 ; 125 : 668-76 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés ...

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Exercice de la chirurgie Article original

Ann Chir 2000 ; 125 : 668-76 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394400002583/FLA

Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie sénologique. Étude prospective de faisabilité F. Dravet1, J. Belloin1, P.F. Dupré1, T. François2, S. Robard2, J.L. Theard2, J.M. Classe1 1

Service de chirurgie oncologique, CRLCC René-Gauducheau, site hospitalier nord, boulevard J. Monod, 44805 Saint-Herblain, France ; 2service d’anesthésie, CRLCC René-Gauducheau, site hospitalier nord, boulevard J. Monod, 44805 Saint-Herblain, France

RE´SUME´ But de l’étude : Le but de cette étude prospective était d’apprécier les possibilités de prise en charge ambulatoire de la chirurgie sénologique, d’évaluer les raisons d’hospitalisation traditionnelle, les causes et le taux de « conversion », et la morbidité postopératoire après chirurgie ambulatoire. Patientes et méthodes : Au cours de l’année 1999, sur 625 patientes susceptibles d’être prises en charge en chirurgie ambulatoire (chirurgie à visée diagnostique et chirurgie conservatrice du sein), 418 ont été programmées en chirurgie ambulatoire (67 %) et 207 en chirurgie traditionnelle (33 %). Les causes de non prise en charge en chirurgie ambulatoire étaient plus environnementales (64 %) que médicales (16 %). Résultats : Le taux de conversion a été de 12,4 %. Le taux réel de chirurgie ambulatoire a été de 58,6 %. Les causes de conversion ont été plus souvent médicales (50 %) et environnementales (21 %) que chirurgicales (23 %). La morbidité, hors lymphocèle axillaire, a été équivalente dans les deux modes d’hospitalisation. Après curage axillaire, le taux de lymphocèles a été plus élevé en cas de chirurgie ambulatoire (27,4 % contre 16,1 %). Conclusion : La chirurgie ambulatoire est une bonne alternative à l’hospitalisation traditionnelle, en sénologie notamment pour la chirurgie à but diagnostique. Pour la chirurgie mammaire avec curage axillaire, ce mode de prise en charge est également possible ; une information claire doit faire accepter la surmorbidité mineure. Une étude sur l’indice de satisfaction des patientes est indispensable. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

cancer du sein / chirurgie ambulatoire / chirurgie sénologique

ABSTRACT Prospective study of the feasibility of outpatient breast surgery. Study aim : The objective of this prospective study was to assess the feasibility of outpatient breast surgery, the reasons for inpatient procedures (IPP), the reasons for conversion and the conversion rate, and the postoperative morbidity after outpatient procedures (OPP). Patients and methods : In 1999, among 625 patients eligible for OPP (diagnostic surgery or conservative curative surgery), OPP was performed in 418 patients (67%) and IPP was performed in 207 patients (33%). The reasons for IPP rather than OPP were environmental (64%) rather than medical (16%). Results : The conversion rate to conventional surgery was 12.4% and the definitive OPP rate was 58.6%. The reasons for conversion were more often medical (50%) and environmental (21%) than surgical (23%). The morbidity, except for axillary seroma, was similar for OPP and IPP. The axillary seroma rate after axillary lymph node dissection was higher with OPP (27.4 vs 16.1%). Conclusion : OPP is a good alternative to IPP in breast surgery, especially for diagnostic purposes. OPP is also feasible for partial mastectomy with axillary lymph node dissection, but patients must be clearly informed about the risks of axillary morbidity. The patients’ quality of life and satisfaction index should also be evaluated. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS breast cancer / breast surgery / outpatient procedure / outpatient breast surgery

Reçu le 30 mars 2000 ; accepté le 29 mai 2000.

Chirurgie sénologique ambulatoire

En France, à la différence des pays anglo-saxons [1-5], la chirurgie ambulatoire est encore peu développée en chirurgie sénologique et en chirurgie cancérologique [6]. Le cancer du sein est un des cancers dont l’incidence est croissante [7, 8]. Le dépistage du cancer du sein qu’il soit individuel ou de masse a permis d’augmenter le diagnostic des stades précoces, pour lesquels un traitement conservateur est le plus souvent possible. La volonté politique actuelle d’étendre le dépistage de masse à l’ensemble des départements français va engendrer une augmentation de la chirurgie à visée diagnostique et de la chirurgie conservatrice du sein [5, 6, 9]. Le développement de moyens diagnostiques médicotechniques percutanés [10, 11] et la prise en charge en ambulatoire de cette chirurgie devraient permettre de minimiser ce surcoût [1, 6, 12, 13]. Le but de cette étude était d’évaluer la faisabilité de la chirurgie sénologique en hôpital de jour, d’en définir les indications, d’en évaluer la morbidité et d’adapter les attitudes anglo-saxonnes au contexte médicosocial français, en tenant compte des textes législatifs (décret de 1992) [14] et des recommandations des sociétés savantes françaises (AFCA, SFAR) [15]. PATIENTES ET MÉTHODES Entre le 1er janvier et le 31 décembre 1999, dans le service de chirurgie oncologique du Centre régional de lutte contre le cancer de Nantes-Atlantique, une enquête prospective de faisabilité a porté sur la prise en charge de la chirurgie sénologique en ambulatoire. Critères d’inclusion et d’exclusion Après analyse de la littérature anglo-saxonne, il a été décidé de colliger l’ensemble des patientes adressées pour prise en charge d’une pathologie mammaire. Pour que ce recueil soit plus exhaustif, les critères d’exclusion liés à la patiente (âge, tares) n’ont pas été retenus, uniquement ceux liés à l’acte chirurgical l’ont été. Ont été exclues de cette étude les interventions chirurgicales, qui selon les pratiques habituelles de notre service, à l’inverse de certaines équipes anglo-saxonnes [1, 2, 16, 17], nécessitent un drainage systématique : les mastectomies avec ou sans curage ganglionnaire axillaire et les opérations de reconstruction mammaire.

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Fiche d’inclusion et d’évaluation Pour mener à bien cette étude, l’équipe chirurgicale et l’équipe anesthésique ont défini une fiche d’inclusion et d’évaluation. Sur cette fiche étaient mentionnés, en plus des renseignements administratifs de la patiente : l’âge, le mode de programmation (programmation en chirurgie ambulatoire [PCA], programmation en hospitalisation traditionnelle [PHT] (48 à 72 heures en fonction de l’acte chirurgical), les raisons de la PHT (convenance personnelle, âge, risque ASA, seule à son domicile, domicile trop éloigné, autres raisons), les raisons de la conversion postopératoire de la PCA (convenance personnelle, nausées, vomissements, douleurs, malaises orthostatiques, hématomes, saignements pansements, reprises chirurgicales, heure tardive du retour du bloc opératoire, isolement à son domicile, autres raisons), et enfin les suites postopératoires (simples, infection, hématome, retard de cicatrisation, lymphocèle [quantité], reprise chirurgicale). Choix de programmation ambulatoire versus traditionnelle Le choix du mode de prise en charge a été effectué au terme d’une consultation préopératoire couplée chirurgien/anesthésiste. Il a toujours été tenu compte des critères médicaux, du désir de la patiente et de sa famille et enfin des critères concernant l’anesthésie en ambulatoire ; trajet (périmètre inférieur à 100 km ou une heure), présence d’un adulte le soir de l’intervention et existence du téléphone au domicile. Le choix ultime, en dehors de contre-indications médicales, revenait à la patiente. Cette méthodologie explique la répartition non aléatoire des patientes dans les deux groupes. Circuit patient Consultation couplée préopératoire Lors de la consultation préopératoire, le chirurgien expliquait l’acte chirurgical en fonction de la pathologie, vérifiait l’absence de contre-indications chirurgicales et/ou environnementales. L’anesthésiste vérifiait l’absence de contre-indications médicales. De cette confrontation, était défini le mode de prise en charge : PCA/PHT.

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Pré-admission pour l’hospitalisation Pour les patientes programmées en chirurgie ambulatoire, une pré-admission était effectuée le jour de la consultation pour qu’aucun papier administratif ne soit fait le matin de l’entrée, dans un but de confort et de gain de temps. Un document d’information était donné concernant la préparation que les patientes devaient effectuer à leur domicile (douche antiseptique la veille et le matin) ainsi qu’un consentement éclairé qu’elles devaient ramener signé (consignes soins antiseptiques, absence de traitements anticoagulant, nécessité d’être à jeun, information sur la possibilité de rester hospitalisée). Hospitalisation En cas d’hospitalisation en secteur ambulatoire : l’entrée avait lieu à 7 heures 45. La patiente était prise en charge par une infirmière qui la perfusait. En cas de lésion mammaire infraclinique, un repérage était effectué dans le service de radiologie (stéréotaxique ou échographique). Les interventions chirurgicales étaient programmées en début de matinée (8 heures 30 à 11 heures). La surveillance postopératoire était au minimum de six heures dont au moins une heure en unité de soins postinterventionnelle. Une collation était servie avant la sortie de la patiente. En cas d’hospitalisation en secteur traditionnel : la patiente entrait la veille à 17 heures (14 heures en cas de repérage radiologique), la préparation antiseptique préopératoire était effectuée à l’hôpital (douche, shampooing), les interventions chirurgicales étaient programmées après la chirurgie ambulatoire, les sorties avaient lieu le lendemain de l’intervention (j1). Modalité de sortie des patientes programmées en chirurgie ambulatoire La sortie des patientes était validée par la double visite du chirurgien senior et de l’anesthésiste qui avaient pris en charge la patiente, afin d’éliminer une contre-indication qui aurait conduit à une conversion en hospitalisation traditionnelle. La patiente quittait l’unité de chirurgie ambulatoire avec une lettre pour son médecin, avec le compte-rendu opératoire, une fiche avec les consignes postopératoires et les coordonnées du service, une ordonnance de soins infirmiers et d’antalgiques ainsi que le rendez-vous postopératoire (j7–j10).

Actes chirurgicaux effectués Les actes chirurgicaux ont été groupés en deux catégories. La chirurgie à visée diagnostique (CD) comprenait la tumorectomie diagnostique (exérèse d’une lésion palpable), la zonectomie (exérèse lésion infraclinique après repérage), la chirurgie « mamelonnaire » (pyramidectomie, plastie mamelonnaire) et la chirurgie conservatrice (CC) de première ou seconde intention : reprise des berges (RB), reprise des berges avec curage axillaire (RB+CA), curage axillaire seul (CA), tumorectomie ou quadrantectomie avec curage axillaire (TQCA). Dans notre technique chirurgicale [18, 19], aucun drainage du sein ou du creux axillaire n’a été effectué [3]. La lymphadénectomie était le plus souvent « fonctionnelle », c’est à dire avec respect de la veine mammaire externe, du pédicule du grand dorsal, du nerf du grand dentelé, du nerf sensitif du 2e espace intercostal. À ce curage était associé un capitonnage musculaire du creux axillaire et/ou une infiltration d’anesthésique local (bupivacaïne 20 cL). Un pansement compressif était disposé sur le sein et le creux axillaire pendant quatre heures en cas de PCA et 24 heures en cas de PHT. RÉSULTATS L’âge moyen des patientes opérées était de 54,7 ans (20–91), 51,1 ans (20–80) dans le groupe PCA et 58,3 ans (29–91) dans le groupe PHT. Six cent vingt-cinq patientes ont été colligées dans cette étude : 418 dans le groupe PCA (67 %), 207 dans le groupe PHT (33 %). Cette répartition était de 76,4% contre 23,6 % en cas de chirurgie diagnostique(351 patientes) et de 54,4 % contre 45,6 % en cas de chirurgie conservatrice (274 patientes) (figure 1). Deux cent sept patientes ont été prises en charge en hospitalisation traditionnelle. Les principales causes de cette programmation étaient des raisons médicales (âge, tares associées, indice ASA > II) : 35 patientes (17 %), environnementales (seule, domicile éloigné) : 96 patientes (45 %), convenance personnelle–anxiété : 42 (20,3 %), organisation du service : cinq patientes (2,4 %), autres gestes chirurgicaux associés ou drainage prévu : deux patientes (1 %), protocoles de recherche clinique : 21 patientes (10,1 %), causes non mentionnées dans le dossier médical : 15 patientes (7,2 %) (tableau I).

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Figure 1. Répartition des patientes en fonction de l’acte chirurgical et du mode de prise en charge. RB : reprise des berges, CA : curage axillaire, Q : quadrantectomie, TCA : taux de chirurgie ambulatoire.

Sur les 418 patientes programmées en hospitalisation ambulatoire, 52 sont restées hospitalisées le soir de leur intervention. Le taux global de conversion en hospitalisation traditionnelle a été de 12,4 %. Ce taux était de 10 % en cas de CD, et de 16,8 % en cas de CC (figure 2). Trois cent soixante-six patientes sont sorties le soir même de l’intervention. Le taux global de chirurgie ambulatoire était de 58,6 %. Ce taux était de 68,9 % en cas de CD et de 45,5 % en cas de CC. Ce taux a varié en fonction de l’acte (figure 3). Le taux de réhospitalisation en urgence a été de 0,27 %. Une seule patiente a été réhospitalisée en urgence pour surveillance d’un hématome postopératoire « tardif », non présent lors de la visite de sortie. La patiente avait eu une tumorectomie avec curage axillaire. Il n’a pas été nécessaire de la réopérer, ni en urgence, ni de manière différée.

Tableau I. Causes de programmation en hospitalisation traditionnelle. Chirurgie Chirurgie diagnostique conservatrice

Total

Nbre patientes

82

125

207

Convenance personnelle Anxiété Âge Tares, ASA > II Seule Éloignement Organisation service* Drainage Gestes associés Protocole recherche Non précisé

9 4 9 8 21 23 3 0 0 0 7

25 4 9 9 26 26 2 1** 1*** 21 8

34 8 18 17 47 49 5 1 1 21 15

* Non possibilité de repérage radiologique en ambulatoire, le jour du geste chirurgical ; ** reprise des berges avec drainage car présence d’un hématome postopératoire ; *** conisation associée.

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Figure 2. Taux de conversion, en fonction des actes. RB : reprise des berges, CA : curage axillaire, Q : quadrantectomie, TCA : taux de chirurgie ambulatoire, PCA : programmation en chirurgie ambulatoire, HT : hospitalisation traditionnelle.

Figure 3. Taux de chirurgie ambulatoire, en fonction des actes. PHT : programmation en hospitalisation traditionnelle, PCA : programmation en chirurgie ambulatoire.

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Chirurgie sénologique ambulatoire

Figure 4. Causes de conversion en fonction des types de chirurgie.

Dans 51,9 % des cas, les causes de conversion ont été d’ordre médical : nausées–vomissements empêchant une alimentation (36,5 %), douleurs invalidantes (9,7 %), malaises orthostatiques (5,8 %). Des causes chirurgicales n’ont été observées que dans 23,1 % : surveillance pour hématome postopératoire précoce (15,4 %), ou pour un saignement superficiel au niveau du pansement (7,7 %). Les autres causes de conversion ont été d’ordre environnemental dans 13 % : convenance personnelle et/ou anxiété dans 8 %, dysfonctionnement ayant entraîné un retour tardif dans le service dans 6 % des cas (figure 4).

Tableau II. Complications postopératoires : 41 patientes. Possibilité de plusieurs complications par patiente. Infec- Héma- Retard cica- Douleur tions tomes trisation invalidante PCA Chirurgie diagnostique Chirurgie conservatrice PHT Chirurgie diagnostique Chirurgie conservatrice Total

8 1 7 5 2 3 13

9 3 6 4 1 3 13

12 6 6 5 0 5 17

1 0 1 0 0 0 1

PCA : programmation en chirurgie ambulatoire, PHT : programmation en hospitalisation traditionnelle.

Morbidité postopératoire Morbidité postopératoire hors lymphocèle Quarante et une patientes sur les 625 ont eu des complications postopératoires mineures, soit un taux global de morbidité de 6,56 %. Le taux de morbidité dans le groupe PCA a été de 5,98 % et de 7,72 % dans le groupe PHT. Une analyse statistique entre les deux groupes (χ_) n’a pas montré de différence significative (tableau II). Ces complications ont été le plus souvent traitées médicalement par des soins médicaux (antibiothérapie, anti-inflammatoire, ponctions) et/ou infirmiers. Il n’y a eu que deux reprises chirurgicales pour hématome ; ces interventions n’ont jamais été faites en urgence, mais de

manière différée. Dans les deux cas, les patientes, programmées en ambulatoire avaient été gardées en observation pour la nuit. Lymphocèle postcurage axillaire Deux cent douze patientes ont eu un curage axillaire : 106 dans le groupe PCA, 106 dans le groupe PHT ; 46 patientes (21,7 %) ont eu une lymphocèle axillaire postopératoire, ayant nécessité au moins une ponction. Le taux de lymphocèle dans le groupe PCA a été de 27,3 % et de 16 % dans le groupe PHT (tableau III). L’analyse statistique (χ_) a montré qu’il y avait une différence significative entre les deux

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Tableau III. Répartition des lymphocèles postopératoires. Nombre de Nombre de Lymphocèles Lymphocèles patientes lymphocè- Volume < 80 cL V > 80 cL et/ou les plusieurs ponctions PCA PHT Total

106 106 212

29 17 46

21 9 30

8 8 16

PCA : programmation en chirurgie ambulatoire, PHT : programmation en hospitalisation traditionnelle.

groupes, en rapport avec une augmentation des petites lymphocèles. DISCUSSION La chirurgie ambulatoire est peu développée en France [6] en comparaison des pays anglo-saxons et scandinaves [1-3, 5, 12, 16, 20]. Le développement du dépistage de masse va engendrer probablement un surcoût pour la prise en charge de cette pathologie dont l’incidence est en augmentation [7, 8]. La chirurgie ambulatoire, par un raccourcissement de la durée d’hospitalisation est un des moyens de répondre à ce surcoût potentiel [6]. Ceci a été montré dans des enquêtes de traitements/coûts dans les pays anglo-saxons, le gain économique allant de 22 à 39 % [1, 12, 16, 21]. Dans cette étude, le taux de refus de la chirurgie ambulatoire pour convenance personnelle est seulement de 20,3 %. La motivation des patientes pour une prise en charge de courte durée est importante. Ceci s’intègre dans la volonté globale d’un raccourcissement de la durée d’hospitalisation que nous pouvons observer dans la littérature concernant la prise en charge du cancer du sein, avec un impact réel sur la qualité de vie des patientes [12, 22, 23]. La chirurgie mammaire sans drainage, aussi bien au niveau de la zone d’exérèse que du curage [1 ,3, 6, 18, 19], facilite le développement de ce mode de prise en charge. La sélection préopératoire conjointe par le chirurgien et l’anesthésiste ainsi que la compliance de la patiente évitent un taux de conversion trop important ; 12,4 % dans notre série, de 0 à 20 % dans la littérature [2, 5, 21]. La prise en charge globale de la patiente doit être rigoureuse, dans son organisation, afin d’optimiser au maximum l’acte chirurgical : durée d’anesthésie courte, absence de complication postopératoire immédiate. Malgré tout, le taux de

conversion n’est pas négligeable, imputable dans 50 % des cas à des causes « médicales » : nausées, vomissements, douleurs. Ceci doit conduire à une réelle évaluation des schémas d’anesthésie et de traitement postopératoire des nausées–vomissements [24] et de la douleur. Certaines équipes proposent d’associer ou non à l’anesthésie générale, des anesthésies locales ou régionales notamment par bloc paravertébral [2, 21]. Les causes chirurgicales de conversion, moins de 25 % des cas dans notre série, ne doivent pas être sous-estimées par un excès de « sûreté » de l’équipe chirurgicale. Une conversion pour surveillance évite une réhospitalisation nocturne en urgence, toujours mal vécue par la patiente et sa famille. Dans notre série, il n’y a eu qu’une réhospitalisation en urgence (0,27 %). Les deux patientes réopérées pour hématome avaient été gardées le soir pour surveillance. Dans ce sens, la visite d’autorisation de sortie par l’anesthésiste et le chirurgien senior semble être primordiale [6]. Le taux de morbidité standard n’est pas statistiquement différent selon le mode de prise en charge ; il est du même ordre que ceux trouvés dans la littérature [3, 4, 12, 17]. Une lymphocèle a été observée chez 21,7 % des patientes avec une différence significative chez les patientes hospitalisées en ambulatoire. Ce taux est équivalent à ceux trouvés dans la littérature par des équipes qui ne pratiquent pas de drainage aspiratif axillaire systématique ou de courte durée [1, 3, 12, 20, 25]. Cette surmorbidité, par rapport à la prise en charge traditionnelle, nécessitera une évaluation prospective de façon à en définir les causes. Deux hypothèses ont été avancées : un raccourcissement de la durée du port du pansement compressif axillaire et une mobilisation plus précoce de l’épaule [1, 26]. L’évolution est le plus souvent favorable. Jeffrey et al. dans leur série constatent une disparition des lymphocèles à un mois [3]. La prise en charge en ambulatoire de la chirurgie sénologique impose certaines contraintes, si on veut qu’elle soit faite avec un confort réel pour la patiente. Il est nécessaire que l’unité de chirurgie ambulatoire ait une certaine souplesse dans son fonctionnement pour permettre notamment la possibilité de conversion avec hospitalisation en secteur traditionnel. Une unité de chirurgie ambulatoire intégrée au sein d’un service d’hospitalisation traditionnelle semble sur ce point plus performante qu’une

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Chirurgie sénologique ambulatoire

unité ambulatoire indépendante. Ce type de structure permet une meilleure continuité des soins pour la patiente en cas de conversion. Une rigueur et une coordination entre les différents acteurs thérapeutiques médicaux et paramédicaux (infirmières et secrétaires) sont primordiales pour éviter tout dysfonctionnement, responsable d’un allongement du temps opératoire, ou d’un retard à la délivrance de documents d’information qui peuvent entraver le bon fonctionnement de la prise en charge en ambulatoire. L’information de la patiente et des médecins traitants avant et après l’opération est également un critère prépondérant dans l’acceptation de ce mode de prise en charge [27]. Cet élément est retrouvé dans la publication de Chung et al. qui ont évalué les facteurs de satisfaction de la prise en charge ambulatoire de la chirurgie plastique, notamment mammaire [28]. Cette information préopératoire permet une approche psychologique plus facile grâce aux techniques de diagnostic percutanées (cytoponctions, microbiopsies) [10, 11, 29, 30]. Cela permet d’annoncer, dés la consultation, la nature de la maladie et du geste chirurgical à réaliser. Cette annonce permet d’enlever un doute anxiogène pour la patiente. Une information précise sur la morbidité postopératoire notamment les lymphocèles (symptômes, traitement, ponctions) permet à la patiente de mieux appréhender et accepter cette surmorbidité, le plus souvent mineure.

CONCLUSION La chirurgie sénologique qu’elle soit à visée diagnostique ou thérapeutique est réalisable en ambulatoire, sous couvert d’une sélection des patientes et d’une organisation rigoureuse. La motivation des patientes est manifeste. Le développement des techniques de diagnostic préopératoire et de l’information des patientes mais aussi des médecins doit permettre le développement de ce mode de prise en charge en France. Les structures ambulatoires doivent avoir un mode de fonctionnement souple pour permettre une conversion en hospitalisation traditionnelle si nécessaire, dans les meilleures conditions de continuité des soins.

La chirurgie ambulatoire doit, à qualité de soins égale, permettre une réinsertion familiale et socioprofessionnelle plus rapide, contribuant ainsi d’une part à une meilleure acceptation de la maladie et des traitements adjuvants et d’autre part à une diminution du coût de la prise en charge de la chirurgie mammaire. RE´ FE´ RENCES 1 Clark JA, Kent RB. One-day hospitalization following modified radical mastectomy. Am Surg 1992 ; 58 : 239-42. 2 Goodmann AA, Mendz AL. Definitive surgery for breast cancer performed on an outpatient basis. Arch Surg 1993 ; 128 : 114952. 3 Jeffrey SS, Goodson WH, Ikeda DM. Axillary lymphadenectomy for breast cancer without axillary drainage. Arch Surg 1995 ; 130 : 909-13. 4 Seltzer MH. Partial mastectomy and limited axillary dissection performed as a same day surgical procedure in the treatment of breast cancer. Int Surg 1995 ; 80 : 79-81. 5 Tan LR, Guenther JM. Outpatient definitive breast cancer surgery. Am Surg 1997 ; 63 : 865-7. 6 Fernandez H, Dautry RM, Labaille T, Papiernik E. Pratique ambulatoire de la chirurgie du sein. J Gynécol Biol Reprod 1989 ; 18 : 367-71. 7 Seradour B, Allemand H, Schaffer P. Programme français de dépistage du cancer du sein. Résultats de cinq départements. Bull Cancer 1984 ; 8 : 822-8. 8 Zafrani B, Bellocq JP, Chenard MP. Recommandations européennes pour l’assurance de qualité dans le cadre du dépistage mammographique du cancer du sein. Ann Pathol 1996 ; 16 : 31533. 9 Holmberg L, Adami HO, Persson I, Lundstroem T, Tabar L. Demandsonsurgicalinpatientsservicesaftermassmammographyscreening. Br Med J 1986 ; 293 : 779-82. 10 Pinder SE, Elston CW, Ellis IO. The role of pre-operative diagnosis in breast cancer. Histopathol 1996 ; 28 : 563-6. 11 Ranieri E, D’Andrea MR, D’Alessio A, Bergomi S, Virno S. The integration of diagnostic tests and the role of outpatient surgery in the management of breast disease. Int Surg 1995 ; 80 : 181-4. 12 Kambouris A. Physical, psychological and economic advantages of accelerated discharge after surgical treatment for breast cancer. Am Surg 1996 ; 62 : 123-7. 13 Wait SH. Le coût du dépistage du cancer du sein. Bull Cancer 1996 ; 83 : 769-72. 14 Décrets n°92-1100–1101-1101. Journal Officiel du 8 octobre, 1992. p. 13990-1. 15 AFCA 1996 éd. Actes du congrès de Limoges. Notions d’actes marqueurs. L’accréditation australienne. 1er éd. AFCA , 1997. 16 Edwards MJ, Broawater JR, Bell JL. Economic impact of reducing hospitalization for mastectomy patients. Ann Surg 1988 ; 208 : 330-6. 17 Orr RK, Ketchman AS, Robinson DS, Moffat FL, Tennant ND. Early discharge after mastectomy: a safe way of diminishing hospital cost. Am Surg 1987 ; 53 : 161-3. 18 Hamy A, Bouchor-Hermouet FB, Bouchot O, Draino JC, Guillard Y. Le capitonnage du creux axillaire dans le traitement conservateur du cancer du sein. Prévention de la lymphocèle. J Chir 1990 ; 127 : 99-102. 19 Garnier JM, Hamy A, Classe JM, Laborde O, Sagot P, Lopes L, et al. Une nouvelle approche du creux axillaire : lymphadenectomie axillaire fonctionnelle et capitonnage. J Gynécol Obstet Biol Reprod 1993 ; 22 : 237-42.

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