Place de la Colistine dans la mucoviscidose en 2016

Place de la Colistine dans la mucoviscidose en 2016

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 217-219 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneu...

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Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 217-219 ISSN 1877-1203

Revue des

Maladies

Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Disponible en ligne sur

Actualités Journées Francophones de Mucoviscidose Lille, 31 mars – 1er avril 2016 Coordination : P.-R. Burgel

www.sciencedirect.com XXXXX

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel d’Aptalis Pharma SAS

www.splf.org

Juin Vol. 8 2016



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ASPECTS THÉRAPEUTIQUES

Place de la colistine dans la mucoviscidose en 2016 The place of colistine in cystic fibrosis in 2016 Symposium intégré sponsorisé par le laboratoire Aptalis Article rédigé par J. Macey1,* d’après les communications de H. Marchandin1 (Montpellier), JC. Dubus2 (Marseille), D. Hubert3 (Paris), A. Munck4 (Paris) 1Université

Montpellier 1, EA 3755, Laboratoire de Bactériologie-Virologie, Faculté de Pharmacie, 15, Avenue Charles Flahault, BP 14491, 34060 Montpellier Cedex 5 2CRCM pédiatrique, CNRS URMITE 6236, CHU Timone-Enfants, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5 3Service de pneumologie, centre de ressources et de compétences de la mucoviscidose, hôpital Cochin, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 75014 Paris 4Hôpital Robert Debré, Gastro-Entérologie pédiatrique, 48 Boulevard Sérurier, 75019 Paris

Pourquoi la colistine ? Aspects bactériologiques La colistine est un antibiotique naturel de la famille des polymyxines. Elle agit tel un « détergent », en détruisant la membrane cellulaire de la bactérie : il existe une interaction électrostatique initiale entre la colistine et la bactérie, puis une déstabilisation du lipopolysaccharide (LPS, composant de la membrane bactérienne) de la bactérie conduisant à une perte d’intégrité de la membrane bactérienne avec la formation de pores. Ceci aboutit à la destruction de la membrane de la bactérie. Son action est bactéricide y compris sur les bactéries « au repos » (non proliférante), et elle est dose dépendante. On n’observe pas de résistance croisée avec d’autres antibiotiques. Le spectre d’action de la colistine est relativement étroit. Il concerne uniquement certaines bactéries à Gram négatif

qui contiennent du LPS sur leur membrane : Acinetobacter, Hæmophilus influenzae, Klebsiella, Pseudomonas aeruginosa. Certaines bactéries ont une sensibilité inconstante : Stenotrophomonas maltophilia, Achromobacter xylosoxidans. D’autres sont résistantes, comme Proteus spp, Serratia spp ou Burkholderia cepacia. La colistine n’a pas d’action sur les mycobactéries, ni sur les bactéries à Gram positif. Les perturbations du microbiote liées à l’utilisation de la colistine sont limitées aux espèces sensibles à cet antibiotique. La colistine est utilisée depuis les années 1960. À l’époque la voie intraveineuse (IV) était la seule disponible, et il a été observé des toxicités rénales et neurologiques importantes mais pour une utilisation à très fortes doses. Actuellement la colistine peut être utilisée par voie IV ou par voie inhalée. Les particularités liées à la voie d’administration par inhalation sont une toxicité très faible et l’obtention de concentrations élevées d’antibiotique dans les expectorations.

*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Macey). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Les indications de la colistine sont : • les infections sévères aux bactéries habituellement sensibles à la colistine et présentant des résistances aux antibiotiques standard. La voie IV est alors privilégiée ; • l’infection chronique bronchique à Pseudomonas aeruginosa dans la mucoviscidose. La voie inhalée est alors utilisée. De plus la colistine a une action potentielle sur d’autres bacilles à Gram négatif considérés comme émergents dans la mucoviscidose (Achromobacter). Le mécanisme de résistance bactérienne à la colistine est une modification du LPS qui inhibe la fixation de l’antibiotique sur la bactérie. La détermination de la sensibilité à la colistine repose sur la mesure de la concentration minimale inhibitrice (CMI). Ceci est valable pour la voie IV et non pour celle inhalée. Nous disposons de peu d’études dans la mucoviscidose pour connaître la fréquence des souches de Pseudomonas résistantes à la colistine, de 2 à 12 % selon les séries [1,2]. De même il existe peu d’études longitudinales sur l’émergence de résistance sous traitement [3]. En conclusion, la colistine a un mode d’action original, un spectre d’action étroit (dont le Pseudomonas aeruginosa) et peu d’émergence de résistance semble exister.

Colistine dans tous ses états La colistine se présente sous différentes formes : • le colistiméthate sodique (CMS), qui est la prodrogue et celle utilisée en pratique courante ; • la colistine sulfate qui est la drogue active mais qui présente une toxicité trop élevée pour être utilisée telle quelle. En Europe, la dose de CMS est exprimée uniquement en unités internationales (UI), alors qu’elle est exprimée en milligramme (mg) dans d’autres parties du monde y compris aux États-Unis. On retiendra que 1 mg de CMS équivaut à 12 500 UI. La voie d’administration historique était l’IV à des doses très élevées et donc avec beaucoup de complications rénales et neurologiques, qui font que la colistine a été oubliée pendant plusieurs années. Elle est à nouveau utilisée sous la forme de prodrogue par voie IV pour les infections sévères à germes sensibles lorsque les possibilités thérapeutiques sont limitées, avec une posologie adaptée pour une meilleure tolérance. Les études pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sont peu fréquentes. Elles concluent que la colistine par voie IV a une action bactéricide, dose-dépendante, et que l’administration en trois fois par jour diminue le risque de résistance. Son efficacité par voie IV est majorée si elle est utilisée en bithérapie vs en monothérapie. La dose idéale à prescrire n’est pas clairement établie : la posologie est de 8 mg/kg/j = 0,1 M UI/kg/j (dose maximale 6 M UI/j) dans les recommandations américaines, la dose quotidienne est portée à 9 M UI/j dans le Vidal®. Il faut adapter la posologie à la fonction rénale du patient. En termes de tolérance : • neurologique : certaines études retrouvent une toxicité, d’autres non. Des paresthésies réversibles sont classiques, un syndrome confusionnel ou des blocages neuro-musculaires ont été décrits ;

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• rénale : pas de toxicité si utilisée seule, mais risque de toxicité en association avec les aminoglycosides. La colistine peut aussi être utilisée par voie inhalée. Les données pharmacocinétiques sont rares pour cette voie d’administration, elles sont en faveur d’un faible passage systémique. Il existe la forme nébulisée (aérosol de Colimycine®) en utilisant un nébuliseur pneumatique ou à tamis vibrant. La posologie est variable, de 1 à 3 M UI × 2/j. Depuis peu un système poudre (Colobreathe®) est disponible. Il est aussi efficace que la forme nébulisée en termes de dépôt au niveau des voies aériennes. Il est également plus pratique, la posologie étant 1 gélule inhalée matin et soir. Les systèmes poudre ont l’avantage d’être rapides d’administration, peu encombrants et nécessitent peu d’entretien (par rapport aux nébulisations). La colistine inhalée est indiquée dans l’infection pulmonaire chronique à Pseudomonas dans la mucoviscidose. L’objectif est de diminuer le nombre d’exacerbations liées à l’infection à Pseudomonas et donc le nombre de cures intraveineuses et d’hospitalisations, de ralentir le déclin de la fonction respiratoire et d’améliorer la qualité de vie. Sa tolérance est le plus souvent correcte. Les effets secondaires les plus courants sont la toux et le bronchospasme. Il est recommandé d’utiliser un bronchodilatateur avant la colistine pour limiter ces effets secondaires, et de réaliser une séance d’éducation thérapeutique pour la forme poudre dans le but d’informer le patient de bien prendre la dose de la gélule tout en limitant le risque de toux. Actuellement nous disposons aussi d’autres antibiotiques par voie inhalée pour le traitement de l’infection bronchique chronique à Pseudomonas dans la mucoviscidose : • la tobramycine par voie nébulisée (TOBI® 300 mg × 2/j, 1 mois sur 2) ou en système poudre (TOBI Podhaler® 4 gélules inhalées × 2/j, 1 mois sur 2) ; • l’aztréonam lysine par voie nébulisée (Cayston® 75 mg × 3/j, 1 mois sur 2). Les études visant à comparer ces différents antibiotiques ne sont pas nombreuses et ne permettent pas d’affirmer avec certitude la supériorité d’une molécule par rapport à l’autre dans l’infection chronique à Pseudomonas. Par exemple une étude décrit une amélioration du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) sous tobramycine nébulisée et non sous colistine nébulisée, mais elle ne se déroule que sur 4 semaines, et les nébuliseurs utilisés ne sont pas les mêmes selon la molécule [4]. Une étude récente montre la non-infériorité de la colistine poudre par rapport à la tobramycine inhalée sur l’évolution du VEMS, une meilleure qualité de vie mais plus d’effets secondaires [5]. Les antibiotiques inhalés sont aussi prescrits pour l’éradication du Pseudomonas lors d’une primo-infection bronchique. Plusieurs protocoles d’éradication sont proposés : • 3 mois d’aérosol de colistine + 15 jours de ciprofloxacine [6] ; • 28  jours de tobramycine nébulisée aussi efficaces que 56 jours [7] ; • 28  jours de tobramycine nébulisée seule aussi efficaces qu’en association avec 14 jours de ciprofloxacine [8] ; • tobramycine nébulisée + ciprofloxacine vs colistine nébulisée  +  ciprofloxacine 28  jours  : même efficacité (65  % succès) [9] ;

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• chez l’enfant, tobramycine nébulisée 28 jours vs colistine nébulisée + ciprofloxacine 3 mois : même taux d’éradication immédiate et même évolution à 2 ans [10]. Au total la colistine inhalée est un des traitements disponibles de l’infection pulmonaire à Pseudomonas dans la mucoviscidose. Elle existe sous forme nébulisée ou en système poudre (plus pratique pour le patient mais éducation thérapeutique nécessaire pour limiter la toux). Le choix du protocole d’éradication de Pseudomonas ou de l’antibiothérapie inhalée pour l’infection chronique à Pseudomonas sera fonction principalement de la tolérance et des contraintes des traitements pour le patient. La forme IV de la colistine peut aussi être utilisée en cas d’infection sévère à Pseudomonas lorsque les antibiothérapies plus classiques ne sont pas possibles (résistances, allergies), avec peu d’effet secondaire lorsqu’on respecte les posologies. Une table ronde a également eu lieu sur le retour d’expérience de Colobreathe en pédiatrie et aussi chez les adultes.

Liens d’intérêts J. Macey : Au cours des 5 dernières années, J. Macey a perçu des honoraires ou financements pour participation à des congrès de la part des Laboratoires Novartis et Mylan. J.-C. Dubus : non transmis. D. Hubert : Au cours des 5 dernières années, le Dr Hubert a perçu des honoraires de la part d’une organisation concernée par le thème de l’article pour la participation à un congrès (Novartis, Mylan, Aptalis) et pour la participation à des groupes d’experts (Vertex, Novartis, GILEAD, PTC therapeutics, Aptalis). Le Dr Hubert a également été impliquée dans les essais cliniques de Vertex et Novartis. A. Munck : non transmis.

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Références [1] Schulin T. In vitro activity of the aerosolized agents colistin and tobramycin and five intravenous agents against Pseudomonas aeruginosa isolated from cystic fibrosis patients in Southwestern Germany. J Antimicrob Chemother 2002;49:403-6. [2] Pitt TL, Sparrow M, Warner M, Stefanidou M. Survey of resistance of Pseudomonas aeruginosa from UK patients with cystic fibrosis to six commonly prescribed antimicrobial agents. Thorax 2003;58:794-6. [3] Johansen HK, Moskowitz SM, Ciofu O, Pressler T, Høiby N. Spread of colistin resistant non-mucoid Pseudomonas aeruginosa among chronically infected Danish cystic fibrosis patients. J Cyst Fibros 2008;7:391-7. [4] Hodson ME, Gallagher CG, Govan JR. A randomised clinical trial of nebulised tobramycin or colistin in cystic fibrosis. Eur Respir J 2002;20:658-64. [5] Schuster A, Haliburn C, Döring G, Goldman MH; Freedom Study Group. Safety, efficacy and convenience of colistimethate sodium dry powder for inhalation (Colobreathe DPI) in patients with cystic fibrosis: a randomised study. Thorax 2013;68:344-50. [6] Hansen CR, Pressler T, Høiby N. Early aggressive eradication therapy for intermittent Pseudomonas aeruginosa airway colonization in cystic fibrosis patients: 15 years experience. J Cyst Fibros 2008;7:523-30. [7] Ratjen F, Munck A, Kho P, Angyalosi G; ELITE Study Group. Treatment of early Pseudomonas aeruginosa infection in patients with cystic fibrosis: the ELITE trial. Thorax 2010;65:286-91. [8] Treggiari MM, Retsch-Bogart G, Mayer-Hamblett N, Khan U, Kulich M, Kronmal R, et al.; Early Pseudomonas Infection Control (EPIC) Investigators. Comparative efficacy and safety of 4 randomized regimens to treat early Pseudomonas aeruginosa infection in children with cystic fibrosis. Arch Pediatr Adolesc Med 2011;165:847-56. [9] Taccetti G, Bianchini E, Cariani L, Buzzetti R, Costantini D, Trevisan F, et al.; Italian Group for P. aeruginosa Eradication in Cystic Fibrosis: Early antibiotic treatment for Pseudomonas aeruginosa eradication in patients with cystic fibrosis: a randomised multicentre study comparing two different protocols. Thorax 2012;67:853-9. [10] Proesmans M, Vermeulen F, Boulanger L, Verhaegen J, De Boeck K. Comparison of two treatment regimens for eradication of Pseudomonas aeruginosa infection in children with cystic fibrosis. J Cyst Fibros 2013;12:29-34.

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