Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2015) 16, 116—123
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FAITES LE POINT
Place de l’autohypnose dans la prise en charge de la douleur Self-hypnosis in the treatment of pain Marie-Armelle Mubiri a,∗,b, Marion Richard b,c, Antoine Bioy b,d a
Marie-Armelle Mubiri
Service de pédiatrie générale, hôpital universitaire Robert-Debré, AP—HP, 48, boulevard Sérurier, 75935, Paris cedex 19, France b Pôle AAFE, laboratoire de psychopathologie et psychologie médicale, université de Bourgogne, esplanade Erasme, 21000 Dijon, France c Consultation douleur, hôpital Sainte-Camille, 2, rue des Pères-Camilliens, 94360 Bry-sur-Marne, France d Institut franc¸ais d’hypnose, 38, rue René-Boulanger, 75011 Paris, France ¸u sous la forme révisée le 18 f´ evrier 2015 ; accepté le 28 mars 2015 Rec ¸u le 7 octobre 2014 ; rec Disponible sur Internet le 16 mai 2015
MOTS CLÉS Autohypnose ; Hypnose ; Douleur ; Adulte ; Enfant
KEYWORDS Self-hypnosis;
∗
Résumé Pour les praticiens de l’hypnose dans le champ de la douleur, l’intérêt et les bénéfices de l’autohypnose semblent être évidents. Cependant, bien que l’autohypnose devienne une pratique de plus en plus courante, et particulièrement pour les personnes souffrant de douleurs chroniques, la littérature reste peu abondante. Cet article a pour objectif de faire le point sur la place de l’autohypnose dans la prise en charge de la douleur, par la présentation d’études de cas ou de recherches systématisées. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary For practitioners of hypnosis in the field of pain, interest and benefits of selfhypnosis seem to be obvious. However, although self-hypnosis practice becomes more and more
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M.-A. Mubiri).
http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2015.03.003 1624-5687/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Place de l’autohypnose dans la prise en charge de la douleur Hypnosis; Pain; Adult; Child
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common, especially for people with chronic pain, the literature is scarce. This article aims an update on the role of self-hypnosis in the treatment of pain by presenting case studies or systematized researches. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Depuis 2002, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a érigé comme droit fondamental le soulagement de la douleur. À cette fin, différentes thérapies existent : cognitivocomportementales, médicamenteuses, physiques, psychodynamiques, psychocorporelles avec parmi elles le biofeedback, l’hypnose, la méditation, la relaxation, méthodes interventionnelles, etc. Dernièrement, la reconnaissance et la popularité de ces thérapies alternatives ou complémentaires dans la prise en charge de la douleur ont considérablement augmenté tant chez les populations adultes qu’enfants. Utilisée au travers des siècles et des cultures, l’hypnose fait partie des thérapies corps-esprit les plus anciennes. Les nouvelles preuves empiriques en analgésie hypnotique de ces dernières années assoient son efficacité et la pertinence de son utilisation dans le traitement de la douleur, même si les résultats varient en fonction des individus. Les conclusions des différentes recherches portant sur l’autohypnose montrent également des effets positifs au-delà du contrôle de la douleur. Selon Calof et Robin [1] « toute hypnose est essentiellement autohypnose », notamment car la transe hypnotique co-réalisée par le thérapeute et le patient est en quelque sorte une « mise en travail » des ressources autohypnotiques parfois méconnues du patient lui-même. Cette première définition permet d’expliciter la difficulté d’une recherche bibliographique exhaustive sur l’autohypnose qui n’est pas l’objet de cet exposé. Les recherches systématiques traitant spécifiquement de l’autohypnose restent encore peu nombreuses et la littérature franc ¸aise s’avère quasi inexistante (Medline, PsycInfo). Cependant, il est rapidement apparu que nombre d’auteurs ne différencient pas l’hypnose et l’autohypnose dans leurs appellations. Ainsi, certains articles référencés comme traitant de l’hypnose ont été inclus dans cet article portant sur une argumentation critique de l’autohypnose en douleur, même lorsque le terme « autohypnose » n’était pas en mots clefs mais correspondait à la réalité de la pratique décrit dans le corps de l’article.
L’autohypnose Aucune définition formelle de l’autohypnose ne semble à ce jour établie dans la littérature scientifique. Un détour par la définition de l’hypnose peut permettre de mieux appréhender cette méthode. Selon Bioy [2], l’hypnose est « un état de fonctionnement psychologique
par lequel un sujet, en relation avec un praticien, fait l’expérience d’un champ de conscience élargi ». Pour Godin [3], pour qui l’hypnose relève davantage d’un mode de fonctionnement, l’autohypnose est « un phénomène équivalent de l’hypnose, mais obtenu sans le concours d’autrui ». Il distingue l’autohypnose primaire et l’autohypnose secondaire. La première, proche de la méditation, positionne le pratiquant dans une démarche active faisant intervenir autrui sur le plan imaginaire. La seconde consiste à réobtenir un état hypnotique après une hypnose classique au cours de laquelle l’opérateur a suggéré cette possibilité de réinduction. Pour Godin, l’autohypnose primaire a une intensité et des possibilités moindres que l’hypnose pratiquée avec un thérapeute. Bioy considère également deux formes d’autohypnose mais n’introduit pas de différence d’intensité ou de profondeur entre ces deux formes ; il introduit simplement une distinction dans le mode de construction de l’exercice à exécuter. Ce qu’il est important de retenir de ces différentes définitions est la notion de relation. En effet dans l’autohypnose primaire, Godin souligne l’intervention d’autrui dans les autosuggestions du pratiquant, quant à Bioy il en fait un fondement de l’autohypnose qui s’inscrit selon lui « dans un relationnel avant tout ». Comme pour sa définition, l’autohypnose n’a pas de pratique unanime. Certains praticiens proposent comme Bioy « la reproduction de ce qui a été réalisé en relation avec le praticien » (après une ou plusieurs séances d’entraînement avec le thérapeute) ou la réalisation d’un « exercice qui a été construit spécifiquement pour être réalisé en solitaire ». Par ailleurs, certains thérapeutes remettent ou non un support audio afin de faciliter les séances réalisées seul. La carence de définition de l’autohypnose donc à ce jour impose une définition par défaut ou au regard de ses fonctions. L’autohypnose n’est pas une thérapeutique en soi, mais une ressource naturelle qui facilite la mise en place de processus de changements et de stratégies d’adaptation. Elle n’est pas un analogue médicamenteux et s’inscrit toujours dans un rapport à l’autre même si elle se situe dans une perspective individuelle. Elle permet au patient d’induire une transe suivant le schéma proposé en séance par le thérapeute [4]. Au regard de ces définitions, l’autohypnose apparaît comme : une expérience vécue seule par une personne lui permettant l’accès à un état de conscience modifié dans la réactualisation de la relation au thérapeute. Bioy en 2014 [5] nous en rappelle ses fondements. L’autohypnose est un outil permettant d’accroître
118 l’autonomie du patient. Ses racines se retrouvent dans la pensée d’Emile Coué, pharmacien franc ¸ais connu pour sa célèbre méthode basée sur un principe de visualisation créatrice rendue possible par l’utilisation d’autosuggestions facilitantes. Dans le champ de la douleur, son développement a été rendu possible par Théodore Xénophon Barber, docteur en psychologie. À ce jour, l’autohypnose a démontré son efficacité dans de nombreux secteurs tant chez l’adulte que chez l’enfant. Parmi ceux-ci il est possible de citer : la gestion du stress, de la colère, de l’anxiété, l’amélioration de l’estime de soi et du sentiment de contrôle perc ¸u, la gestion de la douleur dans les pathologies et les syndromes chroniques entraînant des douleurs récurrentes, dans les douleurs aiguës, l’énurésie, l’encoprésie, les troubles du comportement, l’obésité, l’anxiété.
L’adulte Chez l’adulte, la majorité des études concernent la douleur chronique et nombre d’entre elles comparent l’autohypnose versus d’autres méthodes psychocorporelles telles que le biofeedback et le training autogène. Voici quelques exemples où l’autohypnose s’est montrée efficiente.
Autohypnose et périnatalité Dans une revue de littérature de 2010 portant sur des recherches standardisées, Landolt et Milling [6] effectuent l’état des lieux du recours à l’autohypnose lors de la grossesse, du travail et de la délivrance. Dans la majorité des études, l’autohypnose permet une diminution du temps du travail (en particulier chez les primipares), un moindre recours aux médicaments et à la péridurale lors de l’accouchement, réduisant ainsi les risques pour l’enfant (meilleur score d’Apgar). Pour certaines femmes, l’accouchement a également été perc ¸u comme plus satisfaisant en comparaison avec leurs expériences précédentes. D’autres rapportent avoir vécu pendant le travail, une dissociation vis-à-vis de la douleur leur ayant permis de rester présentes aux autres sensations, en substituant par exemple ces sensations douloureuses par des sensations de pression. Cette absence de douleur leur a octroyé la possibilité d’être davantage conscientes des différents stades du travail et de se concentrer en priorité sur leur utérus et leurs muscles cervicaux. À côté de cette absence de douleur, il faut également souligner une diminution de la peur, l’absence d’anxiété et de fatigue et une augmentation de la confiance en soi et des pensées positives.
Autohypnose et douleurs provoquées par les soins Une étude prospective randomisée contrôlée montre que l’autohypnose permet de diminuer la prise d’analgésiques, le temps de procédure, de réduire l’anxiété du patient et d’améliorer sa stabilité hémodynamique lors d’interventions invasives sur le rein [7]. L’autohypnose permet également de se préparer rapidement à un soin douloureux. Avec l’exemple de la colonoscopie, Elkins et al. (2006) [8] proposent une étude
M.-A. Mubiri et al. où les patients rencontrent, juste avant cet examen souvent douloureux et anxiogène, un hypnothérapeute et rec ¸oivent une induction hypnotique standardisée. Un enregistrement d’hypnorelaxation leur est ensuite remis avec pour consigne de l’écouter durant la colonoscopie. Les patients utilisant ce CD d’autohypnose expérimentent des niveaux de douleur et d’anxiété moins élevés que les patients recevant la procédure médicale classique. Par ailleurs, l’autohypnose a également permis pour ces patients de réduire la sédation et le temps de récupération. Dans une revue de littérature, Burte et al. (1994) [9] rapportent que le recours à des enregistrements vocaux tels des guides d’autohypnose est fréquemment utilisé par les praticiens envers leurs patients, notamment dans les salles d’attentes, avant une opération chirurgicale, et de manière plus générale afin d’offrir au patient la possibilité d’augmenter le sentiment de contrôle sur la douleur. En outre, cette utilisation repose sur le fait que les patients douloureux ou dans l’attente d’un geste potentiellement douloureux sont déjà en état de conscience modifiée (hypnose « négative »). Ainsi, les auteurs suggèrent qu’il s’agit de se saisir de cet état, afin de le transformer, pour qu’il puisse devenir bénéfique au patient.
Autohypnose et douleurs chroniques La douleur chronique est un problème de santé publique important, à l’instar du nombre de personnes impactées, des répercussions qu’elle entraîne sur la qualité de vie des personnes et des coûts qu’elle engendre. La majorité des études portant sur douleur et autohypnose concerne d’ailleurs le registre de la douleur chronique.
Les céphalées récurrentes Les maux de tête ou céphalées font partie des symptômes les plus courants. Parmi les recherches concernant la prise en charge des douleurs chroniques, ils font partie des symptômes les plus étudiés. En effet, ils perturbent la qualité de vie de nombreuses personnes tant dans la population adulte qu’infantile. En outre, ils impliquent un coût économique non négligeable, malgré le fait que seules une minorité des personnes affectées semblent consulter. Plusieurs études [10,11] mettent en évidence les effets à court et long termes (six mois après le traitement) d’une pratique de l’autohypnose dans le soulagement des céphalées de tensions chroniques chez l’adulte. À la suite de plusieurs séances d’apprentissage et après une consigne donnée aux patients de pratiquer au domicile la technique apprise, ces études comparatives ne constatent pas de différence significative entre l’efficacité de l’autohypnose et du training autogène. Ces résultats pourraient s’expliquer par des facteurs non spécifiques aux techniques, tels que les attentes vis-à-vis du traitement et la relation thérapeutique. De plus, le soulagement retrouvé dépend également du degré d’hypnotisabilité des sujets. Une troisième étude [12] met en évidence les modifications des stratégies de coping suite à l’apprentissage de l’autohypnose. Les sujets du groupe autohypnose se perc ¸oivent comme plus compétents et plus efficaces concernant la gestion de leur douleur et présentent moins de catastrophisme que ceux du groupe du training autogène.
Place de l’autohypnose dans la prise en charge de la douleur
La fibromyalgie La fibromyalgie est une pathologie douloureuse dont les mécanismes étiologiques demeurent encore mal connus à ce jour. La symptomatologie est riche et diffère en fonction des individus mais se manifeste généralement par des douleurs neuropathiques et neuromusculaires diffuses, une fatigabilité à l’effort et un ralentissement psychomoteur massif, voire invalidant, entraînant souvent une souffrance psychologique et des troubles associés tels que les troubles du sommeil, ou des troubles anxio-dépressifs. L’hypnose a été largement évaluée dans le cadre de troubles neurologiques aigus et a été généralement jugée plus efficace que les interventions non pharmacologiques (interventions telles que l’attention, la thérapie physique, et l’éducation).
Concernant l’autohypnose, plusieurs études cliniques ont été conduites afin d’évaluer l’impact de l’autohypnose sur les symptômes de la fibromyalgie. Haanen et al. (1991) [13] comparent l’autohypnose et une thérapie physique chez quarante patients. L’intervention par autohypnose de trois mois comporte huit séances d’une heure d’hypnothérapie avec une consigne de pratiquer au domicile. L’intervention hypnotique inclut une induction par lévitation du bras et des suggestions de renforcement du moi, de relaxation, d’amélioration du sommeil et de contrôle des douleurs musculaires. Les patients du groupe autohypnose montrent des résultats bien supérieurs concernant les mesures des douleurs musculaires, de la fatigue, de la perturbation du sommeil et de la détresse. Ces différences se maintiennent à trois mois. La diminution de la douleur est significative pour les patients du groupe hypnose et marginale pour les patients du groupe thérapie physique. Menzies et al. (2006) [14], dans une étude comprenant quarante-huit sujets fibromyalgiques, comparent l’utilisation de l’autohypnose à un traitement médical standard. Les résultats montrent que le ressenti douloureux des sujets ne diminue pas après l’étude ; toutefois, le sentiment de contrôle de la douleur apparaît supérieur dans le groupe ayant bénéficié de l’autohypnose. Enfin, dans la première étude évaluant les effets de l’autohypnose sur la fibromyalgie avec des outils adaptés et validés, Picard et al. (2013) [15] montrent que l’effet positif de l’autohypnose prend un certain temps (l’effet est supérieur à six mois plutôt qu’à trois mois) et porte davantage sur les composantes cognitives et affectives de la fibromyalgie (qualité du sommeil, catastrophisme, impression globale de changement), que sur la perception douloureuse en tant que telle. Les auteurs expliquent ces résultats différents par le fait que les séances dispensées ne se concentrent pas uniquement sur le soulagement de la douleur mais sur l’acceptation de celle-ci. À ce jour, les résultats positifs sur le soulagement de la douleur à court terme obtenus dans le cadre de la fibromyalgie demandent encore confirmation. En outre, ces recherches suggèrent que l’autohypnose serait plus
119 effective vis-à-vis du sentiment de gestion de la douleur que sur la perception douloureuse en tant que telle.
La sclérose en plaque La sclérose en plaque est une maladie auto-immune qui touche le système nerveux central. Peu de traitements ont été identifiés pour la prise en charge des douleurs fréquentes et réfractaires provoquées par cette affection neurologique chronique. Un essai quasi expérimental de 2009 [16] a comparé l’effet de l’autohypnose versus la relaxation musculaire progressive sur l’intensité et l’inhibition de la douleur chez vingt-deux patients atteints de cette affection. Les patients du groupe autohypnose indiquent une diminution plus importante de la douleur et de l’inhibition de la douleur que les patients pratiquant la relaxation musculaire, cette amélioration se maintenant à trois mois. Par ailleurs, la majorité des participants des deux groupes indiquent avoir continué à utiliser l’autohypnose ou la relaxation et en éprouver du soulagement à chaque fois. Une étude postérieure de Jensen et al. (2010) [17] compare les effets de l’autohypnose, de la restructuration cognitive, d’une intervention combinée autohypnoserestructuration cognitive ou de séances d’éducation (groupe témoin). Les patients bénéficient de quatre sessions d’apprentissage de la technique qui leur est attribuée et se voient remettre un enregistrement afin de pratiquer au domicile. Les résultats mettent en évidence que l’autohypnose entraîne une diminution plus marquée de l’intensité de la douleur que la relaxation musculaire progressive, amélioration maintenue à trois mois. Le groupe recevant la technique combinée autohypnoserestructuration cognitive montre quant à lui des effets encore supérieurs à l’autohypnose ou la restructuration cognitive seule. Par ailleurs, la plupart des participants des deux groupes continuent d’utiliser les techniques apprises durant le traitement et en éprouvent du soulagement à chaque fois.
Douleurs temporo-mandibulaires Dans une étude comparative randomisée contrôlée concernant les douleurs temporo-mandibulaires, Abrahamsen et al. (2009) [18] proposent à un groupe de patients quatre sessions d’hypnose individuelle d’une heure. Ces sessions comprennent différentes phases : relaxation progressive, imagerie guidée vers un endroit de confort personnel avec utilisation des cinq sens, suggestions de succès, de calme, de tranquillité et de force intérieure. Ces patients ont pour instruction de pratiquer au domicile à l’aide d’un CD. L’autre groupe bénéficie de quatre séances de relaxation et de visualisation d’un lieu de sécurité confortable sans suggestion avec également remise d’un CD. Les patients du groupe autohypnose présentent une diminution de la douleur journalière et une augmentation des stratégies d’adaptation permettant la réinterprétation des sensations douloureuses. Ces deux méthodes permettent par ailleurs au patient de diminuer le nombre de sites douloureux, les réveils nocturnes dus à la douleur, la somatisation, les symptômes obsessionnels et compulsifs et l’anxiété.
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M.-A. Mubiri et al.
Le membre fantôme
La drépanocytose
Les amputations entraînent des phénomènes douloureux pouvant perdurer plusieurs années après l’intervention. Plus d’une dizaine d’études de cas recensées d’apprentissage de l’autohypnose estiment que cette technique a permis aux sujets de réduire les douleurs liées à l’amputation, de réduire la prise de médicaments, et ainsi de diminuer les effets secondaires inhérents à ceux-ci. Dans les études de Bamford (2006) [19] et Oakley et al. (2002) [20], deux stratégies principales ont pu être identifiées, l’une basée sur l’imagerie, l’autre basée sur l’imagerie et le mouvement. Quelle que soit la technique utilisée, l’objectif central est de considérer le membre fantôme comme une partie réelle du corps, d’accepter son existence comme validée mentalement et d’éviter de traiter le moignon comme la seule source de la douleur.
La drépanocytose est une pathologie génétique de la synthèse de l’hémoglobine. La symptomatologie est riche et diverse en fonction des individus qui en sont porteurs. Cependant, le symptôme majeur de cette maladie se caractérise par des crises vaso-occlusives dans les capillaires sanguins, engendrant des douleurs paroxystiques. La douleur générée lors de ces crises engendre de l’anxiété, celle-ci étant elle-même majorée par la survenue de la douleur ou par l’appréhension qu’elle suscite. Cette dynamique douleur-anxiété se révèle très présente lors des crises, et ces symptômes s’entremêlent souvent au point qu’il est parfois difficile de déterminer lequel vient influencer l’autre de prime abord. À ce jour, les douleurs drépanocytaires sont soulagées (souvent partiellement) par des antalgiques puissants, mais peu de mesures préventives telles que l’autohypnose se pratiquent. Dans une étude préliminaire de Thomas et al. (1984) [23], quinze patients présentant régulièrement des crises douloureuses ont rec ¸u, pendant quinze semaines, un enseignement comprenant de la relaxation, du biofeedback, de l’autohypnose et des stratégies cognitives, et ce à raison d’une séance hebdomadaire de quarante-cinq minutes. Les patients sont invités à reproduire chez eux les exercices, notamment ceux d’autohypnose et de relaxation. L’évaluation de cette intervention porte sur la fréquence des hospitalisations et le nombre de recours aux urgences, six mois avant et après l’apprentissage des techniques, chaque sujet étant son propre témoin. Après le traitement, le nombre de visites aux urgences a diminué de 38,5 %, le nombre d’hospitalisation de 31 % et le nombre de jours passés en hospitalisation de moitié. Par ailleurs la quantité d’analgésiques prise entre les crises après six mois a été réduite de 29 %. Les sujets rapportent également, sur les plans subjectif et qualitatif, un meilleur contrôle de leur douleur. Ils expliquent avoir recours en première intention à ces techniques avant d’utiliser un antalgique en cas d’inefficacité de celles-ci. Ils décrivent un sentiment de mieux-être général : ils se sentent moins irrités, moins déprimés et plus détendus. Ces techniques leur ont également permis de reprendre le travail ou de retrouver une activité professionnelle avec une sensation de meilleure efficacité.
Les douleurs cancéreuses Dans une étude systématisée portant sur les douleurs chroniques de cinquante-quatre femmes atteintes d’un cancer du sein de Spiegel et Bloom (1983) [21], les sujets sont répartis en deux groupes et rec ¸oivent soit un traitement standard, soit une thérapie de groupe de soutien hebdomadaire, pour un maximum de douze mois. Les femmes randomisées à la thérapie de groupe sont affectées à un groupe recevant ou non une formation à l’autohypnose comme partie de leur traitement. L’intervention par autohypnose est dirigée vers l’amélioration de la compétence de la gestion de la douleur ainsi que du stress liés au cancer. Des instructions sont également données pour l’utilisation de l’autohypnose en dehors des séances de thérapie de groupe.
Les résultats montrent pour les deux groupes de traitement une diminution significative de la douleur et de la souffrance par rapport à l’échantillon de contrôle. L’autohypnose n’était pas l’objectif principal des séances de thérapie du groupe de soutien, cependant, les patientes qui ont bénéficié de l’autohypnose, en plus de la thérapie de groupe ont rapporté beaucoup moins d’augmentation des douleurs à mesure de la progression du cancer par rapport aux patientes n’ayant pas bénéficié de l’autohypnose. Dans une étude prospective randomisée de Elkins et al. (2004) [22], portant sur trente-neuf patients présentant une maladie osseuse maligne à un stade avancé les patients rec ¸oivent des séances hebdomadaires de soutien psychologique ou d’intervention par autohypnose. Ces derniers rec ¸oivent une induction hypnotique standardisée suite à une transcription. Ce script comprend des suggestions de détente, de confort, d’imagerie mentale, de contrôle de la douleur, et des instructions de pratiquer l’autohypnose. Par ailleurs, les patients du groupe autohypnose rec ¸oivent une cassette audio comprenant une induction hypnotique afin de pratiquer au domicile. Les résultats de cette étude montrent une diminution globale de la douleur pour le groupe autohypnose uniquement.
Les douleurs dorsales Les lombalgies sont des affections très courantes. En effet, plus de 80 % des personnes en souffriront un jour et cette prévalence ne cesse d’augmenter. Le plus souvent sans gravité, ces douleurs du bas du dos peuvent devenir chroniques et handicapantes. Dans une étude de Spinhoven et Linssen (1989) [24], l’efficacité de l’autohypnose vis-à-vis de la dépression et du contrôle des lombalgies est comparée à l’éducation. Les quarante-cinq sujets rec ¸oivent un journal dans lequel ils inscrivent toutes les six heures pendant les trois jours suivant la session de traitement : l’intensité de la douleur, la capacité de pouvoir fonctionner sans être gêné par celle-ci durant la journée et le recours aux médicaments. Les sujets bénéficient de six sessions hebdomadaires de cent vingt minutes d’un type de méthode (autohypnose ou éducation) pendant six semaines. Après deux mois sans aucun traitement, ils
Place de l’autohypnose dans la prise en charge de la douleur bénéficient d’une nouvelle session avec la technique dont ils n’avaient pas profité précédemment, à raison également d’une séance hebdomadaire. De manière significative et indifférenciée à l’éducation, les résultats de cette recherche révèlent que la pratique de l’autohypnose a réduit le recours médicamenteux, amélioré la capacité de pouvoir fonctionner dans la journée et diminué les scores de dépression. En revanche, l’utilisation de ces deux techniques n’est pas parvenue à amoindrir l’intensité de la douleur. Jensen et al. (2009) [25], dans une étude concernant trente-sept sujets adultes souffrant de douleurs chroniques liées à une lésion de la moelle épinière, comparent l’utilisation de sessions d’autohypnose à des sessions de biofeedback. Dans les deux conditions, les sujets éprouvent un soulagement de l’intensité de la douleur après les séances (différence pré-/post-sessions). En revanche, seuls les sujets ayant participé aux sessions d’autohypnose ressentent une diminution de la douleur quotidienne moyenne (résultat maintenu trois mois après les sessions) et expriment un meilleur sentiment de contrôle de la douleur. En outre et quelles que soient les conditions, les sujets rapportent tous avoir une autre approche de la douleur, moins déplaisante, ce qui concorde avec les effets annexes de l’autohypnose. De surcroît, après trois mois, 60 % des sujets du groupe autohypnose rapportent toujours écouter les enregistrements audio des sessions et 80 % utiliser l’autohypnose durant leur traitement telle qu’on leur a appris sans l’aide des enregistrements.
L’enfant Bien que l’autohypnose soit utilisée depuis longtemps auprès des enfants, peu de travaux scientifiques sont actuellement recensés. Au cours des années 80, les techniques d’autohypnose ont été appliquées à un large éventail de troubles de l’enfance et des études de cas sur le sujet montrent son efficacité. Parmi ces écrits trois champs concernant la douleur sont majoritairement étudiés : les douleurs abdominales, les maux de têtes et les douleurs provoquées par les soins.
Autohypnose et douleurs provoquées par les soins L’autohypnose est de plus en plus utilisée dans les services hospitaliers afin d’aider les enfants (et leur parents) à mieux gérer la douleur, l’angoisse liée à celle-ci et l’anticipation anxieuse provoquée lors de soins répétés. Parmi eux, les prélèvements sanguins peuvent être des expériences douloureuses et anxiogènes pour l’enfant et sa famille. Liossi et al. (2009) [26], dans un essai contrôlé randomisé mené dans un service d’oncologie pédiatrique, ont mis en évidence l’efficacité de l’autohypnose chez des enfants âgés de 6 à 16 ans. Les enfants sont répartis en trois groupes : anesthésique local, anesthésique local plus autohypnose (apprentissage en une séance de quinze minutes), anesthésique local plus entretien avec l’expérimentateur de quinze minutes.
121 Les enfants appartenant au groupe autohypnose plus anesthésique local rapportent une diminution de l’anxiété anticipatoire, de la douleur et de l’anxiété au cours du geste plus importante que les enfants des deux autres groupes. Par ailleurs, les manifestations de détresse comportementale observées chez ces enfants par les expérimentateurs ainsi que l’anxiété de leurs parents sont moins importantes que dans les autres groupes. Dans une autre recherche portant sur des enfants atteints de cancer, l’autohypnose s’est révélée efficace dans la réduction de la douleur associée aux ponctions lombaires à répétition, cependant cette efficacité se révèle moindre que celle de l’hypnose (2003) [27].
Autohypnose et douleurs chroniques La douleur chronique affecte de nombreux enfants. Elle peut provoquer chez eux des douleurs intenses, des troubles de l’humeur et se montrer invalidante. Les thérapies psychologiques apparaissent comme des interventions efficaces pour venir en aide à ces enfants présentant des douleurs chroniques ou récurrentes.
Les maux de têtes Les migraines apparaissent comme étant les douleurs récurrentes les plus fréquentes chez l’enfant et l’adolescent (20 %). Dès 1987, Olness et al. [28], dans une étude comparative, montrent l’impact supérieur de l’autohypnose sur la diminution de la fréquence des migraines par rapport à l’administration de propanol ou d’un placebo. Kohen et Zajac, en 2007 [29], effectuent une étude rétrospective contrôlée portant sur une cohorte de cent quarante-quatre enfants et adolescents présentant des maux de tête récurrents. Après apprentissage de l’autohypnose, la fréquence, l’intensité et la durée des maux de tête diminuent statistiquement. En outre, les résultats suggèrent également une généralisation spontanée du recours à l’autohypnose par les jeunes concernant d’autres difficultés rencontrées dans leur vie. Kohen (2010) [30] reprend la même cohorte d’enfants et démontre que cette amélioration a un effet durable sur plusieurs années. Enfin, en 2011 [31], dans une étude portant sur deux cas d’adolescents présentant des maux de tête chroniques quotidiens, il met également en évidence l’intérêt de l’autohypnose pour ce type de pathologie.
Les douleurs abdominales Les douleurs abdominales fonctionnelles récurrentes font également partie des pathologies de l’enfant pour lesquelles l’autohypnose s’avère opérante. Sokel et al. en 1991 [32] exposent l’efficacité de l’autohypnose pour six enfants présentant des douleurs abdominales sévères permanentes ou discontinues sans cause organique identifiée. L’autohypnose est présentée ici comme une technique de contrôle permettant de faire face à la douleur et à l’anxiété similaire à celle utilisée pour les douleurs présentant une origine organique.
122 Elle est basée sur différents temps : relaxation, imagerie mentale guidée, suggestions de soulagement de la douleur et renforcement de l’estime de soi. Après deux ou trois sessions d’entraînement, les enfants sont invités à pratiquer cet exercice d’autohypnose seuls, quotidiennement et/ou à la survenue d’épisodes douloureux avec ou sans la cassette enregistrée mise à leur disposition. Tous les enfants ont pu utiliser cette méthode et réduire ou supprimer leur douleur et reprendre leurs activités quotidiennes dans un délai moyen de dix-sept jours. Par ailleurs, cela leur a également permis d’augmenter leur estime de soi et de développer d’autres stratégies de coping en leur apportant un sentiment de contrôle sur la maladie. Les parents, par leur implication dans la thérapie de leur enfant, étaient également renforcés dans leur rôle de parents. Une étude plus récente d’Anbar et al. (2001) [33] confirme l’efficacité de l’autohypnose pour ces manifestations douloureuses. La résolution des troubles a lieu en trois semaines pour quatre patients sur cinq après une séance unique d’une heure d’apprentissage de l’autohypnose. La méthode utilisée consiste pour l’enfant à : choisir un lieu de relaxation, imaginer ce qu’il peut y ressentir au travers de ses cinq sens, opérer une relaxation progressive de la tête aux pieds et adopter un ancrage (signe permettant de retrouver l’état de relaxation alors que le patient n’est pas en état d’hypnose). En 2012, dans une étude contrôlée portant sur cinquantedeux enfants présentant des douleurs abdominales et un syndrome du côlon irritable, Vlieger et al. [34] comparent l’efficacité de l’autohypnose versus un traitement médical standard. L’autohypnose apparaît significativement plus opérante avec un maintien de la rémission à cinq ans pour deux tiers des patients.
La drépanocytose Dans une étude prospective systématisée de Dinges et al. en 1997 [35], les patients bénéficient de quatre mois de traitement conventionnel et dix-huit mois d’autohypnose à raison d’une séance hebdomadaire pendant les six premiers mois, de manière bimensuelle les six mois suivants, et enfin une fois toutes les trois semaines les six derniers mois. La cohorte étudiée comporte neuf adultes, onze enfants et dix-sept adolescents ayant présenté au moins trois épisodes de crise vaso-occlusive douloureuse l’année précédente. La pratique de l’autohypnose comprend des suggestions idéomotrices, un encouragement à développer des métaphores personnelles et des autosuggestions de gestion de la douleur. L’autohypnose a permis une réduction significative de la fréquence des épisodes douloureux, de la fréquence des crises vaso-occlusives, de la douleur quotidienne, du recours aux médicaments et une amélioration de la qualité du sommeil.
Conclusion À la lecture de ces différentes études portant sur les situations pouvant induire de la douleur, l’autohypnose apparaît comme un réel outil prophylactique. En effet, elle permet, tant chez l’adulte que chez l’enfant, une réduction du percept douloureux, un temps de procédure plus court, une
M.-A. Mubiri et al. diminution de l’anxiété, une réduction du temps de récupération et une augmentation du confort au cours et dans la suite de ces soins. Il est également important de souligner, que par la réduction des temps d’intervention, des temps de récupération et des analgésiques utilisés, l’autohypnose est congruente avec la politique actuelle qui cherche à maîtriser les dépenses, ajoutant à cela un accompagnement respectueux et bienveillant du patient mais également un meilleur confort de travail aux soignants. Concernant les situations pouvant induire de la douleur les recherches futures devront se pencher sur le temps d’apprentissage en amont de la procédure, la nécessité ou non d’individualiser l’autohypnose et sur l’intérêt du recours au CD d’autohypnose selon les situations.
Dans le champ de la douleur chronique adulte, les effets de l’autohypnose semblent porter plus sur les composantes cognitives et affectives de la douleur que sur la perception douloureuse elle-même, même si les résultats divergent d’une recherche à l’autre.
En effet, les études montrent des résultats positifs sur l’estime de soi, le catastrophisme, la dépression, la qualité du sommeil, les somatisations, l’anxiété des patients (et de leurs parents pour les enfants), l’humeur. Par « extension » l’autohypnose permet également au patient de développer de nouvelles stratégies de coping, de mieux faire face à la maladie ou aux difficultés du quotidien. La spécificité de l’impact de l’autohypnose sur la diminution de la douleur ou des épisodes douloureux sera à réinterroger au cours d’études contrôlées à venir, les résultats à ce jour étant trop controversés. Chez l’enfant, les études sont moins nombreuses mais plus consensuelles. Elles montrent jusqu’alors un impact de l’autohypnose parfois en une séance d’apprentissage unique sur la fréquence et l’intensité des épisodes douloureux avec un effet sur plusieurs années. De fait, ces résultats semblent évoquer une rapide appropriation de l’outil hypnotique par l’enfant, probablement en lien avec la mouvance qu’il suggère et qui s’inscrit dans la dynamique développementale de l’enfant. En d’autres termes, l’enfant, en demande de mouvement par rapport au trouble dont il souffre, posséderait des capacités d’adaptation différentes de celles présentes chez l’adulte, destinées à le dégager du trouble rapidement, et ainsi éviter une fixation trop importante du symptôme. Cependant, comme chez l’adulte, l’impact sur les stratégies de coping avec un meilleur contrôle sur la maladie, une diminution de l’anxiété et une généralisation de l’utilisation de l’autohypnose sont retrouvés. Les recherches futures devront être systématisées afin de confirmer ces résultats. Les limites de l’utilisation de l’autohypnose chez l’enfant portent essentiellement sur la répétition des exercices à domiciles. Ces premiers résultats laissent entrevoir une place belle à l’autohypnose dans les années futures qu’il sera important de légitimer par des recherches contrôlées et la formation de professionnels compétents dans la pratique de l’autohypnose.
Place de l’autohypnose dans la prise en charge de la douleur
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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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