REV. PNEUMOL. CLIN., 2004, 60, 5-3S48-3S50
© Masson, Paris, 2004
Place de l’endoscopie interventionnelle dans le traitement du cancer bronchique A. COLCHEN (1), F. GONIN (1), P. BONNETTE (2) (1) Unité d’endoscopie diagnostique et interventionnelle, Hôpital Foch, 40,rue Worth, 92151 Suresnes. (2) Service de Chirurgie Thoracique, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes.
RÉSUMÉ L’endoscopie interventionnelle, en levant un obstacle compromettant la survie d’un patient, a tout à fait sa place dans le traitement d’un cancer bronchique quel que soit son stade évolutif. Quarante pour cent des patients n’ont pas encore été traités, 30 % ont encore des possibilités thérapeutiques au moment de leur récidive et pour 30 % tous les traitements possibles ont été administrés et l’endoscopie interventionnelle reste leur seule chance de survie. Un strict protocole opératoire assure la sécurité : salle d’opération, anesthésie générale, bronchoscopie rigide, jet-ventilation, SSPI, fibroscopie postopératoire systématique. Quatre-vingt-cinq pour cent des patients retrouvent une ventilation normale, 12 % ne sont pas suffisamment améliorés, 3 % de décès surviennent soit par hémorragie incontrôlable, soit par impossibilité de reperméation. La nature de la tumeur (cancer bronchique primitif, métastase d’un cancer à distance, envahissement par un cancer de voisinage) n’entre pas en ligne de compte dans la décision d’intervention. Le bénéfice de cette intervention est apprécié par le pneumologue ou l’oncologue qui a en charge le patient, mais la décision définitive d’intervenir appartient bien sûr à l’endoscopiste. Mots-clés : Bronchoscopie rigide. Cancer trachéo-bronchique. Laser. Tuteurs.
SUMMARY The place of interventional endoscopy in the treatment of lung cancer Interventional endoscopy, by eliminating an obstacle compromising the survival of a patient, has its place in the treatment of bronchial cancer whatever its stage of evolution. Forty percent of patients have not been treated yet, 30 still have therapeutic possibilities at the time of their relapse and for 30% all the possible treatments have been administered and interventional endoscopy remains their only chance of survival. A strict operational protocol ensures safety: operating theatre, general anaesthesia, rigid bronchoscopy, jet-ventilation, post-surgery ICU, and systematic post-surgery fibroscopy. Eighty percent of the patients retrieve normal ventilation. 12% are not sufficiently improved and 3% die either from uncontrollable haemorrhage or from the impossibility of repermeation. The nature of the tumour (primary bronchial cancer, metastasis at distance, invasion from a surrounding cancer) does not enter into the decision to intervene. The benefits of the latter are assessed by the pneumologist or oncologist who is in charge of the patient, but the final decision to intervene naturally remains with the endoscopist. Key-words: Rigid bronchoscopy. Tracheo-lung cancer. Laser. Tutors.
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n carcinologie bronchique il n’y a pas de petites indications, il ne sert à rien de raboter un bourgeon au large dans la voie aérienne ou très périphérique. Les seules indications qui se justifient sont des indications majeures : obstruction menaçante sur le plan respiratoire ou entraînant une rétention suppurée. Dans Correspondance :
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l’un et l’autre cas, la levée de l’obstacle ne peut être réalisée en sécurité que par bronchoscopie effectuée sous anesthésie générale. L’indication est posée par les pneumologues et cancérologues qui ont en charge le malade. Ils apprécient l’utilité d’un geste qui ne peut être que strictement palliatif. La décision finale appartient évidemment à l’endoscopiste qui juge de la faisabilité de l’intervention.
PLACE DE L’ENDOSCOPIE INTERVENTIONNELLE DANS LE TRAITEMENT DU CANCER BRONCHIQUE
INDICATIONS ET MÉTHODES Les indications peuvent s’imposer à tous les stades de l’évolution d’un cancer bronchique : – la tumeur vient d’être découverte alors que la situation respiratoire est déjà très compromise. On peut craindre que radio ou chimiothérapie n’aient pas une efficacité suffisamment rapide pour éviter la survenue d’un état asphyxique. Il peut être aussi nécessaire de traiter une infection fébrile d’un lobe ou d’un poumon avant d’entreprendre un traitement curatif ; – alors que le traitement en cours ne maîtrise pas l’évolution ou qu’elle reprend plus ou moins rapidement lorsqu’il est terminé, un désobstruction peut être nécessaire avant de mettre en œuvre d’autres modalités thérapeutiques ; – lorsque tout a été épuisé et que le problème bronchique est dominant, une bronchoscopie interventionnelle peut, dans certains cas, fournir une survie plus ou moins durable dans de bonnes conditions respiratoires. Le protocole opératoire de ces bronchoscopies est nécessairement rigoureux. La bronchoscopie rigide est faite en salle d’opération classique sous anesthésie générale. La ventilation est assurée par jet-ventilation à travers le tube. La FiO2 varie en fonction du temps opératoire (100 % à l’induction et au réveil, 50 % lorsqu’on utilise le laser). Tous les paramètres vitaux sont surveillés. Le recalibrage est effectué le plus souvent par laser. Plusieurs sources peuvent être employées dans la mesure où elles sont conductibles par fibre optique. Nous utilisons un appareillage fournissant deux longueurs d’onde : Nd-YAG qui détruit rapidement les bourgeonnements ou le KTP moins rapide, mais coagulant mieux. Certains auteurs utilisent le bistouri à haute fréquence. Un tuteurage complète l’intervention lorsqu’une compression extrinsèque est associée au bourgeonnement, ces tuteurs sont employés seuls lorsque le rétrécissement est purement extrinsèque. Nous utilisons préférentiellement des tuteurs en silicone faciles à poser et, si nécessaire, à déplacer ou retirer, ils n’empêchent pas une radiothérapie. Nous réservons les prothèses métalliques lorsque le tuteur doit épouser une courbure accentuée. Le réveil est assuré sur table. Les malades ne sont réintubés pour une ventilation de courte durée que lorsqu’ils étaient sédatés avant l’intervention ou si leur niveau d’épuisement préopératoire le justifie. Ils sont extubés dans les heures qui suivent. Tous les malades sont surveillés 2 à 3 heures en salle de soins post-interventionnelle.
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Une fibroscopie de contrôle est faite systématiquement le lendemain pour retirer d’éventuelles fausses membranes qui ont pu se développer sur la zone lasérisée, aspirer les sécrétions, vérifier l’ouverture et la bonne position des prothèses. Le séjour dans notre service est en moyenne de 48 heures.
RÉSULTATS La désobstruction est obtenue soit par laser seul (40 %), soit par laser et tuteurage (30 %), soit par tuteurage seul (30 %). La restauration d’une fonction respiratoire correcte est obtenue dans 85 % des cas permettant aux patients de rejoindre leur service d’origine ou leur domicile le lendemain de l’intervention. Dans 12 % des cas, le recalibrage obtenu est insuffisant inférieur à 50 % soit parce qu’on ne peut poursuivre la désobstruction parce qu’elle devient dangereuse, soit parce que l’extension tumorale se poursuit tout au long de l’arbre bronchique. Dans notre expérience, 3 % de décès sont survenus pendant l’intervention par hémorragie incontrôlable ou décompensation cardiorespiratoire ou dans les suites immédiates par insuffisance respiratoire aiguë irréversible.
DISCUSSION La gravité de l’état respiratoire, s’il dépend de l’obstacle qu’on peut lever, n’est en aucun cas une contre-indication, bien au contraire. Dans notre expérience, 10 % des malades que nous traitons nous sont adressés en urgence, certains sont même conduits directement de l’ambulance en salle d’opération. L’histologie est absolument indifférente, il n’est donc pas nécessaire d’attendre un résultat histologique pour poser l’indication d’une endoscopie interventionnelle. L’origine de l’envahissement n’a pas non plus grande importance : cancer broncho-pulmonaire primitif, métastase d’un cancer à distance, envahissement de la trachée par un cancer thyroïdien ou œsophagien. Dans ce dernier cas, le seul élément important est l’existence ou non d’une fistule œso-trachéale ou bronchique.
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A. COLCHEN et COLL.
Au niveau de la trachée, une tumeur ou une compression extrinsèque sont toujours traitables. Quelle que soit l’importance de l’obstacle on arrive assez facilement à redonner un calibre suffisant par laser et/ou tuteurage. L’appréciation est beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit de l’atteinte d’une bronche souche, la fibroscopie ne permet souvent pas de connaître l’étendue exacte distale de la tumeur. Encore plus aléatoire, l’atteinte des deux bronches souches ou de l’ensemble de la bifurcation trachéo-bronchique. Toutes les difficultés techniques sont réunies pour ces envahissements de la bifurcation. Le recalibrage est commencé, alors qu’on ignore le plus souvent ce qu’on va découvrir, or, il est absolument impératif de réaliser au moins d’un côté un calibre proche de la normale. L’intervention peut durer deux heures ou davantage. C’est dans ce groupe que sont survenus les décès le plus souvent par impossibilité d’obtenir un recalibrage correct. Le bénéfice de ces traitements n’est pas le même en fonction du stade évolutif de la tumeur. Lorsque la tumeur vient d’être découverte alors qu’elle a déjà pris une extension majeure dans un des gros troncs ou de la trachée, le problème est d’abord de permettre à ces malades de retrouver une situation respiratoire suffisante pour qu’ils puissent ensuite être traités de façon classique. Pour les malades dont la tumeur récidive, mais qui n’ont pas encore épuisé toutes les possibilités thérapeutiques celles-ci pourront être entreprises là encore dans de meilleures conditions respiratoires augmentant ainsi les chances de tolérance d’un nouveau traitement, en particulier d’une radiothérapie. Quant aux patients pour qui toutes les possibilités thérapeutiques ont été employées l’endoscopie interventionnelle est leur seule chance d’une survie avec une qualité respiratoire correcte au prix d’un acte sous anesthésie générale, ne nécessitant que 48 heures d’hospitalisation et que l’on peut
répéter autant de fois que nécessaire. Dans notre expérience, certains malades ont ainsi vécu plus de 18 mois dans de bonnes conditions. Il est bien évident qu’il ne s’agit pas de s’acharner à désobstruer une voie aérienne dont l’obstacle n’est pas vraiment gênant chez des malades présentant des localisations multiples qui, elles, sont dominantes, pour “faire quelque chose”.
EN CONCLUSION L’endoscopie interventionnelle permet de surmonter un certain nombre de problèmes respiratoires, ou moins souvent infectieux, insolubles autrement. Elle s’intègre dans un plan thérapeutique. Ces désobstructions, faciles ou difficiles, ne sont possibles qu’à la condition de disposer d’une organisation matérielle et humaine permettant de prendre en charge ces patients quelle que soit la gravité de leur situation.
RÉFÉRENCES 1. Personne C, Colchen A, Leroy M, et al. Indications and technique for endoscopic laser resections in bronchology. J Thor and Cardiovasc Surgery 1986;91:710-5. 2. Cavaliere S, Venuta F, Foccli P, et al. Endoscopic treatment of malignant airway obstruction in 2,008 patients. Chest 1996;110:1536-42. 3. Santos RS, Raftopoulos Y, Keenan RJ, et al. Bronchoscopic palliation of primary lung cancer: single or multimodality therapy? Surg Endosc 2004;18:931-6. 4. Duhamel DR, Harrell JH 2nd. Laser bronchoscopy. Chest Surg Clin N Am 2001;11:769-89. 5. Dumon JF. A dedicated tracheobronchial stent. Chest 1990; 97:328-32.