revue neurologique 164 (2008) 722–727
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Bre`ve communication
POEMS syndrome avec plasmocytome oste´olytique POEMS syndrome with plasmocytoma lytic bone lesion M.A. Rafai a,*, H. Fadel b, F.Z. Boulaajaj a, M. Sibai a, M. Rafai c, B. El Moutawakkil a, M. Bourezgui a, M. Trafeh c, I. Slassi a a
Service de neurologie - explorations fonctionnelles, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc Unite´ de neurologie, hoˆpital al Kortobi, Tanger, Maroc c Service de traumatologie - orthope´die, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc b
info article
r e´ s u m e´
Historique de l’article :
Introduction. – Le syndrome de Crow-Fukase ou syndrome Polyneuropathie, Organome´galie,
Rec¸u le 18 aouˆt 2007
Endocrinopathie, M-prote´ine avec gammapathie et atteintes cutane´es pour Skin changes
Rec¸u sous la forme re´vise´e le
(POEMS) est une affection multisyste´mique rare, dont l’e´tiopathoge´nie est encore mal
10 octobre 2007
e´lucide´e.
Accepte´ le 23 novembre 2007
Observation. – Un homme, aˆge´ de 48 ans, pre´senta un de´ficit sensitivomoteur des quatre
Disponible sur Internet le
membres pre´dominant aux membres infe´rieurs, e´voquant une polyradiculone´vrite inflam-
3 juillet 2008
matoire chronique, de´mye´linisante et axonale a` l’e´lectroneuromyogramme. Le bilan retrouva une hyperprote´inorachie avec gammapathie monoclonale type IgG associe´e a` une bande
Mots cle´s :
lambda, e´voquant un POEMS syndrome. Il existait des le´sions cutane´es de type angiomes
POEMS
glome´ruloı¨des, des troubles vasomoteurs, un hypogonadisme, un œde`me papillaire au fond
Syndrome Crow-Fukase
d’œil. Les radiographies osseuses mirent en e´vidence une le´sion de l’omoplate gauche
Neuropathie pe´riphe´rique
d’aspect lytique dont la biopsie conclut a` un plasmocytome. Une radiothe´rapie de la le´sion
Le´sion oste´olytique
osseuse associe´e a` une corticothe´rapie pleine dose et des e´changes plasmatiques permirent
He´mangiomes glome´ruloı¨des
une bonne e´volution. Discussion. – Le POEMS syndrome est une affection rare. Son diagnostic repose sur des
Keywords:
crite`res ne´cessaires, notamment la pre´sence d’une neuropathie de´mye´linisante et axonale
POEMS syndrome
associe´e a` une gammapathie monoclonale. D’autres e´le´ments renforcent le diagnostic,
Crow–Fukase syndrome
notamment les angiomes glome´ruloı¨des, une endocrinopathie et un plasmocytome qui est
Peripheral neuropathy
souvent oste´oscle´rosant. Le traitement est base´ sur la cure chirurgicale ou la radiothe´rapie
Osteolytic bone lesion
de la le´sion osseuse, associe´ a` un traitement ge´ne´ral fait d’une corticothe´rapie, d’e´changes
Glomeruloid hemangioma
plasmatiques et d’immunoglobulines intraveineuses dont l’efficacite´ est tre`s variable. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
abstract Introduction. – Crow–Fukase or Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, M-protein, and Skin changes syndrome (POEMS) is a rare multisystemic affection with incompletely elucidated etiopathogenesis.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M.A. Rafai). 0035-3787/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.neurol.2007.11.001
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Case report. – We report a case of POEMS syndrome in a 48-year-old adult revealed four months before admission by areflexic flask tetraparesis prevalent on the lower limbs in connection with demyelinating and axonal CIDP ‘‘like’’ sensoriomotor neuropathy of the four limbs electroneuromyographically. The patient presented elevated protein level in the CSF with monoclonal standard IgG gammapathy associated with a narrow band lambda, suggesting POEMS syndrome. Further explorations revealed skin lesions with glomeruloid angiomas, edematous vasomotor disorders as well as erythrocyanose, hypogonadism, papillar edema and a lytic bone lesion of the left scapula. Radiotherapy was associated with corticosteroids and plasma exchanges. Outcome was good with resolution of the symptoms and stabilization of the neuropathy. Discussion. – POEMS syndrome is rare; the diagnosis is based on necessary criteria, the presence of a demyelinating and axonal polyneuropathy associated with an IgA or IgG monoclonal gammapathy, the light chain being almost entirely lambda, associated to other characteristic elements, in particular glomeruloid angiomas, endocrinopathy, sclerosing plasmocytoma which must be carefully required. Treatment is based on surgical cure or radiotherapy for bone lesion and non specific treatments such as corticosteroid therapy, plasma exchanges and IVIG. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
1.
Introduction
Le syndrome de Crow-Fukase est une affection multisyste´mique rare, de´crite la premie`re fois au Japon par Crow en 1956 (Jaccard et al., 2002 ; Vital et al., 2006 ; Velez et al., 2005 ; Imai et al., 2005 ; Caswel et al., 2006). Le mot POEMS est l’acronyme propose´ par Bardwick en 1980 pour de´finir ce syndrome associant une polyneuropathie, une organome´galie, une endocrinopathie, une gammapathie a` M-prote´ine et des le´sions cutane´es (Jaccard et al., 2002 ; Delalande et al., 2002 ; Lagueny et al., 2004 ; Dispenzieri et al., 2004 ; Velez et al., 2005 ; Dispenzieri, 2005 ; Dogan et al., 2005 ; Caswel et al., 2006). La polyneuropathie, indispensable au diagnostic, est le plus souvent re´ve´latrice de la maladie (Delalande et al., 2002 ; Vital et al., 2006 ; Lagueny et al., 2004 ; Min et al., 2005). La pre´sence d’une prolife´ration lymphoplasmocytaire monoclonale constitue un autre crite`re obligatoire (Dispenzieri et al., 2003). Les autres signes cliniques, plus ou moins caracte´ristiques, ne sont pas toujours pre´sents au de´but de la maladie et peuvent apparaıˆtre secondairement. Les le´sions osseuses sont fre´quentes et s’observent dans 60 % des cas (Nakanishi et al., 1984 ; Delalande et al., 2002). Le traitement et le pronostic sont souvent guide´s par la pre´sence de ces le´sions osseuses. Nous rapportons un cas de Crow-Fukase syndrome avec quelques particularite´s se´miologiques, associant des he´mangiomes glome´ruloı¨des et un plasmocytome purement oste´olytique.
2.
Observation
Cas n811952/04 : un homme, aˆge´ de 48 ans, droitier, agriculteur, sans ante´ce´dents pathologiques particuliers, fut hospitalise´ pour une lourdeur et des paresthe´sies des quatre membres. La symptomatologie avait de´bute´ quatre mois avant son hospitalisation par une e´ruption cutane´e diffuse dans un contexte d’amaigrissement chiffre´ a` 8 kg en trois mois, suivie
par l’installation progressive d’une lourdeur des membres infe´rieurs associe´e a` des paresthe´sies des extre´mite´s et une impuissance sexuelle. L’examen neurologique montrait une te´trapare´sie pre´dominant aux membres infe´rieurs are´flexique et amyotrophiante avec un steppage bilate´ral, une hypoesthe´sie tactile en chaussettes et une anesthe´sie vibratoire aux membres infe´rieurs. Le fond d’œil montra un œde`me papillaire de stade I. L’examen cutane´omuqueux re´ve´la des le´sions papulonodulaires rouges pourpres fermes sie´geant sur le tronc et les racines des membres, e´voquant des he´mangiomes glome´ruloı¨des (Fig. 1), une infiltration sclerodermiforme, une hyperpigmentation de la face et des extre´mite´s, une alope´cie, une infiltration œde´mateuse fluctuante et une e´rythrocyanose des extre´mite´s. Le reste de l’examen somatique retrouva un empattement scapulaire gauche (Fig. 2) indolore fixe avec ade´nopathie susclaviculaire homolate´rale sans he´patome´galie ni sple´nome´galie. L’e´lectroneuromyogramme e´tait en faveur d’une polyradiculone´vrite de´mye´linisante inflammatoire chronique type PRNC des quatre membres plus se´ve`res aux membres infe´rieurs, de´mye´linisante avec composante axonale aux membres infe´rieurs (Tableau 1). Le diagnostic de POEMS syndrome fut e´voque´ devant l’association d’une polyneuropathie de´mye´linisante type PRNC, a` des le´sions cutane´es caracte´ristiques, notamment les he´mangiomes glome´ruloı¨des. L’analyse du liquide ce´phalorachidien re´ve´la une dissociation albuminocytologique avec une prote´inorachie a` 0,96 g/l et la pre´sence de bandes d’IgG a` chaıˆne le´ge`re Lambda. La vitesse de se´dimentation e´tait a` 12 mm a` la premie`re heure. La nume´ration formule sanguine montrait une thrombocytose a` ` l’e´lectrophore`se 755 000 e´le´ments par millime`tre cube. A se´rique, il existait un pic monoclonal des gammaglobulines a` 17,72 g/l et l’immunoe´lectrophore`se re´ve´la une gammapathie monoclonale a` IgG Lambda. Le mye´logramme montra une
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Fig. 1 – Angiomes glome´rulaires au niveau du bras (a) et du thorax (b). Glomeruloid angioma in the arm (a) and chest (b).
plasmocytose mode´re´e a` 4 % sans mye´lome a` la biopsie oste´ome´dullaire. Les radiographies du squelette et le scanner X thoracique montre`rent une image lytique soufflante de l’omoplate gauche avec des trave´es fines (Fig. 3). La biopsie cutane´e confirma la pre´sence d’he´mangiomes glome´rulaires. La biopsie neuromusculaire montra une perte en fibres mye´linise´es sans spe´cificite´. L’e´tude en microscopie e´lectronique ne put eˆtre re´alise´e. Le bilan endocrinien re´ve´la
Fig. 3 – Image lytique soufflante au niveau de l’omoplate gauche aux radiographies standard (a) et au scanner (b). Chest radiography (a) and CT scan (b) left scapula osteolytic image.
un hypogonadisme pe´riphe´rique (testoste´rone diminue´, FSH et LH augmente´s), sans autres anomalies. L’e´chographie abdominale et le scanner X me´diastinal furent normaux. L’e´tude histologique de la le´sion osseuse montrait l’aspect d’un plasmocytome a` chaıˆne Lambda. Le diagnostic du syndrome POEMS fut pose´ sur l’association de deux crite`res majeurs : la polyneuropathie sensitivomotrice et la gammapathie monoclonale et de plusieurs crite`res mineurs : les le´sions cutane´es caracte´ristiques notamment les angiomes glome´ruloı¨des, le plasmocytome solitaire lytique, l’hypogonadisme, la thrombocytose et l’amaigrissement. Une corticothe´rapie orale (1 mg/kg par jour) et une radiothe´rapie locale (50 Gy en 14 se´ances) furent prescrites. L’e´volution fut satisfaisante, avec un de´but de re´cupe´ration motrice et sensitive se traduisant par une ame´lioration des scores fonctionnels sur les muscles distaux permettant une marche plus facile, une re´gression des paresthe´sies et une ame´lioration de la sensibilite´ vibratoire. Le controˆle du fond d’œil s’est re´ve´le´ normal.
3. Fig. 2 – Hyperpigmentation au niveau cervical avec empaˆtement en regard de l’omoplate. Cervical hyperpigmentation with scapula pasting.
Discussion
L’originalite´ de cette observation re´side dans la pre´sence de deux particularite´s se´miologiques : les he´mangiomes glome´ruloı¨des caracte´ristiques de la maladie et le plasmocytome
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Tableau 1 – Donne´es e´lectroneuromyographiques des conductions nerveuses motrices et sensitives et de de´tection aux quatre membres Electroneuromyography studies: motor and sensory nerve conduction with needle electromyography in the four limbs Re´sultats Conduction nerveuse motrice Nerf Me´dian (D/G) LDM (ms) Amplitude du PEM (mV) VCM (m/s)
Particularite´s
4,3/4,3 7,7/6,9 33,7/33
BC
Nerf Cubital (D/G) LDM (ms) Amplitude du PEM (ms) VCM (m/s)
2,4/3,3 3,9/4,3 38,2/41,2
Nerf SPE (D/G) Nerf SPI (D/G)
Aucun potentiel enregistrable sur les pe´dieux Aucun potentiel enregistrable sur les plantaire internes
Conduction nerveuse sensitive Nerf me´dian (D/G) Amplitude (yV) VCS (m/s)
Limites normales
3,5 5 50
3 5 50
7,3/5 44,1/40,3
15 50
Nerf radial (D/G) Amplitude (yV) VCS (m/s)
7,3/8 41,6/40,9
10 40
Nerfs suraux et musculocutane´s (D/G)
Aucun potentiel enregistrable
De´tection a` l’aiguille Muscles jambiers ante´rieurs D/G Pe´dieux Jumeaux externes Premiers interosseux dorsaux (mains) 0
AS F++ F++ F+
AV 0 0 trace´s simples trace´s interfe´rentiels
E´tude du re´flexe H (Sole´aire) Re´flexe H Droit : non enregistrable Latence H gauche : 63,80 ms LDM : latence distale motrice ; PEM : potentiel e´voque´ moteur ; BC : bloc de conduction, VCM : vitesse de conduction motrice ; VCS : vitesse de conduction sensitive ; D/G : droit/gauche ; F : fibrillations ; AS : activite´ spontane´e ; AV : activite´ volontaire ; 0 : aucune activite´.
oste´olytique. Les autres manifestations pre´sentes chez ce patient sont, en revanche, habituelles dans le syndrome POEMS. La neuropathie pe´riphe´rique, qui est un signe constant, est souvent re´ve´latrice (Delalande et al., 2002 ; Vital et al., 2006 ; Lagueny et al., 2004 ; Caswel et al., 2006). Il s’agit ge´ne´ralement d’une neuropathie sensitivomotrice syme´trique et ascendante, e´voluant habituellement de manie`re progressive (Dispenzieri et al., 2003 ; Lagueny et al., 2004 ; Weimer et al., 2006). Elle de´bute par des troubles sensitifs des extre´mite´s a` type de paresthe´sies ou de dysesthe´sies avec hypoesthe´sie a` tous les modes « en gants » et « en chaussettes » (Dispenzieri, 2005 ; Caswel et al., 2006). Le de´ficit moteur apparaıˆt secondairement et aboutit a` un e´tat grabataire chez 50 % des patients (Lagueny et al., 2004). La ponction lombaire met en e´vidence de fac¸on quasi constante une dissociation albuminocytologique et peut retrouver une IgG monoclonale (Lagueny et al., 2004). L’e´tude e´lectrophysiologique montre, comme dans cette observation, des signes de de´mye´linisation ge´ne´ralement associe´s a` des signes d’atteinte axonale simulant une polyradiculone´vrite (type PRNC) avec deux particularite´s (Lagueny et al., 2004 ; Dispenzieri, 2005 ; Caswel et al., 2006) : d’une part, les anomalies de la conduction nerveuse affectent de manie`re plus fre´quente et plus se´ve`re les membres infe´rieurs ; et d’autre part, ces anomalies sie`gent le plus souvent sur le segment interme´diaire du nerf (Min et al.,
2005). L’e´tude histopathologique retrouve un aspect de neuropathie mixte, de´mye´linisante et axonale, fre´quemment accompagne´e d’une importante rare´faction des fibres mye´linise´es (Dispenzieri, 2005 ; Weimer et al., 2006). Des lamelles de mye´lines non compactes ont e´te´ observe´es au cours du POEMS syndrome, avec une fre´quence allant de 1 a` 16 % des fibres mye´linise´es. Elles correspondent a` des fragments du mesaxone qui ne sont ni aplatis ni compacte´s et qui doivent eˆtre au moins au nombre de trois et visibles au moins sur une demicirconfe´rence autour de l’axone (Vital et al., 2006 ; Lagueny et al., 2004 ; Dispenzieri, 2005). La prolife´ration lymphoplasmocytaire monoclonale est un crite`re indispensable au diagnostic (Dispenzieri et al., 2003). Dans 75 a` 85 % des cas, il s’agit d’une gammapathie monoclonale, le plus souvent de type IgG ou IgA avec une chaıˆne le´ge`re de type Lambda comme chez ce patient (Nakanishi et al., 1984 ; Soubrier et al., 1994 ; Delalande et al., 2002 ; Dispenzieri, 2005 ; Dispenzieri et al., 2003 ; Caswel et al., 2006 ; Weimer et al., 2006). Une gammapathie biclonale ou polyclonale a de´ja` e´te´ rapporte´e (Delalande et al., 2002). Les signes cutane´s sont tre`s fre´quents et peuvent pre´ce´der l’apparition de la neuropathie (Lagueny et al., 2004). Il s’agit habituellement de la me´lanodermie diffuse (93 %), l’infiltration sclerodermiforme de la peau (85 %), l’hypertrichose (78 %) (Dereure et al., 1990 ; Kanitakis et al., 1998 ; Caswel et al., 2006 ;
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Weimer et al., 2006). Outre ces signes, ce patient pre´sentait des he´mangiomes glome´ruloı¨des, qui sont des le´sions cutane´es caracte´ristiques, mais rares, au cours de ce syndrome. Ce sont des le´sions dermiques papulonodulaires rouge pourpre, fermes, en forme de doˆmes, multiples, sie´geant pre´fe´rentiellement sur le tronc, la partie proximale des membres et les doigts (Velez et al., 2005 ; Weimer et al., 2006). Ces le´sions sont forme´es d’espaces vasculaires contenant des vaisseaux congestifs, ressemblant ainsi a` un glome´rule re´nal. Sur le plan histologique, ces le´sions correspondent a` des cellules endothe´liales (de type capillaire et sinusoı¨dal) globuleuses, ressemblant a` un glome´rule re´nal, situe´es an niveau des capillaires ectasie´s. Ces cellules contiennent des inclusions PAS+ correspondant a` des sections d’immunoglobulines (Kappa et Lambda). Ces angiomes glome´ruloı¨des peuvent eˆtre re´ve´lateurs de la maladie (Velez et al., 2005). Les le´sions osseuses sont pre´sentes dans 54 a` 97 % des cas et peuvent eˆtre uniques ou multiples (Dispenzieri et al., 2003 ; Dispenzieri, 2005). Elles sont typiquement oste´ocondensantes ou mixtes (Dispenzieri, 2005 ; Caswel et al., 2006). Les le´sions osseuses purement lytiques, comme chez ce patient, restent exceptionnelles (Mahieux et al., 1991 ; Tuite and Bril, 1997 ; Delalande et al., 2002). L’œde`me papillaire pre´sent chez ce patient constitue une autre manifestation du POEMS syndrome, retrouve´ dans 29 a` 68 % des cas. Il peut eˆtre asymptomatique ou se manifester par des ce´phale´es, une baisse de l’acuite´ visuelle, des troubles de la vision nocturne, un scotome ou un re´tre´cissement du champ visuel. C’est un signe pre´coce et peut eˆtre re´ve´lateur de la maladie (Dispenzieri et al., 2003 ; Lagueny et al., 2004). La pathoge´nie POEMS syndrome reste encore mal e´lucide´e (Jaccard et al., 2002 ; Dispenzieri et al., 2003 ; Vital et al., 2006 ; Dispenzieri, 2005 ; Dogan et al., 2005 ; Santoro et al., 2006 ; Caswel et al., 2006). Une hyperproduction de l’interleukine IL-6 pourrait eˆtre implique´e dans l’apparition de la plupart des manifestations syste´miques et notamment la neuropathie (Kang et al., 2003). Elle induit la production du VGEF qui est spe´cifiquement e´leve´ au cours du syndrome POEMS (Imai et al., 2005 ; Kuwabara et al., 2006 ; Dyck et al., 2006). Elle est conside´re´e actuellement comme le principal facteur pathoge`ne de l’affection. Ses conse´quences sont une oblite´ration arte´riolaire par prolife´ration des cellules endothe´liales (Baba et al., 2004 ; Imai et al., 2005 ; Scarlato et al., 2005), un syndrome œde´mateux par augmentation de la perme´abilite´ vasculaire et enfin un œde`me pe´rineural favorisant l’atteinte axonale par augmentation de la perme´abilite´ des petits vaisseaux (Kang et al., 2003 ; Dispenzieri, 2005). Le traitement du POEMS syndrome est multidisciplinaire (Lagueny et al., 2004 ; Scarlato et al., 2005 ; Dyck et al., 2006 ; Caswel et al., 2006). Aucune strate´gie the´rapeutique n’est standardise´e (Dispenzieri et al., 2004 ; Dogan et al., 2005 ; Dispenzieri, 2005 ; Caswel et al., 2006). L’irradiation et/ou la cure chirurgicale du plasmocytome solitaire semblent eˆtre efficaces et peuvent conduire a` une re´mission totale, surtout pour la neuropathie (Soubrier et al., 1994 ; Delalande et al., 2002 ; Dispenzieri et al., 2003 ; Dispenzieri, 2005 ; Caswel et al., 2006). Une chimiothe´rapie comportant un agent alkylant est indique´e dans les formes radiore´sistantes ou multiples (Caswel et al., 2006). La corticothe´rapie, associe´e ou non aux immunosuppresseurs (cyclophosphamide, azathioprine)
semble ame´liorer l’alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral et transitoirement la neuropathie (Rose et al., 1997). Les e´changes plasmatiques et les immunoglobulines intraveineuses se sont ave´re´s inefficaces dans le traitement de la neuropathie (Dispenzieri et al., 2003 ; Lagueny et al., 2004 ; Dispenzieri, 2005 ; Caswel et al., 2006). L’autogreffe des cellules souches he´matopoı¨e´tiques apre`s radiothe´rapie ou chimiothe´rapie intense a permis des ame´liorations spectaculaires dans certaines formes re´fractaires aux autres traitements (Wiesmann et al., 2002). D’autres the´rapeutiques (interfe´ron, tamoxife`ne, acide transre´tinoı¨que, strontum-89, thalidomide, le´nolidomide, etc.) sont en cours d’essai. De manie`re ge´ne´rale, le pronostic reste sombre (Dispenzieri, 2005 ; Dogan et al., 2005). La survie a` cinq ans est estime´e a` 60 %, avec une moyenne de survie de 12 a` 33 mois (Nakanishi et al., 1984 ; Delalande et al., 2002 ; Dispenzieri, 2005). Les signes de mauvais pronostic sont la pre´sence d’un hippocratisme digital, les œde`mes, l’atteinte cardiorespiratoire et l’atteinte re´nale (Dispenzieri, 2005), alors qu’une bonne re´ponse the´rapeutique assure une survie prolonge´e (Lagueny et al., 2004).
4.
Conclusion
Le diagnostic du syndrome POEMS, affection tre`s rare, doit eˆtre e´voque´ devant des signes obligatoires (polyneuropathie, gammapathie) ou caracte´ristiques (he´mangiomes glome´ruloı¨des) et faire rechercher une le´sion osseuse, meˆme atypique, dont le traitement peut ame´liorer tous les symptoˆmes.
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