C. R. Acad. Sci. Paris, t. 325, SCrie II 6, p. 15-20, 1997 Syrfaces, interfaces, films/Surfaces, interfaces, films (Electrochimie et photochimie/Electrochemistry and photochemistry)
Polarisabilitk chargee
d’une
double-couche
Emmanuel TFUZAC et Jean-Pierre HANSEN Laboratoire de Physique, URA 69364 Lyon cedex 07, France. E-mail : etrizac@physique,ens-lyon.fr
R&urn&
Abridged
1325,
kkole
Normale
Supkieure
de
Lyon,
46,
allke
d’Italie,
La reponse d’une double-coucheionique entourantune membraneplane chargeeest obtenuedansle cadre de l’approximation de Poisson-Boltzmann.La membraneest plongeedansune solutionioniqueen Cquilibreavecun reservoirde sel.Le mCcanisme de la polarisabiliteest discute,et dansle casd’unemembraneimpermeableaux ions,le momentdipolaireinduit est de signeopposeau champapplique. Mots cl&s: double-coucheelectrique/ polarisabilite/ theoriede Poisson-Boltzmann
Polarizability Abstract.
CNRS
of an electric
double-layer
The response of the double-layer around a planar charged membrane to an external static electric field, is obtained within the Poisson-Boltzmann approximation. The membrane is immersed in an ionic solution in equilibrium with a salt reservoir The polarization mechanism is discussed and in the case of a membrane impermeable to ions, the induced dipole is found to be qf opposite direction to the applied field. Keywords: electric double-layer Ipolarizability / Poisson-Boltzmann theory
English
Version
The problem of the electronic polarizability of molecules is well understood. In this note we address the question of an ionic polarizability. The main difference between the two phenomena lies in the fact that molecules are separated by a vacuum, whereas polyions and their associated double-layers are immersed in a conducting medium. Any external field is consequently screened and no polarization can be observed. However, we shall prove that the electric double-layer around an infinite charged planar membrane can acquire a dipole moment, provided that the membrane is impermeable to ions. The
situation is represented injgure 1: a membrane carrying a given surface charge g is immersed with its counterions in a monovalent ionic solution. The system is placed between the electrodes of a capacitor with surface charge f gC, which fixes the ‘external’ field that would exist in the absence of the membrane and salt (E,,, = 4 no, la). The problem reduces to that of a membrane carrying Note prksentkepar Philippe NOZI~:RES. 1251.8069/97/03250015
0 AcadCmie
des SciencesMsevier,
Paris
15
E. Trizac
et J.-P.
Hansen
effective charges g< and (T, on its two faces, in the absence of external field: 0, = o/2 + o’c and mean field assumption, and in the weak overlap a< = a/2 - a,. Within the Poisson-Boltzmann approximation, where the Debye length & 4 d (distance between the electrodes), the electrostatic potential is given by equation (6). The double-layers in the two slabs (left g and right 6) are characterized by different Gouy lengths b < = el( 2 xe, a< ) and b > = el( 2 nt, a, ) (where EB = e2 /(&kg T) is the Bjerrum length), but share the same screening length ,&. The dipolar moment of the overall ionic distribution is shown to be related to the discontinuity of the electrostatic potential across the membrane according to:
P=~largth(l?>)-argth(y<)l B where the parameters 7, and y< quantify the strength of the c-potential via equation (7). It follows from equation (7) and the definition of the Gouy lengths b, and b, that p B,, < 0: the ionic polarizability is negative, unlike its electronic counterpart. For strong fields, the induced dipole diverges logarithmically. The polarization length L characterizing the linear response to low values of Eext is found to be
which is of the order of the smaller of the Debye length and the Gouy length b, = e/( ntB a ) associated with the isolated membrane (a, = 0). Figure 2 shows the variation of p with E,,, for different values of the ratio b, /A,. In the limit of vanishing salt concentration, the ionic distribution can no longer respond to electric fields higher than the critical value E’ = 2 n 1al/a. For E,,, = f EC, one of the effective charges vanishes (a, a, = 0) and the induced dipole diverges (see jig. 2).
The observed static polarizability stems from the impossibility for the ions to redistribute themselves between the two slabs; it no longer makes sense for permeable or finite-size membranes.
Sous l’action d’un champ Clectrique statique applique E,, la distribution tlectronique d’une molecule se deforme et donne naissance a un moment dipolaire induit, p, qui s’ajoute a un eventuel moment dipolaire permanent. C’est le phenomene bien connu de polarisabilite Clectronique. Pour un champ faible, p=&E
ext
(1)
oti E est le tenseur de polarisabilite, qui se reduit a un scalaire cx pour des molecules spheriques ; CYest positif c’est-a-dire que p et E,, sont paralleles et de mCme sens. Par analogie, on peut se demander s’il existe une polarisabilite ionique caracterisant la reponse a un champ applique d’une double-couche chargee constituee de co- et de contre-ions au voisinage de la surface d’un polyion globulaire (par exemple une particule colloldale) ou lamellaire (une membrane ou une plaquette d’argile par exemple). Au-deli d’une analogie superficielle, il existe des differences fondamentales entre polarisabilite electronique, dont la dimension caracteristique est l’angstrom au cube, et 16
Polarisabilit6
d’une
double-couche
polarisabilite ionique, dont I’ordre de grandeur devrait etre, a priori, gouvernt par la longueur de Debye AD. La polarisabilite Clectronique est de nature quantique, et fait intervenir les etats Clectroniques lies, alors que la distribution d’ions est regie par la mecanique statistique classique et ne comporte done pas d’etats a proprement parler lies, m&me si le concept de <>s’avere utile, surtout dans le cas de polyelectrolytes lineaires (Manning, 1969 ; Barrat et Joanny, 1996). Toutefois, la difference essentielle reside dans le fait que les molecules sont separees par le vide (le recouvrement des orbitales tlectroniques de molecules voisines est gtneralement negligeable), alors que les polyions et leurs double-couches associees sont plonges dans un milieu conducteur (solution ionique). Darts ces conditions, tout champ Clectrique applique est totalement &rant& et ne peut done pas agir directement sur une double-couche chargee mtsoscopique, placee dans la solution ionique. Dans cette Note, nous allons neanmoins montrer qu’une polarisation ionique a une signification precise dans le cas d’une geometric unidimensionnelle simple, a savoir une membrane plane char-gee d’extension infinie. La situation est schematiquement representee sur lajgure I : la membrane plane portant une densite de charge surfacique g fixee, est plongee dans une solution ionique en Cquilibre avec un reservoir de concentration en se1 IZ,. Le tout est place dans un condensateur, dont les armatures, pat-alleles 2 la membrane, portent des densites de charge surfacique f a,. L’axe Oz est choisi suivant la not-male aux trois plans, la membrane &ant en z = 0 et les armatures en k d. Designons par p+ (z) et p- (z) les profils de densite de cations et d’anions. Le profil de densitt de charge est defini par ep,( z ) = e [ p + ( z ) - p- ( z ) 1. Lorsque uc = 0, l’electroneutralite des compartiments <( gauche )> g et <
0 p,(z)
dz=e
s 0
s -d
p,(z)
dz=-;
(2)
Ces conditions restent verifites lorsque oc z 0 (armatures chargees), si la membrane est impermeable aux ions : le reservoir ne peut en effet fournir qu’une charge totale nulle. En appliquant le theoreme de Gauss au tube ( F ) d’axe Oz et de section unite indique sur la Jigwe I, ainsi qu’au tube
Fig. 1. - Reprhentation Fig. 1. -
Representation
de la membrane of the membrane
placke
entre
between
les armatures
du condensateur.
the electrodes
of the capacitor.
17
E. Trizac
et J.-P. Hansen
symttrique dans le compartiment g, on obtient les valeurs du champ Clectrique immediatement droite (z = 0’) et a gauche (z = O- ) de la membrane :
E(0’) =tya+Eexl
a
(3)
oti Eext= 4 no, /E serait le champ & l’interieur
du condensateur en l’absence de membrane et de se1 (E est la constante dielectrique du solvant). Dans ces conditions, les c&es droit et gauche de la membrane peuvent etre consider& comme des electrodes metalliques portant des densites de charge effectives r7, =a/2+uc et 0, =a12-ac,, en I’absence de champ applique. Pour un se1 monovalent, le potentiel Clectrique sans dimension @(z ) = eq( z )I( k, T) vCrifie l’equation de Poisson-Boltzmann (approximation de champ moyen)
G”(z) = - $-$$p,(z)
= AL2 sinh [@(z)]
(4)
oil AD=(87tn,e,)-“2
est la longueur de Debye, et e, = e2 /(&a T) est la longueur de Bjerrum. I1 faut rtsoudre l’equation differentielle separement dans les deux compartiments g et d. Le potentiel Clectrochimique des ions est le mCme dans tout le systeme, de telle sorte que la longueur d’ecran &, est la mEme dans les deux compartiments. Le probleme ainsi pose est celui de deux plans infinis paralleles distants de d, portant des densites de charge surfacique (a,, (T, = o/2 - a,. (g)), et (0, = a/2 + a0 - ac (d)), en presence de se1 a la concentration 12,. Si d >> An, on peut negliger le recouvrement des double-couches associees aux deux plans, et la solution s’approxime par la superposition des profils des deux double-couches isolees (correspondant a la limite d -+ -). Comme on s’interesse a la polarisation de la distribution de charge autour de la membrane centrale, les conditions aux limites a imposer pour la resolution de (4) sont (compartiment de droite) :
$‘.(z=o+)=-& lim$,(z) L-3==
(5.1)
> =0
(5.2)
oh b , = el( 2 &‘a a, ) est la longueur de Gouy (Gouy, 1910). Des conditions
symetriques doivent
etre imposees a gauche. La solution classique est de la forme :
@,(z)=-210g oi3 le coefficient y, est la racine de l’equation
I+ y, exp(-z/b) [ 1 - 7, exp(- z/AD)
1
(6)
du second degre suivante :
dont la valeur absolue est inferieure a 1. La longueur d’ecran 1, est la meme de part et d’autre de la membrane car le potentiel Clectrochimique des ions est le mCme dans les compartiments d et g. Le profil de densite de charge p,(z) s’obtient en reportant la solution (6) dans le membre de droite de
18
PolarisabilitC
d’une
double-couche
(4) ; il tend exponentiellement vets 0 pour z > i,,. La solution a gauche de la membrane est similaire en remplaGant y, par y< (solution de l’equation (7) avec b, remplaqant b,), et z par - 2. Le moment dipolaire induit par unite de surface de la membrane se calcule a partir des profils pt’ et P,’ :
-U 0
p
=
e
zp:(z>
-cs
ZP,‘(Z> dz
dz+ s
= &-p<(z=o-
0
>-@.(z=O')l
I (8)
La seconde ligne de cette equation se deduit de la premiere a l’aide d’une integration par parties et de l’equation de Poisson-Boltzmann (4) : le moment dipolaire induit est lie a la discontinuite du potentiel electrique a travers la membrane supposee impermeable aux ions. En reportant la solution (6) et la solution correspondante pour le compartiment de gauche, il vient :
P=$-b-wh ( r.>-=-g~(IJ.)l B
(9)
On peut verifier que ( y < - y , ) E,,, > 0, en consequence de quoi p . E, < 0. Le moment dipolaire induit est ainsi orient6 dans le sens oppose au champ applique. E,, (contrairement au cas de la polarisation Clectronique des molecules). Pour les champs forts, le moment dipolaire diverge logarithmiquement. On retrouve le rkgime de reponse lirkaire lorsque CT~est petit devant 0 (champ E,,, faible) ; un developpement limit6 du membre de droite de l’equation (9) donne la relation lineaire suivante entre p et E,,, : (10)
P = a Eext
oti la polarisabilite
negative par unite de surface est donnee par :
(11) b, = e/( rte, a) est la longueur
de Gouy associee a la membrane correspondante de (7). La longueur caracteristique de la polarisabilitC L=&J~1+(&,lb,)2
isolee, et y0 est la solution ionique en champ faible est : (12)
qui est de l’ordre de la plus petite des longueurs de Debye et de Gouy. Des exemples de la variation de en fonction de E,,, sont represent& sur la Jigure 2 pour differentes valeurs du rapport b, I&,. Dans la limite n, = 0, le profil de densite de charge associe a une double-couche ne decroit plus exponentiellement vers 0, mais algebriquement : p,( z ) 0~ 1k2. Par consequent, le moment dipolaire dcduit de (8) n’est pas defini. Neanmoins, tant que IE,,,I < E’ = 2 TC~(T~/E,l’expression (9) n’est pas singuliere pour IZ, -+ 0. Dans cette limite des grandes longueurs de Debye,
p
pnsso
- -&
argth
2 ;, ( -
E,,,)
(13)
19
E. Trizac
et J.-P. Hansen
3
Fig. 2. -Variations
du moment dipolaire b, /A,. La ligne
Fig. 2. - Variations
p en fonction du champ extkieur en pointilk% correspond ?I la limite
appliqd E,,, pour trois n, + 0 (1, + -).
of the dipolar moment p with the external jield E, for three The dotted line shows the case n, + 0 (h, A -).
values
valeurs
of the ratio
du rapport b,A,
Le champ critique EC correspond au cas oti une des deux charges effectives o, ou IT, s’annule. La double-couche correspondante est G dCcrochCe >j et disparait. Seule subsiste la double-couche situCe du c8tC opposC et dont la contribution B p est divergente. Notons que lorsque la membrane est permkable aux ions, les profils de densit p*(z), et par conskquent le potentiel G(z), doivent Ctre continus en z = 0 : il s’ensuit que la polarisabilitk est toujours nulle, quel que soit E,,,. La polarisation observke dans le cas d’une membrane impern-kable aux ions rksulte de l’impossibilitk des ions Zt se redistribuer entre les deux compartiments (6) et (g ) lorsque gc (et done E,,) f 0. Cette <>,traduite par la relation (2), n’est plus possible lorsque la membrane est de taille finie, et la polarisabilitk statique de la distribution ionique autour d’une telle membrane est alors toujours nulle. NCanmoins, on peut imaginer qu’en rCgime alternatif, caractCrisC par une charge gc sur les armatures variant pkriodiquement au tours du temps, la polarisabilitC dynamique puisse &tre non nulle lorsque le temps de diffusion lattrale des ions (parall&lement g la surface de la membrane) est nettement plus long que le temps de diffusion transversale. Note
remise le 5 mai 1997, accepde le 12 mai 1997. RCf&ences bibliographiques
Barrat J. Gouy M., Manning Phys.,
20
L., Joanny J. F., 1996. Theory of polyelectrolyte solutions, Adv. Chem. Phys., 94, p. l-66. 1910. Sur la constitution de la charge tlectrique k la surface d’un Clectrolyte, J. Phys., 9, p. 457-468. G. S., 1969. Limiting laws and counterion condensation in polyelectrolyte solutions I. Colligative properties, 51, p. 924-933.
J. Chem.