Annales de pathologie (2016) 36, 1—4
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ÉDITORIAL
Pourquoi une nouvelle classification histomoléculaire des tumeurs pulmonaires en 2015 ? Why proposing a new histomolecular classification of lung cancers in 2015?
La notion de classification histomoléculaire des cancers pulmonaires est apparue avec la classification OMS de 2004 des tumeurs pulmonaires [1], qui a coïncidé avec la première publication des mutations de l’EGFR dans les adénocarcinomes, conférant à ces tumeurs mutées une sensibilité aux inhibiteurs de tyrosine kinase tels que l’erlotinib et le géfitinib. Depuis de nouveaux médicaments ont fait leur apparition, certains recommandés dans les carcinomes non épidermoïdes comme le prémetrexed ou le bévacizumab, impliquant donc pour les pathologistes de bien distinguer adénocarcinomes et carcinomes malpighiens notamment sur prélèvements biopsiques ou cytologiques, qui représentent 80 % des prélèvements. D’autres anomalies moléculaires ciblées par des inhibiteurs spécifiques de récepteurs de type tyrosine kinase ont également été découvertes comme les réarrangements des gènes ALK et ROS1, d’où la nécessité d’établir une nouvelle classification histomoléculaire des cancers pulmonaires. Cette nouvelle classification 2015 [2] (Tableau 1) a donc pris le parti d’intégrer de nouvelles recommandations sur la gestion des petits prélèvements et sur les terminologies à adopter sur biopsies et prélèvements cytologiques (Tableau 2) ; elle recommande aussi de limiter autant que faire se peut le diagnostic de carcinome à grandes cellules, peu informatif pour les cliniciens et vis-à-vis des indications de testing moléculaire. Elle a pour objectif d’aider les pathologistes à mieux sous-typer les tumeurs et recommande l’utilisation sur biopsies et sur pièces opératoires d’un panel d’immunomarquages, basé essentiellement sur l’utilisation des anticorps anti-TTF1 et anti-P40. Cette nouvelle classification s’est beaucoup inspirée concernant les adénocarcinomes et les terminologies sur petits prélèvements, des travaux effectués sous l’égide de l’ATS/ERS/IASLC en 2011 [3]. Elle propose désormais d’intégrer les carcinomes basaloïdes dans la catégorie des carcinomes malpighiens comme variant de mauvais pronostic et consacre un chapitre à part aux tumeurs neuro-endocrines comportant les carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules et les carcinomes à petites cellules comme tumeurs de haut grade de malignité et les tumeurs carcinoïdes. D’autres modifications concernent les hémangiomes sclérosants, devenus les pneumocytomes sclérosants, les PEComes, les sarcomes myxoïdes pulmonaires, les hémangioendothéliomes épithélioïdes, ou encore la maladie d’Erdheim-Chester, mais nous avons choisi de consacrer ce numéro spécial aux carcinomes pulmonaires, qui représentent l’immense majorité des tumeurs diagnostiquées en pratique courante.
http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2015.11.009 0242-6498/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Éditorial Tableau 1 naires.
Classification OMS 2015 des tumeurs pulmo-
Tumeurs épithéliales Adénocarcinome Adénocarcinome lépidiquea Adénocarcinome acinaire Adénocarcinome papillaire Adénocarcinome micropapillairea Adénocarcinome solide Adénocarcinome invasif mucineuxa Adénocarcinome invasif mucineux et non mucineux mixte Adénocarcinome colloïde Adénocarcinome fœtal Adénocarcinome entériquea Adénocarcinome avec invasion minimea Non mucineux Mucineux Lésions pré-invasives Hyperplasie adénomateuse atypique Adénocarcinome in situa Non mucineux Mucineux Carcinome malpighien (ou épidermoïde) Carcinome malpighien kératinisanta Carcinome malpighien non kératinisanta Carcinome malpighien basaloïdea Lésion pré-invasive Carcinome malpighien in situ Tumeurs neuro-endocrines Carcinome à petites cellules Carcinome à petites cellules composite Carcinome neuro-endocrine à grandes cellules Carcinome neuro-endocrine à grandes cellules composite Tumeurs carcinoïdes Tumeur carcinoïde typique Tumeur carcinoïde atypique Lésion pré-invasive Hyperplasie neuro-endocrine diffuse pulmonaire idiopathique
(Suite)
Types et sous-types histologiques
2015 WHO classification of lung tumors.
Types et sous-types histologiques
Tableau 1
Code ICDO 8140/3 8250/3b 8551/3b 8260/3 8265/3 8230/3 8253/3b 8254/3b 8480/3 8333/3 8144/3 8250/2b 8257/3b 8250/0
b
8410/2 8253/2 8070/3 8071/3 8072/3 8083/3 8070/2 8041/3 8045/3 8013/3 8013/3
8240/3 8249/3 8040/0b
Carcinome à grandes cellules
8012/3
Carcinome adénosquameux
8560/3
Carcinomes sarcomatoïdes Carcinome pléomorphe Carcinome à cellules fusiformes Carcinome à cellules géantes Carcinosarcome Blastome pulmonaire
8022/3 8032/3 8031/3 8980/3 8972/3
Autres carcinomes et carcinomes inclassés Carcinome lymphoepithelioma-like Carcinome avec réarrangement NUTa
8082/3 8023/3b
Tumeurs de type glandes salivaires Carcinome mucoépidermoïde
8430/3
Carcinome adénoïde kystique Carcinome épithélial-myoépithélial Adénome pléomorphe Papillomes Papillome malpighien Exophytique Inversé Papillome glandulaire Papillome mixte malpighien et glandulaire Adénomes Pneumocytome sclérosanta Adénome alvéolaire Adénome papillaire Cystadénome mucineux Adénome des glandes muqueuses Tumeurs mésenchymateuses Hamartome pulmonaire Chondrome PEComesa Lymphangioléiomyomatose PECome bénina Clear cell tumor PECome malina Tumeur myofibroblastique congénitale péribronchique Lymphangiomatose diffuse pulmonaire Tumeur myofibroblastique Inflammatoire Hémangioendothéliome épithélioïde Blastome pleuropulmonaire Synovialo-sarcome Sarcome intimal d’artère pulmonaire Sarcome myxoïde pulmonaire avec translocation EWSR1-CREB1a Tumeurs myoépithélialesa Myoépithéliome Carcinome myoépithélial Tumeurs lymphohistiocytiques Lymphomes extra-ganglionnaire de la zone marginale du MALT Lymphome diffus à grandes cellules Granulomatose lymphomatoïde Lymphome intravasculaire diffus à grandes cellulesa Histiocytose pulmonaire langerhansienne Maladie d’Erdheim-Chester Tumeurs d’origine ectopique Tumeurs germinales Tératome, mature Tératome, immature Thymome intrapulmonaire Mélanome Méningiome, NOS
Code ICDO 8200/3 8562/3 8940/0 8052/0 8052/0 8053/0 8260/0 8560/0
8832/0 8251/0 8260/0 8470/0 8480/0 8992/0 9220/0 9174/1 8714/0 8005/0 8714/3 8827/1
8825/1 9133/3 8973/3 9040/3 9137/3 8842/3b
8982/0 8982/3 9699/3 9680/3 9766/1 9712/3 9751/1 9750/1
9080/0 9080/1 8580/3 8270/3 9530/0
a Nouveaux termes ou termes modifiés depuis la classification OMS 2004. b Nouveaux codes ICDO approuvés par le IARC/WHO Committee for ICD-O.
Pourquoi une nouvelle classification histomoléculaire des tumeurs pulmonaires en 2015 ? Tableau 2 Terminologie pour les adénocarcinomes, carcinomes malpighiens et carcinomes non à petites cellules sur biopsies et cytologies en comparaison à celle sur pièces opératoires. Terminology and criteria for adenocarcinoma, squamous cell carcinoma, non-small cell carcinoma — not otherwise specified, small cell carcinoma, large cell neuroendocrine carcinoma, adenosquamous carcinoma and sarcomatoid carcinoma in small biopsies and cytology compared to terms in resection specimens.
Terminologie sur biopsies/cytologies
Morphologie/colorations spéciales
Classification OMS 2015 sur pièces opératoires
Adénocarcinome (décrire les architectures)
Morphologie d’adénocarcinome
Adénocarcinome Architectures Lépidique Acinaire Papillaire Solide Micropapillaire Adénocarcinome avec invasion minime, adénocarcinome in situ, adénocarcinome invasif avec architecture lépidique
Adénocarcinome avec architecture lépidique (si pure, préciser que sur petits prélèvements, on ne peut exclure à un adénocarcinome invasif) Adénocarcinome invasif mucineux (décrire les architectures ; utiliser le terme d’adénocarcinome mucineux avec architecture lépidique si architecture lépidique pure sur petits prélèvements) Adénocarcinome colloïde Adénocarcinome fœtal Adénocarcinome de type entérique
Adénocarcinome invasif mucineux
Adénocarcinome colloïde Adénocarcinome fœtal Adénocarcinome de type entérique
Carcinome non à petites cellules, en faveur d’un adénocarcinome
Pas de morphologie d’adénocarcinome mais IHC TTF1 (napsine A) positive
Adénocarcinome d’architecture solide
Carcinome malpighien (ou épidermoïde)
Morphologie évidente (ponts d’union, kératinisation)
Carcinome malpighien (ou épidermoïde)
Carcinome non à petites cellules, en faveur d’un carcinome malpighien
Carcinome non à petites cellules avec p40 positif
Carcinome malpighien
Carcinome non à petites cellules sans spécification (« NSCC-NOS »)
Absence de morphologie glandulaire, malpighienne ou NE ; P40 et TTF1 négatifs, marqueurs NE négatifs ou TTF1 et P40 positifs
Carcinome à grandes cellules
Carcinome à petites cellules
Morphologie et expression marqueurs NE et TTF1
Carcinome à petites cellules
Carcinome non à petites cellules avec morphologie NE : carcinome NE à grandes cellules possible
Marqueurs NE positifs
Carcinome NE à grandes cellules
Carcinome non à petites cellules avec morphologie NE, mais sans confirmation par IHC : suspicion de carcinome NE à grandes cellules
Marqueurs NE négatifs
Carcinome non à petites cellules avec morphologie NE, mais sans confirmation par IHC : suspicion de Carcinome NE à grandes cellules
Carcinome non à petites cellules avec contingents glandulaire et malpighien : suspicion de carcinome adénosquameux
Carcinome adénosquameux si chaque contingent glandulaire et malpighien représente plus de 10 %
Carcinome non à petites cellules avec contingent à cellules géantes ou fusiformes (mentionner si contingent glandulaire ou malpighien est aussi présent)
Carcinome sarcomatoïde pléomorphe, à cellules géantes et/ou fusiformes
3
4 Seront donc traités sur le plan histomoléculaire et en y incluant les recommandations terminologiques sur petits prélèvements, les adénocarcinomes pulmonaires et leurs prénéoplasies, les carcinomes malpighiens et leurs prénéoplasies, les tumeurs neuro-endocrines et leurs prénéoplasies, les carcinomes à grandes cellules dont le carcinome NUT réarrangé, les carcinomes sarcomatoïdes et les carcinomes de type glandes salivaires. Les pathologistes étant de plus en plus impliqués dans le théranostic des tumeurs, nous avons souhaité, en complément de ces chapitres inspirés de la nouvelle classification OMS 2015, connaître le point de vue des cliniciens sur les nouvelles thérapies ciblées proposées en oncologie thoracique, et faire le point sur la stratégie de testing moléculaire dans les cancers du poumon, sur les apports du NGS et sur l’intérêt des « biopsies liquides ». Enfin, nous avons également choisi pour aider les pathologistes à répondre aux sollicitations grandissantes des cliniciens, d’aborder l’évaluation du statut PD-L1 dans les cancers du poumon.
Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Éditorial
Références [1] Travis WD, Brambilla E, Müller-Hermelink HK, Harris CC. Pathology and genetics: tumours of the lung, pleura, thymus and heart. Lyon: IARC; 2004. [2] Travis WD, Brambilla E, Burke AP, Marx A, Nicholson AG. WHO classification of tumours of the lung, pleura, thymus and heart. Lyon: International Agency for Research on Cancer; 2015. [3] Travis WD, Brambilla E, Noguchi M, Geisinger KR, Beer D, Powell CA, et al. The new IASLC/ATS/ERS international multidisciplinary lung adenocarcinoma classification. J Thorac Oncol 2011;6:244—85.
Pr Sylvie Lantuejoul a,∗,b a
Département de biopathologie, MESOPATH, centre Léon-Bérard, 28, rue Laënnec, 69008 Lyon, France b Inserm U823, institut Albert-Bonniot, université Joseph-Fourier, Grenoble, France ∗ Correspondance.
Adresse e-mail :
[email protected] Disponible sur Internet le 30 d´ ecembre 2015