Prévalence des infections à Helicobacter pylori au cours de la maladie de Raynaud

Prévalence des infections à Helicobacter pylori au cours de la maladie de Raynaud

La Revue de médecine interne 27 (2006) 736–741 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Article original Prévalence des infections à Helicobacter p...

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La Revue de médecine interne 27 (2006) 736–741 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

Article original

Prévalence des infections à Helicobacter pylori au cours de la maladie de Raynaud Helicobacter pylori prevalence in Raynaud’s disease F. Hervéa, N. Cailleuxa, Y. Benhamoua, P. Ducrottéb, J.-F. Lemelandc, P. Denisd I Mariea, H. Lévesquea,e,* a

Département de médecine interne, CHU de Rouen-Boisguillaume, 76031 Rouen cedex, France b Policlinique médicale, CHU de Rouen, 76031 Rouen cedex, France c Laboratoire de bactériologie, CHU de Rouen, 76031 Rouen cedex, France d Laboratoire de physiologie digestive, CHU de Rouen, 76031 Rouen cedex, France e Centre d’investigation clinique, CHU de Rouen, 76031 Rouen cedex, France Reçu le 24 mai 2006 ; accepté le 4 juillet 2006 Disponible sur internet le 21 juillet 2006

Résumé Propos. – Des études récentes ont suggéré que les patients porteurs d’une maladie de Raynaud étaient plus souvent porteurs d’une infection à Helicobacter pylori. Devant ces résultats nous avons effectué une étude prospective, comparative afin de tester la prévalence des infections à H. pylori au cours de la maladie de Raynaud. Méthodes. – Quarante patients présentant une maladie de Raynaud ont été inclus dans l’étude. Ils ont été comparés à 80 sujets sains appariés pour l’âge et le sexe. L’infection à H. pylori a été recherchée en utilisant une sérologie et un test respiratoire à l’urée. Résultats. – Chez les patients porteurs d’une maladie de Raynaud la prévalence de l’infection à H. pylori était de 12,5 % en utilisant les deux méthodes de recherche. Dans le groupe témoin la prévalence était de 16,7 % par la méthode sérologique et de 18 % en utilisant le test à l’urée. Conclusion. – Les prévalences étant similaires dans le groupe maladie de Raynaud et le groupe témoin (p = 0,53 et 0,43 respectivement), il apparaît que l’infection à H. pylori ne joue aucun rôle dans la genèse de la maladie de Raynaud. Par ailleurs, les patients atteints de maladie de Raynaud souffraient significativement plus que les témoins de troubles digestifs (p < 0,05) ce qui n’a pas été décrit jusqu’ici dans la littérature. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – Recent studies have suggested that the prevalence of Helicobacter pylori may be more frequent in patients with primary Raynaud’s phenomenon (PRP) compared to healthy subjects. These data prompted us to conduct this prospective study, in order to assess the prevalence of H. pylori infection in a large series of patients with PRP. Methods. – Forty consecutive patients with a definite diagnosis of PRP were included in the study. The findings in the PRP patients were compared with those of 80 age- and sex-matched healthy subjects. H. pylori infection was diagnosed using serology and urease breath test. Results. – The prevalence of H. pylori infection was as high as 12.5% in PRP patients using both serology and urease breath test, whereas it was found to be 16.7% and 18%, respectively, in healthy controls. Conclusion. – As prevalence of H. pylori infection was similar in PRP patients compared to controls (P = 0.53 and 0.43, respectively), our data underscore that H. pylori infection may not play a role in the genesis of PRP-related vascular complication onset. Interestingly, PRP patients exhibited more commonly digestive symptoms consistent with H. pylori infection compared to controls (P < 0.05). © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Maladie de Raynaud ; Helicobacter pylori ; Test respiratoire à l’urée ; Troubles digestifs Keywords: Primary Raynaud’s phenomenon; Helicobacter pylori; Breath test; Digestive symptoms

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Lévesque).

0248-8663/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2006.07.003

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Le professeur Maurice Raynaud [1] a décrit les trois phases caractéristiques du syndrome qui porte maintenant son nom : blanchiment paroxystique des doigts (phase syncopale) avec phase cyanique secondaire résultant d’un spasme artériel et d’une occlusion artérielle transitoires associé à des symptômes inconstants à type d’engourdissement, de fourmillement ou de douleur lors de la récupération (phase hyperhémique). Il s’agit d’une affection fréquente dont la prévalence est variable suivant la région climatique, pouvant atteindre 10 % chez les hommes et 20 % chez les femmes. Il est à noter que cette prévalence est élevée comparée au faible nombre de patients qui viennent consulter pour un traitement [2–4]. Le syndrome de Raynaud peut être primitif, on parle alors de maladie de Raynaud, ou secondaire. Dans cette situation, de nombreuses affections peuvent en être responsables parmi lesquelles des connectivites, des activités manuelles ou professionnelles, des médicaments, des maladies artérielles occlusives, des syndromes d’hyperviscosité ou encore des causes diverses (hypothyroïdie, infections, carcinomes, etc.). La découverte d’un facteur étiologique accessible à un traitement curatif apparaît de fait pertinente. À la suite de nombreux travaux rapportant l’existence d’un lien entre différentes infections chroniques et les maladies cardiovasculaires, l’équipe italienne de Gasbarrini et al. [5] a mis en évidence une prévalence accrue d’infections à Helicobacter pylori (H. pylori) au cours de la maladie de Raynaud. Ils ont ensuite rapporté l’intérêt de l’éradication d’ H. pylori sur la diminution en fréquence des crises vasospastiques [6]. Une telle association n’ayant pas été retrouvée par une autre équipe italienne [7], nous avons effectué en France une étude prospective, comparative testant la prévalence des infections à H. pylori au cours de la maladie de Raynaud. 1. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude prospective cas témoins monocentrique dans deux groupes de sujets : un groupe porteur d’une maladie de Raynaud et un groupe de témoins sains appariés pour l’âge et le sexe. 1.1. Patients Les patients porteurs de la maladie de Raynaud ont été recrutés en ambulatoire via la consultation de capillaroscopie du service de médecine interne. Le diagnostic de phénomène de Raynaud idiopathique (maladie de Raynaud), devait répondre aux critères suivants : bilatéral et symétrique, évoluant depuis plus de deux ans sans étiologie reconnue, de début précoce avant 35 ans, sans trouble trophique, ni présent, ni passé, avec un bilan d’examens complémentaires négatifs : capillaroscopie sans microangiopathie organique (absence de mégacapillaire et moins de deux des items suivants : plages désertes et désorganisation du lit capillaire), absence d’anticorps antinucléaires. Les critères d’exclusion de l’étude étaient les suivants : phénomène de Raynaud secondaire, phénomène de Raynaud ne répondant pas aux critères précités de maladie de Raynaud, toute maladie aiguë ou chronique associé, patients présentant

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des antécédents de toxicomanie, d’abus d’alcool, de désordre mental ou psychiatrique ou tout autre facteur limitant l’aptitude à participer de manière éclairée et compliante à l’étude, femme enceinte ou allaitant (les patientes susceptibles d’être enceintes ont utilisé une méthode contraceptive efficace durant l’étude), antécédents d’ulcère gastroduodénal ou d’infection préalable par H. pylori, toutes médications associées par antiulcéreux, ou antibiotiques, consentement volontaire non signé (loi Huriet). Les témoins, non porteurs d’un phénomène de Raynaud (critère d’exclusion), ont été recrutés au sein du personnel de l’établissement et de la population générale via le centre d’investigation clinique. Ils devaient répondre aux critères d’inclusion suivants : patients de sexe et d’ethnie indifférents, âge supérieur à 18 ans et inférieur à 65 ans, inscription au régime de la sécurité sociale, accord de participation à l’étude avec leur consentement écrit, accord d’inscription sur le fichier national des volontaires sains. 1.2. Méthodes Outre le recueil des données cliniques et éventuellement paracliniques lors de la visite d’inclusion, les patients étaient convoqués par le centre d’investigation clinique pour le remplissage d’un questionnaire portant sur la présence ou non de symptômes digestifs particuliers et une recherche d’H. pylori. L’objet de ce questionnaire était de détecter une éventuelle corrélation entre les troubles digestifs et le phénomène de Raynaud. La recherche d’H. pylori était réalisée d’une part avec un test respiratoire à l’urée (test respiratoire au Carbone 13 (13C) ou breath test) et d’autre part une sérologie H. pylori. Le test respiratoire au 13C permet de dépister le CO2 marqué au 13C dans l’air expiré, après ingestion et hydrolyse par l’uréase de l’H. pylori, d’urée enrichie en 13C, puis passage du CO2 marqué dans la circulation sanguine. Sa sensibilité varie de 89 à 100 % et sa spécificité de 80 à 100 % [8]. Ce test a été réalisé de manière classique chez un patient à jeun depuis au moins huit heures : prise de 200 ml d’acide citrique par voie orale, dix minutes après, souffler dans un ballon puis le fermer, aussitôt après, boire 50 ml d’eau dans laquelle a été dissous le réactif (urée marquée au C13 : laboratoire Eurisotop. France), trente minutes plus tard, souffler dans un ballon et le fermer, les deux ballons ont ensuite été transmis au laboratoire de physiologie digestive pour étude du C13 dans l’air expiré mesuré par spectrométrie infrarouge. Une infection évolutive à H. pylori a été définie par un breath test supérieur à 3,5 ‰. Une sérologie H. pylori a également été effectuée. Seule la recherche d’immunoglobulines G a été effectuée, par méthode Elisa (kit Enzygnost® Anti H. pylori II/Ig G). 2. Analyse statistique En partant d’une hypothèse de prévalence d’H. pylori dans le groupe témoin de 20 %, et d’un chiffre attendu dans le groupe atteint de maladie de Raynaud deux fois plus important soit 40 % (vs de 20 à 81 % dans l’étude italienne) et en appa-

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riant un cas pour deux témoins, le nombre théorique de patients était de 79 sujets et 157 témoins. Ce chiffre était obtenu avec une puissance de 90 % (risque de première espèce de 5 %). Une analyse intermédiaire était prévue après 40 patients dans le cas où l’hypothèse de l’équipe italienne ne se confirmait pas Dans cette étude cas témoins, les données des patients ont été comparées à l’aide d’un test de Student. La variation a été considérée comme significative si p était inférieur à 0,05. Les comparaisons des données du questionnaire, de la sérologie H. pylori et du breath test ont nécessité une analyse par régression logistique conventionnelle pour le calcul des odds ratio (OR). Un test du χ2 affirmait la significativité si p était inférieur à 0,05. Les statistiques ont été effectuées sous le logiciel STATAtm version 8.0. 3. Résultats Quarante patients porteurs de la maladie de Raynaud ont été inclus et appariés pour l’âge et le sexe à 78 témoins sains au moment de l’analyse intermédiaire dont les résultats présentés ici ont incité à arrêter l’étude. Trente-huit patients ont été appariés avec deux témoins, deux patients n’ont pu être appariés qu’avec un témoin. Les caractéristiques des deux groupes sont résumées dans le Tableau 1. La moyenne d’âge des patients porteurs de la maladie de Raynaud est de 42 ans avec une très nette prédominance féminine (92,5 %). La durée d’évolution de la maladie est en moyenne de 17 ans avec des extrêmes allant de 1,8 à 54,3 ans (médiane : 11 ans). Aucune différence n’a été constatée entre les deux groupes en ce qui concerne la fréquence cardiaque, la pression artérielle systolique ou diastolique. La seule différence notable concerne le poids qui s’avère plus élevé dans le groupe témoin (avec p < 0,05). Un antécédent familial de syndrome de Raynaud a été noté pour 19 des 40 cas soit 47,5 % et 18 cas sur 40 (45 %) se plaignent de migraines. 17,5 % des cas (7 sur 40) se sont révélés tabagiques sans différence significative avec le groupe témoin. Les résultats de recherche d’H. pylori sont données dans le Tableau 2. 12,5 % des cas (5 sur 40) ont une sérologie positive versus 16,7 % des témoins (13 sur 78) soit un odds ratio de 0,71 (p = 0,53). Il n’existe pas de relation entre la positivité de Tableau 1 Caractéristiques des deux groupes : patients souffrant de maladie de Raynaud et témoins appariés par âge et sexe

Âge moyen Pourcentage de femmes Taille moyenne (cm) Poids moyen (kg) Fréquence cardiaque moyenne Battements/minute Pression artérielle systolique moyenne (mmHg) Pression artérielle diastolique moyenne (mmHg) Durée de la maladie de Raynaud (année)

Patients Nombre = 40 42,4 [19,4–71,1] 92,5 % 163 [147–180] 57 [44–83,6] 70 [40–85]

Témoins Nombre = 78 43,6 [18,9–74,5] 92,3 % 163 [150–177] 63,6 [44–104] 70 [46–89]

115 [92–150]

118 [89–163]

72 [60–90]

74 [50–101]

17,4 [1,8–54,3]



Tableau 2 Résultats de la recherche d’H. pylori chez les patients et les témoins. Les chiffres du breath test sont exprimés en ‰ et considérés comme positif au-delà de 3,5‰ Sérologie H. pylori

Négative Positive

Moyenne du breath test

Positifs Négatifs

Patients 87,5 % Nombre = 35 12,5 % Nombre = 5 17,7 [4,1–28,1] Nombre = 5 0,7 [0–2] Nombre = 35

Témoins 83,3 % Nombre = 65 16,7 % Nombre = 13 21 [3,7–69,1] Nombre = 14 0,6 [0–2,1] Nombre = 64

la sérologie H. pylori et la maladie de Raynaud. Au contraire, il semble que les témoins soient plus porteurs d’une sérologie positive, mais cela de façon non significative. 12,5 % des cas (5 sur 40) possèdent un breath test positif versus 18 % des témoins (14 sur 78). Ces chiffres sont semblables à ceux de la sérologie H. pylori avec un odds ratio de 0,65 (p = 0,43). À l’image de la sérologie, il semble que les témoins soient plus porteurs d’un breath test positif, mais cela de façon non significative. Du point de vue de la symptomatologie abdominale, on constate que 24 des 38 cas (63 %) et 47 des 75 témoins (63 %) se sont plaints de douleurs abdominales. Ces douleurs sont le plus souvent à type de torsion et ne sont pas modifiées par l’alimentation. Seize cas sur 38 et 17 témoins sur 75 (respectivement 42 et 23 %) se sont plaints de digestion lente, le plus souvent de manière épisodique. Seize cas sur 38 et 15 témoins sur 75 (respectivement 42 et 20 %) ont signalé une pesanteur gastrique à distance du repas avec l’impression que la digestion n’est pas finie, de façon épisodique. Dix-huit pour cent des cas (7 sur 38) et 4 % des témoins (3 sur 75) ont rapporté des nausées lors des repas se produisant alors le plus souvent épisodiquement. Des vomissements sont décrits chez huit des 38 cas (21 %) et chez huit des 75 témoins (11 %). Des ballonnements surviennent chez 26 des 38 cas (68 %) et chez 36 des 75 témoins (48 %) conduisant à desserrer leur ceinture pour respectivement 22 et 26 d’entre eux. Des éructations sont rapportées pour 12 des 38 cas (32 %) et pour 21 des 75 témoins (28 %), elles sont alors le plus souvent décrites comme rares. Il apparaît de fait que les patients atteints de maladie de Raynaud souffrent plus que les témoins de troubles digestifs à type de digestions lentes, de pesanteur gastrique après le repas et de nausées lors des repas, et ce de façon significative (p < 0,05). 4. Discussion Dans cette étude cas témoin, nous n’avons pas retrouvé de relation entre la positivité de la sérologie H. pylori ou du breath test et la maladie de Raynaud. Au contraire, il semble que les témoins soient plus porteurs d’infection à H. pylori, mais cela de façon non significative. Notre travail va à l’encontre de celui de Gasbarini et al. de 1996 [5] qui retrouvaient une relation entre l’infection à H. pylori diagnostiquée par breath test et la maladie de Raynaud. Ces auteurs décrivaient 81 %

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d’infection chez les cas versus 20 % chez les témoins. Les effectifs de cette étude étaient cependant réduits puisque le groupe des cas était constitué de 26 femmes (moyenne d’âge de 32 ans) et le groupe témoin de dix sujets (moyenne d’âge de 30 ans) appariés pour l’âge et le sexe. Dans notre étude la prévalence de l’infection à H. pylori chez les cas est de 12,5 % (5 sur 40) versus 18 % (14 sur 78) chez les témoins. Gasbarini et al. avaient défini la maladie de Raynaud par ses caractéristiques cliniques, l’exclusion des anomalies sérologiques (anticorps antinucléaires et anticentromères) et la mesure des signaux digitaux par pléthysmographie avant et après exposition au froid. Cette dernière méthode peut aujourd’hui être considérée comme obsolète pour le diagnostic de la maladie. Cela a cependant pu les amener à inclure dans leur groupe de malades des patients avec un syndrome de Raynaud secondaire même si l’on ne met pas en évidence une prévalence accrue des infections à H. pylori dans la maladie de Raynaud en utilisant une méthode diagnostique plus appropriée. Dans une étude parue deux ans plus tard, Gasbarini et al. [6] ont étudié l’effet de l’éradication d’H. pylori sur l’évolution de la maladie de Raynaud. Sur 46 patients porteurs d’une maladie de Raynaud, 78 % étaient infectés à H. pylori. La moyenne d’âge des patients était de 38 ans. 17 % d’entre eux ont vu, sur une période de trois mois, leur syndrome de Raynaud disparaître et une amélioration (diminution en durée et en fréquence des crises) est survenue chez 72 % des autres patients. Ils en avaient conclu à un lien très probable entre de l’infection à H. pylori et la maladie de Raynaud. Cependant cette étude est critiquable à de nombreux égards : absence de double insu, absence de groupe placebo, disparition complète des symptômes chez seulement cinq patients (17 %), absence d’analyse météorologique. Une seule étude prospective hongroise parue en 2000 [9] semble confirmer les résultats de Gasbarini et al. en mettant en évidence une amélioration du syndrome de Raynaud primitif (diminution en fréquence et en durée) après éradication d’H. pylori par rapport au groupe où la bactérie a persisté. Cette étude souffre cependant de l’absence de groupe placebo. Après analyse de la littérature, deux études vont dans le sens de nos résultats. La première, italienne, effectuée par Savarino et al. [7] avaient regardé la prévalence d’H. pylori chez des patients porteurs de syndrome de Raynaud primitif et secondaire. Les critères diagnostiques de maladie de Raynaud étaient identiques à ceux de notre étude et l’infection à H. pylori était affirmée par un breath test supérieur à 5 ‰. Quarante-neuf patients porteurs d’une maladie de Raynaud ont été recrutés puis appariés pour le sexe et l’âge à 49 sujets sains. La moyenne d’âge des patients était de 43 ans avec une

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très nette prédominance féminine (94 %). Le breath test s’est avéré positif chez 22 cas (45 %) et chez 18 témoins (36 %). Ces patients sont comparables pour le sexe et l’âge, cependant le breath test s’avère moins fréquemment positif dans notre étude (12,5 % des cas vs 18 % des témoins) ce qui est confirmé par la sérologie. La seconde, française, menée par De Korwin et al. [10] a recherché la prévalence d’H. pylori chez des patients porteurs de syndrome de Raynaud primitif et secondaire. Le diagnostic d’infection à H. pylori était affirmé par une sérologie positive. Quarante-cinq patients (dont 39 femmes) porteurs d’un syndrome de Raynaud primitif (n = 25) ou secondaire à une maladie inflammatoire ou à une artériopathie (n = 20) ont été appariés sur l’âge et le sexe avec 66 sujets témoins (57 femmes) dont 14 indemnes de maladies. La prévalence de l’infection à H. pylori était plus élevée chez les témoins (31,82 %, n = 21) que chez les patients avec un phénomène de Raynaud (11,1 %, n = 5) et sans différence significative entre syndrome de Raynaud primitif (8 %, n = 2) et secondaire (15 %, n = 3). Les témoins sont plus souvent porteurs d’infection à H. pylori que ceux de notre étude mais surtout, cette étude est la première à montrer une relation inverse entre le phénomène de Raynaud et l’infection à H. pylori. La prévalence d’H. pylori chez les témoins est difficilement comparable compte tenu des grandes variations observées entre les différentes populations du globe. La prévalence dans les pays en développement est extrêmement élevée et cette infection semble être acquise très tôt dans l’enfance. Dans les pays dits émergents, la prévalence de cette infection diminue dans des proportions importantes, en commençant d’abord par les classes les plus favorisées [11]. Dans nos pays occidentaux les progrès socioéconomiques, associés sans doute à l’utilisation des antibiotiques, ont modifié cette situation et la prévalence a diminué progressivement durant la seconde partie du XXe siècle. En dépit de cette variabilité, la prévalence d’infection de 18 % constatée chez les témoins s’avère compatible avec les données épidémiologiques françaises actuelles, peu nombreuses. Celle-ci est estimée chez les jeunes aux environs de 5 à 10 % [12,13] et à 29 % dans une population de 35 sujets de race blanche ayant pour moyenne d’âge 43 ± 22 ans. Bien que les populations étudiées dans ces différentes études s’avèrent homogènes en terme d’âge et de sexe, la prévalence de l’infection à H. pylori chez les patients atteints de maladie de Raynaud n’en demeure pas moins très variable. Ces données sont résumées dans le Tableau 3. Ces importantes variations pourraient être expliquées, entre autres, par des différences d’ordre géographiques, raciales, génétiques,

Tableau 3 Récapitulatif de la prévalence de l’infection à H. pylori au cours de la maladie de Raynaud

Âge moyen (ans) Pourcentage de sexe féminin Pourcentage d'H. pylori positif chez les cas Pourcentage d'H. pylori positif chez les témoins

Gasbarini et al., 1996 [4] 32 100 81 20

Gasbarini et al., 1998 [5] 38 97,2 78 –

Savarino et al., 2000 [8] 43 93,9 45 36

De Korwin et al., 2003 [9] – 86,7 8 31,8

Dans notre étude 42 92,5 12,5 18

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socioéconomiques et par l’administration d’une possible antibiothérapie préalable [13]. Par ailleurs, il ressort de cette étude que les patients atteints de maladie de Raynaud souffrent plus que les témoins de troubles digestifs à type de digestions lentes, de pesanteur gastrique après le repas et de nausées lors des repas, et ce de façon significative. Un biais de recrutement bien que possible est peu vraisemblable puisque les témoins ont été recrutés par le centre d’investigation clinique et les patients via la consultation capillaroscopique au sein d’un secteur de médecine interne et de médecine vasculaire. Il n’a pas été décrit dans la littérature d’association entre des troubles digestifs et la maladie de Raynaud. Une association entre ces troubles digestifs par trouble de la motilité œsophagienne et un syndrome de Raynaud secondaire dans le cadre d’une sclérodermie (CREST syndrome) auraient pu se discuter. Toutefois une sclérodermie a pu être exclue chez tous nos patients par les données de l’interrogatoire, de l’examen clinique, de la capillaroscopie et du bilan auto-immun négatif. Dans l’étude de De Korwin et al. [10], les groupes patients et témoins étaient comparables pour l’existence de symptômes digestifs et avec l’inclusion de 20 phénomènes de Raynaud secondaires parmi les 45 patients. Une autre étude comportant un nombre plus important de patients pourrait donc être envisagée afin de confirmer cette relation auparavant non décrite. La littérature abondante de ces dernières années présente l’infection à H. pylori comme un facteur de risque indépendant de nombreux désordres extradigestifs avec un processus pathogène souvent peu évident [14–16]. La prévalence élevée de l’infection à H. pylori, sa facilité à être diagnostiquée, mais surtout l’existence d’un traitement d’éradication rapide et peu coûteux ont largement contribué à l’engouement des chercheurs suite à l’étude de Mendall et al. de 1994 [16]. Il faut toutefois se méfier de la forte prévalence de l’infection à H. pylori. Étant une des infections chroniques les plus répandues dans le monde, elle a une forte probabilité de coexister chez des malades atteints de maladies dont la cause principale n’est pas l’infection à H. pylori. Les facteurs de confusion nombreux sont donc importants à maîtriser. Malheureusement, une grande hétérogénéité existe dans la qualité des études menées notamment sur l’association entre l’infection à H. pylori et les maladies extradigestives. L’évaluation des anticorps anti-H. pylori, les méthodes de diagnostic des maladies coronariennes, l’analyse statistique, l’ajustement sur les différents biais de confusion, la sélection des groupes témoins sont des points importants qui doivent être optimisés. Il existe deux principales raisons expliquant le fait qu’une maladie extradigestive soit si variablement attribuée à H. pylori. Premièrement, la sensibilité et la spécificité imparfaites des tests diagnostics responsables d’une mesure inexacte du risque relatif pour la maladie chez les gens infectés. Deuxièmement, la variation de la prévalence de l’infection d’une population à l’autre. Cela entraîne différentes estimations du risque de maladie dans une population attribuable à l’infection. En conséquence, une plus grande homogénéité dans les études est souhaitable pour conclure à une réelle association entre l’infection à H. pylori et les troubles extradigestifs. Certaines

associations sont couramment admises sans pour autant avoir été démontrées de façon satisfaisante et parfois un traitement d’éradication d’H. pylori est préconisé quand la bactérie est présente. Pourtant l’efficacité d’un tel traitement n’a pas été démontrée. Des études de meilleure qualité sont donc nécessaires et c’est un point important quand on sait que les problèmes de résistance aux antibiotiques sont de plus en plus importants dans notre société. Certaines associations ne sont pas pour autant à rejeter, comme dans la maladie coronarienne et les accidents vasculaires cérébraux ischémiques. Le nombre important d’études mettant en évidence de telles associations tend à prouver qu’un mécanisme pathogène lie cette infection bactérienne à de nombreuses maladies dont l’étiologie est encore ignorée. La nature pro-inflammatoire de l’infection à H. pylori pourrait être le facteur commun à l’ensemble de ces maladies mais de plus amples études sont encore nécessaires pour mettre en évidence un lien de causalité. Il s’agit d’une tâche que la nature pandémique de cette bactérie rend difficile. Notre étude cas témoin, qui porte sur 40 patients porteurs d’une maladie de Raynaud primitive, ne retrouve pas d’augmentation de la prévalence des infections à H. pylori. Les patients atteints de maladie de Raynaud souffrent significativement plus que les témoins de troubles digestifs. Une autre étude avec un effectif plus important de patients atteints de maladie de Raynaud pourrait donc être envisagée afin de confirmer cette relation auparavant non décrite. Aujourd’hui, il n’y a aucun argument rationnel pour penser qu’un lien physiopathologique puisse exister entre ces deux maladies. L’infection à H. pylori ne devrait donc plus figurer dans la liste des pathologies associées au phénomène de Raynaud comme cela est encore signalé dans la littérature internationale [17] et son éradication pour améliorer la maladie de Raynaud ne devrait pas être recommandée. Références [1] Raynaud Maurice. De l’asphyxie locale et de la gangrène symétrique des extrémités, Thèse de médecine (1862), Paris. [2] Maricq HR, Weinrich MC, Keil JE, LeRoy EC. Prevalence of Raynaud phenomenon in the general population. A preliminary study by questionnaire. J Chronic Dis 1986;39:423–7. [3] Silman A, Holligan S, Brennan P, Maddison P. Prevalence of symptoms of Raynaud’s phenomenon in general practice. BMJ 1990;301:590–2. [4] Mourad JJ, Priollet P. Physiopathologie du phénomène de Raynaud : données actuelles. Rev Med Interne 1997;18:611–7. [5] Gasbarrini A, Serricchio M, Tondi P, Gasbarrini G, Pola P. Association of H. pylori infection with primary Raynaud phenomenon. Lancet 1996; 348:966–7. [6] Gasbarrini A, Massari I, Serricchio M, Tondi P, De Luca A, Franceschi F, et al. H. pylori eradication ameliorates primary Raynaud’s phenomenon. Dig Dis Sci 1998;43:1641–5. [7] Savarino V, Sulli A, Zentilin P, Raffaella Mele M, Cutolo M. No evidence of an association between H. pylori infection and Raynaud phenomenon. Scand J Gastroenterol 2000;35:1251–4. [8] Lozniewski A. Diagnostic methods of H. pylori infection. Gastroenterol Clin Biol 1996;20(1 Pt 2):S111–8. [9] Csiki Z, Gal I, Sebesi J, Szegedi G. Raynaud syndrome and eradication of H. pylori. Orv Hetil 2000;141:2827–9. [10] De Korwin JD, Sabra FM, Haristoy X, Lozniewski A, Schmidt C. Le phénomène de Raynaud n’est pas associé à l’infection à H. pylori. Rev Med Interne 2003;24(Suppl 1):89S.

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