Prise en charge de l’urticaire chronique : recommandations de la conférence de consensus

Prise en charge de l’urticaire chronique : recommandations de la conférence de consensus

La revue de médecine interne 24 (2003) 637–639 www.elsevier.com/locate/revmed Éditorial Prise en charge de l’urticaire chronique : recommandations d...

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La revue de médecine interne 24 (2003) 637–639 www.elsevier.com/locate/revmed

Éditorial

Prise en charge de l’urticaire chronique : recommandations de la conférence de consensus Management of chronic urticaria: consensus conference’s recommandations M.-S. Doutre a,*, P. Joly b a b

Service de dermatologie, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, 33604 Pessac cedex, France Service de dermatologie, hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France Reçu le 19 mars 2003 ; accepté le 3 avril 2003

Mots clés : Urticaire chronique ; Conférence de consensus Keywords: Chronic urticaria; Consensus conference

L’urticaire est une dermatose inflammatoire très fréquente, 15 à 20 % de la population faisant au moins une poussée aiguë au cours de sa vie. Quand les lésions persistent plus de 6 semaines, on parle d’urticaire chronique, celle-ci pouvant durer pendant des années, en moyenne 3 à 5 ans. Quarante pour cent des urticaires persistant plus de 6 mois sont encore présentes 10 ans plus tard, et 20 % le sont toujours après 20 ans. Les données de la littérature ne permettent pas de connaître l’incidence exacte de l’urticaire chronique mais celle-ci est évaluée entre 0,1 et 0,5 % de la population générale. Les problèmes posés par l’urticaire chronique sont nombreux : • la physiopathologie en est encore mal connue, même si la mise en évidence récente d’autoanticorps antirécepteur des immunoglobulines E dans environ 30 % des cas évoque un processus immunologique ; • elle peut évoluer de façon isolée mais dans environ 50 % des cas, elle est associée à un angio-œdème, prenant alors une gravité particulière lorsqu’il existe des localisations oropharyngées, digestives... ; • cette affection, habituellement considérée par les malades comme d’origine « allergique » correspond en fait à de multiples étiologies. Leur recherche conduit à des bilans extensifs, sans qu’il y ait de preuve véritable de * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.-S. Doutre). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0248-8663(03)00170-X

leur rentabilité en termes de diagnostic. En effet, dans les différents travaux de la littérature, les résultats sont discordants quant à l’implication de tels ou tels facteurs, alimentaires, infectieux..., tenus comme responsables de l’urticaire avec une fréquence allant de 0 à 80 % des cas, selon les études... En fait, la plupart des urticaires chroniques restent de cause inconnue ; • cette dermatose a un retentissement certain sur la qualité de vie, apprécié par plusieurs travaux récents, que ce soit sur la vie sociale, personnelle ou professionnelle ; • si le plus souvent les urticaires sont sensibles aux anti– H1, certaines d’entre elles résistent à ces traitements, ceci conduisant à la prescription de thérapeutiques parfois lourdes, pour lesquelles une évaluation est indispensable. Malgré les données de la littérature actuellement disponibles, il existe parfois des divergences quant à la prise en charge des différents médecins impliqués dans cette affection, dermatologues, allergologues, internistes, pédiatres, généralistes. Il paraissait donc opportun d’organiser une conférence de consensus sur la prise en charge de l’urticaire chronique1. Le jury de cette conférence, après avoir analysé l’ensemble des 1 Conférence de consensus organisée par la Société française de dermatologie avec la participation et selon la méthodologie de l’Anaes. Paris, 8 janvier 2003. (Textes court et long des recommandations sur le site Internet de l’Anaes : www. anaes.fr).

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informations apportées par le groupe bibliographique et les experts, a proposé des recommandations, en réponse aux 6 questions posées par le comité d’organisation : • Quelles sont les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique permettant d’orienter le diagnostic étiologique d’une urticaire chronique ? • Devant une urticaire chronique, quel bilan paraclinique minimal faut-il effectuer ? Chez quels malades faut-il faire un bilan plus complet et lequel ? • Quand faut-il faire des examens allergologiques ? Et lesquels ? • Qans quelles circonstances la mise en évidence d’une étiologie a-t-elle un retentissement sur la prise en charge thérapeutique ? • Quelles sont les modalités thérapeutiques proposées aux patients présentant une urticaire chronique idiopathique résistant à un traitement antihistaminique en monothérapie ? • Quand faut-il envisager la prise en charge des facteurs psychologiques et selon quelles modalités ? Les 10 points principaux de ces recommandations peuvent être résumés de la façon suivante : • l’importance capitale de l’interrogatoire et de l’examen clinique dans le diagnostic étiologique des urticaires chroniques doit tout d’abord être soulignée. L’interrogatoire en particulier permettra de suspecter une urticaire physique qui sera confirmée dans un second temps par des tests adaptés. Il identifiera les urticaires aggravées par des prises médicamenteuses (anti-inflammatoires non stéroïdiens — aspirine — inhibiteurs de l’enzyme de conversion — sartans), les fausses allergies alimentaires, les urticaires de contact, les urticaires évoluant dans le cadre d’une maladie de système ; • quelques examens complémentaires ciblés pourront être demandés avec le meilleur rendement diagnostique chez des patients présentant des signes cliniques suggérant une orientation étiologique (recherche d’une protéine sanguine anormale au cours de l’urticaire au froid, phototests dans les urticaires solaires, dosage de la TSH et recherche d’anticorps antithyroïdiens en cas de dysthyroïdie clinique...) ; • à l’inverse, les examens complémentaires systématiques réalisés chez des patients présentant une urticaire chronique « banale », isolée, sans signe d’orientation étiologique sont sans grand intérêt. Ils ne permettent de « redresser » des diagnostics non suggérés par l’examen clinique que dans moins de 5 % des cas ; • de la même façon, les explorations allergologiques n’ont qu’une part réduite dans l’urticaire chronique, les étiologiques allergiques étant largement surestimées. En effet, la responsabilité des pneumallergènes dans le déclenchement de l’urticaire chronique n’a jamais été démontrée. De même, le mécanisme des urticaires chroniques d’origine médicamenteuse est pharmacologique et non immunologique ;

• alors que près de 40 % des patients atteints d’urticaire chronique incriminent une allergie alimentaire, celle-ci ne peut être démontrée par des investigations exhaustives que dans 2 à 3 % des cas. Il convient donc de différencier l’allergie alimentaire vraie (qui est donc exceptionnelle au cours de l’urticaire chronique), de la pseudoallergie alimentaire liée à une consommation excessive d’aliments riches en histamine ou histaminolibérateurs (fromages fermentés, charcuterie, poissons, coquillages, crustacés, chocolat...) beaucoup plus fréquente ; • l’analyse de la littérature concernant la relation entre urticaire chronique et infections bactériennes virales ou parasitaires, ne montre que très peu d’associations causales. La responsabilité des foyers infectieux ORL, des infections par le virus des hépatites et par Helicobacter pylori semble écartée. Une relation entre l’infection par Toxocara canis et urticaire chronique est suggérée, mais n’est pas encore clairement démontrée ; • la biopsie cutanée n’est pas indiquée chez un patient ayant une urticaire chronique isolée, car elle n’a aucune valeur d’orientation étiologique, en faveur ou en défaveur d’une maladie systémique. En effet, des urticaires apparemment banales, labiles, prurigineuses, peuvent se voir au cours de maladies systémiques comme le lupus érythémateux, et à l’inverse la constatation d’une image histologique de vasculite urticarienne n’implique pas que celle-ci évolue dans le cadre d’une maladie systémique. De même, le dosage systématique du complément n’apporte que peu de renseignements étiologiques, puisque les vascularites urticariennes peuvent aussi bien être hypocomplémentémiques que normocomplémentémiques ; • en l’absence de signes cliniques d’orientation étiologique, le jury a donc recommandé de façon pragmatique de n’effectuer initialement aucun examen complémentaire, mais de prescrire dans un premier temps un traitement antihistaminique anti-H1 pendant 4 à 8 semaines. Cette attitude a semblé justifiée compte tenu de la très faible rentabilité du bilan étiologique chez les patients ayant une urticaire chronique banale isolée sans signe clinique d’orientation étiologique ; • en cas d’échec d’un traitement antihistaminique de première intention, le jury a proposé de reprendre l’interrogatoire et l’examen clinique à la recherche d’une mauvaise observance du traitement, de facteurs déclenchants ou aggravants ou encore de signes cliniques d’orientation étiologique qui seraient passés inaperçus lors du premier examen et de réaliser une numération-formule sanguine, une vitesse de sédimentation et un dosage de la CRP, ainsi qu’une recherche d’anticorps antithyroïdiens. Un changement d’antihistaminiques après 4 à 8 semaines d’un traitement initial bien conduit est indiqué, lorsqu’il existe un retentissement sur la qualité de vie, un prurit insomniant, une extension des lésions d’urticaire ou des poussées d’angio-œdème ; le jury a préconisé soit de remplacer l’antihistaminique initiale-

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ment utilisé par un autre anti-H1, soit d’associer 2 antihistaminiques anti-H1, l’un de seconde génération et l’autre de première génération à action sédative ; • la prise en charge de facteurs psychologiques au cours de l’urticaire chronique semble indiquée lorsqu’il existe un contexte de stress pouvant potentiellement favoriser la survenue des lésions et un retentissement de l’urti

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caire chronique sur la qualité de vie, notamment en termes d’anxiété ou de symptomatologie dépressive. Les recommandations du jury laissent donc la plus grande place à l’interrogatoire et à l’examen clinique dans le bilan étiologique d’une urticaire chronique et insistent sur l’importance de la relation médecin–malade dans la prise en charge thérapeutique de ces patients.