Quand les Reptiles marins anglais traversaient la Manche

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Annales de Paléontologie 89 (2003) 37–64 www.elsevier.com/locate/annpal

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Quand les Reptiles marins anglais traversaient la Manche Mary Anning et Georges Cuvier, deux acteurs de la découverte et de l’étude des Ichthyosaures et des Plésiosaures Philippe Taquet * Laboratoire de paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle, 8, rue Buffon, 75005 Paris, France Reçu le 9 juillet 2002 ; accepté le 26 novembre 2002

Résumé De 1800 à 1824, Georges Cuvier réussit à obtenir de très nombreuses informations, documents, dessins, moulages et fossiles originaux relatifs aux Reptiles marins, Ichthyosaures et Plésiosaures, du Jurassique inférieur (Lias) de Grande-Bretagne. Il fut parfaitement informé des découvertes faites par Mary Anning. Un grand nombre de documents présents dans les archives du Muséum national d’histoire naturelle à Paris permettent de souligner l’importance et la qualité des liens scientifiques qui existaient entre la France et l’Angleterre malgré les vicissitudes des relations politiques entre les deux nations. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract When English marine Reptiles crossed the Channel. Mary Anning and Georges Cuvier, two actors of the discovery and study of Ichthyosaurs and Plesiosaurs. From 1800 to 1824, Georges Cuvier succeeded in obtaining a great deal of informations, as well as documents, drawings, casts and original fossils related to marine Reptiles (Ichthyosaurs and Plesiosaurs) from the Lower Jurassic (Lias) of Great Britain. He was completely informed about the discoveries made by Mary Anning. A great number of documents in the archives of the Museum national d’histoire naturelle in

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Taquet). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 7 5 3 - 3 9 6 9 ( 0 3 ) 0 0 0 0 3 - X

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Paris show the importance and the quality of the scientific links that existed between France and Great Britain, in spite of the political vicissitudes between the two nations. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Lyme Regis ; Lias ; Reptiles marins ; Ichthyosaure ; Plésiosaure Keywords: Lyme Regis; Lias; Marine Reptiles; Ichthyosaur; Plesiosaur

1. Introduction Le nom de Mary Anning est indissolublement lié à la découverte des premiers reptiles marins fossiles ; celle qui fut en effet la première femme paléontologue s’illustra en récoltant de 1812 à 1844 en Grande-Bretagne dans les couches marines du Lias de Lyme-Regis (Dorset) des restes spectaculaires d’Ichthyosaures et de Plésiosaures. Les épisodes de la découverte de ces premiers restes de reptiles marins fossiles et le rôle joué par Mary Anning ont été largement relatés dans plusieurs articles notamment par S.R. Howe, T. Sharpe et H.S. Torrens : Ichthyosaurs : a history of fossil « sea-dragons » (Howe et al., 1981) et surtout par H. Torrens dans son article très documenté : Mary Anning (1799–1847) of Lyme; “the greatest fossilist the world ever knew” (Torrens, 1995). Tandis que le long des côtes anglaises, Mary Anning exhumait des archives de la terre d’étranges créatures fossilisées, à Paris, un paléontologue français au sommet de sa gloire publiait son célèbre « Discours préliminaire » en introduction à ses recherches sur les ossemens fossiles de quadrupèdes. Georges Cuvier dans une série d’articles retentissants donnait à l’Anatomie comparée des vertébrés ses lettres de noblesse et décrivait toutes une série « d’ossements fossiles » dont le célèbre crâne du Mosasaure de Maastricht et le squelette du Ptérodactyle (Cuvier, 1812). Le Symposium organisé en 1999 à Lyme-Regis pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Mary Anning, fut l’occasion pour moi de présenter une série de documents inédits montrant les relations scientifiques, peu connues, mais intenses, que Georges Cuvier se chargea d’organiser avec les chercheurs de Grande-Bretagne pour rassembler le maximum de fossiles, de documents et d’informations sur les ossements fossiles découverts outre-Manche, en particulier dans le domaine des Reptiles terrestres et marins. 2. La stratégie de Cuvier Georges Cuvier qui avait reçu dans son enfance à Montbéliard une éducation luthérienne, puis à Stuttgart dans le Wurtemberg un enseignement universitaire de qualité, saura acquérir très tôt l’habitude de relations sociales avec des enseignants, des administrateurs ou des étudiants d’un pays différent de celui qui l’a vu naître. Il gardera un excellent souvenir du cosmopolitisme de l’Allemagne où il vécut 4 années et il tissera avec facilité de nombreux liens avec ses collègues étrangers (Taquet, 1994). Très tôt, Cuvier, qui a de grandes ambitions scientifiques, va mettre ses talents d’organisateur et son sens des relations au service d’un grand dessein scientifique. Ce dessein, qui s’attache à l’étude des animaux disparus, est bien exposé dans un prospectus que Cuvier adresse à tous ses

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collègues européens le 17 novembre 1800 (Cuvier, 1800) et qu’il a intitulé : « Extrait d’un ouvrage sur les espèces de quadrupèdes dont on a trouvé les ossements dans l’intérieur de la Terre, adressé aux savants et aux amateurs des Sciences — par Georges Cuvier, membre de l’Institut, professeur au Collège de France, et à l’École Centrale du Panthéon, etc. » — Cuvier constate que ses prédécesseurs ont été arrêtés dans leurs recherches par deux sortes de difficultés : les os sont difficiles à recueillir et l’anatomie comparée est dans l’enfance, faute de collections assez complètes pour effectuer des comparaisons. Pour rassembler les données scientifiques nécessaires à la rédaction de son ouvrage, Cuvier, va proposer à ses correspondants un véritable marché : en échange de données inédites, il leur enverra les informations en sa possession ; contre l’envoi de moulages et de pièces originales, il leur propose documents, moulages et ouvrages. Ce « marché » à l’échelle de l’Europe est empreint d’éthique protestante. Comme l’a montré Max Weber (Weber, 1964), cette proposition implique le respect de la parole donnée, l’obligation de réciprocité et un juste équilibre dans les transactions ; développer les liens avec les collègues européens, accroître les échanges et les transactions, organiser la collecte et programmer des voyages, tels sont les éléments d’une stratégie scientifique que Cuvier résume parfaitement dans son prospectus : « J’ai employé des hommes pour me chercher dans les environs les ossemens que recèlent nos carrières ; j’ai visité les cabinets où il y en avait de déposés ; j’ai ouvert des correspondances en différents pays, et les savants qui les habitent m’ont envoyé des descriptions et des dessins des os fossiles qu’on y a découverts. Je dois dire que j’ai été secondé avec le zèle le plus ardent et le désintéressement le plus noble, non seulement par mes amis mais encore par tous les français et les étrangers qui cultivent ou qui aiment les sciences, et qu’il a été possible d’interroger ». En 1800, Cuvier a encore peu de contacts avec ses collègues anglais, mais il a correspondu avec Joseph Banks et surtout avec Sir Everard Home de 1800 à 1814 et ce malgré le conflit entre la France et l’Angleterre (les lettres de Cuvier sont conservées au Royal College of Surgeons à Londres). À cause des guerres napoléoniennes, Cuvier devra attendre le congrès d’Aix-la-Chapelle qui en 1818 permet à la France de revenir dans le concert des nations européennes et qui met fin à l’occupation militaire. Il lui est alors possible de se rendre enfin dans le pays avec lequel la France a été en conflit si longtemps. En 1818, Georges Cuvier se rend donc à Londres avec son fidèle assistant, le montbéliardais Laurillard. Il rend visite au roi Georges IV, assiste aux séances de la Chambre des Communes en pleine période de révolution libérale, il étudie le mode de gouvernement de ce pays, se rend à Oxford avec Leach, le directeur du British Museum pour y rencontrer William Buckland et examiner les os du grand lézard fossile de Stonesfield, le futur Megalosaure ; il rend visite à l’astronome William Herschel et visite le Collège Royal des Chirurgiens (Royal College of Surgeons). Lors de sa rencontre avec Sir Everard Home, Cuvier examine une tête très bien conservée, et quelques autres os déposés au Muséum égyptien de Bullock, dans la rue de Pall-Mall provenant de la côte du comté de Dorset, entre Lyme et Charmouth (Cuvier. Ossemens fossiles. 1re Édition t. IV, chap. V). Everard Home qui avait décrit ces os en 1814 : « s’aperçut bien que l’épaule offrait quelques rapports avec celle du crocodile ; mais la position des narines, le cercle de pièces osseuses qui entoure la sclérotique, lui parurent, ainsi que les vertèbres, se rapprocher des poissons » ; il nomma cet animal en 1819 Proteosaurus, en raison de la ressemblance de ses vertèbres avec celles de

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Fig. 1. Deux vertèbres du cou dessinées par Georges Cuvier à Londres au Collège des Chirurgiens en 1818. Cuvier a ajouté en 1824 : vertèbres du cou de Plesiosaurus ; (Fonds Cuvier Muséum. Photo Bibliothèque Centrale du Muséum) (dessin au crayon 26 × 16 cm). Fig. 1. Two vertebrae of the neck drawned by Georges Cuvier in the Surgeons College, London in 1818. Cuvier added in 1824: “vertèbres du cou de Plesiosaurus” ; (Cuvier Archives, Museum. Picture from the Bibliothèque Centrale du Muséum) (lead pencil drawing 26 × 16 cm).

la salamandre (Proteus). Mais c’est Charles Koenig, conservateur de la minéralogie au Muséum britannique, qui en 1817 donna le nom d’Ichtyosaurus d’après un spécimen découvert par Joseph et Mary Anning (Torrens, 1995) ; dans son texte, Cuvier explique de façon diplomatique que Home a mal interprété ce fossile. L’Ichtyosaure cet animal pourvu d’un museau de dauphin, de dents de crocodile, d’une tête et d’un sternum de lézard, de pattes de cétacés au nombre de 4 et enfin de vertèbres de poisson, ne pouvait qu’intriguer Cuvier, car il s’agissait d’un reptile « le plus fait pour surprendre le naturaliste par des combinaisons de structures qui, sans aucun doute, paroîtroient incroyables à quiconque ne serait pas à portée de les observer par lui-même » (Cuvier. Ossemens fossiles, p. 445). (J’ai laissé dans les citations l’orthographe des mots : ossemens et Ichtyosaurus lorsqu’ils sont utilisés par Cuvier dans ses écrits et dans ses correspondances (orthographiés aujourd’hui ossements et Ichthyosaurus)). Au Collège Royal des Chirurgiens de Londres, Cuvier visite le lundi 1er juin 1818 les collections du « Musée Hunter » (Allen, 1993 ; Sloan, 1992) rassemblées par John Hunter, achetées par l’État à la mort de ce dernier et placées sous la garde de la compagnie des chirurgiens avec pour conservateur William Clift. Il y revient le 6 juin en compagnie de Sir Everard Home, le beau frère de John Hunter et reste de une heure de l’après-midi à deux heures trente. Ils dîneront tous les deux en compagnie de sir Joseph Banks le soir même. Cuvier reviendra le vendredi 19 pour examiner des fossiles rassemblés par divers particuliers, et sur lesquels M. Buckland avait attiré l’attention de M. Home (ainsi qu’il ressort de

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Fig. 2. Humérus de Plesiosaurus dessinés par Georges Cuvier à Londres au Collège des Chirurgiens en 1818. Cuvier a ajouté postérieurement : c’est l’humérus du Plesiosaurus (Fonds Cuvier Muséum. Photo Bibliothèque Centrale du Muséum). Fig. 2. Humerus of Plesiosaurus drawned by Georges Cuvier in the Surgeons College in 1818. Cuvier added later: “c’est l’humérus du Plesiosaurus” (Cuvier Archives, Museum. Picture from the Bibliothèque Centrale du Muséum).

l’examen du cahier de visite du Musée). Il y réalise une série de dessins d’ossements qui l’intriguent : deux vertèbres du cou vues de face et de profil, et 10 dessins d’os de membres fragmentaires, dont un fémur et un humérus (Figs. 1 et 2). L’année de la visite de Cuvier, l’Ichthyosaurus a déjà été décrit, (Home, 1814) mais ces os du Collège des Chirurgiens sont plus puissants, plus trapus et ne peuvent appartenir à ce genre de Reptile ; il s’agit en fait d’os d’un autre reptile marin, dont le genre sera décrit et nommé en 1821 par De la Beche et Conybeare sous le nom de Plesiosaurus, (De la Beche et Conybeare, 1821) de sorte que Cuvier ajoutera en 1824 au crayon sur ses dessins : vertèbres du cou de Plesiosaurus. Le samedi 11 juillet 1818, Cuvier quitte l’Angleterre et rentre en France très intéressé par ce qu’il a vu dans les collections britanniques ; il l’écrit d’ailleurs à son ami allemand Samuel Thomas Soemmerring, conseiller privé à Munich dans le royaume de Bavière le 13 septembre 1818 (lettre 1014/15. Staats und Universitätsbibliothek Frankfurt-am-main. Ms Ff. Soemmerring A.Nr.). «... Dans un petit voyage que je viens de faire en Angleterre, j’ai vu des restes innombrables d’un genre extrêmement remarquable dont Sir Everard Home a déjà décrit plusieurs morceaux dans les transactions philosophiques, et qui avait certains caractères de Monitor, d’autres de Tortue et malheureusement les Anglais n’ont pas de moyens de comparaison suffısans et n’ont pas assez de tems pour en faire une

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étude approfondie. Si j’avais pu rester seulement 3 mois dans leur pays j’aurais entrepris ce travail. J’ai déjà cru remarquer que dans ces nombreux fragmens il y a des restes au moins de 2 ou 3 espèces. À Oxford j’en ai vu d’une espèce bien plus grande, un fémur, entièrement semblable à celui d’un crocodile mais d’une longueur plus que triple de celle de nos crocodiles de 15 et 18 pieds annonçait un animal vraiment gigantesque. Il me paraît d’après ce que j’ai vu que nous n’avons encore fait qu’effleurer cette partie de la science qui concerne les reptiles fossiles. C’est à elle surtout que l’on doit s’attacher si l’on veut obtenir de beaux résultats, mais elle est diffıcile parce que les couches où on trouve ces os sont plus profondes, plus dures et qu’il est plus diffıcile de les dégager... ». Cuvier a donc profité de ce voyage pour examiner à Londres les restes d’Ichthyosaures qui viennent d’être nommés par Home (Home, 1814). Il a pu constater qu’à côté de ces reptiles marins étranges existaient d’autres espèces marines (deux ou trois) encore inédites (parmi elles les restes de plésiosaures), et un « animal gigantesque » terrestre à Oxford, celui qui sera décrit par William Buckland (1824) sous le nom de Megalosaurus. 3. Les liens scientifiques entre Cuvier et la Grande-Bretagne De retour à Paris, Cuvier, qui ne parle ni n’écrit l’anglais va faire tout ce qui est en son pouvoir pour accroître ses liens avec les chercheurs et les collectionneurs britanniques. Après les contacts qu’il a pu nouer à Londres et Oxford, il renforce son équipe à laquelle viennent se joindre deux personnes qui vont jouer un rôle très utile auprès de lui : l’Irlandais Joseph Barclay Pentland (1797–1873) (Delair et Sarjeant, 1975 ; Sarjeant et Delair, 1980) qui travaillera sans relâche de 1818 à 1822 au Jardin des Plantes et effectuera un voyage en Italie au cours duquel il récoltera des fossiles pour les musées de Paris et de Londres ; Pentland va jouer les intermédiaires, écrire de nombreuses lettres en anglais à la demande de Cuvier à William Buckland et à Conybeare, demandant de nombreux renseignements sur les découvertes de vertébrés fossiles, ainsi que des publications et des moulages à ses homologues anglais. À ses côtés, une anglaise, Madame Sarah Bowdich, qui est arrivée à Paris en 1819 avec son mari, Thomas Edward Bowdich (1791–1824) pour préparer une grande exploration de l’Ouest de l’Afrique. Bowdich mourra en Afrique et Sarah Bowdich restera auprès de la famille Cuvier durant 14 années, écrivant sous le nom de Sarah Lee la première biographie du grand naturaliste (Lee, 1833 ; elle passera de longues heures à copier dans la bibliothèque de Banks, des dessins de poissons que Cuvier utilisera pour la rédaction avec Achille Valenciennes, de son histoire naturelle des Poissons. De 1818 à 1824, Cuvier va suivre avec la plus grande attention toutes les découvertes de ces reptiles marins nouveaux effectuées en Grande-Bretagne et particulièrement à LymeRegis par les membres de la famille Anning. Il va recevoir bon nombre de lettres et de dessins, et il va correspondre avec Buckland, Conybeare, Mantell, De la Beche, Koenig, Leach, et Clift ; il réussira à se procurer en peu d’années des moulages et des fossiles originaux de ces reptiles marins qui lui serviront à écrire le chapitre V de ses volumes sur les ossemens fossiles. Parmi les personnes séjournant dans la région de Lyme-Regis se trouvait le lieutenantcolonel Thomas James Birch (Torrens, 1995) qui achetait des fossiles aux collecteurs

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Fig. 3. Portion du crâne d’Ichthyosaurus décrit par Home sous le nom de Proteosaurus, puis acheté par Cuvier dans la vente aux enchères de Londres en mai 1820 et publié dans le chapitre V des « Ossemens fossiles » après préparation de la pièce pour mettre en évidence les narines externes. Fig. 3. Part of the Ichthyosaurus skull described by Home under the name of Proteosaurus, and then bought by Cuvier at the London auction in May 1820 and published in chapter V of the “Ossemens Fossiles” after preparation of the specimen in order to show the external nares.

professionnels. Pour venir en aide à la famille Anning qui était en grande difficulté financière, le colonel Birch vend une partie de sa collection aux enchères à Londres en mai 1820 dans le cadre du Musée Bullock à Picadilly. Georges Cuvier se porte alors acquéreur de plusieurs très belles pièces (William Buckland se charge probablement des ordres d’achat), en particulier du crâne d’un Ichthyosaure déjà étudié par Sir Everard Home : « une tête à laquelle il ne manque que le bout antérieur du museau et une partie de la région occipitale et basilaire... C’est celle qu’a décrite Sir Everard Home, dans les Transactions de 1819, pl. XIII. Mais je l’ai encore mieux débarrassée de la pierre qui la recouvrait (Fig. 3), et j’y ai découvert de nouvelles particularités, et surtout les narines et le trou du pariétal » (Cuvier. De l’Ichtyosaurus. p. 453). De Lyme-Regis, Cuvier réussit à se procurer deux squelettes assez complets (Figs. 1 et 2, pl. XXVIII), deux autres portions d’arrière crâne (Figs. 2–5 et 6–7, pl. XXIX), une portion antérieure, trois portions de squelettes au niveau de la ceinture scapulaire (Figs. 1, 2, 5 de la pl. XXX) et une superbe palette natatoire gauche d’un jeune individu, encore attachée à son épaule, ainsi que le sternum et le coracoïde de l’épaule opposée (Figs. 3 et 4 de la pl. XXX) ; en plus de ces pièces remarquables, Cuvier se procurera des portions de mandibule, des vertèbres et des dents. L’achat de ce matériel a d’ailleurs été noté par H. Torrens (Torrens, 1995, p. 261) ; ce matériel est toujours présent dans les collections du Muséum et l’on peut dire que d’une certaine manière, Cuvier par ses achats, contribua à venir en aide à Mary Anning et à sa famille.

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On trouve la confirmation des acquisitions faites par Cuvier dans une lettre de Joseph Pentland à William Buckland, datée du 20 juin 1821 (et non 1820 comme il est indiqué par erreur, correction faite par Torrens p. 261 note 31. cf. Sarjeant et Delair, 1980, p. 257–261). « My dear sir, I have just received your two letters with that of Mr Conybeare enclosed, which I shall sent back to you as soon as Mr Cuvier has read it. I am very glad that Mr Conybeare and Delabeche are using all their efforts to make known the fossil remains of the lias, but I fear they are not suffıciently au fait of the Osteology of the Saurian Tribe (“which” deleted) and especially that of the head, which is the most diffıcult point of comparative anatomy, to establish that concordance between the lost and living species which Mr Conybeare seems to suppose in his letter. You know that we have a good many specimens hereat (sic), many of which we owe to your kindness, and from every consideration, I am sure that the fossil species approaches much nearer the family of lacertilians of Cuv. Or that family which embraces or contains all the Saurians except the single genus Crocodilus. » Pentland poursuit en donnant les élément relatifs à la description du crâne d’Ichthyosaure et donne des détails sur les narines externes situées au sommet du crâne que le préparateur de Cuvier a dégagées sur le crâne qui était auparavant en possession de Home. Sarjeant et Delair sont impressionnés par le savoir de Pentland en matière de Reptiles marins, mais c’est parce que Pentland tient ses informations toutes fraîches de la bouche de Cuvier lui-même et le but de la lettre de Pentland est de montrer que Cuvier est le premier à avoir trouvé ces détails anatomiques. Et Pentland de poursuivre : « I must also reclaim the priority of the discovery of the composition of the lower jaw ans its division into 6 separate bones for Mr Cuvier or rather for Mr Laurillard; indeed, from the moment of the arrival of colonel Birch’s specimens in July last, no one here doubted of it and I think I spoke to you of it during your last stay in Paris. I think they wd. do well at least to say so in an note, as if not Mr Cuvier will one day be obliged to reclaim against their discovery. » Pentland a d’ailleurs parlé à Leach et à Clift de ces détails anatomiques d’après les observations faites à Paris et il souhaite que la priorité de ces découvertes reste à Cuvier. Quand au nouveau fossile trouvé par Conybeare et de la Beche, Pentland pense qu’il s’agit d’un animal très différent de l’Ichthyosaure ; la description de cet animal nouveau, faite d’après des fragments et un squelette sans tête, sera donnée le 6 avril 1821 par Henry de la Beche (1796–1855) et William Conybeare (1787–1857) sous le nom de Plesiosaurus d’après des fragments de la collection de Birch probablement récoltés par Mary Anning (Torrens, 1995, p. 261). Tandis que la famille Anning découvre en Mai 1821 un nouveau spécimen d’Ichthyosaure de 5 pieds de long, très bien conservé, et qui sera finalement acheté par des acheteurs de Bristol et offert au nouveau Musée de cette ville (et malheureusement détruit pendant la Deuxième Guerre mondiale : Torrens, 1995, p. 263), les liens s’établissent rapidement entre Cuvier et ses collègues britanniques. Le 12 novembre 1821, Henri de la Beche, le futur fondateur du Geological Survey de Grande-Bretagne (Mac Cartney, 1977) écrit à Cuvier

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depuis Lyme-Regis, qu’il a effectué au printemps de la même année une exploration géologique des côtes Normandes et qu’il a découvert : « in the lay or marl opposite the Vaches Noires a humerus and three dorsal vertebrae of the new discovered fossil animal, which has been noticed by Mr Conybeare and myself in the part lately published of the geological transactions and to which we have given the name of Plesiosaurus. There is a very poor man of the name of François Bloche, who lives at Villers-sur-Mer, and who is in the habit of collecting the fossils of the marl opposite the Vaches Noires, I procured from him several vertebrae of one of the fossil crocodile which you have described. I think you might employ this man with advantage as he is very honest and civil. » (lettre Fonds Cuvier Museum). Le 20 mai 1822, Georges Cuvier reçoit de Philippe Barker Webb une lettre en français de Londres lui annonçant la visite à Paris de Monsieur Whittaker et le prie de le recevoir au Jardin des Plantes. « J’ose demander pour lui l’honneur d’être admis à votre société du samedi dont je suis sûr que vous le trouverez digne » (Cuvier recevait chaque samedi soir en son domicile du Jardin des Plantes, ses collègues, les visiteurs de passage au Muséum ses amis, les amis de ses filles Sophie Duvaucel et Clémentine, dont l’écrivain Stendhal, le peintre Delacroix etc.). « En fait de géologie nous n’avons rien de nouveau à vous rapporter, si ce n’est la découverte de Monsieur Buckland en Yorkshire [il s’agit des grottes de Kirkdale où Buckland découvre des ossements d’hyène en 1821] (Rupke, 1983) dont vous recevrez sans doute les détails de sa propre main et que notre société géologique va publier un autre volume de ses transactions, qui contient entre autre la description de l’Ichtyosaurus et du Plesiosaurus de Lyme, (l’article sera signé de Conybeare, 1824) et du Megalosaurus de Stonesfield près d’Oxford aussi par Monsieur Buckland [article de Buckland, 1824 même volume]. Je vous prie de présenter mes compliments très respectueux à Madame la Baronne et aux demoiselles ses filles etc. » (lettre Fonds Cuvier Muséum). Le 4 Septembre 1823, Cuvier reçoit de Bristol une lettre de James R. Johnson Jr, un collectionneur de fossiles et un amateur éclairé en paléontologie. Johnson, membre de la Geological Society, présentait dès 1815 devant la Linnean Society de Londres des fossiles dont un compte rendu est donné dans les Annals of Philosophy de Londres une note relatant la découverte d’os fossiles trouvés dans la falaise de Lyme dans le Dorsetshire (Johnson, 1815) ; ces os que certains supposaient être des os de crocodiles appartenaient selon J. Johnson, à une nouvelle espèce encore inconnue d’un animal amphibie. La lettre de Johnson à Cuvier, en français (Fonds Cuvier Muséum) était ainsi libellée : « Monsieur le Baron, Une occasion se présentant de vous écrire par un de mes amis Monsieur Bisset partant pour Paris, je vous prie d’excuser la liberté que je prends de vous adresser. L’objet que j’ai en vue actuellement est de vous informer des suites d’un voyage que

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mon père et moi ont faits (sic) dans les comtés de Dorset et Somerset à Lyme et Watchet sur le rivage de la mer dans la recherche des os fossiles de l’Ichtyosaurus. À Lyme nous avons obtenu un bel échantillon de la mâchoire inférieure qui peut avoir appartenu à cet animal qui est remarquable par la longueur pointue du nez (long tapering snout). L’esquisse que j’en ai fait vous en donnera une idée. La longueur est de 2 pieds — 8 pouces — l’extrême largeur 5 pouces — la plus étroite 1 pouce et 1/4 — plusieurs des dents sont assez parfaites mais malheureusement celles à l’extrémité sont couvertes de pyrite qui les cachent. Nous avons aussi obtenu un squelette de la tête et de la patte antérieure de l’Ichtyosaurus bien conservée et un beau poisson fossile, le Dapedium palidum de Monsieur le docteur Leach. Nous n’étions pas heureux à Lyme dans nos propres recherches sur le rivage il y a tant de monde qui s’occupe à faire des belles recherches — mais à Watchet nous trouvâmes la patte de l’Ichtyosaurus fort bien conservée — nous avons aussi trouvé des fragmens de la tête de cet animal. Si, Monsieur le Baron, vous voudriez avoir des dessins de ces fossiles, j’aurai beaucoup de plaisir en vous les remettant par la première occasion ou si vous voulez bien m’indiquer quelque méthode de les envoyer, je le ferai sans délai. Je dessine si mal que je n’ose pas les faire moi-même, mais j’ai un ami, Monsieur Cumberland, de cette ville qui me les dessinera (je n’en doute pas) et qui les fera bien étant artiste amateur et qui a de plus une assez bonne connaissance des fossiles. Je vous prie encore d’excuser la liberté que je prends. J’ai l’honneur d’être, etc. J.R Johnson Je vous prie d’accepter un petit ouvrage que j’ai écrit, il y a quelque temps sur la sangsue et un mémoire publié dernièrement dans les Transactions Philosophiques sur ces animaux singuliers et curieux les planariae. Je serai charmé si je pourrai vous être utile à Bristol ou dans ce voisinage et je vous prie de me commander. Mon adresse est : J.R. Johnson M.D., Dowry Parade, Bristol. Cette lettre est la première d’une correspondance suivie entre J.R. Johnson dont le père James Johnson (1764–1844) de Bristol était un gentleman collectionneur (Torrens, 1995, p. 259) et Cuvier ; Cuvier répondra favorablement à la proposition du collectionneur le 15 octobre 1823 ; Cumberland enverra comme promis des dessins à Cuvier des plus belles pièces de la collection de reptiles marins des Johnson. On trouve en effet dans les papiers de Cuvier, les pièces suivantes : un dessin au crayon et au lavis du crâne d’un Ichtyosaure : « Mr. C. drew this head from M. Johnson enormous fossil found in 1813 at Lyme » ; un dessin sur un papier de soie de couleur orange, un dessin de profil d’un crâne d’Ichtyosaure, dont la légende indique : « species of alligator found at Keynsham near Bath 1813 and now in possession of Brackenridge esq. Bristol ; traced by M. Cumberland ». Le 10 décembre 1823 est annoncée une découverte sensationnelle faite par Mary Anning : il s’agit cette fois d’un squelette complet de 9 pieds de longueur, pourvu à l’extrémité d’un long cou d’une toute petite tête ; la découverte du premier spécimen très complet de Plesiosaurus fut annoncée le 20 février 1824 à la réunion de la Société géologique de Londres par William Conybeare. Cette pièce exceptionnelle fut achetée par le Duc de Buckingham à un prix de 100 livres. L’annonce de cette découverte déclenche une cascade d’envois de lettres et de documents en direction de Cuvier.

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Dès le 4 mars 1824, Mr Cumberland par l’intermédiaire de Monsieur Benjamin Charleryde Bristol puis de Monsieur Louis André, banquier à Paris envoie une lettre à Cuvier avec un dessin (Fig. 4) donnant des détails sur la découverte du Plésiosaure, proposé d’abord à Mr Johnson pour la somme de 120 livres et finalement acheté par le duc de Buckingham pour la somme de 100 livres (fonds Cuvier Muséum). Bristol le 4 mars 1824, Benjamin Charlery à Monsieur Louis André : Mon cher Monsieur, Mon ami Monsieur Georges Cumberland m’a chargé de vous remettre l’esquisse d’un animal fossile que vous trouverez à l’autre part. Vous y verrez qu’il a été trouvé dernièrement à Lyme, qu’il est devenu la propriété du duc de Buckingham et qu’il est maintenant à la Société royale de Londres pour être inspecté et classé. Monsieur Cuvier sera peut-être charmé d’en voir la description ayant fait déjà de profondes recherches sur les Plésiosaures. Monsieur Cumberland sera aussi charmé qu’à l’occasion vous puissiez lui envoyer la boîte de Marl ou les coquilles dont il fait mention à la suite de son explication. Veuillez me rappeler au souvenir de votre chère famille et me croire votre dévoué serviteur. Benjamin Charlery P.S. Une vieille blessure à la jambe qui était fermée depuis près de 40 ans, vient de se rouvrir et me tient attaché à mon sopha (sic). Si elle reste ainsi aussi longtemps qu’elle a été fermée, il faudra m’armer de patience. Au verso de la lettre en anglais de la main de M Cumberland : Dear Sir, This new fossil animal was found at Lyme in Dorsetshire, in the Blue Lyas on the coast, in January 1824, or earlier, and, along with this rude sketch, communicated to M. Johnson of Bristol, to whom they first offered the specimen for the price of £ 120 sterling stating that it was in good preservation and the whole 9 english feet in length measuring 4 feet from the point of one fin to the other. The head only 6 or 7 inches long, perhaps only 6 1/2 has been purchased by the Duke of Buchingham for £ 100 — and is now before the Geological Society in London — who are of opinion at present that it is an entire animal— at least it is thought to be so by Mr Conybeare who considers it as Plesiosaurus — Mr Cuvier must see it and decide its genus.— The neck and head are extraordinarly long, and seem to be so turned that they may have been an inverted tail. — I am yours etc. G. Cumberland P.S. any new Perna shells will oblige Mr C. especially if full of the Marl containing minute ones — or a box of the marl. Puis le 16 mars 1824, Cuvier reçoit une lettre de William Buckland (Fonds Cuvier Muséum). Buckland autorise Cuvier à utiliser les planches préparées par lui de la descrip-

48 P. Taquet / Annales de Paléontologie 89 (2003) 37–64 Fig. 4. Dessin de Georges Cumberland du squelette de Plésiosaure découvert à Lyme-Regis par Mary Anning et vendu au Duc de Buckingham ; ce dessin accompagne la lettre de Monsieur Charlery de Bristol et transmise à Cuvier par Monsieur André (4 mars 1824) (Fonds Cuvier, Muséum. Photo Bibliothèque Centrale du Muséum). Fig. 4. Drawing from Georges Cumberland of the plesiosaur skeleton discovered at Lyme-Regis by Mary Anning and sold to the Duke of Buckingham; this drawing was with the letter from Mister Charlery from Bristol and was transmitted to Cuvier by Mister André (March 4th 1824) (Cuvier Archives, Muséum. Picture from the Bibliothèque Centrale du Muséum).

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tion de Megalosaurus, mais il joint à sa lettre une lettre et des dessins de William Conybeare relatifs aux reptiles marins et en particulier à la découverte du Plésiosaure de Lyme-Regis et lui communique la figure de cet animal gravée par Webster, tout en faisant des commentaires sur les reptiles marins qu’il compare aux dauphins et aux rorquals. Cuvier répond aussitôt à William Conybeare, Membre de la Société royale, Brislington, Bristol (lettre Fonds Turnbull Library, Wellington ; Nouvelle-Zélande) :

le 20 mars 1824 Au jardin du Roi Monsieur, J’étudiais depuis quelques jours, avec une nouvelle attention, vos beaux mémoires sur la distinction du Plésiosaurus et de l’Ichtyosaurus afin d’en profiter pour mon dernier volume qui va paraître sous quelques semaines, lorsque je reçus par un ami, une esquisse de l’individu que vous examinez maintenant. Je vous avoue que j’eux peine à y croire, et qu’il m’a fallu votre lettre, pour me convaincre qu’on avait pas trompé la personne qui m’avait écrit. Vous-mêmes êtes vous bien convaincu qu’il n’y a pas eu rapprochement de plusieurs individus ? Cette découverte, en ce cas, surpasse toutes celles que l’on a faites jusqu’ici, et il n’y a rien de si monstrueux que l’on ne doive s’attendre à voir sortir des carrières du Lias. J’attends avec la dernière impatience les dessins que vous me promettez. Je suis fort occupé en ce moment de l’Ichtyosaurus ; j’en ai découvert entièrement le sphénoïde et les ptérygoïdiens, ils sont comme dans les lézards. J’ai trouvé aussi à tous mes individus un trou percé au bord antérieur du pariétal, comme dans les iguanes, et beaucoup d’autres lézards. Quant aux narines, elles sont percées aux côtés de la base du museau en avant des yeux. Je les ai trouvées ainsi dans la tête même où sir Everard Home avait cru voir le contraire, et que j’ai acheté de Bullock ; c’est comme dans les oiseaux et le caméléon. ... Vous devriez bien reprendre des moules en plâtre des principaux os et surtout des différentes vertèbres de votre singulier animal. Cela nous aiderait bien mieux que de simples dessins à la recherche de ce monstre. Je me ferai un grand plaisir si vous le désirez de vous faire passer ceux que j’ai fait faire de nos fossiles d’ici et dont vous avez pu déjà voir une partie chez M. Buckland. Cette méthode est infiniment plus commode que toute autre pour apprendre à connaître la zoologie de l’ancien monde qui devient chaque jour plus importante. Recevez, je vous prie, mes remerciemens, et pour ce que vous m’avez appris, et pour tout ce que vous promettez de m’apprendre. Je vois qu’arrivé au septième (sic) volume, je n’ai fait encore qu’entrevoir un peu de ce monde d’autrefois ; c’est de vous et de vos confrères que nous avons maintenant à en attendre une véritable histoire. Agréez l’assurance de la haute considération avec laquelle je suis etc. B.G. Cuvier

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Le lendemain, le 21 mars Cuvier reçoit une nouvelle lettre de Johnson Jr (Fonds Cuvier Muséum) : (de Dowry Parade, Bristol) : To Baron Cuvier Sir I took the liberty of forwarding you some time back by a friend who I expect will reach Paris in the course of the next months about half a dozen drawings of the best preserved and most interesting fossil remains of the Ichtyosaurus (–) from Lyme and Watchet in my father’s Museum. Having been disappointed in the Gentleman upon whom I depended to take the drawings — owing to his long absence from Bristol — I have been obliged to sketch them myself. They are I must confess but rudely executed yet they are tolerably exact (–) to the admeasurements. An account of the very fine fossil skeleton found at Lyme in December last has no doubt on this --- reached you and you may probably have received a drawing of its also — indeed I can sarcely imagine you have not — so much interest having been excited by this discovery — When it was first discovered my father received intimation of from the young woman who found it accompanied with a single sketch. In the event of you not having seen it — it will I know prove acceptable I therefore join a fac simile [dans la lettre même est inséré le schéma du squelette de Plésiosaure tel qu’il a été trouvé, avec des indications sur ses dimensions en pieds et en pouces] of it for your inspection. It is as you will perceive a remarkably fine specimen. It is about ten feet in length. It was purchased by the Duke of Buckingham for one hundred pounds and is now deposited with the Geological Society in London. It possesss a head remarkably small and a great length of neck — but judging only from this sketch — not having ever seen the original specimen — it seems to me that the great apparent length of neck is owing to some displacement or sliding down of the bones — constituting the chest and Pelvis and I may further remark that the spinous process of the vertebra of the neck and tail are in opposite direction — probably the head is only a fragment and not entire— should this be the case its disproportionate size compared with the rest of the body may be readily accounted for — but to intrude upon you any further remarks relative to this specimen would be quite out of place — since a single glance will convey to you more information than any thing I can say upon this subject. Particularly as my knowledge on these fossils is extremely limited and I cannot but imagine you have already received every information you may wish from Professor Buckland who I believe, saw it shortly after its removal to london. Should you not receive the drawings I lately send sent you by the end of the next months — I will should you — so request — send you other copies. My father and myself intend revisiting the Lyme and Watchet coast this summer. Should we meet with any things worth of notice, I shall not fail to communicate it. Trusting you will pardon the liberty I have in adressing you in English I beg leave to remain Your very respectfully J.R. Johnson

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Le 3 avril 1824, Cuvier reçoit un nouvel envoi de Buckland qui lui fait parvenir cette fois 2 magnifiques lavis du déjà célèbre spécimen complet de Plesiosaurus, « belonging to his Grace of the Duke of Buckingham found in the lias shale at Lyme Regis in 1824, copied by Miss Morland [la future Madame Buckland] from a drawing by Mary Anning [avec une échelle en pieds et en pouces (Fig. 5)] » ; une note signale que le spécimen dessiné par Mary Anning a été trouvé par le capitaine Warring. Un peu plus tard, le 20 juin 1824, une nouvelle lettre de Buckland adresse à Cuvier les deux planches gravées de Plésiosaure, réalisées par l’imprimeur Hullmandell (Fonds Cuvier Muséum). Le 4 Août 1824, nouvelle lettre de Johnson à Cuvier (Fonds Cuvier Muséum) : Sir, I had forwarded the drawings of a few of the most interesting fossils from Lyme by a private hand a few days before I received your letter and regret that I had done so since I knew it would not reach you so soon as by the diligence according to your desire. The person to whom I entrusted them remains much longer in London than I expected and I fear a considerable time elapsed before they passed into your hands. In the event of their having micarried — I send you by the gentleman who will deliver you this two or three sketches of the same fossils. And had I been aware of my friend’s intention to visit Paris so soon would have contrived to send you a few casts of the varieties of teeth in my father’s collection — from Lyme and Charmouth — I was apprised a few days since in one of the papers that the person to whom we stand indebted for the discovery of so many interesting remains of a former world had found another complete fossil skeleton of the Ichtyosaurus tenuirostris —- my father is unexpectedly called away into Scotland as we should have visited Lyme according to annual custom — thus disappointed I have written for a sketch and particulars of this fossil together with the price — when I receive them I shall transmit them to you — but it is more than probable that I shall in this — as in the former instance be anticipated by a previous communication. May I beg the favor of your giving the gentleman, the bearer of this letter — a ticket that will admit him to the museum of Natural history — the pride and glory of France — on other days expect those open to strangers — At any time that I may be of service to you I beg you will command me with many thanks for the friendly attentions you have shown me. I am Dr Sir Br [Baron] very sincerely J.R. Johnson Avec cette lettre Johnson joignait 2 dessins au crayon : une portion de crâne d’Ichthyosaure avec l’orbite et une partie de l’anneau sclérotique en place et 2 dessins de mandibule d’Ichthyosaure avec des dents en place sur celles-ci (Fig. 6). Cette lettre est intéressante car elle nous montre que Johnson Jr était prêt à vendre à Cuvier, s’il ne l’avait pas déjà fait, des fossiles de Lyme. Et de fait Johnson qui a reçu de nouvelles informations de Lyme s’empresse d’écrire une nouvelle lettre à Cuvier le 14 Août (Fonds Cuvier Muséum) : I hasten to fulfil the promise I made in a letter recently transmitted you by a private hand of laying before you a sketch of the fossil lately discovered at Lyme.

52 P. Taquet / Annales de Paléontologie 89 (2003) 37–64 Fig. 5. Dessin du squelette complet de Plesiosaurus découvert par Mary Anning et vendu au Duc de Buckingham ; lavis de la main de Mary Morland (la future Madame Buckland) d’après un dessin de Mary Anning envoyé par William Buckland à Georges Cuvier le 3 avril 1824 ; échelle en pieds et en pouces (75 × 39 cm) (Fonds Cuvier, Muséum. Photo Bibliothèque Centrale du Muséum). Fig. 5. Drawing of the complete skeleton of Plesiosaurus discovered by Mary Anning and sold to the Duke of Buckingham; wash drawing from Mary Morland’s hand (the future Mrs Buckland) from a drawing made by Mary Anning, send by William Buckland to Georges Cuvier on the third of April 1824 ; scale in feet and inches (75 × 39 cm) (Cuvier Archives, Museum. Picture from the Bibliothèque Centrale du Muséum).

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Fig. 6. Portions de mandibules d’Ichthyosaures de la collection Johnson ; dessins au crayon de James Johnson Jr, accompagnant la lettre du 4 Août 1824 de James Johnson à Georges Cuvier (Fonds Cuvier Muséum. Photo Bibliothèque Centrale du Muséum). Fig. 6. Parts of Ichthyosaurs lower jaws from the Johnson collection; lead drawings from James Johnson Jr with the letter of August 4, 1824 sent by him to Georges Cuvier (Cuvier Archives, Muséum. Picture from the Bibliothèque Centrale du Muséum).

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I was surprised as my father’s receiving no information of it at the time when found. Imagining it would give yourself and my father (who is now in Scotland) as he would have visited Lyme this summer where he usually goes once a year, some satisfaction to know the particulars. I wrote to Mary Anning the person who found it for a sketch and information respecting it. She says in her letter now before me “I have scratched an outline of the skeleton to give you some notion of what it is like — the scale is one inch for one foot — its name Ichtyosaurus tenuirostris — I have sold it to the Duke of buckingham for 110 £ — I should have given your father the offer of it but when I saw him last he told me that he would not exceed 40 £ for a fossil which sum my father once offered for the specimen now in the Bristol Institution that was at length purchased for 50 £. To judge from the annexed sketch (Fig. 7) of the fossil now found it does not seem to be — particularly the head — in great preservation. If you should have already received from M. Buckland and Conybeare which I think very likely, a sketch or particulars of the above it would be of no use in future my writing to you upon the subject. If this be the case I shall confine myself to the account of such specimens only that may herafter fall into my father’s possession. I forwarded to you a few days ago before I received your letter sketches of the following fossils in my father’s cabinet — the long tapering snout — fine fragment of a large jaw — D° of a colossal head — D° of a large paddle (which was obtained from the neigbourhood of this city (Bristol) instead of Lyme as erroneously mentioned) and specimen of a fine and perfect paddle from Watchet and also of a small one in good preservation with vertebra etc. from Lyme. As the person to whom I entrusted them did not go direct from hence to Paris and fearing you may not have received them, I sent you by a gentleman a few days since copies of the first which in the event of the those having miscarried may not prove unacceptable.” I expect we shall very shortly be put in possession of some very fine and perfect specimens of the Ichtyosaurus from Lyme. The plan now followed on the coast by those who search for fossils is very different to what it was in former times. Immediately on the apparence of any bones they were formerly dug out and sold in a detached state. Now when any bones are discovered, they are left sometime for months in the situation where first seen waiting the event of some heavy sea with the wind in a particular direction to expose them. As they lie embedded in soft marl, le latter is carefully detached fragments by fragments until the size and figure of the fossil be complete determined. The slab of marl, if I may so express myself is then carefully raised so up to deplace as little as possible the relative situation of the bones. In this way the former specimen purchased by the Duke of Buckingham was dug up with the bones in the precise situation in which they are seen on the sketch I formerly sent to you. 4. Constant Prévost à Lyme-Regis Tandis que Johnson s’efforçait avec beaucoup de dévouement d’aider en 1824 Cuvier en lui fournissant toutes les informations en sa possession, le naturaliste français avait tout mis en œuvre pour développer un autre volet de sa stratégie en envoyant sur place un naturaliste voyageur, Constant Prévost (Gosselet, 1896) (Fig. 8).

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Fig. 7. Lettre de James Johnson du 14 Août 1824 envoyée à Georges Cuvier avec un dessin de l’Ichthyosaurus tenuirostris découvert par Mary Anning en juin 1824 à Lyme-Regis (Fonds Cuvier, Muséum. Photo Bibliothèque Centrale du Muséum). Fig. 7. Letter from James Johnson Jr sent to Cuvier the14th of August 1824 with a drawing of the Ichthyosaurus tenuirostris discovered by Mary Anning in June 1824 at Lyme-Regis (Cuvier Archives, Muséum. Picture from the Bibliothèque Centrale du Muséum).

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Fig. 8. Portrait de Constant Prévost (lithographie de Thierry frères). Fig. 8. Constant Prévost portrait (lithography from Thierry frères).

La même année, les professeurs administrateurs du Muséum, avec leur directeur Mr Cordier, leur secrétaire Mr Brongniart et leur trésorier Mr Thouin adressaient une lettre, le 3 Avril 1824, à son Excellence le ministre secrétaire d’État du département de l’intérieur la lettre suivante (Fonds F.17. 3977. Archives Nationales) : Monseigneur, Mr Constant Prévost, naturaliste distingué, connu par plusieurs mémoires sur la géologie qui ont été favorablement accueillis par l’Académie des Sciences vient d’informer l’administration du Muséum qu’il se propose de faire en Angleterre un

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voyage géologique, dans le but de comparer les terrains de ce pays avec ceux des parties de la France qui lui correspondent. Il offre au Muséum de consacrer une partie de ce voyage à faire une collection géologique des terrains de l’Angleterre qu’il visitera, et demande que l’administration lui en facilite les moyens en lui accordant quelques fonds qui lui permettent de donner plus d’extension à ses recherches. Nous sommes d’autant plus disposés à accueillir cette proposition que nous avons l’entière certitude que des collections géologiques ne peuvent être faites utilement que par des hommes très instruits dans cette science, et que sous ce rapport Mr Constant Prévost offre toutes les garanties désirables. Nous ajouterons que le muséum est déjà redevable à Mr Prévost de deux collections très nombreuses et très importantes, celle des environs de Vienne en Autriche et celle des côtes de la Normandie dont il nous a gratuitement fait hommage et qu’il serait fâcheux de laisser perdre l’occasion de procurer à peu de frais au cabinet de sa Majesté, une suite des terrains les plus remarquables de l’Angleterre faite de la main d’un voyageur aussi exercé. Nous avons donc l’honneur de bien vouloir autoriser à allouer à Monsieur Constant Prévost sur les fonds des voyageurs naturalistes de 1824, pour le Muséum d’histoire Naturelle des suites les plus complètes possibles de roches, de minéraux et de corps organisé fossiles des terrains qu’il visitera et notamment de ceux des côtes d’Angleterre qui correspondent à celles de France, de ceux qui entourent Londres jusqu’à Cambridge et Oxford et enfin ceux des pays de Galles et de Cornouailles. Nous sommes avec respect Monseigneur etc. Je n’ai pas trouvé jusqu’à présent le montant de la subvention allouée à Constant Prévost, mais les affaires ne traînèrent pas car le 8 mai 1824, nous savons par une lettre de Charles Lyell le grand géologue à l’un de ses correspondants (Dawson Turner cf. Wilson, 1972 : p. 126) : “I am to receive here on Friday Monsieur Constant Prévost, an eminent French Geologist who received me last year in France with great hospitality. In a fortnight I am to commence a tour with him from Purbeck along the coast of Dorset & Devon to Cornvall to return by Wales, Bristol, Oxon etc.” Grâce à la biographie de Lyell, par Wilson (1972), nous pouvons suivre le voyage de Lyell et de Prévost ; pour commencer leur excursion, les deux géologues se rendent d’abord à Oxford (où Prévost fera d’excellents dessins de la mandibule d’un petit mammifère trouvé dans les calcaires jurassiques de Stonesfield dont les affleurements ont livré les os du Megalosaurus) ; les voyageurs quittent Oxford le 29 mai pour Birmingham, puis se rendent à Bristol où le Révérend W.D. Conybeare les accueille à son domicile. De Bristol, les deux géologues se dirigent vers le Sud-Ouest jusqu’à Exeter, puis jusqu’à la pointe de la Cornouaille, reviennent jusqu’à Plymouth et longent la côte pour visiter les localités géologiques classiques de Lyme-Regis, Weymouth et de l’île de Portland. À Lyme-Regis ils virent : “a magnificent specimen of an Ichtyosaurus” which had recently been discovered in the cliffs there “by the celebrated Mary Anning” of which Prévost made a sketch.

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They also actually witnessed the discovery of a superb skeleton of Ichtyosaurus vulgaris, by Miss Anning. It was perfect save the tail, wh. A cart wheel had passed over. Finally, after visiting the various points of geological interest along the coast, Prevost spent several days with the Lyells at Bartley. “Mons. Prevost is so sensible, unaffected, & quiet,” Mr Lyell wrote to his friend Turner, “that even my idle young ladies would have been pleased if he had made a longer visit though he could not speak a word of English” (Wilson, p. 129). Comme on peut le constater, le charme des visiteurs français agissait sur les jeunes filles anglaises et ce bien avant que l’écrivain John Fowles ne publie sa célèbre nouvelle dont l’action se déroule à Lyme-Regis (Fowles, 1972) et met en scène un collecteur de fossiles : “The French Lieutenant’s Woman” (le roman a été traduit en français sous le titre : Sarah et le Lieutenant Français, adapté par Harold Pinter il a été porté à l’écran par Karel Reisz en 1981). Constant Prévost partira début Juillet pour Londres et Paris ; il rapportait dans ses bagages pour Cuvier un magnifique dessin de « l’Icthyosaure [sic] tenuirostre trouvé à Lyme-Regis par Mlle Marie Anning en juin 1824 » lors de leur passage (Fig. 9). Mais quelle ne fut pas ma surprise en me plongeant dans les archives et les collections du Muséum national d’histoire naturelle de découvrir que Constant Prévost en rencontrant Mary Anning s’était porté acquéreur d’un extraordinaire spécimen (complet à l’exception du crâne).... de Plésiosaurus, le deuxième exemplaire (après la découverte du spécimen vendu au Duc de Buckingham). Constant Prévost lui-même raconte dès son retour en France ce qui s’est passé dans un article publié en 1825 dans le Bulletin de la Société Philomatique (Prévost, 1825) : « Le petit port de Lyme-Regis sur les côtes de la manche, au sud de l’Angleterre (Dorsetshire) est devenu célèbre par le grand nombre d’ossements de reptiles inconnus qui ont été trouvés dans les couches dont sont formées les falaises dans cet endroit du rivage. ... nous avons vu, pendant le voyage que nous avons fait en Angleterre l’année dernière, le plus bel échantillon qui existe de cette espèce (l’Ichtyosaure tenuirostre dont Prévost a fait le dessin) : il était encore en la possession de miss Mary Anning qui a recueilli sur les côtes de Lyme-Regis presque tous les fossiles du Lias, qui depuis sont devenus célèbres par les travaux auxquels ils ont donné lieu. Cet Ichthyosaure à long museau est presque complet, et il avait au moins 12 pieds de longueur, des dents fines et courtes sur des mâchoires grêles, étroites, longues de plus de 2 pieds ». Constant Prévost explique ensuite comment Mary Anning a découvert le spécimen de Plésiosaure acheté par le Duc de Buckingham et poursuit : « Le plus bel échantillon de la même espèce de Plésiosaure, après celui dont nous venons de parler, est celui que possède maintenant le Muséum d’histoire naturelle de Paris ; nous avons presque été témoin de la découverte qui en fut faite sur la plage de Lyme-Regis par des matelots de ce petit port ; ceux-ci, après l’avoir extrait avec tout le soin possible, sous la surveillance de miss Mary Anning, venaient de le céder à cette dernière, lorsque nous visitâmes ce lieu. Nous avons été assez heureux de pouvoir profiter d’une occasion aussi favorable d’être de quelque utilité aux savants de notre pays, et nous

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Fig. 9. Dessin au crayon de Constant Prévost de l’Ichthyosaure tenuirostre trouvé à Lyme-Regis par Mlle Marie Anning en juin 1824 et donné à Cuvier (Fonds Cuvier, Muséum. Photo Bibliothèque Centrale du Muséum). Fig. 9. Lead drawing by Constant Prévost of the Ichthyosaurus tenuirostris discovered at Lyme-Regis by Miss Mary Anning in June 1824 and given to Cuvier (Cuvier Archives, Muséum. Picture from the Bibliothèque Centrale du Muséum).

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avons fait hommage au Muséum d’anatomie comparée, d’une pièce unique qui aurait pu toujours manquer à sa belle collection sans le hasard qui nous a fait devancer les amateurs et les savants anglais. À l’exception du cou et de la tête qui manquent, le reste du corps est presque entièrement conservé ; et cette partie a même sur le fossile du Duc de Buckingham cet avantage, que les vertèbres dorsales ne sont point déplacées ». « Tous les reptiles dont nous venons de parler se trouvent ensemble, soit dans les couches solides, soit dans les couches argileuses du Lias, et quelquefois même les portions d’un même squelette sont enveloppées dans des couches de nature différente ; les os qui paraissent avoir appartenu à un même individu sont généralement réunis, au point que la découverte d’une seule vertèbre ou d’une seule phalange autorise à rechercher dans le même lieu les autres parties de l’animal, parce que ces recherches ont souvent [comme nous l’avons appris de miss Mary Anning elle-même] été couronnées de succès ». Dans la biographie de Constant Prévost établie par Jules Gosselet (Gosselet, 1896) on trouve la confirmation de ces faits : « On trouve dans ses carnets de voyage quelques détails sur son acquisition. Le commerce des fossiles de Lyme-Regis était alors entre les mains d’une femme, Miss Mary Anning. C’est elle qui trouva le premier squelette, celui qui est au collège des Chirurgiens à Londres. Elle le vendit 5 l.s. (livres sterlings) au Colonel*** (le Colonel Birch) qui l’a revendu de suite 80 l.s. L’Ichtyosaure, qui est au Musée de Bristol, a été vendu 50 l.s. ; un Plésiosaure a été acheté 120 l.s. par le Duc de Buckingham. Le Plésiosaure du Muséum de Paris a été découvert par des marins sur la plage, Miss Anning le leur a acheté 3 livres et elle le vendit 10 l.s. à Constant Prévost ». Constant Prévost peut en effet être fier de sa mission en Angleterre puisqu’il rapporte dans ses bagages un squelette de Plésiosaure splendide, le deuxième spécimen de ce genre de Reptile marin récolté par Mary Anning. Mais la pièce arrive à Paris alors que Cuvier avait déjà envoyé à l’imprimeur le manuscrit de son chapitre V « De l’Ichtyosaurus et du Plésiosaurus » de son dernier tome de la deuxième édition des « Ossemens Fossiles ». Cuvier n’a pas pu inclure dans son volume un dessin de ce fossile magnifique et ni même faire allusion à sa découverte, car le volume imprimé sera présenté devant l’Académie des Sciences le 12 juin 1824 (Chandler Smith, 1993). Mais l’année suivante, en 1825, Cuvier publie une troisième édition de son « Discours sur les révolutions de la surface du globe » (Cuvier, 1825), il va profiter de cette occasion pour glisser dans les illustrations la gravure du spécimen acheté à Mary Anning et donné par Constant Prévost (pl. III, Fig. 1) avec la légende suivante : le beau squelette de Plesiosaurus recueilli par Miss Mary Anning, et donné au Muséum d’histoire naturelle par M. Prévost. Cuvier ajoute : « il est décrit dans les recherches sur les ossemens fossiles, tome V, 2e partie, p. 475 » (ce qui est faux car c’est le spécimen du Duc de Buckingham que Cuvier décrit) ; et Cuvier d’ajouter : « comme la tête et la plus grande partie du cou y manquent, on a ajouté ces parties, Figure 2, d’après un autre squelette qui appartient au Duc de Buckingham ». En effet Cuvier a découpé sa planche XXXI de la deuxième édition des « Ossemens Fossiles » pour ne garder que le cou et substituer au corps du premier plésiosaure découvert par Mary Anning le corps du deuxième exemplaire (Fig. 10) lui aussi

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Fig. 10. Spécimen de Plésiosaure de Lyme-Regis acheté par Constant Prévost à Mary Anning ; gravure du spécimen pour la 3e édition du « discours sur les révolutions du globe » de Cuvier. Cuvier a ajouté la gravure du cou et du crâne du spécimen du Plesiosaurus acheté par le Duc de Buckingham. Fig. 10. Specimen of Plesiosaur from Lyme-Regis bought by Constant Prévost to Mary Anning; engraving of the specimen for the third edition of the Cuvier “Discours sur les révolutions du globe”. Cuvier added the engraving of the neck and of the skull of the specimen bought by the Duke of Buckingham.

62 P. Taquet / Annales de Paléontologie 89 (2003) 37–64 Fig. 11. Spécimen de Plésiosaure de Lyme-Regis acheté par Constant Prévost à Mary Anning et exposé aujourd’hui dans la galerie de Paléontologie du Muséum national d’histoire naturelle à Paris (photo Serrette MNHN). Fig. 11. Specimen of a Plesiosaur from Lyme-Regis bought by Constant Prévost to Mary Anning, in exhibit today inside the gallery of Paleontology of the Muséum national d’Histoire naturelle in Paris; (picture from Serrette, MNHN).

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trouvé par Mary Anning, une modification qui a sans aucun doute échappé à tous les chercheurs étudiant les Plésiosaures. Enfin last but not least, ma surprise fut grande de trouver exposés dans la galerie de paléontologie du Muséum, deux des plus beaux fossiles de Reptiles marins dont il a été question dans la revue historique faisant l’objet de cet article : • le squelette de Plésiosaure rapporté par Constant Prévost est placé au-dessus des vitrines (Fig. 11), accroché à une potence et l’étiquette porte le nom de Mary Aning (sic), mais cette pièce magnifique, signalée par Cuvier dans l’ouvrage cité ci-dessus n’a jamais été décrite ; • l’arrière-crâne de l’Ichtyosaure décrit par Home, sous le nom de Proteosaurus et acheté par Cuvier est également présent dans une vitrine sans que l’étiquette qui lui est associée ne fasse allusion à son prestigieux passé. 5. Conclusion Le Symposium de 1999 « Mary Anning and her Times : The Discovery of British Palaeontology, 1820–1850 » a été une excellente occasion de souligner l’importance, l’intérêt et la qualité des liens scientifiques qui lièrent la France et la Grande-Bretagne, de 1800 à 1824, dans le domaine de la paléontologie des Reptiles fossiles et particulièrement dans celui des Reptiles marins. Malgré les difficultés politiques, malgré la différence des cultures et des langues, malgré les guerres napoléoniennes, il est heureux de constater que les scientifiques britanniques et français ne cessèrent de se rencontrer, d’échanger des informations, des documents, des moulages et des fossiles originaux. Cette confiance et cette admiration réciproques entre les géologues et les paléontologues installés de chaque côté de la Manche furent certainement renforcées grâce à des personnalités telles que Mary Anning, William Conybeare, Henri de la Beche, William Buckland d’une part, Constant Prévost, Georges Cuvier d’autre part. Tous auront grandement contribué à recueillir et à faire connaître des témoignages précieux et irremplaçables de mondes disparus. Remerciements Cet article est dédié à William Sarjeant qui le premier attira mon attention sur les liens entre Pentland et Cuvier et sur l’importance des échanges scientifiques entre Cuvier et les paléontologues anglais. Je remercie également Jo Draper et Liz-Anne Bawden pour leur accueil au Lyme Regis Philpot Museum, Kevin Padian pour m’avoir invité à participer au Symposium dédié à Mary Anning et Hugh Torrens qui en me pressant de publier toutes les informations inédites présentes à Paris au sujet de la découverte des Reptiles marins anglais, a rendu possible la publication de cet article dans des délais raisonnables. Je remercie également Elizabeth Allen pour son accueil au Hunterian Museum, Françoise Caby pour son aide lors de l’inventaire des archives de Cuvier au Muséum ; la Bibliothèque Centrale du Muséum pour la réalisation des clichés des documents anciens ; MM Philippe Loubry et Denis Serrette pour la numérisation des documents et la prise de vue de l’Ichthyosaure dans la galerie de paléontologie.

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