Quel avenir pour le sport ?

Quel avenir pour le sport ?

Annales Me´dico-Psychologiques 166 (2008) 843–846 Communication Quel avenir pour le sport ? Toward the end of competitive sports? J. Wauthier 6, Che...

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Annales Me´dico-Psychologiques 166 (2008) 843–846

Communication

Quel avenir pour le sport ? Toward the end of competitive sports? J. Wauthier 6, Chemin du Bienvenue, 5100 We´pion, Namur, Belgique

Re´sume´ Le progre`s technologique repre´sente un moteur de de´veloppement mais, dans cette mesure meˆme, il se lie a` l’action dissolvante exerce´e par la technologie sur le noyau e´thicopolitique du sport. Si le monde sportif ne se dote pas, dans un temps qui devient court, de moyens de protection autour d’un the`me, celui des enjeux de transformation dans les rapports entre science, homme, sport et technologies, nous pourrons peut-eˆtre assister a` la fin du sport de compe´tition, du moins tel que nous le connaissons. De quoi demain sera-t-il fait ? La mutation technologique que repre´sente le passage aux nanosciences et nanotechnologies s’accompagnera d’un phe´nome`ne de transversalite´ appele´ « me´taconvergence », pre´cipitant un bouleversement de la condition humaine, qui ame`ne diverses organisations scientifiques a` e´voquer l’enjeu d’un homme en transition, d’un transhumanisme en quelque sorte. L’ubris de´signait chez les Grecs anciens tout ce qui de´passe la mesure, mais encore faut-il eˆtre en situation de dire ou` se situe la limite. Jusqu’ou` pouvons-nous aller trop loin ? Le de´fi est celui de l’ubris technologique. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Abstract Technological progress stands as a force for improvement, but simultaneously it can also be seen as an element that is wearing away the ethical and political core of sport. If, before a deadline that is looming ever closer, the world of sport fails to take steps to protect itself in one particular respect, that of considering what is at stake in terms of the changing relationships between science, mankind, sport and technology, then we may be seeing the end of competitive sport, at least as we know it. What will tomorrow be made of? The technological change that is coming with the move towards nanosciences and nanotechnology will bring with it a transversal phenomenon known as ‘‘metaconvergence’’ resulting in a revolution in the human condition that has led some scientific organisations to raise the prospect of a human being in transition, a kind of transhumanism. Hubris was the word used by the ancient Greeks for that which went too far, but one needs to be in a position to say where the limits lie. How far can we go before it becomes too far? The challenge is that of technological hubris. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Me´taconvergence ; Transversalite´ ; Transhumanisme ; Ubris technologique Keywords: Metaconvergence; Technological Hubris; Transhumanism; Transversality

La technologie est fascinante. Elle laisse entrevoir la re´alisation des reˆves les plus fous. Cependant, elle cre´e un champ de forme, un paradigme tellement puissant qu’elle organise le champ se´mantique social autour d’elle. En l’absence de balises culturelles, le champ de forme s’impose a` notre paysage mental. La question que l’on peut se poser est

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alors d’ordre philosophique : qui posse`de qui ? Intervient ici la valeur d’usage de l’objet technique. Le bruit des applaudissements au progre`s technologique couvre souvent le silence de la pense´e. Penser la technique, c’est e´chapper a` la fascination qu’elle exerce sur nous par un effort de re´appropriation, nous rappelant qu’elle n’est finalement qu’un moyen subordonne´ a` un projet et non l’inverse. Il ne lui appartient pas de dicter les re`gles qu’elle n’a de cesse d’ailleurs de transgresser.

0003-4487/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.amp.2008.10.005

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L’e´valuation raisonne´e des avantages et des risques des nouvelles applications technologiques est devenue une ne´cessite´. Le passage aux nanosciences et aux nanotechnologies repre´sente une nouvelle e´tape du progre`s scientifique (ou pre´sente´ comme tel) qui laisse entrevoir un certain nombre de possibilite´s et d’incertitudes. L’hypothe`se la plus probable c’est que le passage a` l’e´chelle nano entraıˆnera un phe´nome`ne de me´taconvergence ou de transversalite´. On parle a` ce propos de NBIC, signifiant Nanotechnologies (dans le domaine de la physique), Biotechnologies (dans le domaine du vivant), Informatique et sciences Cognitives. La notion de me´taconvergence autour des NBIC donne une signification transhumaniste a` l’ensemble avec le projet « Converging Technologies for Improving Human Performance ». Le projet ne fait pas myste`re de son objectif. Il rejoint en cela les pre´dictions selon lesquelles la science re´alisera le reˆve prome´the´en de recre´er le vivant mais a` sa fac¸on : la formule peut susciter de l’enthousiasme mais elle peut aussi susciter des angoisses. Les inquie´tudes sont centre´es sur deux questions majeures : qui controˆlera l’utilisation des nanotechnologies ? Qui tirera profit de l’utilisation des nanotechnologies ? Le sujet est a` l’ordre du jour et fait l’objet d’attentions particulie`res de la part d’organismes officiels qui explorent, en continu, toutes les facettes des progre`s technologiques comme le European Service and Technology Observatory (ESTO). De fait, les incertitudes lie´es aux utilisations des nanotechnologies se traduisent par un grand nombre d’e´tudes prospectives au sujet des conse´quences e´thiques et sociales concernant des applications non raisonne´es et non souhaite´es des nouvelles technologies. Si des organismes officiels d’E´tat s’interrogent sur les finalite´s que sugge`rent de`s a` pre´sent les nanotechnologies, que dire alors du sport, puisque les compe´titions sugge`rent le recours a` des moyens permettant l’ame´lioration des performances et que les acteurs (les athle`tes) sont demandeurs d’efficacite´ sans trop chercher a` savoir ce que sont re´ellement les choses. De´ja`, la litte´rature spe´cialise´e fait e´tat du de´veloppement du dopage ge´ne´tique dont on estime qu’il deviendra une re´alite´ dans les cinq anne´es a` venir. Apre`s l’artifice chimique, c’est la reconstruction organique qui est en ligne de mire, puis l’intervention sur la cellule et la programmation ge´ne´tique. Le dopage n’apparaissant plus comme un obstacle a` la sante´ ne sera plus perc¸u comme un interdit, mais comme un moyen technologique supple´mentaire de concourir a` l’ame´lioration sans fin de l’humain. Il est aise´ d’imaginer les futurs robocorps du sport a` travers des poses de prothe`ses, la construction de tissus cartilagineux, l’implant de fibres musculaires et les manipulations ge´ne´tiques. Il est vraisemblable que l’homme-athle`te ayant atteint ses limites physiques naturelles se tournera vers les technologies nouvelles afin d’ame´liorer ses performances. La chasse aux records reprendra alors sa course folle, pour le plus grand profit des organisateurs et des comptables d’audience. Lorsque l’on e´voque les technologies du futur, on pense en premier aux e´quipements, aux veˆtements et textiles dits intelligents ou fonctionnels qui modifieront les rapports entre l’homme-athle`te

et la taˆche qu’il doit accomplir dans une discipline sportive donne´e. L’actualite´ re´cente a mis en lumie`re l’usage des combinaisons modifiant les rapports entre le nageur et l’e´le´ment liquide, de meˆme que le roˆle des prothe`ses lors de la course. Les technologies de l’information feront entrer l’homme-athle`te dans un syste`me, une sorte de re´seau dont il sera la dernie`re pie`ce, connecte´e a` une batterie d’instruments. De´ja`, une panoplie de techniques d’ame´liorations des performances individuelles, ayant de´passe´ le stade de l’expe´rimentation dans le domaine militaire, est preˆte a` eˆtre utilise´e lors des e´che´ances sportives futures. Le progre`s technologique repre´sente un moteur de de´veloppement mais, dans cette mesure meˆme, il se lie a` l’action dissolvante exerce´e par la technologie sur le noyau e´thicopolitique du sport. Voila` le dilemme majeur. Ici s’ouvre la re´flexion : ou bien le sport est un humanisme, auquel cas l’homme est au centre de toutes choses, ou bien l’homme est un faire-valoir de la technologie de son temps. Si l’homme est au centre de toutes choses, alors nous pouvons de´velopper un mode`le humaniste du sport. L’individu (du latin individuus = qui ne se divise pas) accomplit une taˆche qui contient une charge physique et une charge mentale a` laquelle les Grecs anciens avaient donne´ le nom de metis : une forme d’intelligence qui s’oppose a` la force brute, un assemblage confus et incertain meˆlant l’expe´rience, la prudence avise´e, la clairvoyance, l’astuce, la vaillance, bref tout ce qui anime l’homme des instants et des changements. Une charge physique et une charge mentale, les deux indissolublement lie´s que les Anciens re´sumaient en une formule, « la teˆte et les jambes », selon la pense´e d’Anaxagore – la main et le cerveau. Il faut se me´fier d’une ide´ologie sportive qui « instrumentalise » le corps en le privant de sa dimension pensante. Plus exactement, l’adulation de la performance, telle qu’elle se manifeste dans l’ide´ologie pre´sente, efface, plus ou moins consciemment, les valeurs attache´es a` l’esprit. Le sport est « l’art par lequel l’homme se libe`re de soiˆ meme » : un art c’est-a`-dire une aptitude, une habilete´ a` faire quelque chose destine´e a` produire chez l’homme un e´tat de sensibilite´ et d’e´veil plus ou moins lie´ au plaisir esthe´tique. C’est de la re´alite´ exte´rieure, due a` l’activation des organes des sens, qu’un individu tire des plaisirs physiques d’une pratique sportive, et c’est parce que cette pratique est perc¸ue comme un moyen d’ame´lioration des connaissances sur les autres et sur soi-meˆme que l’on peut parler d’humanisme a` propos du sport. La vision humaniste du sport re´affirme la primaute´ de l’homme (de l’individu) sur tout ce qui l’entoure. L’homme est a` la fois un syste`me ferme´ dont toutes les parties s’appartiennent indissolublement a` l’inte´rieur d’un commun miracle et un syste`me ouvert sur le monde exte´rieur dont il tire un certain nombre d’informations et de donne´es qu’il inte`gre. On peut imaginer un cercle trace´ autour de lui, a` bonne distance que personne ne peut franchir. On peut lui envoyer des messages, des informations, lui fournir des instruments de lecture et de mesure, lui apprendre a` se servir de ses sens, a` inte´grer leurs donne´es dans un ensemble, a` faire la part du vrai et du faux, du since`re et de l’exage´ration due a` un psychisme particulier dans

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les descriptions de sensations aux nuances infinies et subtiles, mais certainement pas franchir le cercle. Ce serait meˆme le principe premier de la liberte´ et de la de´mocratie. C’est la mission fondamentale d’une fe´de´ration sportive de veiller a` l’inte´grite´ morale et physique de ses affilie´s. Ce serait meˆme sa mission premie`re et sa raison d’exister. Lorsque l’action quitte la sphe`re autonome (du grec autos, soi-meˆme, et nomos, qui tire sa loi de lui-meˆme) pour la sphe`re he´te´ronome (qui rec¸oit sa loi du dehors, d’autres personnes), elle prend une toute autre dimension. Lorsque l’athle`te est l’instrument d’un syste`me, le sport devient un lieu d’alie´nation la` ou` nous espe´rions trouver un lieu de de´couverte. Alors tout est permis, puisque tout est disponible. Lorsque les moyens se´mantiques sont d’origine technologique, l’athle`te est configure´ en fonction d’objectifs qui ne sont pas toujours les siens. Les psychologues du sport connaissent bien les re´actions d’acharnement ou de de´sespoir de l’athle`te confronte´ aux mode`les mathe´matiques de son rendement. L’homme authentique est l’eˆtre des abstractions. Si le monde sportif ne se dote pas, dans un temps qui devient court, de moyens de protection autour d’un the`me, celui des enjeux de transformation dans les rapports entre science, homme, sport et technologies, nous pourrions bien assister a` la fin du sport de compe´tition, du moins tel que nous le connaissons. De´ja`, les doutes se sont installe´s quant a` l’authenticite´ des performances et a` leurs cre´dibilite´s. Qui monte sur le podium ?

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Qui ne voit, clair comme le jour, que cela porte en germe la perte de prestige de toute l’institution. Les fe´de´rations sportives qui ne seraient pas attentives a` cet e´tat de fait pourraient disparaıˆtre parce que, n’ayant plus de re`gles techniques a` faire observer ni de re`gles e´thiques a` faire respecter, elles n’auraient plus de valeurs humanistes a` sauvegarder. Un autre type d’athle`te, fac¸onne´ par les technologies agissant sur les corps et les esprits, appartiendrait a` un type d’organisation proche du « show-business » ayant gomme´ de son vocabulaire la glorieuse incertitude du sport pour s’en remettre a` des metteurs en sce`ne d’e´ve´nement sportifs et des faiseurs d’audience. Pour la commission de l’informatique et des liberte´s trois champs e´conomiques majeurs – nanomate´riaux, sciences du vivant et technologies de l’information – repre´senteront des enjeux e´conomiques conside´rables a` l’e´che´ance 2015. Sans balises culturelles suffisantes, ils balaieront tout sur leurs passages, les valeurs sportives issues de l’humanisme aussi. De quoi demain sera-t-il fait ? L’ubris de´signait chez les Grecs anciens tout ce qui de´passe la mesure, mais encore faut-il eˆtre en situation de dire ou` se situe la limite. Jusqu’ou` pouvonsnous aller trop loin ? Le de´fi est celui de l’ubris technologique. Conflit d’inte´reˆt L’auteur est consultant technique UCI et UCI technical advisor.

Discussion

Dr P. Boyer – Puisque les technologies ont pris le pas sur la stricte performance sportive (celle lie´e a` l’accomplissement humain), pourquoi ne pas arreˆter les appellations hypocrites, notamment pour les jeux Olympiques qui pourraient eˆtre taxe´s de « Salon de la technologie du sport » ? Re´ponse du rapporteur – La « technologie du sport » est une discipline a` part entie`re pre´sente dans plusieurs instituts techniques ou centres de recherche. Elle peut se contenter de mettre en phase un certain nombre de connaissances disponibles en vue d’assurer l’optimisation des performances des athle`tes, mais elle peut aussi emprunter des chemins de traverse, le but avoue´ e´tant alors de gommer la « glorieuse incertitude du sport » et de pre´parer des cyberathle`tes capables de reproduire, le jour venu, des performances hors normes, des courses parfaites dans les temps des records du monde. Aux critiques de de´shumanisation de l’athle`te, il est re´pondu que la compe´tition sugge`re le recours a` tout ce qui existe pour atteindre l’excellence. L’athle`te serait un faire-valoir de la technologie de son temps. Ce pourrait eˆtre l’esquisse d’un sport du futur re´serve´ a` une e´lite pre´pare´e de longue date sans qu’il soit question de controˆler les conditions de la performance comme cela se fait dans le show-business. Il existe un courant

de pense´e selon lequel la technologie vient a` point nomme´ pour prolonger la course aux records au moment ou` les physiologistes estiment que l’on arrive peu a` peu aux frontie`res des possibilite´s naturelles des athle`tes. Curieusement, dans le meˆme temps, jamais l’exigence d’un sport propre n’a e´te´ aussi forte, comme si l’institution avait besoin de se rassurer. Pr M. Laxenaire – J’ai trouve´ votre communication tre`s stimulante sur le plan philosophique. Cependant, je me demande si le progre`s technologique que vous de´crivez dans le domaine du sport peut eˆtre arreˆte´. De tout temps, on a cherche´ a` ame´liorer les performances des sportifs et il est e´vident qu’au de´part ils ont des aptitudes, sans doute ge´ne´tiques, que n’ont pas les autres hommes (ou femmes). Vouloir aller encore plus loin, meˆme dans le domaine de la ge´ne´tique, me paraıˆt ine´luctable. Re´ponse du rapporteur – Il n’est pas question d’arreˆter le progre`s technologique dans le domaine du sport s’il s’agit bien d’un progre`s pour l’homme-athle`te. Certes, on a toujours cherche´ a` ame´liorer les performances humaines et cela a contribue´ a` l’e´volution, mais nous entrons dans l’e`re des nanotechnologies. Apre`s l’artifice chimique, c’est la reconstruction organique qui est en ligne de mire, puis l’intervention sur la cellule et la programmation ge´ne´tique. Le dopage n’apparaissant plus

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comme un obstacle mais comme un moyen technologique supple´mentaire de concourir a` l’ame´lioration sans fin de l’humain, il est aise´ d’imaginer les futurs robots-corps du sport a` travers des poses de prothe`ses, la construction de tissus cartilagineux, l’implant de fibres musculaires et de biopuces. Il est clair qu’un athle`te disposait au de´part de quelques aptitudes a` la pratique d’une discipline sportive donne´e (nous dirons aptitudes naturelles plutoˆt que ge´ne´tiques parce que cela laisse supposer qu’il serait possible de de´tecter et d’orienter un individu sur une pratique sportive a` partir de son patrimoine ge´ne´tique, et cela de`s son plus jeune aˆge). Cependant, a` partir de ses aptitudes naturelles, on peut lui pre´senter un programme de pre´paration visant a` optimaliser ses performances en tenant compte de sa personnalite´, mais on peut aussi le faire entrer dans un concept de pre´paration de´shumanise´. Si vous pensez que la manipulation ge´ne´tique au service de la performance sportive est ine´luctable, vous devez admettre que la fabrication et la programmation d’un homme-machine repre´sentent un se´rieux proble`me pour les sciences humaines. L’homme authentique est l’eˆtre des abstractions. Dr J.-C. Seznec – Le dopage, a` partir de l’EPO, a change´ l’ordre des champions. Il a permis, dans le ve´lo, a` des « porteurs d’eau » d’eˆtre sur le podium. Qui est sur le podium ? Le processus d’he´roı¨sation ne peut plus s’effectuer, car l’athle`te ne repre´sente plus que l’industrie technologique qui le porte. Re´ponse du rapporteur – Effectivement, l’arrive´e de l’EPO a change´ la donne. Le dopage a` l’EPO a modifie´ la hie´rarchie dans les sports d’endurance. Les podiums, les re´sultats, les titres, les exploits, tout e´tait probablement faux. D’ou` une leve´e de boucliers, une re´probation quasi unanime, puisque l’on touchait la` aux fondements de la compe´tition sportive. De la` aussi, la mise sur pied d’un syste`me re´pressif a` la hauteur des cole`res et des frustrations et l’inte´reˆt soudain du monde politique pour le´gife´rer sur la question et menacer les contrevenants de la foudre. Que l’athle`te qui se dope dans son coin passe encore, mais que son acte le´zarde l’e´difice, voila` qui s’apparente a` un crime justifiant que l’on emme`ne l’athle`te convaincu de dopage les menottes au poing. Dr J. Birenbaum – Le « sport » aujourd’hui n’est-il pas la forme moderne du panem et circenses des Anciens ? Re´ponse du rapporteur – Certainement. Cependant si la citation de Juve´nal est a` prendre comme une invective me´prisante a` l’e´gard d’un groupe de citoyens romains incapables de s’inte´resser a` autre chose qu’aux distributions de pain et aux jeux du cirque, quelle serait la formule a` employer aujourd’hui a` propos de la place prise par le sport dans notre socie´te´, des folies collectives qui s’emparent de tout un peuple lors d’un succe`s dans une grande compe´tition sportive et que l’on comme´more ensuite comme un fait historique ? C’est a` me´diter.

Dr J. Garrabe´ – La communication de M. Vauthier nous ouvre un champ de re´flexion qui de´passe la question de la fin du sport : la tentation de fabriquer un « homme nouveau » dans des re´gimes politiques qui ont eu recours aux moyens technologique du temps. On en a eu des exemples avec la fabrication des « dieux du stade » aux jeux Olympiques de Berlin et, peu apre`s la Seconde Guerre mondiale, la fabrication hormonale de gymnases et de nageuses. Bien comparables d’ailleurs a` la transformation des jeux Olympiques en « spectacle me´diatique » mobilisant des capitaux conside´rables. Re´ponse du rapporteur – Le sport est un laboratoire. Des e´tudes ont montre´ que l’athle`te est non seulement demandeur d’efficacite´ mais qu’il est preˆt a` tout pour monter sur la plus haute marche du podium, meˆme au prix de sa sante´ et d’une espe´rance de vie re´duite. Comme il y a des encadrements politiques et e´conomiques qui sont, eux aussi, preˆts a` tout pour faire monter leur drapeau sur le maˆt du podium ou faire briller un nom sous les projecteurs, nous avons des syste`mes incontroˆle´s et incontroˆlables. De la`, les de´rives a` caracte`re raciste et les pre´parations quasi inhumaines que vous indiquez. Dr J. Lacassin – Est-ce qu’il ne faudrait pas repre´ciser la de´finition et la vraie nature du sport, e´cole de vie, source de plaisir du corps et de l’e´panouissement de l’eˆtre ? Le risque du sport de disparaıˆtre au profit de toute performance promue par la culture socioe´conomique actuelle avec son obsession du re´sultat « payant » est grand. Tout de´pend de quel coˆte´ on observe le phe´nome`ne, du coˆte´ du sportif lui-meˆme ou du coˆte´ du spectateur et de ses sponsors. Re´ponse du rapporteur – Dans tous les domaines de la vie, la compe´tition engendre des effets pervers. Le sport ne fait pas exception. La compe´tition sportive, au niveau professionnel, est une industrie qui brasse d’e´normes capitaux. De la`, l’inte´reˆt que lui portent les manieurs d’argent de toutes sortes, leurs envies d’investir le syste`me couˆte que couˆte et d’y apporter leurs pratiques et leurs me´thodes. De`s lors que l’e´motivite´ est conside´re´e comme le facteur de´terminant les taux d’audience d’un e´ve´nement sportif (ce qui dicte finalement la hauteur des couˆts pour obtenir les droits de le retransmettre), la tentation est grande de le mettre en sce`ne, de l’organiser, voire d’en modifier les re`gles. L’e´ve´nement sportif est un moyen, un produit d’un syste`me e´conomicome´diatique qui se vend et qui s’ache`te comme un autre produit sur un marche´ concurrentiel. Nous sommes loin d’un sport e´cole de vie, source de plaisir et d’e´panouissement de l’eˆtre. Cependant, tout n’est peut-eˆtre pas perdu. On devrait pouvoir s’e´carter du sport professionnel a` la fois maıˆtre et prisonnier de son syste`me. C’est de´ja` le cas pour plusieurs disciplines sportives. Nous pourrions alors nous recentrer sur un sport gardien de valeurs refuges et destine´ a` la jeunesse dans un esprit de ge´ne´rosite´ et de partage, mais ce n’est peut-eˆtre qu’une utopie.

DOI of original article: 10.1016/j.amp.2008.10.005 0003-4487/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.amp.2008.10.006