Quel est votre diagnostic ?

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Question-réponse J. Neuroradiol., 2005, 32, 281-282 © Masson, Paris, 2005 QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? S. KOUSSA (1), J. TAMRAZ (2), E. SAMAHA (3) (1...

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Question-réponse

J. Neuroradiol., 2005, 32, 281-282 © Masson, Paris, 2005

QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? S. KOUSSA (1), J. TAMRAZ (2), E. SAMAHA (3) (1) Service de Neurologie, (2) Service d’Imagerie Médicale, (3) Service de Neurochirurgie ; CHU Hôtel-Dieu de France, Beyrouth -Liban.

CLINIQUE Une patiente de 75 ans, droitière, fut hospitalisée quelques jours après la survenue de mouvements involontaires touchant l’hémicorps droit. L’examen clinique révéla des mouvements choréo-balliques intenses et continus, touchant les membres supérieur et inférieur droits et des dyskinésies oro-faciales bilatérales. Hormis une histoire d’HTA modérée, il n’y avait aucune prise médicamenteuse, aucune maladie métabolique ni aucun antécédent neurologique familial. La glycémie était à 548 mg/dl, associée à une glycosurie sans cétonurie. Le reste du bilan biologique standard, le bilan hépatique et phosphocalcique, le dosage des hormones thyroïdiennes, les anticorps antinucléaires et antiphospholipides et le frottis sanguin étaient normaux ou négatifs. Le CT scan cérébral, effectué à l’admission, était normal. Après hydratation et traitement par de l’insuline par

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voie intraveineuse, la normalisation de la glycémie entraîna une disparition complète des mouvements involontaires en 2 jours. Elle quitta l’hôpital sous antidiabétiques oraux et aspirine 100 mg/j. Un mois et demi plus tard, elle consulta suite à la réapparition des mouvements involontaires 10 jours auparavant. L’examen révélait un hémiballisme prédominant au membre inférieur droit et des dyskinésies oro-faciales. La glycémie était normale. Une IRM cérébrale fut réalisée sur un appareil à 1,5 T (figures 1 et 2). Un traitement par halopéridol 3 mg/j entraîna la régression complète des mouvements involontaires en quelques jours.

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FIG. 1. – Coupes coronales d’IRM, en séquences d’écho de gradient pondérée en T2* (a). Lésions en hyposignal touchant les 2 putamens de façon plus marquée à gauche. Atteinte partielle de la partie supérieure du putamen gauche objectivée en FLAIR (b). Plages de haut signal au niveau de la substance blanche périventriculaire et des centres semi-ovales. FIG. 1. – MR coronal cuts using gradient-echo T2* weighted sequence (a) showing very low signal intensity lesions involving both putamina, mainly on the left. FLAIR sequence (b) demonstrating partial involvement of the superior part of the left putamen, and diffuse high signal intensity involving the periventricular and deep white matter in both centra semiovale. FIG. 2. – Coupe axiale d’IRM en séquence de diffusion. Lésion en hyposignal touchant la partie supérieure du putamen gauche. FIG. 2. – Axial MR cut using diffusion-weighted sequence showing a low signal intensity lesion involving the upper left putamen. Tirés à part : S. KOUSSA, à l’adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

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S. KOUSSA et al.

RÉPONSE DE LA PAGE PRÉCÉDENTE Diagnostic : Hémichorée-hémiballisme récidivant, révélateur d’une hyperglycémie non-acidocétosique Chez notre patiente non connue diabétique, le syndrome d’hémichorée-hémiballisme (SHCHB) révéla une hyperglycémie non-acidocétosique. Particulièrement observé chez la femme ménopausée, ce syndrome peut survenir chez des diabétiques connus ou être révélateur du diabète. Habituellement, les mouvements involontaires associés à l’hyperglycémie ont une distribution hémicorporelle, plus rarement généralisée [4, 5, 7, 9]. Ils peuvent disparaître quelques jours à quelques semaines après la correction de l’hyperglycémie ou nécessiter l’utilisation de neuroleptiques. Des récidives ipsilatérales ou controlatérales dans des délais pouvant s’étendre de quelques jours à plusieurs années sont possibles et ne sont pas toujours corrélées aux épisodes d’hyperglycémie [9, 11, 12]. Presque constante, l’atteinte putaminale est souvent unilatérale, parfois bilatérale [4, 12]. Elle peut s’étendre au noyau caudé, plus rarement au pallidum ou au pédoncule cérébral [12]. En revanche, le bras antérieur de la capsule interne est presque toujours épargné [5]. Les lésions putaminales apparaissent hyperdenses au CT scan alors qu’à l’IRM, elles sont hyperintenses en T1 et d’intensité variable en T2 [5]. Chez notre patiente, l’hypersignal putaminal en T1 n’est pas observé. Par ailleurs, la normalité du CT scan permet d’éliminer un hématome putaminal récent ou des calcifications. De même, l’hyposignal putaminal observé à l’IRM en séquences de diffusion permet d’exclure une lésion ischémique récente ou un œdème cytotoxique. En revanche, l’hyposignal observé sur la séquence d’écho de gradient pondérée en T2*, très sensible à la présence de fer, permet d’évoquer la possibilité de lésions hémorragiques pétéchiales au niveau des corps striés. La nature des modifications radiologiques reste très controversée : des lésions hémorragiques pétéchiales, une atteinte myélinique, des calcifications ou une hyperviscosité associée à un œdème cytotoxique ont été évoquées [1, 2, 11, 12]. Les rares études anatomo-pathologiques de SHCHB sont non conclusives et montrent, au niveau du putamen, de multiples foyers d’infarctus récents associés à une réaction astrocytaire [8, 10], une hyalinose artérielle associée à une gliose et à d’abondants gémistocytes [12]. L’amélioration des signes radiologiques est retardée en comparaison à l’évolution clinique avec disparition des lésions en quelques semaines ou leur persistance pendant de nombreuses années [4, 12]. Chez le diabétique, le SHCHB peut être secondaire soit à des complications métaboliques, soit à des accidents vasculaires cérébraux. Chez notre patiente, la réapparition des mouvements involontaires, malgré une glycémie normale, serait due au développement ultérieur de petites lésions putaminales hémorragiques, favorisées par l’HTA et l’aspi-

rine. L’atteinte unilatérale clinique et radiologique est difficilement expliquée par les seuls effets métaboliques engendrés par l’hyperglycémie. Leur association à une lésion striatale récente ou ancienne serait nécessaire au développement des mouvements anormaux [3, 12] et contribuerait à leur persistance ou à leur récidive. En conclusion, l’apparition de mouvements choréo-balliques chez la femme âgée doit faire rechercher une hyperglycémie non-acidocétosique. L’atteinte putaminale est constante mais l’hypersignal, habituellement observé à l’IRM sur les séquences pondérées en T1, est inconstant et d’autres signes radiologiques sont décrits. L’évolution n’est pas toujours favorable après la correction de l’hyperglycémie avec possibilité de persistance ou de récidive des mouvements anormaux.

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