Immunoanal Biol Sp6c (1993) 8,355-362 © Elsevier, Paris
355
Quelques r flexions a propos d'une exploration fonctionnelle calcique L Miravet I , D Salica 1 , A M Graulet 2
I lNSERM U 349, centre Viggo-Petersen ; 2Laboratoire d'immuno-analyse, Service central de biophysique, h6pital Lariboisiere, 2, rue Ambroise-Par#, 75010 Paris, France
R6sum~ -- Les auteurs, apres av0ir decrit le prot0cole de I'exploration f0nctionnelle en cause, en pr6cisent les possibilites et les indications en matiere de diagnostic des maladiesosseuses. calcium / phosphore / AMP cyclique / PTH / ost~oporose Summary - - About a calcic function exploration. After a description of the assayprotocol, the authors indicate the usefulness of their
test in the field of bone pathology. calcium / phosphore / cyclic AMP / PTH / osteoporosis
Introduction
L'6quilibre calcique est maintenu gr&ce & des processus multiples darts lesquels interviennent les organes effecteurs (os, intestin, rein), et des facteurs systemiques de r6gulation qui, tres probablement, agissent par I'intermediaire de I'activite ou de la synthese des cytokines. Parmi ces facteurs syst6miques, les hormones calcitropes sont primordiales. Leur determination dans le plasma ou le serum a fair des progres considerables dans la derniere decennie tant du point de vue de la sensibilite que de la specificit& Cependant, malgre ces progres, les dosages radio-immunologiques (RIA) posent des probl~mes multiples ; la determination precise d'une hormone peut presenter des difficult6s du fait de la varlet6 des formes circulantes (hormone intacte, fragments biologiquement actifs ou non, m6tabolites) dont la signification et la valeur restent & preciser. Un des6quilibre osseux est la resultante d'un travail cellulaire defectueux ; celui-ci peut etre la cons6quence d'une perturbation d'un ou de plusieurs facteurs humoraux dont certains peuvent etre mesur6s, ou, au contraire, ce d6s6quilibre peut produire des modifications des parametres biologiques. Ainsi, la determination precise et complete des parametres humoraux (biochimiques et hormonaux), permet de d6celer soit les causes, soit les consequences d'une maladie metabolique osseuse. Dans ce but, une exploration de 1,6tat biochimique calcique, phosphor~ et hormonal a
~t6 mise au point d'apr~s la technique proposee par Broadus et al [1], modifiee par Paillard et al [6], & laquelle nous avons ajoute quelques examens suppl6mentaires.
M a t 6 r i e l et m 6 t h o d e s
Le test consiste en quatre collectes urinaires espacees de 1 h chez un sujet convenablement hydrat& et quatre prises de sang au milieu de chaque recueil urinaire. Les 2 jours qui pr6cedent le test, I'apport calcique est limit6 & moins de 500 mg/jour. Les deux premieres collectes sont r6alis6es & jeun ; apres celles-ci, un gramme de calcium ~16ment est administre par vole orale sous forme de galacto-gluconate. Apres 1 h d'attente (pendant laquelle les urines ne sont pas gard~es), 2 nouvelles heures de collectes sont effectuees. Cette epreuve est r~alis6e depuis plusieurs annees ; environ 400 sujets ont 6t6 explores. EIle s'est adress6e & toutes les pathologies comportant un trouble du metabolisme calcique ou phosphore dans le but d'un diagnostic ou d'une meilleure comprehension de la cascade d'6v6nements qui conduit & I'etat pathologique. Pour etablir les normalites, 30 sujets volontaires sans pathologie osseuse, renale, digestive ou hormonale et n'ayant aucun traitement susceptible de modifier 1'6quilibre humoral ont et6 explores. Dans environ 85% des cas 6tudi6s, la raison de la prescription a 6t6 indiquee. L'exploration a et6 faite chez une centaine d'osteoporose dont un quart d'osteoporose masculine ; chez 35 sujets, pour une suspicion de dysregulation parathyrdfdienne, chez 70
L M i r a v e t et al
356
pour une hypercalciurie idiopathique, chez 35 pour une suspicion d'osteomalacie, enfin pour une cinquantaine, les raisons prescriptives ont ete tres diverses chez des sujets presentant des troubles varies de la calcemie ou de la phosphoremie. Le test a eta bien tolere, les seuls inconvenients signales ont ete le besoin d'hydratation et le temps necessaire (6 hen tout).
Tableau
I. Techniques utilisees.
Calcium, sang et urine Magnesium, sang
Spectrometrie absorption atomique
Phosphore, sang et urine Creatinine, sang et urine Hydroxyproline, urine
Automatiques, Technicon
Albumine serique
I'--lectrophorese
Sodium, urine
Absorptiometrie de flamme
AMPc, sang et urine
Trousse Immunotech
PTH 1-84 PTH 53-84 PTH 44-68
Trousse Nichols Institut, IRMA RIA, anticorps propres RIA, anticorps propres
Osteocalcine
Trousse OSTK-PR, ORIS
Calcitonine
Trousse INCSTAR
Calcidiol
Radio-competition, proteine renale rate, purification Set-Pack
Calcitriol
Radio-competition, proteine duod~nale poulet, purification Set-Pack
R(~sultats
Calcium ionise
[~lectrode specifique (Orion)
Phosphatases alcalines
Enzymatique (Vitatron)
Tableau
Dans t9us les echantillons, autant plasmatiques qu'urinaires, on effectue les dosages (dont les techniques sont consignees dans le tab.leau I) de la creatinine, du calcium, du p h o s p h o r e , de I'AmPc. Ces dosages permettent de calculer un certain nombre d'index : clearance de la creatinine, TmPi, TmCa, rapports CaU/CreatU, CaU/100 ml de filtration glomerulaire (FG), et AmPc nephrogenique (AmPcN). En effet, I'hormone parathyrofdienne stimule I'adenyl cyclase, cette stimulation augmentant in vivo I'elimination de I'AmPcN. Celui-ci est calcule & partir des dosages d'AmPc, plasmatique et urinaire rapportes ~, la filtration glomerulaire. Ces mesures sont laborieuses et leur reproductibilite est faible, ce qui explique leur imprecision et I'existence de valeurs negatives donc de resultats indeterminables. On realise, de plus, dans le premier prelevement, le dosage du calcium ionise, du magnesium, des phosphatases alcalines, du calcidiol, du calcitriol, de I'osteocalcine et de I'albumine. Dans les premieres urines, le dosage de I'hydroxyproline permet de calculer le rapport hydroxyprolinurie/creatinurie. Dans le serum des premier et troisieme prelevements, on dose la parathormone et la calcitonine. Dans les urines de 24 h qui precedent le test, on dose le calcium, I'hydroxyproline et le sodium des 24 h. Les deltas entre les eliminations calciques urinaires (CaU/CreatU, CaU/100 ml FG), & jeun et apres ingestion de 1 g de calcium, permettent d'apprecier la capacite d'absorption calcique. L'exploration a ate realisee & I'h0pital Lariboisiere & I'Unite fonctionnelle d'exploration des maladies metaboliques osseuses (UFEMMO, centre Viggo-Petersen, Pr D Kuntz), t o u s l e s d o s a g e s b i o c h i m i q u e s au Laboratoire central de biochimie (Pr F Rousselet), les dosages hormonaux, vitaminiques et des marqueurs osseux au Laboratoire d'immuno-analyse (Pr J Gueris).
(tableau
II)
A v a n t d ' i n t e r p r 6 t e r les r6sultats, il i m p o r t e de juger s6par6ment : - I ' e q u i l i b r e humoral calcique et phosphore ; - I'etat de la fonction parathyro'fdienne ; - le statut vitaminique ; - la capacite d'absorption calcique ; - le niveau de remodelage osseux ;
II. Resultats d'ensemble observes.
Calcium Phosphore Fonction parathyrdJ'dienne (PTH, TmPi, AMPcN) Marqueurs osseux (Osteocal, PhAI, HOPrU) Absorption calcique intestinale Statut vitaminique D
Hyper PT I
Hyper PT II
Hyper Ca non PT
OP
Hyper CaU
1" 4, 1"
4, J, 1`
1" 1`= $ =
= = = 1"
= = 4, = 1"
1"
1"
1"
= 1"
=
=1` =4,
$ $
= 4, = 4,
=$ = 4,
= I" =
Hyper PT I : hyperparathyroTdie primaire ; Hyper PT II : hyperparathyrdfdie secondaire ; Hyper Ca non PT : hypercalc6mie non parathyro'fdienne ; OP : ost~oporose ; Hyper CaU : hypercalciurie idiopathique.
Une exploration fonctionnelle calcique
- le comportement renal ; - l e s autres desequilibres (albumine, magnesium, sodium).
357
f 140 1
•
Normaux
120
L'#quilibre calcique et phosphore La calcemie & jeun, dans les c o n d i t i o n s de I'epreuve, chez I'individu appele normal, est 16gerement plus basse que celle 6tablie dans les normes (2,26 _+ 0,1 mmol/I au lieu de 2,35 + 0,1 mmol/I). Cette legere diminution peut 6tre attribuee soit & des variations circadiennes, soit & un artefact resultant des conditions du test (regime pauvre en calcium precedant I'epreuve, hydratation importante pour etablir une diurese convenable). Cette hypocalcemie discrete est completement corrigee par I'administration de 1 g de calcium. La phosphoremie et le TmPi se trouvent & la limite inferieure des normes admises (0,83 + 0,2 mmol/I et 0,75 + 0,1 mmol/I FG respectivement) et augmentent apres la prise de calcium (0,98 + 0,2 et 0,90 + 0,1 mmol/I respectivement) La calciurie, dont la normalite se trouve & 0,32 _+ 0,1 mmol/ml pour le rapport CaU/creatU, et & 2,18 _+ 1,2 mmol/100 ml FG pour le rapport CaU/100 ml FG, permet d'apprecier le calcium endogene, essentiellement osseux. Ces deux rapports, apres la prise calcique, donnent une idee de la capacit6 d'absorption calcique. Hormis les hypercalcemies franches (hyperparathyroidie, maladies tumorales) qui, evidemment, persistent & jeun (cependant minorees par rapport aux dosages precedents), darts tousles autres desequilibres, les taux trouves ne se differencient guere des sujets pris comme temoins, et on a observe la meme tendance hypocalcemique. Le PiS et le TmPi sont normaux chez les sujets qui ont ete explores pour une osteoporose [8], et souvent abaisses chez ceux qui ont et6 explores pour suspicion d'hyperparathyrdldie ou pour une hypercalciurie idiopathique. Etat de la fonction parathyro'ldienne Cette epreuve a ete mise au point pour apprecier essentiellement la fonction parathyrofdienne quand les dosages hormonaux etaient moins fiables et non standardises [1]. En effet au cours des annees, les dosages mis & notre d i s p o s i t i o n par le laboratoire de Lariboisiere se sont enrichis, d'abord dosages par competition utilisant des anticorps diriges contre les sequences C terminale (53-84) puis intermediaire (44-68), puis dosages sandwich & deux anticorps (IRMA) en princJpe specifique de la molecule intacte (1-84). Le calcul de I'AmPc nephrogenique et du TmPi permet indirectement de juger de I'activite parathyroi'dienne. Si on respecte les normes du dosage du phosphore, les imprecisions ne peuvent provenir que de la justesse de la mesure de la clearance de la creatinine.
100 80
60 40 20 0
Fig 1. Resultats trouves chez les sujets contrSle et hyperparathyroTdiens. CaS : calc6mie totale ; PiS : p h o s p h o r # m i e ; Cr6at P = creatinine plasmatique ; TmPi : taux maximum de reabsorption du phosphore ; iPTH-C : parathormone 53-84 immunoreactive ; AMPcN : AMPc nephrogenique ; 25OHD : calcidiol ; 24,25 : 24,25 dihydroxyvitamine D ; 1,25 : 1,25 dihydroxyvitamine D ou calcitriol.
Chez I'individu normal, ces dosages et calculs ont 6t6 trouves dans les limites des normes admises, (PTH 1-84 : 22 _+ 6 pg/ml ; fragment 5384 : 45 _+ 14 pg/ml ; fragment 44-68 : 139 _+ 82 pg/ml ; AmPcN : 1,38 + 0,8 mml/100 ml FG ; TmPi : 0,75 _+ 0,1 mml/100 ml FG.) Apres la charge calcique, ils varient discretement dans le sens attendu (diminution des iPtH circulantes ainsi que de I'AmPcU, et augmentation du TmPi). Les hypercalc~mies explorees pour suspicion d'hyperparathyroidie primaire, confirmees par I'ad6nectomie, montrent une augmentation nette des taux de la iPtH (16 cas) (fig 1) ; en revanche, AmPcN et les TmPi ont 6te normaux chez 20 & 40% des sujets respectivement. L'augmentation de I'iPtH est observee dans les trois dosages, cependant le delta d'augmentation par rapport & la limite sup6rieure de la normale est accrue pour le fragment C terminal, et chez deux patients (dont I'hyperparathyrofdie a ete confirmee par I'adenectomie), I'hormone intacte a 6t6 seulement & la limite superieure de la normale. Chez deux patients hypercalc6miques dont les iPtH 6taient normales, I'AmPc nephrogenique a et6 trouve considerablement augment6 : il pourrait s'agir soit de faux negatifs des dosages d'iPtH, soit plus vraisemblablement d'un effet du & la substance PtH like qu'il n'etait pas possible de doser & cette epoque. Dans certains cas de normocalc~mie ou encore d'hypocalcemie (carence vitaminique D, insuffisance renale), on peut observer une augmentation secondaire importante de la fonction parathy-
358
L Miravet et al
roTdienne, plus ou moins franche dans le cas d'hypovitaminose, considerable Iors des insuffisances glomerulaires. Chez les femmes dont le diagnostic indiqu# etait I'osteoporose (avec un ou plusieurs tassements vertebraux et fonction renale normale), et dont I'&ge etait compris entre 45 et 70 ans, c'est&-dire celles qu'on peut considerer comme osteoporoses postmenopausiques, I'analyse de la fonction parathyroi'dienne montre tres frequem-
80-
70 ¸ ¢.O
=-
60
50
• []
40
Te (10) OP(18)
30
20
10 oO
QO
O
O
T mPi
L%l r'.y~.j=rA
iPTH-C
AMPcN
Fig 2. Fonction parathyroidienne des ost6oporoses postmenopausiques jug6es sur TmPi, iPTH-C, AMPcN.
ment une dissociation des taux observes selon les dosages d'iPtH utilises (fragments par competition ou hormone intacte IRMA) [7]. L'hormone intacte peut etre normale alors que I'on trouve une elevation des taux incluant les fragments (fig 2) qui se normalisent apres charge calcique. De m~me, I'AmPc nephrogenique est normal mais I'urinaire se reduit de maniere significative apres charge calcique (fig 3). Ces augmentations pourraient ~tre interpretees comme une hyperparathyrdfdie fruste, probablement due & une carence calcique, ou & un trouble d'utilisation qui modifierait la clearance de I'hormone entiere. Dans les autres situations etudiees, la fonction parathyroTdienne semble normale ; cependant, dans les hypercalciuries idiopathiques, si I'iPtH et I'AmPc nephrogenique sont normaux, le TmPi est diminue dans environ deux tiers des cas, tr~s probablement en rapport avec une fuite renale phosphoree independante de I'hormone parathyroTdienne. De I'ensemble de ces resultats, il ressort un fait dej& signale : le dosage de la parathormone est le meilleur reflet de la fonction parathyroidienne & condition d'utiliser un/des dosages fiables et de savoir les interpreter. Si les dosages de PtH intacte sont indispensables dans les formes franches ou associees & une insuffisance renale, les dosages des fragments circulants, & condition de bien connaftre leur specificite, peuvent avoir un inter6t pour deceler des hyperfonctionnements discrets ou des perturbations metaboliques meritant une analyse plus detaillee. Quant aux dosages de I'AmPc nephrogenique, il ne semble pas apporter de renseignements supplementaires, si ce n'est dans certains cas pour le diagnostic etiologique d'une hypercalcemie extraparathyrofdienne ; d a n s les cas typiques, son efficacite pour deceler un hyperfonctionnement parathyrdfdien est sensiblement reduite par rapport aux dosages de I'hormone parathyrd~dienne circulante [10].
30 20
[] []
o
T6moins Ost~oporoses
L
10 0 -10 -20" -30 e3
-40 PTH
AMPcU
AMPcN
TmPi
Fig 3. Variation des parametres parathyroi'diens apres 1 g de calcium oral.
L'6tat vitaminique D Au debut de I'epreuve, on determine le taux de calcidiol (25 OH vit D) qui est le meilleur reflet du stock vitaminique organique, et le calcitriol (1,25(OH)2 vit D) qui est le metabolite actif tissulaire. Les variations du calcidiol sont importantes en fonction des regions et des saisons. II est donc essentiel de juger les resultats par rapport aux temoins de la m~me region et des dosages effectues aux m~mes periodes. Chez les individus consideres comme normaux, en particulier en hiver et dans les zones citadines, un tiers d'entre eux a des taux de subcarence (entre 5 et 10 ng/ml) ; cependant, la carence reelle (inferieur & 5 ng/ml) est rare mais non exceptionnelle [9]. Chez les femmes ayant une osteoporose postmenopausique, la subcarence semble plus frequente
Une exploration fonctionnelle calcique
encore (50% des sujets, toutes saisons confondues), il est possible que cette diminution soit la consequence d'une vie plus sedentaire avec une exposition solaire reduite (fig 4) ; mais en connaissant I'importance de la vitamine D pour I'equilibre calcique [5], il serait souhaitable de contr61er le taux de calcidiol chez toutes les femmes ayant une osteoporose et, si une carence ou subcarence est presente, faire une repletion [11]. L'hyperparathyroidie accel6re le metabolisme vitaminique par une synth~se accrue de calcitriol ; toutefois celui-ci n'est pas augmente de maniere reguli~re chez les hyperparathyrdl'diens probablement en rapport avec la variation des apports : en effet, le precurseur, le calcidiol, est souvent diminue et en moyenne sensiblement plus b a s q u e celui des individus temoins. Neanmoins, le dosage du calcitriol etant d'introduction recente dans le test, le nombre d' hyperparathyrdldiens explores est trop reduit pour etablir une correlation.
La capacit~ d'absorption calcique intestinale Parametre important - et souvent neglige - & considerer dans I'equilibre calcique, I'appreciation faite avec cette epreuve n'est qu'indirecte, une mesure precise aurait besoin de techniques plus sophistiquees (bilans calciques par isotopes radioactifs, double marquage, etc). Cependant, les variations immediates de la calciurie en fonction de la filtration glomerulaire apres une ingestion importante de calcium element donne un index directement lie aux possibilites d'absorption intestinale sans contrainte importante et avec suffisamment de precision clinique. L'absorption calcique intestinale ainsi mesuree semble ~tre sensiblement plus basse chez les osteoporotiques par rapport aux sujets de m6me &ge non osteoporotiques (fig 5), non modifiee dans les hyperparathyroidies primaires, augmentee de maniere significative dans deux tiers des hypercalciuries idiopathiques.
359
presque les trois quart des hypercalciuries idiopathiques. Dans les osteoporoses, le TmPi & jeun est pratiquement normal, toutefois I'administration calcique I'augmente franchement. Le TmCa, beaucoup moins etudie, est augmente chez les hyperparathyrofdiens et diminue dans la plupart des hypercalciuries idiopathiques. Dans cette epreuve, le comportement renal vis&-vis du calcium et du phosphore est difficilement dissociable de la fonction parathyrofdienne, sauf dans le cas des hypercalciuries idiopathiques, oQ la fonction parathyroi'dienne ne paraft pas, darts notre serie, jouer le rSle principal.
Autres d6s6quilibres La determination de I'albuminemie est indispensable pour juger de la normalite de la calcemie, car toute diminution provoque une hypocalcemie totale artefactuelle. De plus, elle permet indirectemerit d'apprecier I'etat nutritionnel en eliminant, bien entendu, les pathologies qui entraTnent une hypoalbuminemie. 60 50
(65)
4O
.~
3o
~
2o lO o
5
5-10
10-30
~30
f.aux en n g / m !
Fig 4, Distribution des taux de calcidiol trouves chez les sujets contr61e et ost6oporotiques femmes en pourcentage du total des examens r~alis6s. (28 sujets contrSle et 65 ost6oporoses).
Le niveau de remodelage osseux 6-
Le test ne pretend pas remplacer une analyse histomorphometrique, mais la determination simultanee de la calciurie, hydroxyproline urinaire ainsi que de la creatinine & jeun, des phosphatases alcalines seriques et de I'osteocalcine permettent de prevoir un remodelage accru ou normal au moment du test. A I'oppose, ces mesures semblent avoir moins de specificite pour deceler un hyporemodelage. Dans I'hyperparathyrd~'die primitive, on trouve frequemment des signes d'hyper-remodelage de m6me que dans les osteoporoses postmenopausiques.
Le comportement r~nal La reabsorption du phosphore est diminuee chez la moitie des hyperparathyroTdiens et chez
== 5-
= o
4
o
3
.=
-"
2
E 2 e
I
Temoins
+Calcium
Osteoporoses
+Calcium
Fig 5. Absorption calcique chez les sujets contrSle et les osteoporoses postm6nopausiques jugees sur le pourcentage d'augmentation de la calciurie (CaU mmol/100 ml FG).
360
L Miravetet al
Le dosage de la natriurese, le jour qui precede le test, permet de deceler quelques hypercalciuries d'entraTnement, oQ la simple reduction de I'apport sode est capable de normaliser la calciurie. II est connu que le magnesium joue un r61e important Iors de la s6cretion de I'hormone parat h y r o i d i e n n e . Une h y p o m a g n 6 s e m i e chez I'homme s'accompagne d'une hypocalcemie qui ne repond ni & I'hormone parathyrdfdienne, ni & la vitamine D. De multiples causes peuvent 6tre & I'origine d'une carence magnesique (apport insuffisant, perte urinaire excessive, effets medicamenteux). Chez la totalit6 des individus explores, on a trouve en proportion non negligeable des hypomagnesemies (inferieures & 0,7 mml/I, dont deux inf6rieures & 0,4 mml/I), sans correlation apparente avec I'une ou I'autre des pathologies ~tudi6es. Ces hypomagn~semies ont et6 de decouverte fortuite car la plupart d'entre elles n'etaient pas suspectees avant 1'6preuve. Cette prevalence devrait inciter & contr61er plus souvent la magnesemie. II serait evidemment int6ressant de contr61er son taux dans une population plus large afin de preciser son incidence r~elle dans une population generale avec ou sans pathologie calcique.
Discussion
L'avantage de I'epreuve telle qu'elle est realisee est de pouvoir analyser simultanement dans des conditions standardisees, I'etat humoral et hormonal du sujet ainsi que les fonctions renale et digestive qui sont indispensables a une interpretation correcte des r6sultats humoraux [1,4]. Ainsi, devant une hypercalcemie il est important defeconnaTtre le plus rapidement possible sa veritable cause, essentiellement de savoir si elle est d'origine tumorale ou parathyrd~dienne. Pour certaines hypercalcemies, I'avenir du malade en d6pend car I'origine tumorale de I'hypercalc~mie n'est pas toujours 6vidente. Le diagnostic positif d'hyperparathyroidie primitive n'est pas aise & poser et repose essentiellement sur la comparaison des taux de calc6mie et de parathormone apres s'6tre assure que la fonction renale est normale. L'hypers~cretion parathyrdidienne est actuellement jug6e sur le taux d'hormone intacte 1-84 mesure par un systeme sandwich & deux anticorps bien que celui-ci ne soit pas obligatoirement le plus discriminant et comporte un certain nombre de faux negatifs. Ce test permet en principe d'offrir les meilleures chances de certitude d'un diagnostic positif en combinant sur un m~me echantillon la mesure d'un bilan phosphocalcique standard, de la fonction renale et de la fonction parathyro'fdienne jug~e aussi bien sur les differentes formes hormonales circulantes que sur la mesure dynamique de I'AmP cyclique nephrogenique.
II permet egalement de poser au mieux les indications therapeutiques : -surveillance reguliere en cas d'hypercalcemie discrete (< 2,80 mmol/I) ; intervention chirurgicale au-del& de 2,80 mmol/I en sachant que I'adenomectomie, m~me avec I'aide des techniques modernes de Iocalisation preop~ratoire (6chographie, scintigraphie de soustraction, RMN) peut presenter des difficultes d'autant que la taille de I'adenome n'est pas proportionnelle a I'importance des troubles biologiques (calcemie, taux de parathormone circulante). La decouverte de petits adenomes est souvent difficile, surtout en cas de Iocalisation ectopique ; c'est pourquoi la biologie dolt donner au chirurglen le maximum de certitude pour I'inciter & une recherche poussee car en cas d'echec, une reintervention sera toujours beaucoup plus compliquee. En outre, le test permet d'exclure une hypercalcemie familiale benigne Iorsque I'exploration de la fratrie est impossible parce qu'inaccessible ou inexistante. Les hypercalc6mies tumorales sont le plus souvent caracterisees par I'association d'une hypercalcemie tr~s importante et d'un taux de parathormone circulante normal ou abaisse et c'est la une des indications majeures du dosage de la parathormone intacte. Lorsque le doute subsiste, la decouverte d'un taux d'Amp cyclique nephrogenique eleve emportera au moins autant la certitude que la mesure de la PTHrp dont I'interpretation restera toujours delicate tant que les difficult6s liees aux conditions de prel6vements ne seront pas resolues. Ce test est particulierement utile pour mettre en evidence ia participation des differents facteurs mis en jeu dans les maladies multifactorielles telles que les ost~oporoses dont la pathologie r6sulte tres vraisemblablement d'une cascade d'ev6nements. II permet de guider les indications therapeutiques en agissant sur certains facteurs secondaires (hyperparathyrdidie sec-ondaire & une carence calcique avec ou sans defaut d'absorption intestinale, avec ou sans deficience vitaminique D), surtout Iorsqu'une hormonotherapie substitutive est contre-indiquee ou non souhaitee. La correction de ces defauts, qui sont loin d'6tre exceptionnels, pourrait aider & stabiliser une situation, etant evidemment souhaitable de prendre ces mesures p r 6 c o c e m e n t . De I'ensemble de I'analyse, il resulte que les perturbations de 1'6quilibre calcique et/ou hormonal, bien que discretes, sont frequentes dans les ost6oporoses. Dans ces conditions, il est loin d'etre superflu de vouloir connaftre de fa£~on precise I ' i m p o r t a n c e de ces perturbations, d'autant qu'elles sont tr~s variables d'un individu & I'autre. Ces parametres permettent de plus d'apprecier un hyper-remodelage osseux. Avec des param6tres comparables, Christiensen et al [3] ont pu
Uneexplorationfonctionnellecalcique
prevoir la perte osseuse des annees suivantes, ce qui peut ~tre interessant pour etablir les risques de perte excessive et, en consequence, prendre des mesures preventives. Cependant, des etudes prospectives supplementaires seraient necessaires pour etablir si, avec ces mesures, on peut determiner un profil de femmes & risque d'osteo ~ porose chez celles qui ont un BMD diminue sans fracture pathologique, c'est-&-dire celles qui ont une osteopenie. Le choix d'une therapeutique adequate des hypercalciuries passe par une appreciation aussi exacte que possible de leur mecanisme. En effet, de celui-ci dependront les modalites et I'efficacite de I'intervention therapeutique. Un test comme celui-ci permet d'explorer toutes les pathogenies en cause dans les hypercalciuries sauf peut-~tre quelques desequilibres alimentaires. Enfin, I'etablissement d'une etiopathogenie correcte peut devenir une urgence Iorsque I'hypercalciurie s'accompagne de lithiase. Toutefois, le classement standard des hypercalciuries est difficile & suivre. En effet, il est admis que les hypercalciuries idiopathiques peuvent ~tre classees en trois groupes : -dites ,, absorptives ,~, dont I'absorption calcique intestinale est augmentee, la calciurie & jeun normale et le calcitriol parfois augmente ; - dites ,, renales ,,, avec une calciurie & jeun elevee, une fonction parathyrdfdienne accrue signalee par une augmentation de I'iPtH et de I'AMP cyclique nephrogenique qui seraient freinable par le calcium ingere ; -consequence d'une ,, fuite renale phosphoree primitive ,, dont le PiS et le TmPi sont diminues avec une augmentation secondaire du calcitriol et, evidemment, de I'absorption intestinale calciq.ue [2]. A cette classification, il faudrait en plus ajouter les hypercalciuries ,, nutritionnelles ,,, c'est-&-dire secondaires & des desequilibres alimentaires, soit par un apport excessif de calcium (eaux fortement calciques), soit par des regimes trop riches en sodium, protides ou alcool qui provoquent des hypercalciuries (par entrafnement, par acidification excessive, par augmentation de la filtration glomerulaire). La maniere la plus simple de les d6celer est une modification du regime qui produit une reduction evidente de la calciurie. Dans les tests effectues, les variations observees semblent donner une preeminence & la troisieme forme decrite dans la classification physiopathologique classique des hypercalciuries, c'est-&-dire les hyperabsorptions intestinales avec une diminution evidente du PiS et du TmPi, sans qu'on puisse regulierement mettre en evidence une elevation du calcitriol ni de la fonction parathyrdfdienne. Cependant, dans la plupart des series publiees, les raisons les plus courantes des hypercalciuries sont les desequilibres nutritionnels ou I'hyperabsorption intestinale calcique. II est donc probable qu'il y a eu un biais de selection dans notre serie ou qu'une therapeutique
361
prealable a modifie le profil biochimique de ces sujets. Au total, ce test en apparence assez Iourd compense sa complication et son relatif desagrement par la somme des renseignements fournis en une seule fois. II est difficile de remplacer ces informations par des examens fractionnes car, si on choisit parmi les dosages pour chaque pathologie celui qui pourrait etre le plus performant, on s'aper£~oit vite qu'aucun n'est un marqueur parfait e t a besoin d'etre complete par une ou deux mesures supplementaires. Les faire successivement, en plus de diminuer leur efficacite (car les conditions ne sont jamais comparables et donc leur interpretation plus delicate), augmente le temps reel qui leur est consacre et, d'autre part, ne diminue pas obligatoirement la depense economique et le delai de reponse. Par ailleurs, il serait incongru de faire les clearances separement et illogique de ne pas associer les dosages hormonaux si on les considere utiles pour le diagnostic.
Conclusion
Le survol des possibilit6s de cette 6preuve fonctionnelle calcique et des anomalies le plus souvent retrouvees donne une idee de ce qu'on peut attendre d'elle et de son eventuelle utilite pour une meilleure compr6hension des maladies metaboliques osseuses. A premiere vue, parmi les d6terminations effectu6es, celle de AmPc nephrogenique a ete decevante pour evaluer I'hyperfonctionnement parathyroi'dien primitif oQ elle ne semble aujourd'hui ajouter aucune sensibilite particuliere ; cependant, comme la PtHrp augmente son excretion, elle trouve, en association avec le dosage des hormones parathyroidiennes, une application inattendue pour le diagnostic positif des hypercalcemies paraneoplasiques rant que les difficultes de prelevement pour le dosage de la PtHrp ne seront pas resolues. II pourrait etre utile de lui adjoindre maintenant quelques autres examens tels que celui de I'uree urinaire (appreciant I'ingestion des protides), de I'uraturie (pour mieux definir les causes d'une hypercalciurie), de la pyridinoline (pour ameliorer I'appreciation du remodelage osseux). Neanmoins, telle qu'elle est etablie, elle apporte un complement d'information utile pour determiner les desequilibres du metabolisme calcique et/ou phosphore ainsi que pour juger de la reponse osseuse.
R~f6rences
Broadus AE, Mahaffey C, Bartter FC, Neer RM (1977) Nephrogenous cyclic adenosine monophosphate as a parathyroid function test. J Clin Invest 60, 771-783
362
L Miravetet al
2
Broadus AE, Dominguez M, Bartter FC (1978) Pathophysiological studies in idiopathics hypercalciuria use of oral tolerance test to characterize distinctive hypercalciuric subgroups. J Clin Endocrinol Metab 47, 751-760
3
Chdstiensen C, Riis BJ, Radbro P (1990) Screening procedure for women at risk of developing postmenopausal osteoporosis. Osteoporosis Int 1, 35-40
4
Eastell R, Yergey AL, Vieira NE, Cedel SL, Kumar R, Riggs BL (1991) Interrelationship among vitamin D metabolism, true calcium absorption, parathyroid function and age in women: evidence of age-related intestinal resistence to 1,25 dihydroxyvitamin D action. J Bone Miner Res 6, 125-132
7
Kotowicz MA, Klee GG, Kao PC, O'Fallon SF, Cedell SL, Ericksen EF, Gonchoroff DG, Judd HL, Riggs BL (1990) Relationship between intact parathyroid hormone concentrations and bone remodeling in type I osteoporosis ; evidence that skeletal sensitivity is increased. Osteoporosis Int 1, 14-22
8
Kotowicz MA, Melton LJ Ill, Cedel SL, O'Fallon WM, Riggs BL (1990) Effect of age on variables relating to calcium and phosphorus metabolism in women. J Bone Miner Res 5,345-352
9
Lemoine A, Le Devehat C, Herberth B, Bourgeay M, Delecoux E, Mareschi JP, Martin JY, Miravet L, Pottier de Courcy G, Zittoun J (1986) ESVITAF, Vitamin D status in three groups of French adults. Ann Butr Metab 30S1,4-98
5
Fonseca V, Agnew JE, Nay D, Dandona P (1988) Bone density and cortical thickness in nutritional vitamin D deficiency: effect of secondary hyperparathyroidism. Ann Clin Biochem 25,271-274
10 Neelon FA, Drezner M, Birch BM, Lebowitz M (1973) Urinary cyclic adenosine monophosphate as an aid in the diagnosis of hyperparathyroidism. Lancet i, 631-634
6
Gardin JP, Paillard M (1984) Normocalcemic primary hyperparathyroidism resistance to PTH effect on tubular reabsorption of calcium. Miner Electr Metab 10, 301-308
11 Villareal DT, Civitelli R, Chines A, Avioli LV (1991) Subclinical vitamin D deficiency in postmenopausal women with low vertebral bone mass. J Cfin Endocrinol Metab 72,528-634